R. c. M.O., 2010 QCCQ 6014 (CanLII)
[53] Dans une récente décision, mon collègue Pierre Bélisle, J.C.Q. impose une peine globale de sept ans à un homme qui avait agressé son fils et ses trois neveux à répétition sur plusieurs années. Il écrivait (R. c. N.L. 2010 QCCQ 629 (CanLII), 2010, QCCQ, 629) :
« Par. 35 : Une peine d’emprisonnement avec sursis est totalement inappropriée dans les circonstances pour des infractions commises sur une aussi longue période par un accusé en situation de confiance ou d’autorité à l’égard de victimes adolescentes ou envers un jeune adulte ayant une déficience mentale.
Par. 36 : Par conséquent, une peine de détention ferme de plus de deux ans s’impose dans cette affaire. (…) »
[54] Il y a aussi lieu de rappeler, comme il l’a fait que depuis les incidents envers la victime, une peine minimale de 45 jours d’incarcération est prévue par le législateur.
[55] Le Tribunal est du même avis que la peine de sursis serait inadéquate. Elle ne répondrait surtout pas aux critères de dénonciation et de dissuasion générale et spécifique.
[56] C’est comme suit que notre Cour d’appel rappelle l’importance des ces facteurs lorsqu’en présence d’infractions sexuelles commises par une personne en relation d’autorité, dans l’arrêt R. c. R.D. 2008 QCCA 164 (CanLII), 2008 QCCA 164, par. 55 :
« Le second facteur aggravant est la relation d’autorité et de confiance entre la victime et l’intimé. L’importance de ce facteur est bien notée par l’auteur renommé Clayton Ruby, qui, s’appuyant sur la jurisprudence, affirme que l’abus sexuel par un adulte en relation de confiance avec un enfant milite pour une peine d’au moins quatre ans d’incarcération :
"Where the offender is in a position of trust in relation to the child, the violation of this by sexual abuse will often be noted by the court as an aggravating factor. Four years’ imprisonment for the sexual assault of a child by an adult in a position of trust has been recognised as a starting point"[1] ».
[57] Toujours dans R. c. R.D., on écrit, (par. 44) :
« La Cour d’appel de l’Ontario a indiqué, à plusieurs reprises, qu’une peine avec sursis devrait rarement être imposée dans les cas d’agressions sexuelles sur des mineurs lorsque l’agresseur est en position d’autorité et de confiance. Dans R. c. D.R., elle a substitué une peine d’emprisonnement ferme à celle d’une incarcération avec sursis, dans une affaire d’agression sexuelle commise par un père sur sa fille de quinze ans, pendant une période de plus d’un an. voici comment elle s’est exprimée :
"While sentences imposed by sentencing judges attract considerable deference from this court, on the facts of this case, we conclude that the governing principles of denunciation and deterrence, both specefic and general, cannot be satisfied by a conditional sentence. This court has repeatedly indicated that a conditional sentence should rarely be imposed in cases involving the sexual touching of children by adults, particularly where, as here, the sexual violation is of a vulnerable victim by a person in a position of trust. In addition, circumstances that involve multiple sexual acts over an extended period of time and escalating in intrusiveness generally warrant a severe sentence. (Références omises) The trial judge, with respect, failed in this case to give adequate or any consideration to those controlling principes. […]" »
[58] Par après, dans G.L. c. R., 2008 QCCA 2401 (CanLII), 2008 QCCA 2401, notre Cour d’appel révise ses propres décisions entre 2005 et 2008 eu égard entre autre aux objectifs de la dénonciation et de la dissuasion, « … facteurs d’une importance particulière dans les crimes de cette nature perpétrés contre des enfants ». (par 22; voir également par. 20).
[59] En particulier, elle rappelle que la peine de dix ans imposée par le juge de première instance Claude Provost, J.C.Q. avait été maintenue (G.L. c. R., 2005 QCCA 597 (CanLII), 2005 QCCA 597). Outre le nombre de victimes qui était de trois, cette affaire avait des ressemblances toutes particulières avec la présente affaire. L’accusé se considérait comme victime de la provocation des jeunes filles. Les infractions constituaient un mauvais traitement des jeunes filles de ses conjointes de même qu’un abus de confiance et d’autorité à leur égard. Il y avait un grand nombre d’agressions, de très longues périodes de temps durant lesquelles les infractions ont eu lieu, ainsi que des séquelles physiques et psychologiques subies par au moins une victime. La culpabilité morale de l’accusé était patente. Jamais il n’avait manifesté le moindre remords, ni la moindre compassion ou empathie pour ses victimes. Le juge avait privilégié les objectifs de dénonciation d’exemplarité collective, de dissuasion individuelle et de conscientisation personnelle. La Cour d’appel lui donnait raison.
[60] Très récemment (le 18 mai 2010) notre Cour d’appel rappelait (R. c. M.S., 2010 QCCA 964 (CanLII), 2010 QCCA 964, par. 37) :
« La vengeance n’a pas sa place dans la détermination de la peine, mais la peine infligée à l’intimé doit tout de même refléter la répugnance de la société pour les crimes à caractère sexuel commis contre de jeunes enfants et sanctionner adéquatement la culpabilité morale de l’intimé »
La note au bas de page précisait :
« Dans R. c. M. (C.A., 1996 CanLII 230 (C.S.C.), 1996 CanLII 230 (C.S.C.), [1996] 1 R.C.S. 500, le juge en chef Lamer, s’exprimant pour une Cour surpême unanime, explique pourquoi le châtiment – contrairement à la vengeance – est un principe légitime, pertinent et important de la détermination de la peine. Au-delà des considérations utilitaristes liées à la dissuasion et à la réadaptation, les sanctions pénales doivent également être infligées afin de sanctionner adéquatement la culpabilité morale du contrevenant (par. 76-80) ».
[61] Pour l’ensemble de ces raisons et plus particulièrement, compte tenu des facteurs aggravants, la détention ferme s’impose. Et les objectifs de dénonciation, d’exemplarité collective, de dissuasion individuelle et de conscientisation personnelle amène le Tribunal à lui imposer une peine d’incarcération de 6 ans sur chaque chef, peine à être purgée de façon concurrente.
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