Papalia c. R., [1979] 2 R.C.S. 256
Halsbury commente ainsi la règle de la «meilleure preuve» (4e éd., vol. 17, à la p. 8):
«En plus d’être une question de simple prudence, c’est un principe établi de longue date que la preuve doit être la meilleure possible vu la nature de l’affaire. Cependant, toute interprétation rigoureuse de ce principe est, depuis longtemps, désuète et cette règle ne conserve son importance qu’en ce qui a trait à la meilleure preuve des documents privés. Il est évidemment logique d’exiger la production du document original lorsqu’il est disponible plutôt que de s’en remettre à des copies qui peuvent laisser à désirer ou aux souvenirs des témoins, bien que les techniques modernes affaiblissent les objections à la première solution.»
La règle elle-même, dans sa formulation relativement moderne, n’exclut pas catégoriquement la preuve secondaire. Le Maître des rôles, lord Esher, l’énonce dans Lucas v. Williams & Sons, (1892) 2 Q.B. à la p. 116:-
«Voici ce que l’on entend par «meilleure» preuve et preuve «secondaire»: la meilleure preuve est celle dont la loi exige en premier lieu la production; la preuve secondaire est la preuve qui peut être produite en l’absence de la meilleure preuve dont la loi exige en premier lieu la production lorsque l’absence de la meilleure preuve est adéquatement expliquée.»
Lord Denning aurait sorti la question de la preuve secondaire du domaine de la recevabilité pour la placer dans celui de la force probante. Il dit, dans Garton v. Hunter, (1969) 2 Q.B. 37 à la p. 44:
«Il est évident que le lord juge Scott pensait à l’ancienne règle qu’une partie doit produire la meilleure preuve possible vu la nature de l’affaire et qu’il faut exclure toute preuve moins bonne. Cette règle ancienne est depuis longtemps périmée. Tout ce qui en reste est, je crois, l’obligation de produire un document original lorsqu’on l’a en sa possession. On ne peut en donner une preuve secondaire en produisant une copie. Aujourd’hui, on ne se limite pas à la meilleure preuve. Toute preuve pertinente est recevable. Sa qualité touche seulement sa force probante et non sa recevabilité.»
Cependant, le conseil de prudence donné par Halsbury va dans le même sens que le principe énoncé par McCormick on Evidence, 2e éd. à la p. 571:
«Si le document original a été détruit par la personne qui offre la preuve de son contenu, cette preuve est irrecevable à moins qu’en établissant que la destruction était accidentelle ou a été faite de bonne foi, sans vouloir empêcher son utilisation en preuve, elle réfute, à la satisfaction du juge du procès, tout soupçon de fraude.»
Le même principe doit s’appliquer aux bandes magnétiques.
En l’espèce, je crois que le ministère public a satisfait à l’obligation que mentionne McCormick. La destruction des bandes originales a été faite de bonne foi et les reproductions sont reconnues comme authentiques. Les appelants appuient leur prétention que seules les bandes magnétiques originales sont recevables en preuve sur les décisions rendues par un seul juge dans R. v. Stevenson, 55 Cr. App. R. 171 et R, v. Robson, 56 Cr. App. R. 450. Toutefois, dans ces deux affaires, l’authenticité des enregistrements produits était sérieusement contestée et les décisions sur leur recevabilité ne peuvent servir de guide vu les faits de la présente espèce. De même, les appelants ont cité plusieurs décisions de tribunaux d’États américains où la règle de la meilleure preuve a été appliquée strictement pour exclure les reproductions de bandes magnétiques. Je préfère, cependant, l’opinion que la Cour fédérale a exprimée dans United States v. Knohl, 379 F. 2d 427 (1967) à la p. 440:
«Lorsque la reproduction d’une conversation enregistrée sur bande est produite et que le juge du fond est d’avis qu’une bonne justification en a été donnée et que la reproduction est authentique et exacte, il est absurde et inutile d’appliquer la règle de la meilleure preuve de façon formaliste et rigoureuse. Johns v. United States, 323 F. 2d. 421 (5 Cir. 1963). L’analyse de la règle qu’a faite le juge Sutherland, siégeant comme juge de circuit au Deuxième circuit, dans United States v. Manton, 107 F. 2d. 834, 845 (2 Cir. 1939) est pertinente:
La règle n’est pas fondée sur l’opinion que ce qu’on appelle la preuve secondaire est irrecevable, puisque, s’il est impossible d’obtenir la meilleure preuve, elle devient aussitôt recevable. Et si, comme en l’espèce, il appert que la soi-disant preuve secondaire a manifestement la même valeur probante que la soi-disant meilleure preuve et qu’on ne peut raisonnablement craindre la fraude ni la supercherie, la règle de la meilleure preuve n’est plus justifiée et n’a plus lieu d’être dans ce cas, conformément à la maxime bien connue—si la raison d’être de la loi disparaît, la loi elle-même doit disparaître.
Une application trop formaliste et exagérée de la règle de la meilleure preuve ne fait qu’entraver la marche de l’enquête sans aucunement servir la vérité.»
Cependant, nous ne sommes pas sans savoir que les enregistrements peuvent être altérés et qu’ils ont souvent un effet persuasif et parfois même spectaculaire sur le jury. Le gouvernement doit donc fournir des preuves claires et convaincantes de l’authenticité et de la fidélité pour fonder la recevabilité de ces enregistrements; lorsque la Cour reconnaît leur authenticité et leur fidélité mais que la preuve est contradictoire sur ces points, elle doit demander au jury de scruter minutieusement la preuve.»
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