Résumé
Depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, en particulier, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada a permis de mieux comprendre et consolider les fondements de la responsabilité pénale en droit canadien. L’auteur esquisse ci-dessous les grands traits de cette jurisprudence qui veut fonder la responsabilité sur la présence d’une forme d’intention criminelle et, en définition, l’acte volontaire d’une personne humaine libre.
Tiré de :
Louis LeBel / Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 3-4, 2009, p. 735-748.
http://id.erudit.org/iderudit/039339ar
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039339ar.pdf
vendredi 30 décembre 2011
Les conditions d'application de l’article 33.1 C. cr.
R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)
[89] En raison de la conclusion qui précède, il devient maintenant pertinent de s’interroger sur l’applicabilité de l’art. 33.1 C. cr. Cette disposition s’applique lorsque trois conditions sont réunies : (1) l’accusé était intoxiqué au moment des faits; (2) cette intoxication était volontaire; et (3) l’accusé s’est écarté de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la société canadienne en portant atteinte ou en menaçant de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui (références omises). Lorsque la preuve de ces trois éléments est établie, l’accusé ne peut soulever une défense basée sur l’absence d’intention générale ou de la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.
[90] L’intoxication volontaire visée par l’art. 33.1 C. cr. est circonscrite dans le temps. Elle correspond à la période au cours de laquelle la substance consommée par l’accusé produit ses effets. Le paragraphe 33.1(2) C. cr. ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il prévoit qu’une personne « est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui ». L’article 33.1 C. cr. veut empêcher un accusé d’échapper à sa responsabilité criminelle au motif que l’état d’intoxication dans lequel il se trouvait au moment des faits l’a rendu incapable de former l’élément moral ou d’avoir la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.
[91] L’article 33.1 C. cr. s’applique donc à toute condition mentale qui constitue le prolongement direct d’un état d’intoxication. Il importe également de préciser que cette disposition n’établit aucune distinction relative à la gravité des effets de l’intoxication volontaire. L’appelant a tort de suggérer qu’il ne s’applique qu’aux « effets normaux » de l’intoxication. Il n’existe aucun seuil d’intoxication à partir duquel l’état d’un accusé échappe à l’application de l’art. 33.1 C. cr. Une psychose toxique peut donc faire partie des états d’intoxication visés par cette disposition. C’est le cas en l’espèce. La Cour d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit en concluant à l’application de l’art. 33.1 C. cr. plutôt que de l’art. 16 C. cr.
[89] En raison de la conclusion qui précède, il devient maintenant pertinent de s’interroger sur l’applicabilité de l’art. 33.1 C. cr. Cette disposition s’applique lorsque trois conditions sont réunies : (1) l’accusé était intoxiqué au moment des faits; (2) cette intoxication était volontaire; et (3) l’accusé s’est écarté de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la société canadienne en portant atteinte ou en menaçant de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui (références omises). Lorsque la preuve de ces trois éléments est établie, l’accusé ne peut soulever une défense basée sur l’absence d’intention générale ou de la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.
[90] L’intoxication volontaire visée par l’art. 33.1 C. cr. est circonscrite dans le temps. Elle correspond à la période au cours de laquelle la substance consommée par l’accusé produit ses effets. Le paragraphe 33.1(2) C. cr. ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il prévoit qu’une personne « est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui ». L’article 33.1 C. cr. veut empêcher un accusé d’échapper à sa responsabilité criminelle au motif que l’état d’intoxication dans lequel il se trouvait au moment des faits l’a rendu incapable de former l’élément moral ou d’avoir la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.
[91] L’article 33.1 C. cr. s’applique donc à toute condition mentale qui constitue le prolongement direct d’un état d’intoxication. Il importe également de préciser que cette disposition n’établit aucune distinction relative à la gravité des effets de l’intoxication volontaire. L’appelant a tort de suggérer qu’il ne s’applique qu’aux « effets normaux » de l’intoxication. Il n’existe aucun seuil d’intoxication à partir duquel l’état d’un accusé échappe à l’application de l’art. 33.1 C. cr. Une psychose toxique peut donc faire partie des états d’intoxication visés par cette disposition. C’est le cas en l’espèce. La Cour d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit en concluant à l’application de l’art. 33.1 C. cr. plutôt que de l’art. 16 C. cr.
Les conditions d’application de la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux
R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)
[55] Le paragraphe 16(2) C. cr. dispose que « [c]hacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle ». Lorsqu’un accusé souhaite échapper à sa responsabilité criminelle pour ce motif, il lui appartient de prouver selon la balance des probabilités qu’il était, au moment des faits reprochés, atteint de « troubles mentaux qui [le] rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.). Dans l’arrêt Chaulk, notre Cour a statué que ce fardeau de preuve imposé à l’accusé violait la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d) de la Charte, mais qu’il constituait néanmoins une limite raisonnable à celle-ci dans une société libre et démocratique.
[56] L’accusé qui souhaite présenter avec succès une défense de troubles mentaux doit ainsi satisfaire aux exigences d’un test en deux étapes, d’origine législative. La première étape concerne la qualification de l’état mental de l’accusé. La question cruciale à trancher au procès est alors de savoir si l’accusé souffrait de troubles mentaux au sens juridique au moment des faits reprochés. La deuxième étape de la défense prévue à l’art. 16 C. cr. porte sur les effets des troubles mentaux. On doit alors décider si la condition mentale de l’accusé le rendait incapable de « savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.).
(1) L’incapacité doit découler d’une maladie de l’esprit
[58] Le Code criminel ne contient aucune définition précise de la notion de « troubl[e] menta[l] » pour l’application de l’art. 16 C. cr. L’article 2 C. cr. prévoit simplement qu’un trouble mental est un terme qui englobe « [t]oute maladie mentale » (« disease of the mind » en anglais). En raison de cette définition circulaire, les tribunaux ont dû définir graduellement les contours de ce concept juridique.
[59] La jurisprudence découlant de l’arrêt Cooper confirme clairement la portée très large du concept juridique de « trouble mental ». Dans cette décision, le juge Dickson a mentionné que le concept de maladie mentale comprend « toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et son fonctionnement » (p. 1159). Dans l’arrêt Rabey, le juge Dickson a précisé que « [l]e concept est vaste : il englobe des troubles mentaux d’origine organique et fonctionnelle, guérissables ou non, temporaires ou non, susceptibles de se répéter ou non » (p. 533). (...)
[60] Le concept de « trouble mentaux » demeure évolutif. Ce caractère permet une adaptation continuelle aux progrès de la science médicale (R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.)). En conséquence, il ne sera sans doute jamais possible de définir et d’énumérer de façon exhaustive les conditions mentales qui constituent une « maladie mentale » au sens de l’article 2 C. cr. (...)
(2) La qualification d’une condition mentale comme « trouble mental » est un exercice juridique lié au substrat médical et scientifique
[61] En vertu du Code criminel, la maladie mentale représente un concept juridique qui comprend une dimension médicale. Bien que l’expertise médicale constitue une composante essentielle de l’exercice de qualification juridique, il est acquis depuis longtemps en droit positif que la qualification d’une condition mentale comme un « trouble mental » demeure une question de droit que le juge du procès doit trancher. Dans le cas d’un procès devant jury, elle ne relève pas de ce dernier, mais du juge. Comme le juge Martin l’a rappelé dans un extrait souvent cité de l’arrêt Simpson, [traduction] « [i]l appartient au psychiatre de décrire l’état mental de l’accusé et d’exposer ce qu’il implique du point de vue médical. Il appartient au juge de décider si l’état décrit est compris dans l’expression “maladie mentale” » (p. 350). Lorsque le juge conclut en droit que la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental », il appartient éventuellement au jury de décider si, dans les faits, ce dernier souffrait d’un tel trouble mental au moment de l’infraction.
[62] Ainsi, le juge du procès n’est pas lié par la preuve médicale puisque celle-ci ne prend généralement pas en considération les éléments d’ordre public qui font partie de l’analyse requise par l’art. 16 C. cr. (Parks, p. 899-900). De même, l’opinion d’un expert sur la question juridique de savoir si la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental » au sens du Code criminel ne jouit que de [traduction] « peu ou d’aucune valeur probante » (R. c. Luedecke, 2008 ONCA 716 (CanLII), 2008 ONCA 716, 269 O.A.C. 1, par. 113).
[63] L’arrêt R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, a fait une synthèse des rôles respectifs de l’expert, du juge et du jury. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Bastarache a affirmé que :
Prise isolément, la question de savoir quels états mentaux sont englobés par l’expression « maladie mentale » est une question de droit. Toutefois, le juge du procès doit également déterminer si l’état dans lequel l’accusé prétend s’être trouvé satisfait au critère juridique de la maladie mentale. Il lui faut alors évaluer la preuve présentée dans l’affaire dont il est saisi, au lieu d’un principe général de droit, de sorte qu’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait. […] La question de savoir si l’accusé souffrait véritablement d’une maladie mentale est une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits. [référence omise; par. 197.]
[55] Le paragraphe 16(2) C. cr. dispose que « [c]hacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle ». Lorsqu’un accusé souhaite échapper à sa responsabilité criminelle pour ce motif, il lui appartient de prouver selon la balance des probabilités qu’il était, au moment des faits reprochés, atteint de « troubles mentaux qui [le] rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.). Dans l’arrêt Chaulk, notre Cour a statué que ce fardeau de preuve imposé à l’accusé violait la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d) de la Charte, mais qu’il constituait néanmoins une limite raisonnable à celle-ci dans une société libre et démocratique.
[56] L’accusé qui souhaite présenter avec succès une défense de troubles mentaux doit ainsi satisfaire aux exigences d’un test en deux étapes, d’origine législative. La première étape concerne la qualification de l’état mental de l’accusé. La question cruciale à trancher au procès est alors de savoir si l’accusé souffrait de troubles mentaux au sens juridique au moment des faits reprochés. La deuxième étape de la défense prévue à l’art. 16 C. cr. porte sur les effets des troubles mentaux. On doit alors décider si la condition mentale de l’accusé le rendait incapable de « savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.).
(1) L’incapacité doit découler d’une maladie de l’esprit
[58] Le Code criminel ne contient aucune définition précise de la notion de « troubl[e] menta[l] » pour l’application de l’art. 16 C. cr. L’article 2 C. cr. prévoit simplement qu’un trouble mental est un terme qui englobe « [t]oute maladie mentale » (« disease of the mind » en anglais). En raison de cette définition circulaire, les tribunaux ont dû définir graduellement les contours de ce concept juridique.
[59] La jurisprudence découlant de l’arrêt Cooper confirme clairement la portée très large du concept juridique de « trouble mental ». Dans cette décision, le juge Dickson a mentionné que le concept de maladie mentale comprend « toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et son fonctionnement » (p. 1159). Dans l’arrêt Rabey, le juge Dickson a précisé que « [l]e concept est vaste : il englobe des troubles mentaux d’origine organique et fonctionnelle, guérissables ou non, temporaires ou non, susceptibles de se répéter ou non » (p. 533). (...)
[60] Le concept de « trouble mentaux » demeure évolutif. Ce caractère permet une adaptation continuelle aux progrès de la science médicale (R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.)). En conséquence, il ne sera sans doute jamais possible de définir et d’énumérer de façon exhaustive les conditions mentales qui constituent une « maladie mentale » au sens de l’article 2 C. cr. (...)
(2) La qualification d’une condition mentale comme « trouble mental » est un exercice juridique lié au substrat médical et scientifique
[61] En vertu du Code criminel, la maladie mentale représente un concept juridique qui comprend une dimension médicale. Bien que l’expertise médicale constitue une composante essentielle de l’exercice de qualification juridique, il est acquis depuis longtemps en droit positif que la qualification d’une condition mentale comme un « trouble mental » demeure une question de droit que le juge du procès doit trancher. Dans le cas d’un procès devant jury, elle ne relève pas de ce dernier, mais du juge. Comme le juge Martin l’a rappelé dans un extrait souvent cité de l’arrêt Simpson, [traduction] « [i]l appartient au psychiatre de décrire l’état mental de l’accusé et d’exposer ce qu’il implique du point de vue médical. Il appartient au juge de décider si l’état décrit est compris dans l’expression “maladie mentale” » (p. 350). Lorsque le juge conclut en droit que la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental », il appartient éventuellement au jury de décider si, dans les faits, ce dernier souffrait d’un tel trouble mental au moment de l’infraction.
[62] Ainsi, le juge du procès n’est pas lié par la preuve médicale puisque celle-ci ne prend généralement pas en considération les éléments d’ordre public qui font partie de l’analyse requise par l’art. 16 C. cr. (Parks, p. 899-900). De même, l’opinion d’un expert sur la question juridique de savoir si la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental » au sens du Code criminel ne jouit que de [traduction] « peu ou d’aucune valeur probante » (R. c. Luedecke, 2008 ONCA 716 (CanLII), 2008 ONCA 716, 269 O.A.C. 1, par. 113).
[63] L’arrêt R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, a fait une synthèse des rôles respectifs de l’expert, du juge et du jury. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Bastarache a affirmé que :
Prise isolément, la question de savoir quels états mentaux sont englobés par l’expression « maladie mentale » est une question de droit. Toutefois, le juge du procès doit également déterminer si l’état dans lequel l’accusé prétend s’être trouvé satisfait au critère juridique de la maladie mentale. Il lui faut alors évaluer la preuve présentée dans l’affaire dont il est saisi, au lieu d’un principe général de droit, de sorte qu’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait. […] La question de savoir si l’accusé souffrait véritablement d’une maladie mentale est une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits. [référence omise; par. 197.]
La défense prévue à l’article 16 C. cr. : une exception au principe général de l’imputabilité pénale
R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)
[45] En effet, une règle traditionnelle et fondamentale de common law subordonne l’imputabilité en matière pénale à la commission d’un acte volontaire par l’accusé. (...)
[46] Pour qu’un acte soit considéré comme volontaire en droit pénal, il doit nécessairement être le produit de la volonté libre de l’accusé. Comme le juge Taschereau l’a affirmé dans l’arrêt R. c. King, 1962 CanLII 16 (SCC), [1962] R.C.S. 746, [traduction] « il ne peut y avoir d’actus reus à moins qu’il ne résulte d’un esprit apte à former une intention et libre de faire un choix ou de prendre une décision bien déterminée ou, autrement dit, il doit y avoir une volonté d’accomplir un acte, que l’accusé ait su ou non qu’il était prohibé par la loi » (p. 749). Cela signifie qu’un acte involontaire ne peut engager la responsabilité pénale de son auteur (voir les motifs dissidents du juge Dickson dans l’arrêt Rabey c. La Reine, 1980 CanLII 44 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 513, tels qu’endossés sur ce point dans l’arrêt R. c. Parks, 1992 CanLII 78 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 871).
[47] La volonté d’un individu se manifeste par le contrôle conscient qu’il exerce sur son corps (Perka c. La Reine, 1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232, p. 249). La nature de ce contrôle peut être physique, auquel cas l’acte volontaire réfère aux mouvements musculaires effectués par une personne qui exerce un contrôle matériel sur son corps. L’exercice de la volonté peut également procéder du contrôle moral qu’une personne exerce sur les gestes qu’elle désire accomplir. Dans un tel cas, l’acte volontaire correspond à un geste commis de façon libre et réfléchie par un individu doué d’une intelligence minimale (voir H. Parent, Responsabilité pénale et troubles mentaux : Histoire de la folie en droit pénal français, anglais et canadien (1999), p. 266-271). La volonté est aussi un produit de la raison.
[48] La dimension morale de l’acte volontaire, que notre Cour a reconnue dans l’arrêt Perka, renvoie ainsi à cette conception selon laquelle le droit criminel considère les individus comme des êtres autonomes et rationnels. Cette conception peut d’ailleurs être vue comme la pierre angulaire des principes de l’imputation de la responsabilité pénale (L. Alexander, K. K. Ferzan et S. J. Morse, Crime and Culpability : A Theory of Criminal Law (2009), p. 155). Envisagé sous cet angle, un comportement humain n’entraîne la responsabilité pénale que lorsqu’il représente le produit d’un « choix véritable » ou du « libre arbitre » de son auteur. Ce principe illustre toute l’importance que revêtent l’autonomie et la raison au sein du régime de responsabilité pénale. Comme le rappelait la Cour dans l’arrêt R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), 2001 CSC 24, [2001] 1 R.C.S. 687 :
Un principe directeur fondamental de notre droit criminel veut que les auteurs d’une infraction criminelle soient considérés comme des personnes douées de raison et autonomes qui font des choix. L’importance de ce principe se reflète non seulement dans l’exigence qu’un acte soit volontaire, mais aussi dans la condition que l’acte répréhensible demeure intentionnel pour justifier une déclaration de culpabilité. […] À l’instar du caractère volontaire, l’exigence d’intention coupable tient au respect de l’autonomie et du libre arbitre de l’individu et elle reconnaît l’importance de ces valeurs dans une société libre et démocratique. La responsabilité criminelle dépend également de la capacité de choisir — la capacité de distinguer le bien du mal.
[49] De ce fondement essentiel de l’imputation de la responsabilité pénale découle donc une présomption que chaque individu dispose de la capacité de distinguer le bien du mal. En effet, le droit pénal présume que toute personne est un être autonome et rationnel dont les actes ou les omissions sont de nature à engager sa responsabilité. Cette présomption n’est toutefois pas absolue : elle peut être repoussée par la preuve que l’accusé n’avait pas, au moment des faits reprochés, le niveau d’autonomie ou de rationalité requis pour engager sa responsabilité pénale. Le droit pénal se refuse alors à l’imputation de la responsabilité en raison d’une excuse pour le geste commis, reconnue par notre société. En effet, celle-ci entretient « la conviction fondamentale que la responsabilité criminelle n’est appropriée que lorsque l’agent est une personne douée de discernement moral, capable de choisir entre le bien et le mal » (R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, p. 1397). Dans l’arrêt Ruzic, la Cour a d’ailleurs reconnu l’existence d’un principe de justice fondamentale selon lequel « seule la conduite volontaire — le comportement qui résulte du libre arbitre d’une personne qui a la maîtrise de son corps, en l’absence de toute contrainte extérieure — entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle et la stigmatisation que cette dernière provoque » (par. 47).
[50] L’aliénation mentale constitue une exception au principe général de droit pénal selon lequel l’accusé est réputé être une personne autonome et rationnelle. En effet, une personne atteinte de troubles mentaux au sens de l’art. 16 C. cr. n’est pas considérée comme capable d’apprécier la nature de ses actes ou de comprendre que ceux-ci sont foncièrement mauvais. Pour cette raison, dans l’arrêt Chaulk, le juge en chef Lamer a affirmé que les dispositions relatives à l’aliénation mentale qui sont contenues dans le Code criminel « agissent, au niveau le plus fondamental, comme une exemption de responsabilité pénale fondée sur l’incapacité de former une intention criminelle »
[51] En suivant la logique adoptée dans l’arrêt Ruzic, il est également possible d’affirmer qu’une personne souffrant d’aliénation mentale est incapable d’agir volontairement sur le plan moral. Les gestes qu’elle accomplit ne résultent effectivement pas de son libre arbitre. C’est donc en conformité avec les principes de justice fondamentale que le droit canadien écarte la responsabilité pénale d’une personne dont la condition mentale au moment des faits est visée par l’art. 16 C. cr. Le fait de condamner une personne qui agit de façon involontaire ébranlerait les fondements du droit criminel et porterait atteinte à l’intégrité du système judiciaire.
[52] La défense de troubles mentaux conserve cependant une nature singulière. Elle ne conduit pas à l’acquittement de l’accusé, mais plutôt à un verdict de non-responsabilité criminelle. Ce dernier vise alors à engager l’application d’un processus administratif destiné à déterminer si l’accusé représente un risque important pour la sécurité du public, à prendre les mesures nécessaires pour contrôler ce risque et, le cas échéant, à lui prodiguer les soins nécessaires. Un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux donne ainsi effet au vœu sociétal de traiter, plutôt que de punir, un contrevenant moralement innocent, tout en assurant la protection du public le plus adéquatement possible.
[45] En effet, une règle traditionnelle et fondamentale de common law subordonne l’imputabilité en matière pénale à la commission d’un acte volontaire par l’accusé. (...)
[46] Pour qu’un acte soit considéré comme volontaire en droit pénal, il doit nécessairement être le produit de la volonté libre de l’accusé. Comme le juge Taschereau l’a affirmé dans l’arrêt R. c. King, 1962 CanLII 16 (SCC), [1962] R.C.S. 746, [traduction] « il ne peut y avoir d’actus reus à moins qu’il ne résulte d’un esprit apte à former une intention et libre de faire un choix ou de prendre une décision bien déterminée ou, autrement dit, il doit y avoir une volonté d’accomplir un acte, que l’accusé ait su ou non qu’il était prohibé par la loi » (p. 749). Cela signifie qu’un acte involontaire ne peut engager la responsabilité pénale de son auteur (voir les motifs dissidents du juge Dickson dans l’arrêt Rabey c. La Reine, 1980 CanLII 44 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 513, tels qu’endossés sur ce point dans l’arrêt R. c. Parks, 1992 CanLII 78 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 871).
[47] La volonté d’un individu se manifeste par le contrôle conscient qu’il exerce sur son corps (Perka c. La Reine, 1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232, p. 249). La nature de ce contrôle peut être physique, auquel cas l’acte volontaire réfère aux mouvements musculaires effectués par une personne qui exerce un contrôle matériel sur son corps. L’exercice de la volonté peut également procéder du contrôle moral qu’une personne exerce sur les gestes qu’elle désire accomplir. Dans un tel cas, l’acte volontaire correspond à un geste commis de façon libre et réfléchie par un individu doué d’une intelligence minimale (voir H. Parent, Responsabilité pénale et troubles mentaux : Histoire de la folie en droit pénal français, anglais et canadien (1999), p. 266-271). La volonté est aussi un produit de la raison.
[48] La dimension morale de l’acte volontaire, que notre Cour a reconnue dans l’arrêt Perka, renvoie ainsi à cette conception selon laquelle le droit criminel considère les individus comme des êtres autonomes et rationnels. Cette conception peut d’ailleurs être vue comme la pierre angulaire des principes de l’imputation de la responsabilité pénale (L. Alexander, K. K. Ferzan et S. J. Morse, Crime and Culpability : A Theory of Criminal Law (2009), p. 155). Envisagé sous cet angle, un comportement humain n’entraîne la responsabilité pénale que lorsqu’il représente le produit d’un « choix véritable » ou du « libre arbitre » de son auteur. Ce principe illustre toute l’importance que revêtent l’autonomie et la raison au sein du régime de responsabilité pénale. Comme le rappelait la Cour dans l’arrêt R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), 2001 CSC 24, [2001] 1 R.C.S. 687 :
Un principe directeur fondamental de notre droit criminel veut que les auteurs d’une infraction criminelle soient considérés comme des personnes douées de raison et autonomes qui font des choix. L’importance de ce principe se reflète non seulement dans l’exigence qu’un acte soit volontaire, mais aussi dans la condition que l’acte répréhensible demeure intentionnel pour justifier une déclaration de culpabilité. […] À l’instar du caractère volontaire, l’exigence d’intention coupable tient au respect de l’autonomie et du libre arbitre de l’individu et elle reconnaît l’importance de ces valeurs dans une société libre et démocratique. La responsabilité criminelle dépend également de la capacité de choisir — la capacité de distinguer le bien du mal.
[49] De ce fondement essentiel de l’imputation de la responsabilité pénale découle donc une présomption que chaque individu dispose de la capacité de distinguer le bien du mal. En effet, le droit pénal présume que toute personne est un être autonome et rationnel dont les actes ou les omissions sont de nature à engager sa responsabilité. Cette présomption n’est toutefois pas absolue : elle peut être repoussée par la preuve que l’accusé n’avait pas, au moment des faits reprochés, le niveau d’autonomie ou de rationalité requis pour engager sa responsabilité pénale. Le droit pénal se refuse alors à l’imputation de la responsabilité en raison d’une excuse pour le geste commis, reconnue par notre société. En effet, celle-ci entretient « la conviction fondamentale que la responsabilité criminelle n’est appropriée que lorsque l’agent est une personne douée de discernement moral, capable de choisir entre le bien et le mal » (R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, p. 1397). Dans l’arrêt Ruzic, la Cour a d’ailleurs reconnu l’existence d’un principe de justice fondamentale selon lequel « seule la conduite volontaire — le comportement qui résulte du libre arbitre d’une personne qui a la maîtrise de son corps, en l’absence de toute contrainte extérieure — entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle et la stigmatisation que cette dernière provoque » (par. 47).
[50] L’aliénation mentale constitue une exception au principe général de droit pénal selon lequel l’accusé est réputé être une personne autonome et rationnelle. En effet, une personne atteinte de troubles mentaux au sens de l’art. 16 C. cr. n’est pas considérée comme capable d’apprécier la nature de ses actes ou de comprendre que ceux-ci sont foncièrement mauvais. Pour cette raison, dans l’arrêt Chaulk, le juge en chef Lamer a affirmé que les dispositions relatives à l’aliénation mentale qui sont contenues dans le Code criminel « agissent, au niveau le plus fondamental, comme une exemption de responsabilité pénale fondée sur l’incapacité de former une intention criminelle »
[51] En suivant la logique adoptée dans l’arrêt Ruzic, il est également possible d’affirmer qu’une personne souffrant d’aliénation mentale est incapable d’agir volontairement sur le plan moral. Les gestes qu’elle accomplit ne résultent effectivement pas de son libre arbitre. C’est donc en conformité avec les principes de justice fondamentale que le droit canadien écarte la responsabilité pénale d’une personne dont la condition mentale au moment des faits est visée par l’art. 16 C. cr. Le fait de condamner une personne qui agit de façon involontaire ébranlerait les fondements du droit criminel et porterait atteinte à l’intégrité du système judiciaire.
[52] La défense de troubles mentaux conserve cependant une nature singulière. Elle ne conduit pas à l’acquittement de l’accusé, mais plutôt à un verdict de non-responsabilité criminelle. Ce dernier vise alors à engager l’application d’un processus administratif destiné à déterminer si l’accusé représente un risque important pour la sécurité du public, à prendre les mesures nécessaires pour contrôler ce risque et, le cas échéant, à lui prodiguer les soins nécessaires. Un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux donne ainsi effet au vœu sociétal de traiter, plutôt que de punir, un contrevenant moralement innocent, tout en assurant la protection du public le plus adéquatement possible.
jeudi 29 décembre 2011
Les similitudes entre l’absolution avec probation et l’emprisonnement dans la collectivité
R. c. Berish, 2011 QCCA 2288 (CanLII)
[10] On doit noter au départ que les positions de la poursuite et de la défense ne sont pas si loin l’une de l’autre. L’absolution avec probation durant deux ans et l’emprisonnement dans la collectivité durant un an impliquent une reconnaissance que l’accusé s’est amendé et que la sécurité du public n’est pas à risque même si on ne le confine pas à la prison.
[11] La principale différence réside dans le fait que, dans le premier cas, le délinquant est réputé ne pas avoir été condamné, alors que dans le second, il traînera sa vie durant une condamnation handicapante.
[10] On doit noter au départ que les positions de la poursuite et de la défense ne sont pas si loin l’une de l’autre. L’absolution avec probation durant deux ans et l’emprisonnement dans la collectivité durant un an impliquent une reconnaissance que l’accusé s’est amendé et que la sécurité du public n’est pas à risque même si on ne le confine pas à la prison.
[11] La principale différence réside dans le fait que, dans le premier cas, le délinquant est réputé ne pas avoir été condamné, alors que dans le second, il traînera sa vie durant une condamnation handicapante.
lundi 26 décembre 2011
Les démarches qu'un juge du procès doit entreprendre s'il existe une crainte qu'un membre du jury soit partial
Seck c. R., 2011 QCCA 2250 (CanLII)
[65] La Cour d'appel de Colombie Britannique expliqua les démarches qu'un/e juge du procès doit entreprendre s'il existe une crainte qu'un membre du jury soit partial en ces termes :
39 A trial judge who becomes aware of circumstances which raise a question as to the impartiality of a juror is empowered to discharge that juror pursuant to s. 644 of the Criminal Code or to dismiss the jury and declare a mistrial. Whether to take such a step is a matter which falls within the discretion of the trial judge and an appeal court will generally exercise caution before interfering with the exercise of that discretion. See: R. v. Horne reflex, (1987), 35 C.C.C. (3d) 427 (Alta. C.A.); R. v. Andrews, Farrant & Kerr (1984), 13 C.C.C. (2d) 207 (B.C.C.A.); R. v. Hanna 1993 CanLII 1425 (BC CA), (1993), 80 C.C.C. (3d) 289 at 312 (B.C.C.A.).
40 However, the trial judge must exercise that discretion in accordance with the applicable legal principles that govern the exercise of the discretion. Specifically, if an issue of potential bias of a juror arises from reports made to the trial judge he or she must, in order to properly exercise his discretion.
a) apply the proper legal test for determining whether the information gives rise to a reasonable apprehension of bias. See: R. v. Spencer, supra, at pp.279-80 and 290-91; R. v. Gough, supra, at p.669; R. v. Blackwell, [1995] 2 Cr. App. 625 (C.A.) at p.635 (paras. B/C);
b) at a minimum, conduct an inquiry into the circumstances in order to obtain the necessary information upon which to exercise his or her discretion. This is his duty. See: R. v. Blackwell, supra, at pp. 633-64; R. v. Hertrich reflex, (1982), 67 C.C.C. (2d) 510 at 541; R. v. Andrews, Farrant & Kerr, supra, at pp. 212-13 and see: with regards to the obligation of "obtaining ... the required information": R. v. R.D.S., supra, at para. 111 and R. v. Afghanzada, supra. Regardless of the positions taken by counsel, the court has an independent duty to ensure the fair conduct of the trial. See R. v. Hodgson, 1998 CanLII 798 (SCC), [1998] 2 S.C.R. 449; 127 C.C.C. (3d) 449 at paras. 41 (per Cory J.) and 100 (per L'Heureux-Dubé J., concurring).
[66] Cependant, comme le souligne l'intimée, une cour d'appel doit faire preuve d'un degré de déférence élevé envers le ou la juge de première instance quant à son évaluation du risque de partialité potentielle d'un membre du jury.
[67] Dans l'arrêt Pan, la Cour suprême, sous la plume de la juge Charron, souligne le caractère discrétionnaire des pouvoirs du ou de la juge de première instance en cette matière :
[96] Relativement à l'art. 644 du Code criminel, lorsque le juge du procès apprend qu'un juré a été soumis à des influences externes inacceptables ou encore qu'il est incapable de s'acquitter adéquatement de son rôle de juré ou non disposé à le faire, le juge peut tenir une audience pour déterminer la nature du problème, le cas échéant, et il a le pouvoir discrétionnaire de libérer le juré lorsque les circonstances le justifient […].
[97] […] Il y a également des limites à la possibilité de recourir à l'art. 644 du Code comme mécanisme de libération des jurés au cours d'un procès. Cet article ne permet la libération d'un juré au cours du procès que dans les cas où surgit un problème sérieux quant à son aptitude à agir comme juré. Il n'a pas pour objet d'encourager les jurés à se plaindre au juge de faits anodins au sujet de leurs collègues au cours du procès, pas plus qu'il ne prévoit la libération de jurés pour des problèmes mineurs. Il appartient au juge du procès de décider de la meilleure façon d'instruire le jury de ces questions. […].
[68] Dans l'affaire R. v. Giroux, le président du jury avait soumis une note au juge du procès selon laquelle certains membres du jury se sentaient intimidés par un autre juré qui avait tenu des propos violents envers eux, et avait également frappé une table. La note demandait la libération du juré en question. Le juge du procès a tenu une enquête et a décidé de libérer le juré. Cette décision fut confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario :
26 In my view, the trial judge committed no reversible error in discharging the juror or in her conduct of the proceedings leading up to that decision.
[27] There is no doubt — to quote Dickson J. in Basarabas v. The Queen reflex, (1982), 2 C.C.C. (3d) 257 (S.C.C.) at 265 — that "an accused should not be lightly deprived of his or her right to be tried by a jury of twelve persons." However, s. 644 of the Code provides the trial judge with a broad discretion to discharge a juror if satisfied the juror cannot continue to act "by reason of illness or other reasonable cause", and the judge's decision is entitled to considerable deference in that regard.
[28] Nor is there any doubt that cases involving internal strife amongst jurors pose particularly problematic issues, and must be dealt with in a careful and sensitive fashion — as the trial judge did here. It is imperative that neither the court, in addressing the situation, nor the jury, in responding to it, violates the rule preserving the confidentiality of jury deliberations. However, adherence to this cardinal principle constrains the court's ability to make inquiries about the internal strife. In addition, the court must be alert to the possibility that the internal strife in question is merely reflective of an inability on the part of the jury to agree, as opposed to an inability to deliberate. There is always the potential that the request to eliminate the strife issue is merely an attempt by a majority of jurors to cast off a dissenting minority opinion. Finally, the court must be conscious of the danger that the entire jury may be tainted by the internal strife — not just the particular juror or jurors who are subject to the inquiry — and its ability to deliberate compromised, thus impairing the integrity of the jury deliberation process.
[69] Dans l'affaire Lessard, cette cour s'est prononcée comme suit:
Le pouvoir discrétionnaire du juge de libérer un juré au terme de l'article 544 C.cr. ou de mettre fin au procès doit donc être exercé judiciairement et en fonction du critère de l'existence d'un "danger réel".
[…]
La tentative de corruption d'un juré est évidemment une affaire objectivement très sérieuse et qui, quelle que soit l'issue du procès, est une tache sur l'intégrité du processus.
Le juge de première instance est celui qui, bien plus que nous en Cour d'appel plusieurs années plus tard, est le mieux placé pour évaluer son impact réel, concret et pratique sur le jury, en tenant compte de l'atmosphère générale dans laquelle le procès s'est déroulé, des circonstances propres à l'espèce, de ce qu'il a pu observer durant toutes les étapes du procès et de la réaction des membres du jury lors de ses commentaires sur l'incident. Il est également le mieux placé pour trouver la solution permettant de neutraliser le poison ainsi distillé dans l'esprit du jury. Sa décision doit donc bénéficier du plus grand respect et ce n'est que si la preuve révèle qu'il s'est clairement trompé et qu'il n'a pas bien exercé sa discrétion, qu'à mon avis une Cour d'appel peut et doit intervenir.(Soulignements ajoutés)
[70] Ce principe a été réitéré récemment dans l'affaire Laroche
[65] La Cour d'appel de Colombie Britannique expliqua les démarches qu'un/e juge du procès doit entreprendre s'il existe une crainte qu'un membre du jury soit partial en ces termes :
39 A trial judge who becomes aware of circumstances which raise a question as to the impartiality of a juror is empowered to discharge that juror pursuant to s. 644 of the Criminal Code or to dismiss the jury and declare a mistrial. Whether to take such a step is a matter which falls within the discretion of the trial judge and an appeal court will generally exercise caution before interfering with the exercise of that discretion. See: R. v. Horne reflex, (1987), 35 C.C.C. (3d) 427 (Alta. C.A.); R. v. Andrews, Farrant & Kerr (1984), 13 C.C.C. (2d) 207 (B.C.C.A.); R. v. Hanna 1993 CanLII 1425 (BC CA), (1993), 80 C.C.C. (3d) 289 at 312 (B.C.C.A.).
40 However, the trial judge must exercise that discretion in accordance with the applicable legal principles that govern the exercise of the discretion. Specifically, if an issue of potential bias of a juror arises from reports made to the trial judge he or she must, in order to properly exercise his discretion.
a) apply the proper legal test for determining whether the information gives rise to a reasonable apprehension of bias. See: R. v. Spencer, supra, at pp.279-80 and 290-91; R. v. Gough, supra, at p.669; R. v. Blackwell, [1995] 2 Cr. App. 625 (C.A.) at p.635 (paras. B/C);
b) at a minimum, conduct an inquiry into the circumstances in order to obtain the necessary information upon which to exercise his or her discretion. This is his duty. See: R. v. Blackwell, supra, at pp. 633-64; R. v. Hertrich reflex, (1982), 67 C.C.C. (2d) 510 at 541; R. v. Andrews, Farrant & Kerr, supra, at pp. 212-13 and see: with regards to the obligation of "obtaining ... the required information": R. v. R.D.S., supra, at para. 111 and R. v. Afghanzada, supra. Regardless of the positions taken by counsel, the court has an independent duty to ensure the fair conduct of the trial. See R. v. Hodgson, 1998 CanLII 798 (SCC), [1998] 2 S.C.R. 449; 127 C.C.C. (3d) 449 at paras. 41 (per Cory J.) and 100 (per L'Heureux-Dubé J., concurring).
[66] Cependant, comme le souligne l'intimée, une cour d'appel doit faire preuve d'un degré de déférence élevé envers le ou la juge de première instance quant à son évaluation du risque de partialité potentielle d'un membre du jury.
[67] Dans l'arrêt Pan, la Cour suprême, sous la plume de la juge Charron, souligne le caractère discrétionnaire des pouvoirs du ou de la juge de première instance en cette matière :
[96] Relativement à l'art. 644 du Code criminel, lorsque le juge du procès apprend qu'un juré a été soumis à des influences externes inacceptables ou encore qu'il est incapable de s'acquitter adéquatement de son rôle de juré ou non disposé à le faire, le juge peut tenir une audience pour déterminer la nature du problème, le cas échéant, et il a le pouvoir discrétionnaire de libérer le juré lorsque les circonstances le justifient […].
[97] […] Il y a également des limites à la possibilité de recourir à l'art. 644 du Code comme mécanisme de libération des jurés au cours d'un procès. Cet article ne permet la libération d'un juré au cours du procès que dans les cas où surgit un problème sérieux quant à son aptitude à agir comme juré. Il n'a pas pour objet d'encourager les jurés à se plaindre au juge de faits anodins au sujet de leurs collègues au cours du procès, pas plus qu'il ne prévoit la libération de jurés pour des problèmes mineurs. Il appartient au juge du procès de décider de la meilleure façon d'instruire le jury de ces questions. […].
[68] Dans l'affaire R. v. Giroux, le président du jury avait soumis une note au juge du procès selon laquelle certains membres du jury se sentaient intimidés par un autre juré qui avait tenu des propos violents envers eux, et avait également frappé une table. La note demandait la libération du juré en question. Le juge du procès a tenu une enquête et a décidé de libérer le juré. Cette décision fut confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario :
26 In my view, the trial judge committed no reversible error in discharging the juror or in her conduct of the proceedings leading up to that decision.
[27] There is no doubt — to quote Dickson J. in Basarabas v. The Queen reflex, (1982), 2 C.C.C. (3d) 257 (S.C.C.) at 265 — that "an accused should not be lightly deprived of his or her right to be tried by a jury of twelve persons." However, s. 644 of the Code provides the trial judge with a broad discretion to discharge a juror if satisfied the juror cannot continue to act "by reason of illness or other reasonable cause", and the judge's decision is entitled to considerable deference in that regard.
[28] Nor is there any doubt that cases involving internal strife amongst jurors pose particularly problematic issues, and must be dealt with in a careful and sensitive fashion — as the trial judge did here. It is imperative that neither the court, in addressing the situation, nor the jury, in responding to it, violates the rule preserving the confidentiality of jury deliberations. However, adherence to this cardinal principle constrains the court's ability to make inquiries about the internal strife. In addition, the court must be alert to the possibility that the internal strife in question is merely reflective of an inability on the part of the jury to agree, as opposed to an inability to deliberate. There is always the potential that the request to eliminate the strife issue is merely an attempt by a majority of jurors to cast off a dissenting minority opinion. Finally, the court must be conscious of the danger that the entire jury may be tainted by the internal strife — not just the particular juror or jurors who are subject to the inquiry — and its ability to deliberate compromised, thus impairing the integrity of the jury deliberation process.
[69] Dans l'affaire Lessard, cette cour s'est prononcée comme suit:
Le pouvoir discrétionnaire du juge de libérer un juré au terme de l'article 544 C.cr. ou de mettre fin au procès doit donc être exercé judiciairement et en fonction du critère de l'existence d'un "danger réel".
[…]
La tentative de corruption d'un juré est évidemment une affaire objectivement très sérieuse et qui, quelle que soit l'issue du procès, est une tache sur l'intégrité du processus.
Le juge de première instance est celui qui, bien plus que nous en Cour d'appel plusieurs années plus tard, est le mieux placé pour évaluer son impact réel, concret et pratique sur le jury, en tenant compte de l'atmosphère générale dans laquelle le procès s'est déroulé, des circonstances propres à l'espèce, de ce qu'il a pu observer durant toutes les étapes du procès et de la réaction des membres du jury lors de ses commentaires sur l'incident. Il est également le mieux placé pour trouver la solution permettant de neutraliser le poison ainsi distillé dans l'esprit du jury. Sa décision doit donc bénéficier du plus grand respect et ce n'est que si la preuve révèle qu'il s'est clairement trompé et qu'il n'a pas bien exercé sa discrétion, qu'à mon avis une Cour d'appel peut et doit intervenir.(Soulignements ajoutés)
[70] Ce principe a été réitéré récemment dans l'affaire Laroche
mercredi 21 décembre 2011
Un accusé n'a pas de droit constitutionnel autonome d'avoir une enquête policière adéquate relativement aux accusations portées contre lui
R. c. Durand, 2011 QCCS 6762 (CanLII)
Lien vers la décision
[31] D'abord, le Tribunal ne peut conclure que l'enquête policière a été bâclée du fait que certaines vérifications n'ont pas été faites auprès de certains témoins.
[32] L'enquête policière n'a pas à être parfaite. La défense a reçu la divulgation de la preuve et pourra, si elle le juge à propos, faire le nécessaire pour contester cette preuve.
[33] À ce sujet, le Tribunal réfère à une décision rendue par la juge Sophie Bourque, le 27 septembre 2011, dans la cause Sa Majesté la Reine c. Frank Antoine Joseph qui renvoie à l'arrêt R. v. Darwish :
[29] An accused does not have a freestanding constitutional right to an adequate investigation of the charges against him or her: R. v. Barnes, 2009 ONCA 432 (CanLII), 2009 ONCA 432, at para. 1. Inadequacies in an investigation may lead to the ultimate failure of the prosecution, to a specific breach of a Charter right or to a civil remedy. Those inadequacies do not, however, in-and-of-themselves constitute a denial of the right to make full answer and defence.
[30] An accused also does not have a constitutional right to direct the conduct of the criminal investigation of which he or she is the target. As Hill J. put it in R. v. West, [2001] O.J. No. 3406 (S.C.), at para. 75, the defence cannot, through a disguised-disclosure demand, “conscript the police to undertake investigatory work for the accused”. See also: R. v. Schmidt 2001 BCCA 3 (CanLII), (2001), 151 C.C.C. (3d) 74 (B.C.C.A.), at para. 19. That is not to say that the police and the Crown should not give serious consideration to investigative requests made on behalf of an accused. Clearly, they must. However, it is the prosecutorial authorities that carry the ultimate responsibility for determining the course of the investigation. Criminal investigations involve the use of public resources and the exercise of intrusive powers in the public interest. Responsibility for the proper use of those resources and powers rests with those in the service of the prosecution, and not with the defence.
[31] Nor does the disclosure right, as broad as that right is, extend so far as to require the police to investigate potential defences. The Crown’s disclosure obligation was recently described in R. v. McNeil, 2009 SCC 3 (CanLII), [2009] 1 S.C.R. 66 . The court, at para. 22, reiterated the Crown’s obligation, subject to very limited exceptions, to make timely disclosure to an accused of all relevant material “in the possession or control of the Crown”. The Crown’s disclosure obligation will also require the Crown, in response to defence requests, to take reasonable steps to inquire about and obtain relevant information in the possession of some third parties. Charron J. described this aspect of the disclosure obligation at para. 49:
The Crown is not an ordinary litigant. As a minister of justice, the Crown’s undivided loyalty is to the proper administration of justice. As such, Crown counsel who is put on notice of the existence of relevant information cannot simply disregard the matter. Unless the notice appears unfounded, Crown counsel will not be able to fully assess the merits of the case and fulfil its duty as an officer of the court without inquiring further and obtaining the information if it is reasonably feasible to do so.
[32] I see a vast difference between requiring the Crown to take reasonable steps to assist an accused in obtaining disclosure of relevant material in the possession of a third party, and requiring the Crown to conduct investigations that may assist the defence. The former recognizes an accused’s right to relevant information and the practical advantage that the Crown may have over the defence when it comes to obtaining that information from some third parties. The latter would require the prosecution to effectively surrender control of the investigation to the defence, or ultimately face a stay of the criminal charges.
[33] The disclosure obligation rests on the premise that material in possession of the prosecutorial authorities that is relevant to a criminal prosecution is not the “property” of the Crown, but is rather “the property of the public to be used to ensure that justice is done”: R. v. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (SCC), [1991] 3 S.C.R. 326 , at p. 333 . This rationale fully justifies the broad disclosure obligations imposed on the prosecution with respect to material that is in existence. It does not justify an approach that would permit the defence to dictate the course of the investigation to prosecutorial authorities.
[…]
[39] An interpretation of the right to make full answer and defence that imposes a duty on the prosecution to investigate possible defences is also irreconcilable with the basic features of the criminal justice system. No doubt, the Crown has obligations to an accused and to the administration of justice that go beyond those normally imposed on opposing counsel in litigation. However, the criminal justice system remains essentially an accusatorial and adversarial one. The prosecution, which includes the Crown and the police, is charged with the responsibility of investigating and prosecuting crime in the public interest. To do so the prosecution must investigate allegations, lay charges and prove those charges in a criminal proceeding. To properly perform these functions the prosecution must decide on the nature and scope of an investigation. The accused is entitled to the product of that investigation, but is not entitled to dictate the nature or scope of that investigation.
[34] Un accusé n'a pas de droit constitutionnel autonome d'avoir une enquête policière adéquate relativement aux accusations portées contre lui.
Lien vers la décision
[31] D'abord, le Tribunal ne peut conclure que l'enquête policière a été bâclée du fait que certaines vérifications n'ont pas été faites auprès de certains témoins.
[32] L'enquête policière n'a pas à être parfaite. La défense a reçu la divulgation de la preuve et pourra, si elle le juge à propos, faire le nécessaire pour contester cette preuve.
[33] À ce sujet, le Tribunal réfère à une décision rendue par la juge Sophie Bourque, le 27 septembre 2011, dans la cause Sa Majesté la Reine c. Frank Antoine Joseph qui renvoie à l'arrêt R. v. Darwish :
[29] An accused does not have a freestanding constitutional right to an adequate investigation of the charges against him or her: R. v. Barnes, 2009 ONCA 432 (CanLII), 2009 ONCA 432, at para. 1. Inadequacies in an investigation may lead to the ultimate failure of the prosecution, to a specific breach of a Charter right or to a civil remedy. Those inadequacies do not, however, in-and-of-themselves constitute a denial of the right to make full answer and defence.
[30] An accused also does not have a constitutional right to direct the conduct of the criminal investigation of which he or she is the target. As Hill J. put it in R. v. West, [2001] O.J. No. 3406 (S.C.), at para. 75, the defence cannot, through a disguised-disclosure demand, “conscript the police to undertake investigatory work for the accused”. See also: R. v. Schmidt 2001 BCCA 3 (CanLII), (2001), 151 C.C.C. (3d) 74 (B.C.C.A.), at para. 19. That is not to say that the police and the Crown should not give serious consideration to investigative requests made on behalf of an accused. Clearly, they must. However, it is the prosecutorial authorities that carry the ultimate responsibility for determining the course of the investigation. Criminal investigations involve the use of public resources and the exercise of intrusive powers in the public interest. Responsibility for the proper use of those resources and powers rests with those in the service of the prosecution, and not with the defence.
[31] Nor does the disclosure right, as broad as that right is, extend so far as to require the police to investigate potential defences. The Crown’s disclosure obligation was recently described in R. v. McNeil, 2009 SCC 3 (CanLII), [2009] 1 S.C.R. 66 . The court, at para. 22, reiterated the Crown’s obligation, subject to very limited exceptions, to make timely disclosure to an accused of all relevant material “in the possession or control of the Crown”. The Crown’s disclosure obligation will also require the Crown, in response to defence requests, to take reasonable steps to inquire about and obtain relevant information in the possession of some third parties. Charron J. described this aspect of the disclosure obligation at para. 49:
The Crown is not an ordinary litigant. As a minister of justice, the Crown’s undivided loyalty is to the proper administration of justice. As such, Crown counsel who is put on notice of the existence of relevant information cannot simply disregard the matter. Unless the notice appears unfounded, Crown counsel will not be able to fully assess the merits of the case and fulfil its duty as an officer of the court without inquiring further and obtaining the information if it is reasonably feasible to do so.
[32] I see a vast difference between requiring the Crown to take reasonable steps to assist an accused in obtaining disclosure of relevant material in the possession of a third party, and requiring the Crown to conduct investigations that may assist the defence. The former recognizes an accused’s right to relevant information and the practical advantage that the Crown may have over the defence when it comes to obtaining that information from some third parties. The latter would require the prosecution to effectively surrender control of the investigation to the defence, or ultimately face a stay of the criminal charges.
[33] The disclosure obligation rests on the premise that material in possession of the prosecutorial authorities that is relevant to a criminal prosecution is not the “property” of the Crown, but is rather “the property of the public to be used to ensure that justice is done”: R. v. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (SCC), [1991] 3 S.C.R. 326 , at p. 333 . This rationale fully justifies the broad disclosure obligations imposed on the prosecution with respect to material that is in existence. It does not justify an approach that would permit the defence to dictate the course of the investigation to prosecutorial authorities.
[…]
[39] An interpretation of the right to make full answer and defence that imposes a duty on the prosecution to investigate possible defences is also irreconcilable with the basic features of the criminal justice system. No doubt, the Crown has obligations to an accused and to the administration of justice that go beyond those normally imposed on opposing counsel in litigation. However, the criminal justice system remains essentially an accusatorial and adversarial one. The prosecution, which includes the Crown and the police, is charged with the responsibility of investigating and prosecuting crime in the public interest. To do so the prosecution must investigate allegations, lay charges and prove those charges in a criminal proceeding. To properly perform these functions the prosecution must decide on the nature and scope of an investigation. The accused is entitled to the product of that investigation, but is not entitled to dictate the nature or scope of that investigation.
[34] Un accusé n'a pas de droit constitutionnel autonome d'avoir une enquête policière adéquate relativement aux accusations portées contre lui.
Le ministère public dispose d'un large pouvoir discrétionnaire qui s'exerce, entre autres, par le choix des témoins
R. c. Durand / 2011 QCCS 6762 / COUR SUPÉRIEURE / N°: 705-01-059227-092 / DATE : 19 décembre 2011
[28] Il est reconnu que le ministère public dispose d'un large pouvoir discrétionnaire qui s'exerce, entre autres, par le choix des témoins.
[29] Ce pouvoir discrétionnaire n'est cependant pas absolu et l'exercice irrégulier du pouvoir discrétionnaire peut mener à la conclusion qu'il y a abus de procédures.
[30] Le requérant qui présente une demande en arrêt des procédures doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que l'intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière irrégulière ou oppressive et que cela équivaut à un abus de procédures. Chaque cas est un cas d'espèce.
[35] Le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il considère ne pas être utile pour établir sa preuve. Dans Jolivet, au paragraphe 14, la cour Suprême reprenant la cause de Cook établit, en se référant également à la cause de Lemay v. The King confirmé par Yebes, que le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il ne considère pas nécessaire pour établir sa preuve.
[36] Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas d'éléments de preuve lui permettant, à ce stade-ci, de conclure à l'exercice irrégulier ou oppressif du pouvoir discrétionnaire de la poursuite dans l'assignation de ses témoins
[28] Il est reconnu que le ministère public dispose d'un large pouvoir discrétionnaire qui s'exerce, entre autres, par le choix des témoins.
[29] Ce pouvoir discrétionnaire n'est cependant pas absolu et l'exercice irrégulier du pouvoir discrétionnaire peut mener à la conclusion qu'il y a abus de procédures.
[30] Le requérant qui présente une demande en arrêt des procédures doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que l'intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière irrégulière ou oppressive et que cela équivaut à un abus de procédures. Chaque cas est un cas d'espèce.
[35] Le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il considère ne pas être utile pour établir sa preuve. Dans Jolivet, au paragraphe 14, la cour Suprême reprenant la cause de Cook établit, en se référant également à la cause de Lemay v. The King confirmé par Yebes, que le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il ne considère pas nécessaire pour établir sa preuve.
[36] Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas d'éléments de preuve lui permettant, à ce stade-ci, de conclure à l'exercice irrégulier ou oppressif du pouvoir discrétionnaire de la poursuite dans l'assignation de ses témoins
Les articles 38 à 42 C.cr. peuvent plutôt être invoqués par la personne en possession paisible d'un bien pour justifier l'emploi par celle-ci de la force nécessaire pour éloigner l'intrus
R. c. Levasseur / 2011 QCCQ 15466 / COUR DU QUÉBEC / N°: 450-01-073053-113 / DATE : 9 décembre 2011
[33] La jurisprudence a déjà déterminé que le simple refus de partir ou la résistance passive ne sont pas suffisants pour conclure qu'un individu devient un intrus qui résiste au sens de la loi.
[34] Le tribunal est d'avis que cette disposition du Code criminel qui apparaît sous le titre de la Défense des biens ne peut constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait.
[35] Les articles 38 à 42 C.cr. peuvent plutôt être invoqués par la personne en possession paisible d'un bien pour justifier l'emploi par celle-ci de la force nécessaire pour éloigner l'intrus.
[36] Dans R. c. Verrette, la Cour d'appel du Québec a conclu en ce sens :
[11] Si je comprends bien la position du ministère public, cet argument, plaidé en première instance, était soulevé à titre subsidiaire advenant que la juge du procès estime que la preuve ne permet pas d'établir autrement les voies de fait. L'assaut serait alors établi par l'application de la présomption édictée à l'alinéa 38(2) C.cr. […]
[12] L'alinéa 38(2) C.cr. s'applique lorsque la personne en possession du bien ou le bon samaritain – et non l'intrus – est accusé de voies de fait. Il permet à la personne en possession paisible d'un bien ou à quiconque lui prête légalement main-forte de plaider, en défense, qu'elle a été victime d'une «attaque sans justification ni provocation» de la part de l'intrus et qu'en conséquence, elle était en situation de légitime défense au sens de l'article 34 C.cr.
[13] Dans Defence of Property in the Criminal Code[1], Todd Kathol écrit, à la page 454:
Factual circumstances and the operation of the Code effectively channel disputes between individuals over real and personal property into defence of person situations. (…) This transition from defence of property to defence of person is encouraged, if not ensured, by the fact that an accused is permitted to employ a greater degree of force in defending his person than in defending property.
et à la page 462:
Sections 38(2) and 41(2) deem the trespasser-taker of personal property and the trespasser to house or real property, respectively, to have committed an assault against the defender without justification or provocation. This puts the defender in the position of someone defending her or his person pursuant to S. 34 (Self-Defence Against Unprovoked Assault).
[14] L'alinéa 38(2) C.cr. ne peut pas, à mon avis, constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait; il ne peut pas non plus être créateur d'une infraction distincte des infractions de voies de fait prévues aux articles 265 et suivants C.cr.
[37] La note de bas de page à laquelle réfère le paragraphe 14 de cette décision est ici reproduite :
Il existe quelques cas en jurisprudence où le ministère public a invoqué, avec plus ou moins de succès, l'alinéa 41(2) C.cr. – un alinéa fort semblable dans sa rédaction à l'alinéa 38(2) C.cr. – tantôt à titre de disposition législative créatrice de l'infraction, tantôt pour établir les voies de fait lorsque la preuve ne permettait pas d'établir les éléments du crime autrement; voir, par exemple, R. C. Matson (1970), 1 C.C.C. (2d) 374 (C.A. Colombie-Britannique); R. c. Kellington (1972), 7 C.C.C. (2d) 565; R. c. Auger, [1987] R.J.Q. 1475 (C. Municipale de Montréal).
[33] La jurisprudence a déjà déterminé que le simple refus de partir ou la résistance passive ne sont pas suffisants pour conclure qu'un individu devient un intrus qui résiste au sens de la loi.
[34] Le tribunal est d'avis que cette disposition du Code criminel qui apparaît sous le titre de la Défense des biens ne peut constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait.
[35] Les articles 38 à 42 C.cr. peuvent plutôt être invoqués par la personne en possession paisible d'un bien pour justifier l'emploi par celle-ci de la force nécessaire pour éloigner l'intrus.
[36] Dans R. c. Verrette, la Cour d'appel du Québec a conclu en ce sens :
[11] Si je comprends bien la position du ministère public, cet argument, plaidé en première instance, était soulevé à titre subsidiaire advenant que la juge du procès estime que la preuve ne permet pas d'établir autrement les voies de fait. L'assaut serait alors établi par l'application de la présomption édictée à l'alinéa 38(2) C.cr. […]
[12] L'alinéa 38(2) C.cr. s'applique lorsque la personne en possession du bien ou le bon samaritain – et non l'intrus – est accusé de voies de fait. Il permet à la personne en possession paisible d'un bien ou à quiconque lui prête légalement main-forte de plaider, en défense, qu'elle a été victime d'une «attaque sans justification ni provocation» de la part de l'intrus et qu'en conséquence, elle était en situation de légitime défense au sens de l'article 34 C.cr.
[13] Dans Defence of Property in the Criminal Code[1], Todd Kathol écrit, à la page 454:
Factual circumstances and the operation of the Code effectively channel disputes between individuals over real and personal property into defence of person situations. (…) This transition from defence of property to defence of person is encouraged, if not ensured, by the fact that an accused is permitted to employ a greater degree of force in defending his person than in defending property.
et à la page 462:
Sections 38(2) and 41(2) deem the trespasser-taker of personal property and the trespasser to house or real property, respectively, to have committed an assault against the defender without justification or provocation. This puts the defender in the position of someone defending her or his person pursuant to S. 34 (Self-Defence Against Unprovoked Assault).
[14] L'alinéa 38(2) C.cr. ne peut pas, à mon avis, constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait; il ne peut pas non plus être créateur d'une infraction distincte des infractions de voies de fait prévues aux articles 265 et suivants C.cr.
[37] La note de bas de page à laquelle réfère le paragraphe 14 de cette décision est ici reproduite :
Il existe quelques cas en jurisprudence où le ministère public a invoqué, avec plus ou moins de succès, l'alinéa 41(2) C.cr. – un alinéa fort semblable dans sa rédaction à l'alinéa 38(2) C.cr. – tantôt à titre de disposition législative créatrice de l'infraction, tantôt pour établir les voies de fait lorsque la preuve ne permettait pas d'établir les éléments du crime autrement; voir, par exemple, R. C. Matson (1970), 1 C.C.C. (2d) 374 (C.A. Colombie-Britannique); R. c. Kellington (1972), 7 C.C.C. (2d) 565; R. c. Auger, [1987] R.J.Q. 1475 (C. Municipale de Montréal).
Chaque cas d'invasion de domicile doit être jugé en raison des circonstances aggravantes suivantes
R. c. Lapointe / 2011 QCCQ 15412 / COUR DU QUÉBEC / N°: 455-01-009258-082 / DATE : 2 décembre 2011
[41] Le Tribunal choisit de prioriser les objectifs de dénonciation, de dissuasion, tant général que spécifique, ainsi que l'exemplarité. Le message doit être clair. De tels crimes commis à l'égard de personnes se trouvant en sécurité dans l'intimité de leur foyer ouvrent la porte à des peines sévères, puisque la protection et la sécurité du public en dépendent.
[43] La réprobation sociale à l'égard de tels crimes est forte et la peine imposée à leurs auteurs doit refléter cette réprobation.
[44] Violer le domicile d'une personne est l'un des crimes les plus graves qu'il soit possible de commettre.
[45] Dans R. c. Campeau, la Cour d'appel de la Saskatchewan conclut que chaque cas d'invasion de domicile doit être jugé en raison des circonstances aggravantes suivantes:
i. Les motifs à l'origine de l'invasion;
ii. Le degré de violence envers les victimes;
iii. La nature des infractions reprochées;
iv. Tous les autres facteurs reliés à l'infraction.
[46] Le Tribunal a analysé la jurisprudence citée par le procureur de la poursuite et fait le constat suivant:
Une peine de pénitencier est généralement imposée:
a) Lorsque les victimes sont battues, frappées et/ou ligotées;
b) Lorsque les accusés possèdent plusieurs antécédents judiciaires
[41] Le Tribunal choisit de prioriser les objectifs de dénonciation, de dissuasion, tant général que spécifique, ainsi que l'exemplarité. Le message doit être clair. De tels crimes commis à l'égard de personnes se trouvant en sécurité dans l'intimité de leur foyer ouvrent la porte à des peines sévères, puisque la protection et la sécurité du public en dépendent.
[43] La réprobation sociale à l'égard de tels crimes est forte et la peine imposée à leurs auteurs doit refléter cette réprobation.
[44] Violer le domicile d'une personne est l'un des crimes les plus graves qu'il soit possible de commettre.
[45] Dans R. c. Campeau, la Cour d'appel de la Saskatchewan conclut que chaque cas d'invasion de domicile doit être jugé en raison des circonstances aggravantes suivantes:
i. Les motifs à l'origine de l'invasion;
ii. Le degré de violence envers les victimes;
iii. La nature des infractions reprochées;
iv. Tous les autres facteurs reliés à l'infraction.
[46] Le Tribunal a analysé la jurisprudence citée par le procureur de la poursuite et fait le constat suivant:
Une peine de pénitencier est généralement imposée:
a) Lorsque les victimes sont battues, frappées et/ou ligotées;
b) Lorsque les accusés possèdent plusieurs antécédents judiciaires
vendredi 16 décembre 2011
Exemple jurisprudentiel de détermination de la peine pour une infraction de conduite durant interdiction
Lambert c. R., 2011 QCCS 1963 (CanLII)
[32] L'appelant en était conscient puisque son épouse, jusqu'à ce jour, était toujours allée le reconduire et le chercher. Son plaidoyer de culpabilité démontre la conscience de ses actes.
[33] Toutefois, si l'explication de la maladie subite de son épouse ne peut servir d'excuse, en revanche, elle peut devenir un facteur atténuant au moment de l'imposition de la peine, en ce que l'appelant n'a pas été intercepté en état d'ébriété et n'a pas utilisé sa voiture pour aller dans un bar ou à des fins récréatives.
[34] Son absence d'antécédents judiciaires, outre celui pour lequel il était interdit de conduire, est un autre facteur atténuant que le juge aurait dû prendre en compte.
[35] De plus, le juge a erré en droit en appliquant les principes de la conduite d'un véhicule automobile avec les facultés affaiblies comme étant un fléau dans notre société, alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une conduite pendant l'interdiction, sans que les facultés de l'accusé ne soient concernées.
[36] Cela étant, il est certain que la conduite pendant interdiction est une infraction qui ne doit pas être prise à la légère.
[37] Cependant, le principe de l'individualisation des peines demeure, et c'est la raison pour laquelle le juge d'instance a erré en droit, en imposant 30 jours d'incarcération sans tenir compte des autres peines applicables.
[38] Même si le juge mentionne être d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, son jugement démontre le contraire.
[39] En effet, le juge, immédiatement après avoir mentionné au paragraphe 14 que la peine doit s'harmoniser avec celle infligée à d'autres délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, souligne que les procureurs reconnaissent que les peines habituelles pour ce genre d'infraction se traduisent généralement par un emprisonnement de 30 jours.
[40] Même si par la suite il se dit d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer le point de départ, sitôt après avoir rejeté l'idée d'une peine pécuniaire, il impose, de fait, la peine standard en vigueur dans le district de Drummond, soit 30 jours d'incarcération.
[41] La simple mention par le juge d'instance qu'il est d'accord qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer un point de départ, ne convainc pas le Tribunal qu'il n'a pas suivi la tradition.
[42] En l'espèce, tel que le mentionne le juge Buffoni, dans l'affaire Auger c. Directeur des poursuites criminelles et pénales[4], «…ce point de départ a occulté l'ensemble des autres peines possibles dans l'arsenal que le Code met à la disposition du Tribunal.»
[43] Enfin, en imposant une peine de 30 jours, le juge d'instance a imposé une lourde peine à l'appelant compte tenu de l'amende de 1 000 $ qu'il avait écopée pour avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies.
[32] L'appelant en était conscient puisque son épouse, jusqu'à ce jour, était toujours allée le reconduire et le chercher. Son plaidoyer de culpabilité démontre la conscience de ses actes.
[33] Toutefois, si l'explication de la maladie subite de son épouse ne peut servir d'excuse, en revanche, elle peut devenir un facteur atténuant au moment de l'imposition de la peine, en ce que l'appelant n'a pas été intercepté en état d'ébriété et n'a pas utilisé sa voiture pour aller dans un bar ou à des fins récréatives.
[34] Son absence d'antécédents judiciaires, outre celui pour lequel il était interdit de conduire, est un autre facteur atténuant que le juge aurait dû prendre en compte.
[35] De plus, le juge a erré en droit en appliquant les principes de la conduite d'un véhicule automobile avec les facultés affaiblies comme étant un fléau dans notre société, alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une conduite pendant l'interdiction, sans que les facultés de l'accusé ne soient concernées.
[36] Cela étant, il est certain que la conduite pendant interdiction est une infraction qui ne doit pas être prise à la légère.
[37] Cependant, le principe de l'individualisation des peines demeure, et c'est la raison pour laquelle le juge d'instance a erré en droit, en imposant 30 jours d'incarcération sans tenir compte des autres peines applicables.
[38] Même si le juge mentionne être d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, son jugement démontre le contraire.
[39] En effet, le juge, immédiatement après avoir mentionné au paragraphe 14 que la peine doit s'harmoniser avec celle infligée à d'autres délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, souligne que les procureurs reconnaissent que les peines habituelles pour ce genre d'infraction se traduisent généralement par un emprisonnement de 30 jours.
[40] Même si par la suite il se dit d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer le point de départ, sitôt après avoir rejeté l'idée d'une peine pécuniaire, il impose, de fait, la peine standard en vigueur dans le district de Drummond, soit 30 jours d'incarcération.
[41] La simple mention par le juge d'instance qu'il est d'accord qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer un point de départ, ne convainc pas le Tribunal qu'il n'a pas suivi la tradition.
[42] En l'espèce, tel que le mentionne le juge Buffoni, dans l'affaire Auger c. Directeur des poursuites criminelles et pénales[4], «…ce point de départ a occulté l'ensemble des autres peines possibles dans l'arsenal que le Code met à la disposition du Tribunal.»
[43] Enfin, en imposant une peine de 30 jours, le juge d'instance a imposé une lourde peine à l'appelant compte tenu de l'amende de 1 000 $ qu'il avait écopée pour avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies.
lundi 12 décembre 2011
La détention à des fins d'enquête
Résumé
Le pouvoir de détenir une personne à des fins d'enquête n'est pas une technique d'investigation nouvelle et tire son origine du droit anglais. Mais cette méthode d'enquête, qui consiste à restreindre temporairement la liberté de mouvement d'une personne que l'on soupçonne pour des motifs raisonnables d'être impliquée dans une activité criminelle, ne fut reconnue officiellement au Canada qu'en juillet 2004 suite au jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Mann. Au moment d'écrire ces lignes, cette stratégie d'enquête policière ne fait toujours pas l'objet d'une réglementation spécifique au Code criminel. L'approbation de cette technique d'enquête, en l'absence de toute forme de législation, ne s'est pas faite sans critiques de la part des auteurs et des commentateurs judiciaires qui y voient une intrusion dans un champ de compétences normalement réservé au Parlement.
L'arrêt Mann laisse également en suspens une question cruciale qui se rapporte directement aux droits constitutionnels des citoyens faisant l'objet d'une détention semblable: il s'agit du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Le présent travail se veut donc une étude approfondie du concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et de son impact sur les droits constitutionnels dont bénéficient les citoyens de notre pays. Pour accomplir cette tâche, l'auteur propose une analyse de la question en trois chapitres distincts. Dans le premier chapitre, l'auteur se penche sur le rôle et les fonctions dévolus aux agents de la paix qui exécutent leur mission à l'intérieur d'une société libre et démocratique comme celle qui prévaut au Canada.
Cette étude permettra au lecteur de mieux connaître les principaux acteurs qui assurent le maintien de l'ordre sur le territoire québécois, les crimes qu'ils sont le plus souvent appelés à combattre ainsi que les méthodes d'enquête qu'ils emploient pour les réprimer. Le deuxième chapitre est entièrement dédié au concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien. En plus de l'arrêt R. c. Mann qui fera l'objet d'une étude détaillée, plusieurs autres sujets en lien avec cette notion seront abordés. Des thèmes tels que la notion de «détention» au sens des articles 9 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, la différence entre la détention à des fins d'enquête et l'arrestation, les motifs pouvant légalement justifier une intervention policière de même que les limites et l'entendue de la détention d'une personne pour fins d'enquête, seront aussi analysés. Au troisième chapitre, l'auteur se consacre à la question du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat (et d'être informé de ce droit) ainsi que du droit de garder le silence dans des circonstances permettant aux agents de la paix de détenir une personne à des fins d'enquête.
Faisant l'analogie avec d'autres jugements rendus par nos tribunaux, l'auteur suggère quelques pistes de solutions susceptibles de combler les lacunes qui auront été préalablement identifiées dans les arrêts Mann et Clayton.
Tiré de : La détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et son impact sur les droits constitutionnels
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/3528/2/12062039.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/3528?mode=full
Le pouvoir de détenir une personne à des fins d'enquête n'est pas une technique d'investigation nouvelle et tire son origine du droit anglais. Mais cette méthode d'enquête, qui consiste à restreindre temporairement la liberté de mouvement d'une personne que l'on soupçonne pour des motifs raisonnables d'être impliquée dans une activité criminelle, ne fut reconnue officiellement au Canada qu'en juillet 2004 suite au jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Mann. Au moment d'écrire ces lignes, cette stratégie d'enquête policière ne fait toujours pas l'objet d'une réglementation spécifique au Code criminel. L'approbation de cette technique d'enquête, en l'absence de toute forme de législation, ne s'est pas faite sans critiques de la part des auteurs et des commentateurs judiciaires qui y voient une intrusion dans un champ de compétences normalement réservé au Parlement.
L'arrêt Mann laisse également en suspens une question cruciale qui se rapporte directement aux droits constitutionnels des citoyens faisant l'objet d'une détention semblable: il s'agit du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Le présent travail se veut donc une étude approfondie du concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et de son impact sur les droits constitutionnels dont bénéficient les citoyens de notre pays. Pour accomplir cette tâche, l'auteur propose une analyse de la question en trois chapitres distincts. Dans le premier chapitre, l'auteur se penche sur le rôle et les fonctions dévolus aux agents de la paix qui exécutent leur mission à l'intérieur d'une société libre et démocratique comme celle qui prévaut au Canada.
Cette étude permettra au lecteur de mieux connaître les principaux acteurs qui assurent le maintien de l'ordre sur le territoire québécois, les crimes qu'ils sont le plus souvent appelés à combattre ainsi que les méthodes d'enquête qu'ils emploient pour les réprimer. Le deuxième chapitre est entièrement dédié au concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien. En plus de l'arrêt R. c. Mann qui fera l'objet d'une étude détaillée, plusieurs autres sujets en lien avec cette notion seront abordés. Des thèmes tels que la notion de «détention» au sens des articles 9 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, la différence entre la détention à des fins d'enquête et l'arrestation, les motifs pouvant légalement justifier une intervention policière de même que les limites et l'entendue de la détention d'une personne pour fins d'enquête, seront aussi analysés. Au troisième chapitre, l'auteur se consacre à la question du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat (et d'être informé de ce droit) ainsi que du droit de garder le silence dans des circonstances permettant aux agents de la paix de détenir une personne à des fins d'enquête.
Faisant l'analogie avec d'autres jugements rendus par nos tribunaux, l'auteur suggère quelques pistes de solutions susceptibles de combler les lacunes qui auront été préalablement identifiées dans les arrêts Mann et Clayton.
Tiré de : La détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et son impact sur les droits constitutionnels
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/3528/2/12062039.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/3528?mode=full
dimanche 11 décembre 2011
L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur? La distinction entre la faute civile et l'acte criminel
Extrait du mémoire d'Isabelle Charlebois : Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
En droit criminel, les propos de la Cour suprême nous semblent tendre vers une
interprétation plus étroite de la notion d'intérêt de la compagnie résumant le tout à la question d'un conflit d'intérêts:
« La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement
pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la
compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant
destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des
circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la
compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour
les fms personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour
a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fms
personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait
un intérêt. »
Partant, toute action s'inscrivant à l'intérieur de la mécanique normale de l'entreprise ne pourra pas mener à une accusation de fraude
« [...] Il est possible, tout dépendant des circonstances, que s'il avait choisi
d'investir ces sommes à la bourse ou dans une opération immobilière, il ne serait
pas coupable de fraude criminelle puisque, dans ces circonstances, il ne pourrait
être démontré qu'il s'agissait là d'un des actes visés par l'infraction. »
L'examen se limite donc à la finalité de la décision de l'administrateur. L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur :
« [...] La distinction est la même que celle entre un dirigeant d'entreprise qui ne
commet pas une fraude en utilisant des fonds de l'entreprise à des [ms
commerciales peu judicieuses, et celui qui détourne des fonds de l'entreprise à
des fins personnelles qui n'ont rien à voir avec l'entreprise. Les pratiques
commerciales malavisées ne sont pas dolosives. L'emploi illégitime de l'argent
dans lequel d'autres personnes ont un intérêt pécuniaire à des fins qui n'ont rien
à voir avec l'entreprise peut toutefois, dans certaines circonstances, constituer
une fraude. »
En somme, pour être qualifiée de malhonnête au sens du Code criminel et ainsi faire
l'objet d'une accusation criminelle, une conduite devra faire complètement
abstraction de l'intérêt de la compagnie et avoir entraîné une privation, autrement,
elle ne constituera qu'une violation des devoirs énoncés à l'article 322 C.c.Q. De
même, à la lumière des principes de droit criminel où il est depuis longtemps reconnu que l'actus reus à lui seul ne suffit pas à entraîner une condamnation criminelle, le simple fait d'avoir fait abstraction de l'intérêt de la compagnie ne pourra fonder une accusation que s'il est combiné à un élément subjectif particulier.
Tiré de: Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
Auteur(s): Charlebois, Isabelle
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/2448/1/11784079.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/2448
En droit criminel, les propos de la Cour suprême nous semblent tendre vers une
interprétation plus étroite de la notion d'intérêt de la compagnie résumant le tout à la question d'un conflit d'intérêts:
« La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement
pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la
compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant
destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des
circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la
compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour
les fms personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour
a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fms
personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait
un intérêt. »
Partant, toute action s'inscrivant à l'intérieur de la mécanique normale de l'entreprise ne pourra pas mener à une accusation de fraude
« [...] Il est possible, tout dépendant des circonstances, que s'il avait choisi
d'investir ces sommes à la bourse ou dans une opération immobilière, il ne serait
pas coupable de fraude criminelle puisque, dans ces circonstances, il ne pourrait
être démontré qu'il s'agissait là d'un des actes visés par l'infraction. »
L'examen se limite donc à la finalité de la décision de l'administrateur. L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur :
« [...] La distinction est la même que celle entre un dirigeant d'entreprise qui ne
commet pas une fraude en utilisant des fonds de l'entreprise à des [ms
commerciales peu judicieuses, et celui qui détourne des fonds de l'entreprise à
des fins personnelles qui n'ont rien à voir avec l'entreprise. Les pratiques
commerciales malavisées ne sont pas dolosives. L'emploi illégitime de l'argent
dans lequel d'autres personnes ont un intérêt pécuniaire à des fins qui n'ont rien
à voir avec l'entreprise peut toutefois, dans certaines circonstances, constituer
une fraude. »
En somme, pour être qualifiée de malhonnête au sens du Code criminel et ainsi faire
l'objet d'une accusation criminelle, une conduite devra faire complètement
abstraction de l'intérêt de la compagnie et avoir entraîné une privation, autrement,
elle ne constituera qu'une violation des devoirs énoncés à l'article 322 C.c.Q. De
même, à la lumière des principes de droit criminel où il est depuis longtemps reconnu que l'actus reus à lui seul ne suffit pas à entraîner une condamnation criminelle, le simple fait d'avoir fait abstraction de l'intérêt de la compagnie ne pourra fonder une accusation que s'il est combiné à un élément subjectif particulier.
Tiré de: Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
Auteur(s): Charlebois, Isabelle
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/2448/1/11784079.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/2448
La création de la détention pour enquête en common law
Résumé
L’article qui suit examine l’évolution relativement récente ayant donné lieu à la création d’un pouvoir de détention pour enquête en common law. Il en découle un changement fondamental de l’état du droit au Canada qui semble répondre à un besoin légitime des forces de l’ordre. Bien qu’il eût été préférable qu’une loi reconnaisse et régule le pouvoir policier de détention pour enquête, il valait mieux que la jurisprudence pallie le silence du législateur plutôt que d’ignorer une réalité sur le terrain dépourvue de normes juridiques. Aussi perfectible soit-il, le cadre juridique fourni par le droit prétorien constitue une évolution souhaitable du droit pénal qui n’est cependant pas à l’abri des dérives, d’où un appel à une action législative pour compléter et préciser les normes jurisprudentielles.
Tiré de : La création de la détention pour enquête en common law : dérive jurisprudentielle ou évolution nécessaire ? Un point de vue pragmatique
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.html
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.pdf
L’article qui suit examine l’évolution relativement récente ayant donné lieu à la création d’un pouvoir de détention pour enquête en common law. Il en découle un changement fondamental de l’état du droit au Canada qui semble répondre à un besoin légitime des forces de l’ordre. Bien qu’il eût été préférable qu’une loi reconnaisse et régule le pouvoir policier de détention pour enquête, il valait mieux que la jurisprudence pallie le silence du législateur plutôt que d’ignorer une réalité sur le terrain dépourvue de normes juridiques. Aussi perfectible soit-il, le cadre juridique fourni par le droit prétorien constitue une évolution souhaitable du droit pénal qui n’est cependant pas à l’abri des dérives, d’où un appel à une action législative pour compléter et préciser les normes jurisprudentielles.
Tiré de : La création de la détention pour enquête en common law : dérive jurisprudentielle ou évolution nécessaire ? Un point de vue pragmatique
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.html
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samedi 10 décembre 2011
Le cumul des peines réglementaires et criminelles
Résumé
Dans le texte qui suit, les auteurs prennent l’affaire Lacroix-Norbourg comme point d’ancrage de leur réflexion et s’interrogent sur des questions relatives à l’application respective et cumulative du droit pénal provincial et du droit criminel. Leurs propos révèlent la fragilité de la distinction entre ces deux catégories de droit pénal. Les auteurs analysent la jurisprudence constitutionnelle au regard de cette affaire et suggèrent qu’elle a peut-être contribué à l’érosion du sens à donner aux notions fondamentales de crime et de peine. Ils plaident en faveur de l’application de principes fondamentaux de justice dans le domaine des infractions pénales réglementaires passibles d’emprisonnement et concluent qu’il faut sérieusement s’interroger sur la faisabilité et l’opportunité d’appliquer successivement le droit pénal des valeurs mobilières et le droit criminel.
Tiré de: « En marge de l’affaire Lacroix-Norbourg : les enjeux substantifs et punitifs suscités par le double aspect, réglementaire et criminel, de certains comportements frauduleux dans le domaine des valeurs mobilières »
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039332ar.html
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039332ar.pdf
Dans le texte qui suit, les auteurs prennent l’affaire Lacroix-Norbourg comme point d’ancrage de leur réflexion et s’interrogent sur des questions relatives à l’application respective et cumulative du droit pénal provincial et du droit criminel. Leurs propos révèlent la fragilité de la distinction entre ces deux catégories de droit pénal. Les auteurs analysent la jurisprudence constitutionnelle au regard de cette affaire et suggèrent qu’elle a peut-être contribué à l’érosion du sens à donner aux notions fondamentales de crime et de peine. Ils plaident en faveur de l’application de principes fondamentaux de justice dans le domaine des infractions pénales réglementaires passibles d’emprisonnement et concluent qu’il faut sérieusement s’interroger sur la faisabilité et l’opportunité d’appliquer successivement le droit pénal des valeurs mobilières et le droit criminel.
Tiré de: « En marge de l’affaire Lacroix-Norbourg : les enjeux substantifs et punitifs suscités par le double aspect, réglementaire et criminel, de certains comportements frauduleux dans le domaine des valeurs mobilières »
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039332ar.html
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Revue de la jurisprudence sur la détermination de la peine visant l'infraction de voies de fait graves
R. c. Cedar, 2011 QCCQ 14965 (CanLII)
[16] Rappelons que la peine de détention ferme est prononcée en dernier recours.
[17] L’imposition de la peine s’avère une tâche très difficile; tout en étant sensible aux conséquences vécues par les victimes et les proches, il s’agit de punir un individu pour un crime donné et non pas d’agir par vengeance.
[18] La gravité du crime est importante, car le législateur prévoit une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement pour l’infraction de voies de fait graves.
[19] La gravité subjective est aussi à souligner. Quoique le crime n’ait pas été prémédité, il s’agit d’une agression gratuite, commise avec un couteau, avec des séquelles importantes pour la victime.
[20] Dans Antonelli c. R, la Cour d’appel du Québec conclut « qu’en matière de voies de fait graves, sans usage d’une automobile, la fourchette des peines va de la sentence suspendue à l’incarcération, mais la jurisprudence n’est pas avare d’affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées ». Dans ce dossier, il s’agissait de voies de fait graves commises avec une voiture. L’accusé a foncé dans un abribus, dans lequel se trouvaient cinq personnes et il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement.
[21] Dans Bouchard-Lebrun c. R., la Cour d’appel maintient la peine de 5 ans pour un accusé, sans antécédents judiciaires, fortement intoxiqué, qui, sans préméditation, a commis des voies de fait graves impliquant que la victime passe le reste de ses jours à l’hôpital.
[22] Dans David Réjouis c. R, la Cour d’appel réduit la peine à une durée de deux ans moins un jour, assortie d'une probation de trois années, pour trois accusations de voies de fait graves. Près de la station de métro, une altercation a lieu avec un autre groupe; l’accusé intervient avec un couteau pour défendre un de ses amis. Trois personnes sont blessées; deux des personnes subissent une blessure superficielle, mais la troisième est atteinte sérieusement aux intestins. Elle doit subir une intervention chirurgicale et être hospitalisée durant deux semaines. L’accusé est jeune, sans antécédents judiciaires et possède de bonnes valeurs familiales.
[23] La Cour d’appel dans Maranda-Duquette c. R., a réduit à 24 mois la peine imposée pour des voies de fait graves. L’accusé a asséné un coup de poing au visage de la victime, qui s’est fracassé la tête sur le sol; victime d’une fracture du crâne, elle a été hospitalisée aux soins intensifs durant une semaine. Aucune arme n’a été utilisée, mais l’accusé avait une condamnation antérieure de voies de fait pour laquelle, il s’est vu infliger une peine de trois jours.
[24] Dans Oweetaluktuk c. R., la Cour d’appel réduit la sentence à 42 mois. L’accusé a asséné deux coups de couteau dans le dos de sa mère, l’a frappée avec une chaise et un tabouret et a frappé sa grand-mère. La Cour d’appel précise que la sentence se situe dans la fourchette des peines imposées pour des infractions commises par des autochtones et des non-autochtones.
[25] Dans R. c. Niedzielski, une peine de 3 ans fut imposée pour un individu qui a agressé, dans une station de métro des personnes, qu’il ne connaissait pas, dont l'une a subi des séquelles très sévères. Cette victime est demeurée dans le coma pendant une longue période et a, en outre, subi plusieurs fractures et des dommages au cerveau. La gravité objective des crimes, la violence gratuite, les gestes posés par l’intimé et les lourdes conséquences pour les victimes sont les facteurs considérés.
[26] La Cour d’appel dans Rioux c. R., impose une peine de 5 ans et 4 mois à un individu qui a commis des voies de fait graves avec un couteau. Le geste impulsif et sans préméditation a eu des conséquences suivantes pour la victime : coma durant un mois, hospitalisation de 2 mois et séquelles importantes. L’accusé n’avait pas d’antécédents judiciaires
[27] Dans R. c. Mark Jackson, La Cour d’appel confirme une peine de 5 ans pour un individu qui s’est bagarré à la sortie d’un bar et qui a utilisé un couteau pour assaillir la victime. L’accusé a de nombreux antécédents judiciaires et a commis le crime alors qu’il purgeait une sentence dans la collectivité.
[28] Dans R. c. Alexandre, la Cour du Québec impose une peine de 5 ans de pénitencier à un individu qui a poignardé la victime à plusieurs reprises. La brutalité de l’infraction, les séquelles importantes, la préméditation, le fait que l’accusé était sur le coup de 3 ordonnances de probation au moment des évènements et avait une condamnation pour négligence criminelle causant la mort ont justifié la peine imposée.
[29] De cette revue de la jurisprudence, il appert que des sentences de 5 ans de pénitencier sont imposées dans les cas où les accusés ont des antécédents judiciaires ou lorsque les séquelles sont plus lourdes que dans la présente affaire.
[16] Rappelons que la peine de détention ferme est prononcée en dernier recours.
[17] L’imposition de la peine s’avère une tâche très difficile; tout en étant sensible aux conséquences vécues par les victimes et les proches, il s’agit de punir un individu pour un crime donné et non pas d’agir par vengeance.
[18] La gravité du crime est importante, car le législateur prévoit une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement pour l’infraction de voies de fait graves.
[19] La gravité subjective est aussi à souligner. Quoique le crime n’ait pas été prémédité, il s’agit d’une agression gratuite, commise avec un couteau, avec des séquelles importantes pour la victime.
[20] Dans Antonelli c. R, la Cour d’appel du Québec conclut « qu’en matière de voies de fait graves, sans usage d’une automobile, la fourchette des peines va de la sentence suspendue à l’incarcération, mais la jurisprudence n’est pas avare d’affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées ». Dans ce dossier, il s’agissait de voies de fait graves commises avec une voiture. L’accusé a foncé dans un abribus, dans lequel se trouvaient cinq personnes et il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement.
[21] Dans Bouchard-Lebrun c. R., la Cour d’appel maintient la peine de 5 ans pour un accusé, sans antécédents judiciaires, fortement intoxiqué, qui, sans préméditation, a commis des voies de fait graves impliquant que la victime passe le reste de ses jours à l’hôpital.
[22] Dans David Réjouis c. R, la Cour d’appel réduit la peine à une durée de deux ans moins un jour, assortie d'une probation de trois années, pour trois accusations de voies de fait graves. Près de la station de métro, une altercation a lieu avec un autre groupe; l’accusé intervient avec un couteau pour défendre un de ses amis. Trois personnes sont blessées; deux des personnes subissent une blessure superficielle, mais la troisième est atteinte sérieusement aux intestins. Elle doit subir une intervention chirurgicale et être hospitalisée durant deux semaines. L’accusé est jeune, sans antécédents judiciaires et possède de bonnes valeurs familiales.
[23] La Cour d’appel dans Maranda-Duquette c. R., a réduit à 24 mois la peine imposée pour des voies de fait graves. L’accusé a asséné un coup de poing au visage de la victime, qui s’est fracassé la tête sur le sol; victime d’une fracture du crâne, elle a été hospitalisée aux soins intensifs durant une semaine. Aucune arme n’a été utilisée, mais l’accusé avait une condamnation antérieure de voies de fait pour laquelle, il s’est vu infliger une peine de trois jours.
[24] Dans Oweetaluktuk c. R., la Cour d’appel réduit la sentence à 42 mois. L’accusé a asséné deux coups de couteau dans le dos de sa mère, l’a frappée avec une chaise et un tabouret et a frappé sa grand-mère. La Cour d’appel précise que la sentence se situe dans la fourchette des peines imposées pour des infractions commises par des autochtones et des non-autochtones.
[25] Dans R. c. Niedzielski, une peine de 3 ans fut imposée pour un individu qui a agressé, dans une station de métro des personnes, qu’il ne connaissait pas, dont l'une a subi des séquelles très sévères. Cette victime est demeurée dans le coma pendant une longue période et a, en outre, subi plusieurs fractures et des dommages au cerveau. La gravité objective des crimes, la violence gratuite, les gestes posés par l’intimé et les lourdes conséquences pour les victimes sont les facteurs considérés.
[26] La Cour d’appel dans Rioux c. R., impose une peine de 5 ans et 4 mois à un individu qui a commis des voies de fait graves avec un couteau. Le geste impulsif et sans préméditation a eu des conséquences suivantes pour la victime : coma durant un mois, hospitalisation de 2 mois et séquelles importantes. L’accusé n’avait pas d’antécédents judiciaires
[27] Dans R. c. Mark Jackson, La Cour d’appel confirme une peine de 5 ans pour un individu qui s’est bagarré à la sortie d’un bar et qui a utilisé un couteau pour assaillir la victime. L’accusé a de nombreux antécédents judiciaires et a commis le crime alors qu’il purgeait une sentence dans la collectivité.
[28] Dans R. c. Alexandre, la Cour du Québec impose une peine de 5 ans de pénitencier à un individu qui a poignardé la victime à plusieurs reprises. La brutalité de l’infraction, les séquelles importantes, la préméditation, le fait que l’accusé était sur le coup de 3 ordonnances de probation au moment des évènements et avait une condamnation pour négligence criminelle causant la mort ont justifié la peine imposée.
[29] De cette revue de la jurisprudence, il appert que des sentences de 5 ans de pénitencier sont imposées dans les cas où les accusés ont des antécédents judiciaires ou lorsque les séquelles sont plus lourdes que dans la présente affaire.
Revue de la jurisprudence sur la confiscation des biens infractionnels et des éléments de la "démesure"
R. c. Bernard, 2011 QCCQ 15014 (CanLII)
[17] Il semble approprié, dans un premier temps, d'attirer l'attention sur une particularité de cet article : la confiscation de biens infractionnels est prononcée par le « tribunal qui déclare une personne coupable d'un acte criminel ».
[18] Cette particularité revêt une certaine importance lorsqu'on se réfère à l'article 462.37(1) du Code criminel à propos de la confiscation des produits de la criminalité.
[19] En vertu de cet article, c'est le « tribunal qui détermine la peine à infliger à un accusé… » qui pourra prononcer la confiscation.
[20] Une deuxième précision qui, cette fois-ci, provient de la jurisprudence, mérite d'être apportée.
[21] En effet, la Cour suprême du Canada, en 2009, dans l'arrêt Craig (2009 1 R.C.S. 762), a insisté sur la nécessité de séparer la décision sur la détermination de la peine de celle portant sur la confiscation, évitant une interaction entre les deux processus.
[22] Dans une décision rendue le 10 mars 2011, par la Cour d'appel du Québec, R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435), cette règle est ainsi rappelée :
Une première leçon qui se dégage de Craig est que l'infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l'une de l'autre.[…]
Paragraphe 19
[23] Et un peu plus loin, au paragraphe 21, on y lit ce qui suit :
L'arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu'il analyse l'opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée.
[24] Notons au passage que la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire R. c. Neault avait fait l'objet d'une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada; or, le 13 octobre 2011, la Cour suprême a rejeté la demande de pourvoi.
2. L'exception à la règle : la démesure
[25] C'est l'article 490.41(3) du Code criminel qui établit les bases de l'exception à la règle de la confiscation :
Sous réserve d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 490.4(3), le tribunal peut ne pas ordonner la confiscation de tout ou partie de biens infractionnels confiscables en vertu des paragraphes 490.1(1) ou 490.2(2) et annuler toute ordonnance de blocage à l’égard de tout ou partie des biens, s’il est convaincu que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et, s’il y a lieu, au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction, selon le cas.
[26] Comme on le constate, cette exception repose sur le concept de la démesure, concept qui est laissé à l'appréciation et à la discrétion du tribunal.
a) La nature de cet exercice d'appréciation
[27] Cet exercice d'appréciation par le tribunal en est un essentiellement de comparaison entre les critères de proportionnalité édictés à l'article 490.41(3) et les effets ou les conséquences que peut entraîner la confiscation.
[28] En d'autres termes, le tribunal a comme tâche de balancer les avantages et les inconvénients d'une confiscation.
[29] L'honorable Paul Vézina de la Cour d'appel du Québec, dans la décision de R. c. Neault, illustre clairement la nature de l'exercice d'appréciation auquel doit se livrer le tribunal dans une décision portant sur la confiscation de biens infractionnels :
L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.
[30] Au paragraphe 25 de la même décision :
Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. […]
b) L'importance de cet exercice
[31] Encore une fois, cette importance est soulignée par la Cour d'appel dans la décision dans l'affaire Neault, au paragraphe 37 :
Suivant ma compréhension de l’objectif de l’ordonnance, plus on est en présence du crime organisé, plus l’ordonnance s’impose, et de même, plus il appert que le bien est « destiné à servir » à la perpétration d’infraction, plus il importe de ne pas le laisser entre les mains du contrevenant. À l’opposé, si l’infraction est sans rapport avec le gangstérisme et si le bien n’était pas « destiné à servir » au crime, mais a été « utilisé de quelque manière » pour commettre l’infraction, plus s’impose de vérifier si la confiscation ne serait pas démesurée.
c) Le fardeau de preuve de la démesure
[32] Dans une décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 16 mai 2011, dans R. c. Manning 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900), nous retenons ce qui suit, au paragraphe 17 de la décision :
Le juge de première instance se dirige bien en droit en indiquant qu'il revient à l'accusé de démontrer par prépondérance de preuve que la confiscation de son véhicule serait démesurée compte tenu des facteurs de l'article 490.41(3) C. cr. […]
d) Les effets de la confiscation
[33] Si la confiscation d'un bien infractionnel peut, en principe, être justifiée par les facteurs énoncés à l'article 490.41(3) du Code criminel, les effets de cette confiscation doivent être aussi évalués et soupesés dans cet important exercice de comparaison, en vue de vérifier s'il y a démesure et, partant, conclure à la non-justification de la confiscation.
[34] Au sujet des effets de la confiscation, la Cour d'appel, dans l'arrêt Neault, au paragraphe 25, nous donne une liste non exhaustive des facteurs à considérer dans l'évaluation des effets de la confiscation :
[…] À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.
[35] On pourrait aussi tenir en considération notamment les aspects suivants : l'existence ou non de moyens de transport en commun, la proximité de ceux-ci avec le domicile, l'état de santé du délinquant, les moyens financiers du délinquant, l'importance du soutien familial assuré par le délinquant…
B. LES ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES
[36] La jurisprudence de nos tribunaux, tout en témoignant que chaque cas est d'espèce en matière de demande de confiscation d'un bien infractionnel, nous fournit plusieurs exemples de la proportionnalité ou de la disproportionnalité de cette mesure de confiscation, eu égard aux circonstances et facteurs propres à chaque affaire.
[37] En effet, dans l'examen sommaire des décisions rendues par les tribunaux relativement à la confiscation des biens infractionnels, on doit constater que chaque affaire comporte une trame factuelle distincte.
[38] Commençons donc par analyser les faits dans les deux décisions (Neault et Manning) auxquelles nous nous sommes référés pour les principes s'y dégageant.
[39] R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435) :
Il s'agissait dans cette affaire d'une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (112 milligrammes par 100 millilitres de sang), survenue en 2010. L'accusé avait des antécédents de même nature, s'étendant d'avril 2004 jusqu'en décembre 2010. Il s'agissait dans ce cas d'un jeune homme célibataire qui avait nécessairement besoin de son véhicule pour opérer un commerce de méchoui. Le père de l'accusé avait financé l'achat du véhicule. La preuve révélait qu'il n'y avait pas de transport en commun dans la région où résidait l'accusé en compagnie de ses parents (St-Luc-de-Vincennes). La confiscation a été refusée.
[40] R. c. Manning, 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900) :
L'accusé dans cette affaire vit de prestations de derniers secours, étant sans emploi et son automobile constitue le seul bien qu'il possède. Il s'agit d'un individu de 62 ans qui habite, en compagnie de sa conjointe, une chambre d'un motel à Chute-aux-Outardes et qui, en raison de ses problèmes de santé, doit se rendre régulièrement à l'hôpital de Baie-Comeau. L'automobile est nécessaire aussi pour lui et sa conjointe aux fins de s'acheter de la nourriture et des vêtements; il n'a pas les moyens financiers pour prendre un taxi. La confiscation a été refusée dans ce dossier.
[41] R. c. Rheault 2010 QCCQ 8555 (CanLII), (2010 QCCQ 8555) :
Cette décision fait état d'une cinquième condamnation en semblable matière (pour alcool au volant). Le plus bas taux indique 202 milligrammes par 100 millilitres de sang. L'accusé demeure seul, n'a pas de personnes à charge et personne n'est affecté indirectement par la confiscation. La Cour avait ordonné la confiscation du véhicule, soit un Honda Accord de l'année 2004.
[42] R. c. Thiffault 2008 QCCQ 2391 (CanLII), (2008 QCCQ 2391) :
La Cour a ordonné également dans cette affaire la confiscation d'un véhicule (Mazda Protégé 2003) sur laquelle il n'y avait aucun lien. L'accusé, âgé de 48 ans, a été repris pour conduite d'un véhicule avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (146 milligrammes par 100 millilitres de sang). Il avait six antécédents en semblable matière pour la période de 1981 à 2000, en plus d'une accusation de refus de test en 2000, de conduite dangereuse en 1992 et cinq accusations de conduite de véhicule pendant interdiction, en vertu du Code criminel entre 1996 et 2004.
[43] R. c. Bergeron 2009 QCCQ 15576 (CanLII), (2009 QCCQ 15576) :
Dans ce dossier, l'accusé a plaidé coupable à une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (le plus bas taux : 222 milligrammes par 100 millilitres de sang). C'est le septième dossier en semblable matière. La mère de l'accusé s'était portée caution de l'emprunt effectué par l'accusé, sans pour autant avoir de lien sur le véhicule. Le solde de l'emprunt était tout de même de 13 000 $. La Cour a ordonné la confiscation du véhicule saisi.
[44] R. c. Lemieux (EYB 2010 177133) :
Cette décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 22 juillet 2010 met en lumière les faits suivants. L'accusé était âgé de 72 ans lorsqu'il a été déclaré coupable d'avoir conduit un VTT en état d'ébriété. Il possède des antécédents judiciaires. La valeur de ce véhicule était de 8 000 $. Il s'agit d'un individu qui est qualifié par la Cour de « pas riche », vivant dans un rang à une distance de 20 à 30 kilomètres du village. Le VTT est nécessaire pour tirer une fendeuse à bois et permettre à l'accusé de s'approvisionner en bois. On dénote que dans les dossiers antérieurs, les peines se résumaient à des amendes. La Cour d'appel maintient le refus de confisquer le véhicule.
[45] R. c. Adamson 2007 BCSC 1143 (CanLII), (2007 BCSC 1143) :
Dans cette affaire, l'accusée a été déclarée coupable de conduite dangereuse causant des blessures corporelles et de refus de test, pour des événements survenus en août 2006. L'accusée n'avait aucun antécédent et la Cour a considéré comme non disproportionnée la confiscation d'un véhicule Mercedes Kompressor de l'année 2002, ayant une valeur de 26 000 $, malgré le fait que l'accusée en avait besoin pour son travail.
[17] Il semble approprié, dans un premier temps, d'attirer l'attention sur une particularité de cet article : la confiscation de biens infractionnels est prononcée par le « tribunal qui déclare une personne coupable d'un acte criminel ».
[18] Cette particularité revêt une certaine importance lorsqu'on se réfère à l'article 462.37(1) du Code criminel à propos de la confiscation des produits de la criminalité.
[19] En vertu de cet article, c'est le « tribunal qui détermine la peine à infliger à un accusé… » qui pourra prononcer la confiscation.
[20] Une deuxième précision qui, cette fois-ci, provient de la jurisprudence, mérite d'être apportée.
[21] En effet, la Cour suprême du Canada, en 2009, dans l'arrêt Craig (2009 1 R.C.S. 762), a insisté sur la nécessité de séparer la décision sur la détermination de la peine de celle portant sur la confiscation, évitant une interaction entre les deux processus.
[22] Dans une décision rendue le 10 mars 2011, par la Cour d'appel du Québec, R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435), cette règle est ainsi rappelée :
Une première leçon qui se dégage de Craig est que l'infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l'une de l'autre.[…]
Paragraphe 19
[23] Et un peu plus loin, au paragraphe 21, on y lit ce qui suit :
L'arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu'il analyse l'opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée.
[24] Notons au passage que la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire R. c. Neault avait fait l'objet d'une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada; or, le 13 octobre 2011, la Cour suprême a rejeté la demande de pourvoi.
2. L'exception à la règle : la démesure
[25] C'est l'article 490.41(3) du Code criminel qui établit les bases de l'exception à la règle de la confiscation :
Sous réserve d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 490.4(3), le tribunal peut ne pas ordonner la confiscation de tout ou partie de biens infractionnels confiscables en vertu des paragraphes 490.1(1) ou 490.2(2) et annuler toute ordonnance de blocage à l’égard de tout ou partie des biens, s’il est convaincu que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et, s’il y a lieu, au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction, selon le cas.
[26] Comme on le constate, cette exception repose sur le concept de la démesure, concept qui est laissé à l'appréciation et à la discrétion du tribunal.
a) La nature de cet exercice d'appréciation
[27] Cet exercice d'appréciation par le tribunal en est un essentiellement de comparaison entre les critères de proportionnalité édictés à l'article 490.41(3) et les effets ou les conséquences que peut entraîner la confiscation.
[28] En d'autres termes, le tribunal a comme tâche de balancer les avantages et les inconvénients d'une confiscation.
[29] L'honorable Paul Vézina de la Cour d'appel du Québec, dans la décision de R. c. Neault, illustre clairement la nature de l'exercice d'appréciation auquel doit se livrer le tribunal dans une décision portant sur la confiscation de biens infractionnels :
L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.
[30] Au paragraphe 25 de la même décision :
Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. […]
b) L'importance de cet exercice
[31] Encore une fois, cette importance est soulignée par la Cour d'appel dans la décision dans l'affaire Neault, au paragraphe 37 :
Suivant ma compréhension de l’objectif de l’ordonnance, plus on est en présence du crime organisé, plus l’ordonnance s’impose, et de même, plus il appert que le bien est « destiné à servir » à la perpétration d’infraction, plus il importe de ne pas le laisser entre les mains du contrevenant. À l’opposé, si l’infraction est sans rapport avec le gangstérisme et si le bien n’était pas « destiné à servir » au crime, mais a été « utilisé de quelque manière » pour commettre l’infraction, plus s’impose de vérifier si la confiscation ne serait pas démesurée.
c) Le fardeau de preuve de la démesure
[32] Dans une décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 16 mai 2011, dans R. c. Manning 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900), nous retenons ce qui suit, au paragraphe 17 de la décision :
Le juge de première instance se dirige bien en droit en indiquant qu'il revient à l'accusé de démontrer par prépondérance de preuve que la confiscation de son véhicule serait démesurée compte tenu des facteurs de l'article 490.41(3) C. cr. […]
d) Les effets de la confiscation
[33] Si la confiscation d'un bien infractionnel peut, en principe, être justifiée par les facteurs énoncés à l'article 490.41(3) du Code criminel, les effets de cette confiscation doivent être aussi évalués et soupesés dans cet important exercice de comparaison, en vue de vérifier s'il y a démesure et, partant, conclure à la non-justification de la confiscation.
[34] Au sujet des effets de la confiscation, la Cour d'appel, dans l'arrêt Neault, au paragraphe 25, nous donne une liste non exhaustive des facteurs à considérer dans l'évaluation des effets de la confiscation :
[…] À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.
[35] On pourrait aussi tenir en considération notamment les aspects suivants : l'existence ou non de moyens de transport en commun, la proximité de ceux-ci avec le domicile, l'état de santé du délinquant, les moyens financiers du délinquant, l'importance du soutien familial assuré par le délinquant…
B. LES ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES
[36] La jurisprudence de nos tribunaux, tout en témoignant que chaque cas est d'espèce en matière de demande de confiscation d'un bien infractionnel, nous fournit plusieurs exemples de la proportionnalité ou de la disproportionnalité de cette mesure de confiscation, eu égard aux circonstances et facteurs propres à chaque affaire.
[37] En effet, dans l'examen sommaire des décisions rendues par les tribunaux relativement à la confiscation des biens infractionnels, on doit constater que chaque affaire comporte une trame factuelle distincte.
[38] Commençons donc par analyser les faits dans les deux décisions (Neault et Manning) auxquelles nous nous sommes référés pour les principes s'y dégageant.
[39] R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435) :
Il s'agissait dans cette affaire d'une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (112 milligrammes par 100 millilitres de sang), survenue en 2010. L'accusé avait des antécédents de même nature, s'étendant d'avril 2004 jusqu'en décembre 2010. Il s'agissait dans ce cas d'un jeune homme célibataire qui avait nécessairement besoin de son véhicule pour opérer un commerce de méchoui. Le père de l'accusé avait financé l'achat du véhicule. La preuve révélait qu'il n'y avait pas de transport en commun dans la région où résidait l'accusé en compagnie de ses parents (St-Luc-de-Vincennes). La confiscation a été refusée.
[40] R. c. Manning, 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900) :
L'accusé dans cette affaire vit de prestations de derniers secours, étant sans emploi et son automobile constitue le seul bien qu'il possède. Il s'agit d'un individu de 62 ans qui habite, en compagnie de sa conjointe, une chambre d'un motel à Chute-aux-Outardes et qui, en raison de ses problèmes de santé, doit se rendre régulièrement à l'hôpital de Baie-Comeau. L'automobile est nécessaire aussi pour lui et sa conjointe aux fins de s'acheter de la nourriture et des vêtements; il n'a pas les moyens financiers pour prendre un taxi. La confiscation a été refusée dans ce dossier.
[41] R. c. Rheault 2010 QCCQ 8555 (CanLII), (2010 QCCQ 8555) :
Cette décision fait état d'une cinquième condamnation en semblable matière (pour alcool au volant). Le plus bas taux indique 202 milligrammes par 100 millilitres de sang. L'accusé demeure seul, n'a pas de personnes à charge et personne n'est affecté indirectement par la confiscation. La Cour avait ordonné la confiscation du véhicule, soit un Honda Accord de l'année 2004.
[42] R. c. Thiffault 2008 QCCQ 2391 (CanLII), (2008 QCCQ 2391) :
La Cour a ordonné également dans cette affaire la confiscation d'un véhicule (Mazda Protégé 2003) sur laquelle il n'y avait aucun lien. L'accusé, âgé de 48 ans, a été repris pour conduite d'un véhicule avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (146 milligrammes par 100 millilitres de sang). Il avait six antécédents en semblable matière pour la période de 1981 à 2000, en plus d'une accusation de refus de test en 2000, de conduite dangereuse en 1992 et cinq accusations de conduite de véhicule pendant interdiction, en vertu du Code criminel entre 1996 et 2004.
[43] R. c. Bergeron 2009 QCCQ 15576 (CanLII), (2009 QCCQ 15576) :
Dans ce dossier, l'accusé a plaidé coupable à une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (le plus bas taux : 222 milligrammes par 100 millilitres de sang). C'est le septième dossier en semblable matière. La mère de l'accusé s'était portée caution de l'emprunt effectué par l'accusé, sans pour autant avoir de lien sur le véhicule. Le solde de l'emprunt était tout de même de 13 000 $. La Cour a ordonné la confiscation du véhicule saisi.
[44] R. c. Lemieux (EYB 2010 177133) :
Cette décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 22 juillet 2010 met en lumière les faits suivants. L'accusé était âgé de 72 ans lorsqu'il a été déclaré coupable d'avoir conduit un VTT en état d'ébriété. Il possède des antécédents judiciaires. La valeur de ce véhicule était de 8 000 $. Il s'agit d'un individu qui est qualifié par la Cour de « pas riche », vivant dans un rang à une distance de 20 à 30 kilomètres du village. Le VTT est nécessaire pour tirer une fendeuse à bois et permettre à l'accusé de s'approvisionner en bois. On dénote que dans les dossiers antérieurs, les peines se résumaient à des amendes. La Cour d'appel maintient le refus de confisquer le véhicule.
[45] R. c. Adamson 2007 BCSC 1143 (CanLII), (2007 BCSC 1143) :
Dans cette affaire, l'accusée a été déclarée coupable de conduite dangereuse causant des blessures corporelles et de refus de test, pour des événements survenus en août 2006. L'accusée n'avait aucun antécédent et la Cour a considéré comme non disproportionnée la confiscation d'un véhicule Mercedes Kompressor de l'année 2002, ayant une valeur de 26 000 $, malgré le fait que l'accusée en avait besoin pour son travail.
Informatique judiciaire : Guide à l’intention des intervenants en cas d’incident de sécurité informatique
3.4.2 Règles de preuve
Les règles de preuve sont très précises et visent à garantir que la preuve est obtenue et stockée comme il se doit et qu’elle n’a pas été modifiée lorsqu’elle est présentée devant les tribunaux. Selon les règles, les preuves numériques doivent être :
• authentiques – l’intégrité et la chaîne de possession des éléments de preuve doivent être intactes;
• complètes – tous les éléments de preuve qui appuient ou qui contredisent toute preuve qui inculpe un suspect doivent être étudiés et évalués. Il est également nécessaire de réunir des éléments de preuve qui permettent d’éliminer d’autres suspects. On ne doit pas seulement être capable de prouver que l’accusé a commis le crime, mais on doit également prouver que le crime n’a pas été commis par quelqu’un d’autre;
• fiables – les procédures et les outils relatifs à la collecte, à l’examen, à l’analyse et à la conservation des preuves ainsi qu’à l’établissement de rapports s’y rattachant doivent permettre d’arriver aux mêmes résultats au fil du temps. Les procédures ne doivent pas mettre en doute l’authenticité de la preuve et les conclusions tirées à la suite de l’analyse;
• crédibles – les preuves doivent être claires, faciles à comprendre et crédibles. La version des preuves présentées devant les tribunaux doit être liée à la preuve binaire originale, sans quoi il est impossible de savoir si la preuve a été contrefaite.
(...)
En mars 2000, le Groupe des Huit (G8) a établi un ensemble de principes proposés pour les procédures relatives à la preuve numérique. Ces principes offrent une base solide sur laquelle faire fond pendant tout examen effectué avant que les responsables de l’application de la loi n’interviennent.
• Principes du G8 – Procédures relatives à la preuve numérique
o Dans le traitement des preuves numériques, tous les principes judiciaires généraux et relatifs aux procédures doivent être appliqués.
o Dès la saisie de preuves numériques, les mesures prises ne doivent pas venir modifier ces preuves.
o Lorsqu’il est nécessaire qu’une personne accède aux preuves numériques originales, cette personne doit avoir suivi une formation à cet égard.
o Toutes les activités liées à la saisie, au stockage ou au transfert des preuves numériques ou à l’accès à ces preuves doivent être entièrement documentées, conservées et disponibles aux fins d’examen.
o Une personne est responsable de toutes les mesures prises en ce qui a trait aux preuves numériques pendant que celles-ci sont en sa possession.
o Tout organisme responsable de la saisie, du stockage ou du transfert des preuves
numériques ou de l’accès à celles-ci est responsable de la conformité à ces principes.
(...)
3.4.3 Chaîne de possession
La chaîne de possession désigne le suivi des éléments de preuve recueillis sur les lieux du crime jusqu’à la présentation de ceux-ci devant les tribunaux. L’entretien de la chaîne de possession est essentiel dans les cas qui reposent fortement sur des preuves numériques. Ce type de preuve peut facilement être modifié, et un bris dans la chaîne de possession peut compromettre la force probante d’une affaire pénale. Il est essentiel de savoir où se sont trouvées les preuves en tout temps, du moment où elles ont été obtenues au moment où elles sont présentées devant les tribunaux. Les organismes d’application de la loi préfèrent toujours qu’on ne touche pas à la preuve avant leur arrivée sur les lieux. Cependant, cela
n’est pas toujours possible, tel qu’il a été mentionné précédemment. Dans de tels cas, toutes les mesures prises par le personnel ne faisant pas partie des organismes d’application de la loi doivent entretenir la chaîne de possession et respecter les règles de preuve.
Tiré de: Informatique judiciaire : Guide à l’intention des intervenants en cas
d’incident de sécurité informatique
http://www.rcmp-grc.gc.ca/ts-st/pubs/it-ti-sec/g2-008-fra.pdf
Les règles de preuve sont très précises et visent à garantir que la preuve est obtenue et stockée comme il se doit et qu’elle n’a pas été modifiée lorsqu’elle est présentée devant les tribunaux. Selon les règles, les preuves numériques doivent être :
• authentiques – l’intégrité et la chaîne de possession des éléments de preuve doivent être intactes;
• complètes – tous les éléments de preuve qui appuient ou qui contredisent toute preuve qui inculpe un suspect doivent être étudiés et évalués. Il est également nécessaire de réunir des éléments de preuve qui permettent d’éliminer d’autres suspects. On ne doit pas seulement être capable de prouver que l’accusé a commis le crime, mais on doit également prouver que le crime n’a pas été commis par quelqu’un d’autre;
• fiables – les procédures et les outils relatifs à la collecte, à l’examen, à l’analyse et à la conservation des preuves ainsi qu’à l’établissement de rapports s’y rattachant doivent permettre d’arriver aux mêmes résultats au fil du temps. Les procédures ne doivent pas mettre en doute l’authenticité de la preuve et les conclusions tirées à la suite de l’analyse;
• crédibles – les preuves doivent être claires, faciles à comprendre et crédibles. La version des preuves présentées devant les tribunaux doit être liée à la preuve binaire originale, sans quoi il est impossible de savoir si la preuve a été contrefaite.
(...)
En mars 2000, le Groupe des Huit (G8) a établi un ensemble de principes proposés pour les procédures relatives à la preuve numérique. Ces principes offrent une base solide sur laquelle faire fond pendant tout examen effectué avant que les responsables de l’application de la loi n’interviennent.
• Principes du G8 – Procédures relatives à la preuve numérique
o Dans le traitement des preuves numériques, tous les principes judiciaires généraux et relatifs aux procédures doivent être appliqués.
o Dès la saisie de preuves numériques, les mesures prises ne doivent pas venir modifier ces preuves.
o Lorsqu’il est nécessaire qu’une personne accède aux preuves numériques originales, cette personne doit avoir suivi une formation à cet égard.
o Toutes les activités liées à la saisie, au stockage ou au transfert des preuves numériques ou à l’accès à ces preuves doivent être entièrement documentées, conservées et disponibles aux fins d’examen.
o Une personne est responsable de toutes les mesures prises en ce qui a trait aux preuves numériques pendant que celles-ci sont en sa possession.
o Tout organisme responsable de la saisie, du stockage ou du transfert des preuves
numériques ou de l’accès à celles-ci est responsable de la conformité à ces principes.
(...)
3.4.3 Chaîne de possession
La chaîne de possession désigne le suivi des éléments de preuve recueillis sur les lieux du crime jusqu’à la présentation de ceux-ci devant les tribunaux. L’entretien de la chaîne de possession est essentiel dans les cas qui reposent fortement sur des preuves numériques. Ce type de preuve peut facilement être modifié, et un bris dans la chaîne de possession peut compromettre la force probante d’une affaire pénale. Il est essentiel de savoir où se sont trouvées les preuves en tout temps, du moment où elles ont été obtenues au moment où elles sont présentées devant les tribunaux. Les organismes d’application de la loi préfèrent toujours qu’on ne touche pas à la preuve avant leur arrivée sur les lieux. Cependant, cela
n’est pas toujours possible, tel qu’il a été mentionné précédemment. Dans de tels cas, toutes les mesures prises par le personnel ne faisant pas partie des organismes d’application de la loi doivent entretenir la chaîne de possession et respecter les règles de preuve.
Tiré de: Informatique judiciaire : Guide à l’intention des intervenants en cas
d’incident de sécurité informatique
http://www.rcmp-grc.gc.ca/ts-st/pubs/it-ti-sec/g2-008-fra.pdf
mardi 6 décembre 2011
La fiabilité des preuves informatiques
Une preuve n’a de sens que si les données sont intègres. Il faut faire une différence entre la preuve de l’intégrité et l’intégrité de la preuve. Le premier aspect implique que tous les moyens sont mis en oeuvre en amont pour préserver l’intégrité de se qui se passe en aval, notamment la logique et l’exactitude des traitements ce qui permet une journalisation fiable des évènements. Les mécanismes de preuve devraient être omniprésents durant toute la chaîne informatique, de la conception à l’exploitation des programmes et systèmes.
L’intégrité de la preuve signifie qu’elle n’a pas été altérée depuis sa récolte ce qui implique qu’elle doit être sauvegardée correctement. Déjà en 1998, dans un litige qui l’opposait à un employé, la société IBM ne put pas utiliser les preuves qu’elle avait récoltées car le disque qui les contenait n’avait pas été conservé sous séquestre et donc était susceptible d’avoir été altéré.
Ces deux aspects (intégrité et conservation) sont importants car on parle ici de fiabilité. Or l’intégrité d’une donnée signifie que toute modification de cette donnée est volontaire et résulte de l’exécution d’un processus sous contrôle. Cela ne signifie pas qu’elle soit fiable (selon le bien connu « Garbage in, garbage out »). Il faut donc garantir la preuve en amont, au niveau des traitements, en mettant en place les mécanismes qui garantiront l’inaltérabilité des programmes par l’application d’un principe de quatre yeux, d’outils de gestion des versions et de mise en production.
Nous pouvons donc avancer que la preuve est garantie par la vérification des informations avant et après traitement, sur base d’une journalisation. Le terme informatique approprié est « trace d’audit, inaltérable et exhaustive ».
L’appréciation libre du juge va peser sur la nature même de la preuve. Il faut donc, et cela ne sera jamais suffisamment répété, que les preuves présentées soient irréprochables :
o Précautions techniques pour la capture des données : multiplication des sources
(recoupements, sauvegarde, reconstruction des séquences du délit) ;
o Précautions techniques pour la conservation des données : conservation sur un
tiers de confiance;
o Preuve récoltée par des moyens légaux ;
o Mise en évidence d’actions anti-forensiques (effacement) car « ce que l’on
cache vaut bien ce que l’on trouve »
o Police versus privé : le particulier n’a pas, au contraire de la police, à respecter le Code de procédure pénale. Cette considération est évidemment limitée par le principe de loyauté de la preuve.
Tiré de : La criminalité informatique dans l’entreprise : les aspects techniques et légaux de la preuve
http://www.cases.public.lu/fr/publications/recherche/Jeanbaptiste/Memoire_Jeanbaptiste.pdf
L’intégrité de la preuve signifie qu’elle n’a pas été altérée depuis sa récolte ce qui implique qu’elle doit être sauvegardée correctement. Déjà en 1998, dans un litige qui l’opposait à un employé, la société IBM ne put pas utiliser les preuves qu’elle avait récoltées car le disque qui les contenait n’avait pas été conservé sous séquestre et donc était susceptible d’avoir été altéré.
Ces deux aspects (intégrité et conservation) sont importants car on parle ici de fiabilité. Or l’intégrité d’une donnée signifie que toute modification de cette donnée est volontaire et résulte de l’exécution d’un processus sous contrôle. Cela ne signifie pas qu’elle soit fiable (selon le bien connu « Garbage in, garbage out »). Il faut donc garantir la preuve en amont, au niveau des traitements, en mettant en place les mécanismes qui garantiront l’inaltérabilité des programmes par l’application d’un principe de quatre yeux, d’outils de gestion des versions et de mise en production.
Nous pouvons donc avancer que la preuve est garantie par la vérification des informations avant et après traitement, sur base d’une journalisation. Le terme informatique approprié est « trace d’audit, inaltérable et exhaustive ».
L’appréciation libre du juge va peser sur la nature même de la preuve. Il faut donc, et cela ne sera jamais suffisamment répété, que les preuves présentées soient irréprochables :
o Précautions techniques pour la capture des données : multiplication des sources
(recoupements, sauvegarde, reconstruction des séquences du délit) ;
o Précautions techniques pour la conservation des données : conservation sur un
tiers de confiance;
o Preuve récoltée par des moyens légaux ;
o Mise en évidence d’actions anti-forensiques (effacement) car « ce que l’on
cache vaut bien ce que l’on trouve »
o Police versus privé : le particulier n’a pas, au contraire de la police, à respecter le Code de procédure pénale. Cette considération est évidemment limitée par le principe de loyauté de la preuve.
Tiré de : La criminalité informatique dans l’entreprise : les aspects techniques et légaux de la preuve
http://www.cases.public.lu/fr/publications/recherche/Jeanbaptiste/Memoire_Jeanbaptiste.pdf
Les traces d'utilisation d'un système d’informatique
Quelles sont ces traces ?
En général
· L’identification de l’utilisateur : l’identification la plus fréquente est certainement le « userID » ; mais d’autres traces permettent d’identifier l’utilisateur indirectement comme, par exemple, l’adresse IP de son ordinateur.
· L’adresse IP, l’adresse MAC : expérience à faire : se connecter sur
www.celog.fr/inforensique.php .
· L’heure et la date : ces informations sont fonctions du temps réel affiché par l’horloge système, du système d’exploitation lui-même, des applications accédant à ces fichiers, des fuseaux horaires. Pour l’oeil humain, la date et l’heure apparaissent de même façon lisible. Par contre, la façon dont sont interprétées ces données est différente d’un système d’exploitation à l’autre. Par exemple, sur un système Unix la date et l’heure sont une valeur numérique de 4 bytes représentant le nombre de seconde depuis le 1er janvier 1970 et chez Windows il s’agit d’une valeur numérique de 8 bytes représentant le nombre de nanosecondes depuis le 1er janvier 1601! Les fuseaux horaires (time zones) ainsi que l’heure d’été/hivers doivent également être pris en considération. Certains systèmes convertissent les valeurs en temps GMT, d’autres laissent ces
valeurs en temps local.
· Le résultat de l’intervention : succès ou échec
· Le nombre de connexions
· Les différentes commandes passées
· Les volumes manipulés
Spécifique à la messagerie :
· L’adresse expéditeur / destinataire
· Un certificat le cas échéant
· Le sujet du message s’il contient des caractères non standards
Spécifique serveur Web
· Les pages consultées
· Les ports (source et destination) et le protocole utilisés
· Le type de requête
Spécifique équipement de sécurité
· Les ports (source et destination) et le protocole utilisés
· Le nombre de paquets, d’octets
Spécifique aux applications :
Chaque application peut avoir un système d’enregistrement des traces qui lui est propre.
Tiré de : La criminalité informatique dans l’entreprise : les aspects techniques et légaux de la preuve
http://www.cases.public.lu/fr/publications/recherche/Jeanbaptiste/Memoire_Jeanbaptiste.pdf
En général
· L’identification de l’utilisateur : l’identification la plus fréquente est certainement le « userID » ; mais d’autres traces permettent d’identifier l’utilisateur indirectement comme, par exemple, l’adresse IP de son ordinateur.
· L’adresse IP, l’adresse MAC : expérience à faire : se connecter sur
www.celog.fr/inforensique.php .
· L’heure et la date : ces informations sont fonctions du temps réel affiché par l’horloge système, du système d’exploitation lui-même, des applications accédant à ces fichiers, des fuseaux horaires. Pour l’oeil humain, la date et l’heure apparaissent de même façon lisible. Par contre, la façon dont sont interprétées ces données est différente d’un système d’exploitation à l’autre. Par exemple, sur un système Unix la date et l’heure sont une valeur numérique de 4 bytes représentant le nombre de seconde depuis le 1er janvier 1970 et chez Windows il s’agit d’une valeur numérique de 8 bytes représentant le nombre de nanosecondes depuis le 1er janvier 1601! Les fuseaux horaires (time zones) ainsi que l’heure d’été/hivers doivent également être pris en considération. Certains systèmes convertissent les valeurs en temps GMT, d’autres laissent ces
valeurs en temps local.
· Le résultat de l’intervention : succès ou échec
· Le nombre de connexions
· Les différentes commandes passées
· Les volumes manipulés
Spécifique à la messagerie :
· L’adresse expéditeur / destinataire
· Un certificat le cas échéant
· Le sujet du message s’il contient des caractères non standards
Spécifique serveur Web
· Les pages consultées
· Les ports (source et destination) et le protocole utilisés
· Le type de requête
Spécifique équipement de sécurité
· Les ports (source et destination) et le protocole utilisés
· Le nombre de paquets, d’octets
Spécifique aux applications :
Chaque application peut avoir un système d’enregistrement des traces qui lui est propre.
Tiré de : La criminalité informatique dans l’entreprise : les aspects techniques et légaux de la preuve
http://www.cases.public.lu/fr/publications/recherche/Jeanbaptiste/Memoire_Jeanbaptiste.pdf
lundi 5 décembre 2011
La fiabilité des preuves numériques
Ainsi chargées d’apprécier librement la fiabilité des preuves numériques
présentées devant eux, les tribunaux ont pu rendre, notamment dans le domaine
commercial, des décisions très disparates, dont l’analyse permet néanmoins de
tirer quelques enseignements :
1. lorsqu’il admet la force probante de la preuve électronique, le juge s’appuie
généralement sur plusieurs preuves concordantes. Ainsi, dans l’affaire
Cédicas, c’est la connaissance d’un code secret associée à la présentation
d’une carte bancaire qui permet à une société de crédit de rapporter la preuve
de ses créances, alors que, par ailleurs, « il n’est allégué aucun dérèglement
du système informatique, ni la perte du numéro secret par le débiteur » ;
2. le juge (comme le législateur) tend à réclamer une preuve que l’on considère généralement difficile à rapporter, à savoir la preuve négative de l’absence de négligence ou de tout dysfonctionnement du système. Ainsi, dans une affaire aux circonstances similaires à l’affaire Crédicas susvisée, la Cour d’appel de Paris a au contraire rejet´e la preuve informatique rapportée par la
banque car elle ne rapportait pas la preuve de la négligence imputable au
porteur de la carte volée ou bien encore la preuve de l’absence de défaillance
du système de sécurité du distributeur.
Tiré de: Fraude informatique et preuve : la quadrature
du cercle ? (Marie Barel)
http://actes.sstic.org/SSTIC05/Delits_informatiques_et_preuve/SSTIC05-article-Barel-Delits_informatiques_et_preuve.pdf
présentées devant eux, les tribunaux ont pu rendre, notamment dans le domaine
commercial, des décisions très disparates, dont l’analyse permet néanmoins de
tirer quelques enseignements :
1. lorsqu’il admet la force probante de la preuve électronique, le juge s’appuie
généralement sur plusieurs preuves concordantes. Ainsi, dans l’affaire
Cédicas, c’est la connaissance d’un code secret associée à la présentation
d’une carte bancaire qui permet à une société de crédit de rapporter la preuve
de ses créances, alors que, par ailleurs, « il n’est allégué aucun dérèglement
du système informatique, ni la perte du numéro secret par le débiteur » ;
2. le juge (comme le législateur) tend à réclamer une preuve que l’on considère généralement difficile à rapporter, à savoir la preuve négative de l’absence de négligence ou de tout dysfonctionnement du système. Ainsi, dans une affaire aux circonstances similaires à l’affaire Crédicas susvisée, la Cour d’appel de Paris a au contraire rejet´e la preuve informatique rapportée par la
banque car elle ne rapportait pas la preuve de la négligence imputable au
porteur de la carte volée ou bien encore la preuve de l’absence de défaillance
du système de sécurité du distributeur.
Tiré de: Fraude informatique et preuve : la quadrature
du cercle ? (Marie Barel)
http://actes.sstic.org/SSTIC05/Delits_informatiques_et_preuve/SSTIC05-article-Barel-Delits_informatiques_et_preuve.pdf
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