dimanche 5 mai 2013

Extraits jurisprudentiels & doctrinaux sur ce que constitue la pratique commerciale déloyale‏ en matière de fraude

R. c. Théroux, 1993 CanLII 134 (CSC)
Une déclaration inexacte faite par négligence ou une pratique commerciale déloyale sont insuffisantes puisque, dans ni l'un ni l'autre cas, on ne trouve l'intention requise de priver par un moyen dolosif.  Une déclaration faite par négligence, même si elle est inexacte, ne constitue pas un mensonge intentionnel du point de vue subjectif.  De même, le fait de sauter sur une occasion d'affaires sans être motivé par l'intention subjective de causer une privation en trompant ou en induisant autrui en erreur ne constituera pas une fraude.  Encore une fois, la supercherie employée négligemment sans s'attendre à des conséquences, comme par exemple, la plaisanterie innocente ou la déclaration faite au cours d'un débat, à laquelle on ne veut pas donner suite, ne constituerait pas une fraude, parce que l'accusé ignorerait que sa plaisanterie mettrait en péril le bien de ceux qui l'ont entendue.  Il reste donc les actes frauduleux accomplis délibérément qui, à la connaissance de l'accusé, mettent vraiment en péril le bien d'autrui.  À mon avis, une telle conduite peut être à bon droit criminalisée.


R. c. Auclair, 2005 CanLII 49593 (QC CQ)
[191]      Selon la Cour suprême, il faut nuancer les notions de comportement déloyal et de comportement malhonnête.  Le premier est une affaire de conscience tandis que le second constitue un acte criminel.  Plusieurs comportements qui enfreignent la norme des gens scrupuleux ne sont pas pour autant assujettis aux sanctions du droit   criminel 


Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des 
sociétés par Isabelle Charlebois Mémoire présenté à la Facilité des études supérieures 
en vue de l'obtention du grade de maîtrise en droit option droit des affaires
Décembre 2006-12-20
Le droit criminel ne perçoit pas, à prime abord, l'usurpation d'une occasion d'affaires comme une conduite suffisamment grave pour faire l'objet d'une poursuite criminelle (p.118)


R. c. Bolstridge, 1993 CanLII 5327 (NB CA)
Dans l'arrêt Théroux, la juge McLachlin a fait un examen détaillé des éléments essentiels de la fraude. Elle insiste sur le fait qu'il doit y avoir un acte prohibé, consistant habituellement en une déclaration trompeuse qui équivaut à une supercherie ou à un mensonge. Il n'y en a pas en l'espèce. Dans l'affaire Zlatic, où il n'y avait ni supercherie ni mensonge, la juge McLachlin a ainsi appliqué le critère de la personne raisonnable, à la page 45 : « La personne raisonnable qualifierait-elle l'acte de malhonnête ? » Elle définit ensuite la conduite malhonnête comme une conduite impliquant un « dessein caché ». J'ajouterais à cette définition la question qu'elle a soulevée aux pages 24 et 25 de l'arrêt Théroux :

La question est donc de savoir si la définition de la mens rea que j'ai proposée à l'égard de la fraude peut viser une conduite ne justifiant pas la criminalisation. Je mentionne la crainte, reflétée dans les arrêts de tribunaux d'appel qui ont adopté une définition plus étroite de la mens rea nécessaire, que la portée de l'infraction de fraude puisse être étendue au-delà de la malhonnêteté criminelle de manière à englober des pratiques commerciales déloyales ou imprudentes qui, même si elles ne doivent pas être encouragées, ne méritent ni l'opprobre ni la perte de liberté que comporte la sanction criminelle.


TFE Industries Inc. c. R, 2009 NBCA 39 (CanLII)
[…] L’accusé doit intentionnellement tromper, mentir ou accomplir quelque autre acte frauduleux pour que l’infraction soit établie. Une déclaration inexacte faite par négligence ou une pratique commerciale déloyale sont insuffisantes puisque, dans ni l’un ni l’autre cas, on ne trouve l’intention requise de priver par un moyen dolosif. […]  [p. 26]


R. c. Lavoie, 2002 CanLII 23649 (QC CQ)
Ð'après elle, l'exigence d'un acte frauduleux intentionnel exclut la simple déclaration inexacte faite par négligence.  Elle exclut également le comportement commercial imprudent ou le comportement qui est déloyal au sens de profiter d'une occasion d'affaires au détriment d'une personne moins astucieuse.  L'accusé doit intentionnellement tromper, mentir ou accomplir quelque autre acte frauduleux pour que l'infraction soit établie.  Une déclaration inexacte faite par négligence ou une pratique commerciale déloyale sont insuffisantes puisque, dans ni l'un ni l'autre cas, on ne trouve l'intention requise de priver par un moyen dolosif.  Une déclaration faite par négligence, même si elle est inexacte, ne constitue pas un mensonge intentionnel du point de vue subjectif.  De même, le fait de sauter sur une occasion d'affaires sans être motivé par l'intention subjective de causer une privation en trompant ou en induisant autrui en erreur ne constituera pas une fraude.  Encore une fois, la supercherie employée négligemment sans s'attendre à des conséquences, comme par exemple, la plaisanterie innocente ou la déclaration faite au cours d'un débat, à laquelle on ne veut pas donner suite, ne constituerait pas une fraude, parce que l'accusé ignorerait que sa plaisanterie mettrait en péril le bien de ceux qui l'ont entendue.  Il reste donc les actes frauduleux accomplis délibérément qui, à la connaissance de l'accusé, mettent vraiment en péril le bien d'autrui.  À mon avis, une telle conduite peut être à bon droit criminalisée

Nous sommes ici en matière criminelle où la Couronne doit faire preuve de tous et chacun des éléments constitutifs de l'infraction et où ce fardeau est beaucoup plus onéreux parce qu'il doit être déchargé au-delà du doute raisonnable.  Toute ambiguïté d'interprétation donnant naissance à une croyance raisonnable d'une interprétation légitime doit donc bénéficier à l'accusé.


Laroche c. R., 2011 QCCA 1891 (CanLII)
[302]      Finalement et contrairement à ce que prétend l'appelant, il importe peu qu'il ait été ou non le bénéficiaire de la fraude.  L'article 380C.cr. s'intéresse au sort de la victime au plan économique et il se désintéresse de celui de l'accusé, comme le rappelait la juge McLachlin dans l'arrêt R. c. Zlatic :

Le fait que l'appelant possédait un droit de propriété sur les sommes qu'il a perdues au jeu ne change rien au résultat.  La fraude concerne le fond de la question. Il ressort clairement de la jurisprudence que la partie qui commet une fraude n'a pas à en tirer profit pour être déclarée coupable; il n'est pas nécessaire non plus que les victimes d'une fraude subissent une perte pécuniaire réelle pour que l'infraction soit établie […].  L'important est non pas qu'il y ait profit ou perte pécuniaire réelle, mais que les pratiques commerciales malhonnêtes qui exposent l'intérêt pécuniaire d'autrui à la privation ou au risque de privation fassent l'objet d'une sanction criminelle.  […]

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