R. c. Imbeault, 2010 QCCS 5092 (CanLII)
[22] L'expression « functus officio » peut être définie comme suit :
« Locution latine signifiant « s'étant acquitté de sa fonction ». Se dit d'un tribunal, d'un organisme public ou d'un fonctionnaire qui est dessaisi d'une affaire parce qu'il a cessé l'exercice de sa fonction. Ex. Le juge qui a prononcé un jugement final est functus officio. »
[23] Nous n'avons pas d'hésitation à considérer que l'état actuel du droit est à l'effet que le prononcé d'une peine met définitivement fin aux pouvoirs du juge saisi d'une affaire.
[24] Ainsi, notre collègue le juge Boilard, dans son Manuel de preuve pénale, note que :
« 1.215 – Il semble que le juge d'un procès sans jury ne soit pas functus officio aussi longtemps que la peine n'aura pas été imposée. Par conséquent, il pourra, dans des cas exceptionnels, permettre la réouverture du procès. Il s'agit là de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Dans R. c. Sarson, reflex, (1992) 77 C.C.C. (3d) 233 (N.S.C.A.), le juge Chipman écrivait, à ce sujet, les commentaires suivants :
« Both counsel before us agreed that a trial judge sitting without a jury is not functus officio until he has imposed sentence (R. v.MacDonald 1991 CanLII 2424 (NS CA), (1991) 107 N.S.R. (2d) 374, 14 W.C.B. (2d) 325), and therefore it was open to Judge Anderson at the sentencing to permit the trial to be reopened for further evidence bearing on the issue of guilt. » (p. 236)
« While it is well settled that a trial judge had a discretion to reopen the trial it is clear that such discretion should not be exercised save in exceptional circumstances : see R. v. Lessard (1976), 30 C.C.C. (2d) 70, 33 C.R.N.S. 16; Re Regina and Bertucci reflex, (1984), 11 C.C.C. (3d) 83, (1984), 2 W.W.R. 459, 31 Sask. R. 1. A reasonable explanation must be advanced for the failure to adduce the evidence sought to be introduced, evidence which is admissible, credible and which might reasonably affect the verdict : see R. v.Mysko (1980), 2 Sask. R. 342 » (p. 237). »
[25] Et il ajoute, plus loin :
« Une fois que la sentence est prononcée, le juge est functus officio et ne peut accorder une ordonnance d'ADN en vertu de l'article 487.051(1)b) C.cr., à moins qu'il n'y ait eu une coquille dans la rédaction du jugement ou encore une erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la cour, les deux seules exceptions à la règle du functus officio : R. c. Bevin, 2001 NSPC 27 (CanLII), (2001) 160 C.C.C. (3d) 200, par. 15 (N.S. Prov. Ct.), confirmé en appel, 2002 NSCA 53 (CanLII), (2002) 164 C.C.C. (3d) 376 (N.S.C.A.). »
[26] Nos collègues, les juges Béliveau et Vauclair, dans leur Traité général de preuve écrivent aussi :
« 2108. Techniquement, un juge conserve la compétence pour permettre la réouverture d'enquête tant qu'il n'est pas functus officio, c'est-à-dire jusqu'au prononcé de la peine, sous réserve des critères établis par la Cour suprême.
(…)
2111. Quant à la défense, elle peut présenter une demande de réouverture à tout moment avant la sentence. Cela étant, rouvrir le procès après l'inscription du verdict est « une façon de procéder [qui] est très inhabituelle et [qui] n'est pas souhaitable ». Par la suite, le juge est devenu functus officio, de sorte que l'appel est le seul recours possible. (…) »
[27] Le juge Eugene G. Ewaschuk reconnaît aussi le principe en écrivant :
« 18:1190 Functus officio once sentence is imposed
Once a court has imposed sentence, the court, with the exception of the correction of clerical errors, becomes functus officio with respect to sentencing the accused.
(…)
18:3790 Judge functus after imposition of sentence
Subject to the imposition of a suspended sentence, a sentencing judge does not have authority to alter a sentence after its imposition since he becomes functus on imposition. (…) »
[28] Plusieurs décisions appliquent d'ailleurs ce principe, consacré par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Head. La juge McIntyre y écrit en effet que :
« 25. Il est généralement admis qu'un juge du procès siégeant sans jury n'est functus officio qu'après avoir tranché définitivement l'affaire. En cas d'acquittement, le juge du procès a épuisé sa compétence une fois que l'accusé est libéré et le juge ne peut alors rouvrir les débats. Toutefois, à la suite d'une déclaration de culpabilité, ce n'est qu'après avoir imposé une peine que le juge a fini de remplir sa tâche. Il est loisible au juge du procès, dans des circonstances exceptionnelles et avant l'imposition de la peine, de rouvrir le dossier pour permettre à l'accusé de présenter d'autres éléments de preuve. Ce principe, énoncé il y a plus de cent ans dans la décision R. v. Clouter & Heath (1859), 8 Cox C.C. 237, a récemment été affirmé de nouveau au Canada (voir, par exemple, R. v.Lessard (1976), 30 C.C.C. (2d) 70 (C.A. Ont.); R. v. Hargraves reflex, (1982), 69 C.C.C. (2d) 380 (C.A. Ont.); Re Regina and Bertucci reflex, (1984), 11 C.C.C. (3d) 83 (C.A. Sask.); et R. v. Mysko (1980), 2 Sask. R. 342 (C.A.)) Si le juge, siégeant seul, étaitfunctus en ce qui concerne la détermination de la culpabilité dès l'instant de cette détermination, il n'aurait pas compétence pour rouvrir le dossier. »
[29] La Cour suprême du Canada a appliqué les mêmes principes aux procès par jury en spécifiant toutefois que :
« [52] Ces décisions confirment la même règle générale appliquée par notre Cour dans l’arrêt Head, à savoir que, après la libération du jury, le juge du procès est dessaisi de l’affaire et n’est plus habilité à modifier le verdict qui a été inscrit.
[…]
[68] En somme, la jurisprudence a évolué depuis l’arrêt Head. Suivant la règle générale, après la libération du jury dans un procès pénal, le juge du procès est dessaisi de l’affaire et n’a pas compétence pour réunir de nouveau le jury et enquêter sur l’erreur qui, allègue-t-on, entacherait le verdict.
[69] L’application de cette règle générale est toutefois assortie d’une exception, soit les cas où l’erreur en cause ne requiert pas que le jury réexamine son verdict ou poursuive ses délibérations en vue de rendre des verdicts supplémentaires. »
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