Lien vers la décision
[161] Comme l'écrivait le juge Dickson dans R. c. Cotroni :
Conspirer c'est s'entendre. L'essence du complot criminel est la preuve de l'entente. Dans une accusation de complot, l'entente en soi est la substance de l'infraction: […]
[162] Dans l'arrêt R. c. Campeau, le juge Proulx définissait ainsi le complot :
« Un complot se définit comme (1) une entente entre au moins deux personnes (2) qui ont l'intention de participer ensemble (3) à la poursuite d'une fin illégale».
[163] Cette définition a été réitérée à maintes reprises par notre Cour d'appel. Dans l'arrêt Valcourt, la Cour d'appel rappelle que l'entente est l'élément déterminant. Il faut que la poursuite établisse l'intention de l'accusé de conclure une entente, d'y participer et de réaliser l'objet de cette entente. Pour paraphraser la Cour Suprême dans R. c. Déry, seule l'entente peut faire éclore le complot. Cette entente peut être expresse ou tacite. Il n'est pas requis qu'elle soit accompagnée d'actes commis dans le but de la réaliser. C'est la conclusion d'une décision commune pour la perpétration du crime qui engendrera la responsabilité criminelle d'un accusé. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. McNamara rappelle que la simple connaissance ou discussion d’un projet criminel ou encore l’acquiescement passif à un plan illégal, ne suffit pas pour qu’une entente commune naisse. Comme le font remarquer à juste titre les auteurs Annie-Claude Bergeron et Pierre Lapointe dans Collection de droit 2012-2013, [l]es discussions préalables dans le but d'arriver à une entente criminelle sont donc insuffisantes pour constituer l'infraction, mais pourront contribuer à prouver l'entente intervenue subséquemment. De la même manière, la preuve qu'une personne connaît l'existence d'un complot et qu'elle accomplit certains actes ayant pour effet de le faire progresser est insatisfaisante pour entraîner une déclaration de culpabilité : on doit faire la preuve d'une entente.
[164] L'accusé doit faire sien le projet et consentir à son achèvement.
[165] En appliquant les principes émis par la Cour Suprême dans R. c. Briscoe, notre Cour d'appel a récemment déterminé que la connaissance de l'objet d'un complot peut être fondée sur l'ignorance volontaire. L'ignorance volontaire d'un fait peut remplacer la connaissance réelle de ce fait chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea
[166] Une nuance à ces principes doit être apportée lorsqu'un agent provocateur est impliqué dans les discussions ou dans l'entente. Dans R. c. Giguère, la Cour d'appel du Québec rappelle le principe «bien connu en droit qu'un agent provocateur qui tend un piège ne peut être partie à un complot : faute d'intention, la conspiration est impossible (Rex c. Kotyszyn, [1949] 8 C.R. 246 (C.A.), juge Bissonnette; R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666, à la p. 668, dans lequel la Cour suprême – juge Taschereau au nom de la majorité – approuve l'arrêt de notre cour dans Kotyszyn; dissident, le juge Fauteux prend soin, toutefois, de faire une distinction d'avec cet arrêt). Je note, d'ailleurs, que la poursuivante a pris soin de ne pas inclure le nom de Gaétan Gingras dans aucun des chefs de complot.». En l'espèce, la poursuite n'a pas inclus le nom de l'agent dans les chefs de complot.
[167] Pour établir la participation d'un accusé au complot, il peut être utile, sinon nécessaire, d'avoir recours à la procédure recommandée par la Cour suprême dans R. c. Carter à titre d'exception à la règle du ouï-dire. Notre Cour d'appel dans R. c. Couture résume ainsi ces étapes :
[109] L'étape initiale de la méthode d'analyse raisonnée énoncée dans l'arrêt Carter est celle où le juge des faits doit décider si l'ensemble de la preuve le convainc hors de tout doute raisonnable de l'existence du complot allégué dans l'acte d'accusation. Si tel est le cas, la deuxième étape consiste à se demander s'il est probable, en tenant compte de la preuve directement admissible contre l'accusé, que ce dernier a participé au complot. Si la réponse est positive, le juge des faits peut, à la troisième étape, appliquer l'exception à la règle d'exclusion du ouï-dire et tenir compte, dans la détermination de la culpabilité de l'accusé, des actes posés et des paroles prononcées par les coconspirateurs dans la poursuite du but commun.
[168] Il est à noter que les parties n'ont pas abordé cet aspect en plaidoirie ou lors du procès. Ainsi, le Tribunal n'élaborera pas davantage sur le sujet.
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