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[20] L'objet de cette disposition, entrée en vigueur le 1er décembre 1993, est d'assurer la sécurité des personnes, une tranquillité d'esprit et, surtout, de prévenir ou tenter de prévenir les crimes les plus graves qui sont commis lorsque les comportements harcelants dégénèrent.
[21] Bruce MacFarlane, dans un excellent texte traitant à la fois de l'aspect juridique et sociologique du harcèlement criminel, souligne que l'histoire a démontré que dans plusieurs cas, les femmes victimes de meurtre ou de voies de fait avaient d'abord été victimes de harcèlement. Le harcèlement peut survenir à la suite d'une rupture amoureuse ou encore lorsque les victimes sont l'objet d'une obsession ou d'une fixation de la part d'un inconnu. Les vedettes sont parfois victimes de ce type de harcèlement.
[22] MacFarlane souligne que bien que tous les harceleurs ne soient pas violents, tous sont imprévisibles. C'est l'aspect irrationnel de leur manie qui engendre la peur chez leur victime.
[23] La disposition est utilisée ici pour contrer un autre type de harcèlement, soit celui fait par des personnes démontrant des traits de quérulence. Ce type de comportement, souvent hostile et revendicateur, peut, à mon avis, faire l'objet d'accusation en vertu de l'article 264(2)b) du Code criminel, en autant que tous les éléments de l'infraction soient présents.
[24] Comme le soulignait avec justesse la juge Claire L'Heureux-Dubé dans R. c. Hinchey, l'évolution de la société fait apparaître de nouveaux comportements, dont certains peuvent être maintenant être considérés comme criminels :
31. La notion de criminalité n’est donc pas statique, mais évolue considérablement avec le temps. Au fur et à mesure qu’une société évolue, les catégories de comportements qui peuvent être considérés comme criminels changent aussi. Il existe une myriade d’activités différentes qui, à une certaine époque, étaient considérées comme licites et qui sont maintenant considérées comme criminelles. L’infraction de harcèlement criminel en est un exemple patent. Pendant de nombreuses années, on ne considérait pas que le fait de suivre constamment une personne et de lui faire craindre pour sa sécurité constituait un acte criminel tant et aussi longtemps qu’il n’y avait aucun contact. Un changement important est survenu depuis l’ajout de l’art. 264 du Code, qui prévoit qu’un tel comportement constitue un acte criminel. À mon avis, le juge Greco a bien exprimé ce principe dans l’affaire R. c. Lafrenière, [1994] O.J. No. 437 (C. Ont. (Div. prov.)), lorsqu’il a dit ce qui suit au sujet des dispositions relatives au harcèlement criminel (au par. 7):
« [traduction] Lorsque l’on analyse cette disposition attentivement, on constate que le comportement d’un accusé qui avait été auparavant considéré comme inoffensif, en ce sens qu’il ne s’agissait pas d’un comportement criminel, peut maintenant devenir un comportement criminel dans certaines circonstances et à certaines conditions. »
Voir aussi R. c. Hau, [1994] B.C.J. No. 667 (C. prov.).
[25] Dans R. c. Lamontagne, notre Cour, notant les différences importantes entre le texte français et le texte anglais de la disposition, reprenait à son compte l'énoncé retenu par la Cour d'appel de l'Alberta dans l'affaire la R. v. Sillipp . La Poursuite doit démontrer hors de tout doute raisonnable chacun des cinq éléments de l'infraction :
1. Que l'accusé a commis un acte décrit au paragraphe 264(2)a),b),c) ou d) du Code criminel;
2. Que la victime a été harcelée;
3. Que l'accusé sait que la victime se sent harcelée ou ne se soucie pas que la victime se sente harcelée;
4. Que sa conduite a eu pour effet de faire raisonnablement craindre la victime pour sa sécurité ou celle d'une de ses connaissances, compte tenu du contexte;
5. Que la crainte de la victime était raisonnable dans les circonstances.
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