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vendredi 6 juin 2025

Le principe de modération et l’obligation, avant d’envisager la privation de la liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes

R. c. Leduc, 2023 QCCQ 3306

Lien vers la décision

 

[23]        Le Code criminel prévoit, aux articles 718.2 d) et e) :

Art. 718.2 d) C.cr.

Art. 718.2 e) C.cr.

L’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;

L’examen, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité.

[24]        La Cour d’appel du Québec s’est penchée sur le principe de modération dans l’arrêt Bachou[27] :

  Le principe de modération impose au Tribunal l’obligation d’examiner les sanctions moins contraignantes que l’incarcération lorsque les circonstances le justifient[28];

  Il a été codifié à l’article 718.2d) C.cr. à la suite à  d’une réforme substantielle du droit relatif à la détermination de la peine en 1996[29], et il participe à la solution du problème de la surincarcération au Canada[30];

  Le principe de modération doit être envisagé à l’égard de tous les délinquants[31], et l’emprisonnement ne doit être imposé qu’en dernier recours pour le délinquant primaire[32];

  Pour justifier si des circonstances justifient des sanctions moins contraignantes que l’emprisonnement, le juge doit prendre en compte les autres principes de la détermination de la peine prévus aux articles 718 à 718.2 C.cr.[33]

[25]        La Cour d’appel de l’Ontario partage aussi l’opinion que l’incarcération ne doit être considérée qu’en dernier recours[34].  Quant à l’auteur Clayton Ruby, il décrit le principe de modération de la manière suivante, en insistant sur l’échec de l’incarcération comme mesure de réduction de la criminalité[35] :

13.9 (…)  Imprisonment has failed to satisfy the basic function of the judicial system, namely, “to protect society from crime in a manner commanding public support while avoiding needless injury to the offender.

                                                                                                              (Mes soulignements)

[38]        Troisièmement, je conclus cependant qu’une ordonnance d’emprisonnement dans la collectivité n’est pas conforme aux objectifs et aux principes de la détermination de la peine visés aux articles 718 à 718.2 C.cr. pour les raisons suivantes :

  Même si le fait de purger sa peine dans la collectivité peut avoir un effet dénonciateur et dissuasif appréciable[42], je suis d’avis que l’incarcération ferme est ici la seule peine convenable pour exprimer la réprobation de la société relativement à la conduite de l’accusé;

  Une telle réprobation « représente une déclaration collective, ayant valeur de symbole, que la conduite du contrevenant doit être punie parce qu'elle a porté atteinte au code des valeurs fondamentales de notre société qui sont constatées dans notre droit pénal substantiel »[43].

  Le besoin de dénonciation est intimement lié à la gravité de l’infraction. Plus l’ensemble des circonstances de l’infraction est grave, plus la dénonciation s’impose. Dans « le but de limiter la prolifération de telles infractions, l’objectif de dénonciation témoigne du rôle de communication et d’éducation du droit »[44].

  Les ravages du crack et des drogues mentionnées à l’annexe 1 de la LRCDS sont bien connus et font partie du quotidien du juge. Même si la société en général priorise une approche moins répressive relativement à la possession simple de ce type de substances, le trafic ou la possession aux fins de trafic d’une quantité non négligeable de ces substances doivent être dénoncées, car ces infractions contribuent aux ravages causés par ces drogues.

  Même si l’emprisonnement ferme n’est pas automatique, je conclus qu’en l’espèce l’emprisonnement dans la collectivité ne permet pas d’atteindre l’objectif de dénonciation compte tenu de la quantité de crack saisi et de la nature des autres stupéfiants saisis. J’imposerai donc une peine d’incarcération ferme.

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