R. c. Mann, [2004] 3 R.C.S. 59, 2004 CSC 52
Lien vers la décision
Résumé des faits
Deux policiers s’approchant de la scène d’une introduction par effraction ont aperçu M qui marchait tranquillement sur le trottoir. Ce dernier correspondait à la description du suspect. Ils l’ont intercepté. M s’est identifié et s’est plié à une fouille par palpation visant à déterminer s’il était en possession d’une arme dissimulée. Le policier qui effectuait la fouille a senti un objet mou à l’intérieur de la poche de M. Il a glissé sa main dans cette poche et y a trouvé un petit sac en plastique contenant de la marijuana. Dans une autre poche, il a trouvé un certain nombre de sachets en plastique. M a été arrêté et accusé de possession de marijuana en vue d’en faire le trafic
Analyse
Bien qu’il n’existe pas de pouvoir général de détention aux fins d’enquête, les policiers peuvent détenir une personne aux fins d’enquête s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu’il est raisonnablement nécessaire de la détenir suivant une considération objective des circonstances
Une personne détenue aux fins d’enquête doit au minimum être informée en langage clair et simple des motifs de la détention. Une détention aux fins d’enquête exécutée conformément au pouvoir fondé sur la common law reconnu en l’espèce ne porte pas atteinte aux droits que l’art. 9 de la Charte garantit à la personne détenue. Les détentions effectuées aux fins d’enquête doivent être brèves et l’observation des conditions prescrites par l’al. 10b) ne saurait être utilisée comme une excuse pour prolonger indûment et artificiellement de telles détentions.
Les personnes détenues aux fins d’enquête n’ont pas l’obligation de répondre aux questions des policiers.
Le policier qui possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d’autrui est menacée peut soumettre la personne qu’il détient à une fouille par palpation préventive.
Les détentions aux fins d’enquête ne sont justifiées en common law que [traduction] « dans les cas où l’agent qui procède à la détention a des “motifs concrets” de le faire », concept emprunté à la jurisprudence américaine. Le juge Doherty a défini ainsi la notion de « motifs concrets » à la p. 202 :
[traduction] . . . un ensemble de faits objectivement discernables donnant à l’agent qui exerce la détention un motif raisonnable de soupçonner que la personne détenue est criminellement impliquée dans l’activité faisant l’objet de l’enquête.
Bien qu’étant un critère clairement moins exigeant que les motifs raisonnables et probables requis pour qu’il y ait une arrestation légale, les motifs concrets constituent eux aussi une norme à la fois objective et subjective
La Cour d’appel de l’Ontario a jugé que les motifs concrets ne sauraient reposer sur la seule intuition du policier, basée sur son expérience.
L’expression « motifs raisonnables » de soupçonner était équivalente à la norme des motifs concrets (ou motifs précis).
La question des motifs raisonnables intervient dès le départ dans cette détermination, car ces motifs sont à la base des soupçons raisonnables du policier que l’individu en cause est impliqué dans l’activité criminelle visée par l’enquête.
Les policiers possédaient des motifs raisonnables de détenir M et d’effectuer une fouille préventive, mais ils n’avaient aucun motif raisonnable de fouiller la poche de M. Cet aspect plus envahissant de la fouille a constitué une violation abusive des attentes raisonnables de M en matière de respect de sa vie privée à l’égard du contenu de ses poches.
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