R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3
Bien qu'il puisse être souhaitable de tenir rapidement une séance d'identification, cette préoccupation doit généralement céder le pas au droit du suspect d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, droit qui doit évidemment être exercé avec une diligence raisonnable.
Rien ne nous permet de penser qu'elle n'aurait pas pu avoir lieu quelques heures plus tard, après que les appelants auraient de nouveau tenté de rejoindre leurs avocats pendant les heures normales de bureau.
Même si leurs avocats ne pouvaient pas être présents au cours de la séance d'identification, cela ne signifie pas qu'un avocat n'est d'aucune utilité à un suspect. La preuve d'identification obtenue au moyen d'une séance d'identification est ordinairement un élément de preuve solide susceptible d'influencer les délibérations du procès. La question de savoir si un suspect a le droit effectif de refuser de participer à une séance d'identification n'a pas été tranchée dans notre droit et n'a pas été soulevée devant les cours d'instance inférieure ni devant cette Cour. Il ne conviendrait donc pas de trancher cette question ici. Cependant, il est clair qu'il n'y a aucune obligation juridique de participer à une séance d'identification.
Il n'y a certainement dans la loi aucune obligation de participer à une séance d'identification qui équivaille à l'art. 453.4 du Code criminel qui, conjugué à la Loi sur l'identification des criminels, S.R.C. 1970, chap. I-1, oblige un accusé à comparaître devant un agent de police pour la prise d'empreintes digitales.
Les tribunaux n'ont jamais imposé non plus d'obligation de participer à une séance d'identification. Puisque cette obligation juridique n'existe pas, il est évident que l'avocat joue un rôle important quand il donne des conseils à un client sur la participation volontaire à une séance d'identification
Dans Marcoux et Solomon c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763, cette Cour a examiné le cas d'un accusé qui avait refusé de participer à une séance d'identification. La police avait plus tard confronté un témoin directement avec l'accusé et le témoin l'avait identifié positivement. On a admis la preuve que l'accusé avait refusé de participer à la séance d'identification pour répondre à la prétention que la police n'avait pas tenu de séance d'identification appropriée. Cette affaire montre que, bien qu'un accusé ou un détenu ne soit pas obligé de participer à une séance d'identification, le refus de le faire peut avoir des conséquences sur la preuve qui peut être admise au procès.
Dans la présente espèce, si les appelants avaient pu rejoindre leurs avocats, ils auraient pu apprendre que la loi ne les obligeait pas à participer à la séance d'identification mais que le refus de le faire pouvait avoir certaines conséquences préjudiciables. Les avocats auraient pu, par exemple, leur conseiller de ne pas participer sans obtenir d'abord une photo des personnes choisies pour la séance d'identification ou de ne pas participer si ces autres personnes étaient manifestement plus âgées qu'eux. Bref, même s'il n'existe aucun cadre législatif la régissant, on aurait pu leur dire comment se passe une séance d'identification bien menée. C'est de ces conseils, non de la présence de leurs avocats à la séance d'identification, que les appelants ont été privés.
En outre, l'acceptation des accusés de participer à la séance d'identification ne peut en elle-même équivaloir à une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Le but même du droit à l'assistance d'un avocat est d'assurer que les personnes accusées ou détenues reçoivent des conseils sur leurs droits et la manière de les exercer quand elles traitent avec les autorités. Ce serait aller à l'encontre de ce but que de conclure qu'un détenu ou un accusé a renoncé au droit à l'assistance d'un avocat simplement parce que, avant d'avoir bénéficié des conseils d'un avocat, il s'est soumis aux tentatives d'obtenir la participation du détenu, tentatives dont la police devrait s'abstenir.
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