McGraw c. R, 2009 NBBR 166 (CanLII)
[27] Il est reconnu que l’exercice du droit à l’avocat que prévoit l’alinéa 10b) de la Charte comporte deux volets. Il y a le volet de l’information et le volet de mise en application. Ce dernier volet de mise en application se fait en deux étapes : la personne détenue doit être fournie une possibilité raisonnable d’exercer son droit à l’assistance à l’avocat et, ensuite la police doit s’abstenir de tenter de soutirer de la personne détenue des éléments de preuve avant qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable d’exercer son droit. Il incombe à la Couronne de démontrer qu’elle s’est acquittée de ses obligations en matière d’information et en matière de mise en application. (Voir R. c. Brown, [2009] A.N.-B. No 143 (CANB).)
[33] Dans l’arrêt R. c. Prosper (1994), R.C.S. 236, le juge en chef Lamer a imposé au policier l’obligation de fournir de l’information spéciale ou supplémentaire en cas de renonciation à son recours à l’avocat après que le prévenu ait préalablement indiqué son désir d’avoir recours à des conseils juridiques et de l’obligation du prévenu d’agir avec diligence raisonnable dans l’exercice de ce droit.
[34] Aux paragraphes 43 et 44 de l’arrêt Prosper, précité, le juge en chef Lamer écrit :
43 Dans les cas où la personne détenue a manifesté sa volonté de se prévaloir de son droit à l'assistance d'un avocat et où elle a été raisonnablement diligente dans l'exercice de ce droit sans pour autant réussir à joindre un avocat parce qu'aucun avocat de garde n'était disponible au moment de la détention, les tribunaux doivent s'assurer qu'on n'a pas conclu trop facilement à la renonciation au droit à l'assistance d'un avocat garanti par la Charte. En fait, j'estime qu'il y aura naissance d'une obligation d'information supplémentaire de la part de la police dès que la personne détenue, qui a déjà manifesté son intention de se prévaloir de son droit à l'assistance d'un avocat, indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne désire plus obtenir de conseils juridiques. À ce moment, la police sera tenue de l'informer de son droit d'avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l'obligation de la police, au cours de cette période, de s'abstenir, tant que la personne n'aura pas eu cette possibilité raisonnable de prendre toute déposition ou d'exiger qu'elle participe à quelque processus qui pourrait éventuellement être incriminant. Grâce à cette exigence supplémentaire en matière d'information imposée à la police, la personne détenue qui maintient qu'elle veut renoncer à son droit à l'assistance d'un avocat saura ce à quoi elle renonce.
44 Compte tenu de l'importance du droit à l'assistance d'un avocat, j'ajouterais à l'égard de la renonciation que, dès lors qu'une personne détenue a fait valoir son droit, il faut qu'elle donne par la suite une indication claire qu'elle a changé d'avis, et il appartiendra au ministère public d'établir qu'elle y a clairement renoncé: Ross, aux pp. 11 et 12. En outre, la renonciation doit être libre et volontaire et elle ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte, directe ou indirecte. Notre Cour a indiqué à maintes reprises que la norme requise pour établir l'existence d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat est très stricte: Clarkson c. La Reine, 1986 CanLII 61 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 383, Manninen, et Evans. Comme je le dis dans l'arrêt Bartle, aux pp. 192 à 194 et 206, la personne qui renonce à un droit doit savoir ce à quoi elle renonce pour que la renonciation soit valide. Cela dit, il va de soi que le droit à l'assistance d'un avocat garanti à l'al. 10b) ne doit pas se transformer en obligation pour les personnes détenues de demander l'assistance d'un avocat.
[35] Dans l’arrêt R. c. Bridges, [1990] S.C.R. 190, la Cour suprême du Canada a établi clairement que les policiers, lors de l’arrestation, ont une obligation d’informer le détenu de l’existence de l’aide juridique et de l’avocat en appel dans la juridiction au moment de sa détention. Il doit s’ensuivre l’obligation du détenu de faire preuve de diligence raisonnable dans l’exercice du droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et à défaut d’établir la diligence raisonnable peut dégager le policier des obligations de surseoir aux dispositions qu’entraineraient une déclaration d’intention de se soumettre ou non à l’alcootest.
[36] Dans l’arrêt R. c. Russell, [2000] A.N.-B. No. 461, notre Cour d’appel devait considérer s’il y avait eu violation du droit du prévenu d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat en vertu de l’alinéa 10b) de la Charte. Cette question était posée dans un contexte presque identique à la situation de fait en l’espèce alors que la Cour d’appel dans cette décision, rendue par le juge Deschênes, rappelle l’obligation du policier d’informer le prévenu de la possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de s’abstenir de recueillir l’information jusqu’à ce qu’il ait eu cette possibilité.
[38] Dans l’arrêt R. c. Bridges, précité, il est établi que le droit à l’avocat ne se limite pas à la lecture et la compréhension de son droit mais également que ce service soit disponible. De plus, lorsque le policier constate que les gestes du prévenu ont pour conséquence qu’il renonce à ce droit, elle se doit de lui expliquer l’existence de l’aide juridique et des conséquences de ses gestes s’il refuse d’exercer avec diligence son droit à l’avocat. Il faut noter en l’espèce qu’au retour au poste de police il n’y a encore aucune urgence d’obtenir son échantillon d’haleine.
[43] En raison des conclusions de fait du juge du procès, le tribunal est d’avis que la gendarme n’a pas rencontré les exigences énoncées dans l’arrêt Prosper, précité, relatif à l’information fournie à McGraw et que lui impose l’alinéa 10b) de la Charte relatif au droit du prévenu à l’exercice de son droit à l’avocat. Il ne lui était donc pas permis de soutirer une réponse incriminante à l’ordre de se soumettre à une analyse d’haleine à l’aide d’un alcootest approuvé.
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