vendredi 8 janvier 2010

Considérations liées à l’emprisonnement et à la condamnation à l’emprisonnement avec sursis dans les cas de fraude de plus de 5 000 $

Avant l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. v. Proulx, il
existait une présomption en faveur des peines d’emprisonnement pour les fraudes à
grande échelle ou les fraudes impliquant un abus de confiance. Bien qu’il ait été possible de prononcer des condamnations avec sursis avant l’arrêt Proulx, beaucoup de tribunaux estimaient qu’une condamnation avec sursis était une peine plus clémente que l’emprisonnement et ne pouvait répondre adéquatement au besoin de dissuasion générale et de dénonciation. C’est pourquoi, certains tribunaux ont continué de préférer condamner à des peines d’emprisonnement les personnes qui étaient déclarées coupables.

Dans l’arrêt Proulx, la Cour suprême du Canada s’est montrée très claire : les
condamnations avec sursis sont des sanctions punitives propres à permettre la réalisation des objectifs de dénonciation et de dissuasion. Elle a ajouté qu’il n’existe aucune présomption d’exclusion de l’application du régime de l’octroi du sursis à l’égard d’une infraction. Comme l’écrit le juge en chef Lamer : À mon avis, bien que la gravité de ces infractions soit clairement pertinente pour déterminer si l’octroi du sursis à l’emprisonnement est justifié dans les circonstances d’une affaire donnée, il serait à la fois inutile et peu avisé que les tribunaux créent des présomptions d’inapplicabilité du sursis à l’emprisonnement à certaines infractions.

Toujours dans cet arrêt, la Cour donne d’autres précisions quant aux circonstances dans lesquelles l’incarcération peut être jugée préférable : Lorsque des objectifs punitifs tels que la dénonciation et la dissuasion sont particulièrement pressants, par exemple en présence de circonstances aggravantes, l’incarcération sera généralement la sanction préférable.

L’application de ce principe a amené une certaine uniformité dans le recours aux peines d’incarcération pour certains types de fraude. Dans les cas de fraude à grande échelle, la plupart des tribunaux ont statué que le montant de la fraude à lui seul peut signifier que la nécessité de la dissuasion est si « particulièrement pressant » qu’il faut prononcer une peine d’emprisonnement. La Cour d’appel de la Saskatchewan, cependant, a estimé pour sa part qu’une condamnation avec sursis était une peine susceptible d’être prononcée peu importe l’ampleur de la fraude.

Les tribunaux ont continué de préférer prononcer des peines d’incarcération lorsque le contrevenant ne manifestait aucun signe de remords ou refusait d’accepter la
responsabilité de ses actes. Dans ces cas, on était d’avis qu’un emprisonnement avec
sursis ne permettrait pas d’inculquer le sens des responsabilités à ces contrevenants qui ne respecteraient peut-être pas les conditions fixées par le tribunal.

Dans l’arrêt R. c. Matchett, la Cour d’appel du Manitoba a rejeté l’argument selon lequel une condamnation avec sursis ne devait pas être prononcée parce qu’il y avait eu abus de confiance. Il reste cependant que, même après l’arrêt Proulx, certains tribunaux manifestent encore une préférence pour l’incarcération dans les cas où il y a abus de confiance.

Dans la décision R. c. Inglis, la Cour a statué ce qui suit : [TRADUCTION] il est clair, en droit, qu’à moins de circonstances exceptionnelles et inhabituelles, les personnes qui sont jugées pour des infractions qui impliquent un abus de confiance doivent s’attendre à ce qu’une peine d’incarcération soit une conséquence probable de leurs actes.

On note aussi une préférence envers les peines d’emprisonnement dans les cas de fraudes touchant des fonds publics. Par exemple, dans l’arrêt Howe, une affaire de fraude fiscale, la Cour d’appel de l’Alberta a statué que : [TRADUCTION] Afin de traduire l’aversion de la société envers ceux qui abusent du système et d’envoyer un message clair et énergique à ceux qui pourraient envisager de les imiter, ce n’est qu’en de très rares circonstances qu’une peine moindre qu’un emprisonnement sera
indiquée

Tiré de :
Peines infligées dans les cas de fraude de plus de 5000$
Sharon Stewart Guthrie
Ministère de la Justice, Bureau régional de l’Ontario
Decembre 2004

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