jeudi 28 avril 2011

La distinction entre la crédibilité et la fiabilité d'un témoignage

Pointejour-Salomon c. R., 2011 QCCA 771 (CanLII)

[40] Dans R. c. R.(J.), la juge Dutil formule les commentaires suivants au sujet de la distinction entre la crédibilité et la fiabilité d'un témoignage :

Comme le soutient l'appelant, les notions de fiabilité et de crédibilité sont distinctes. La fiabilité a trait à la valeur d'une déclaration faite par un témoin alors que la crédibilité se réfère à la personne. Mon collègue, le juge François Doyon, expose fort bien la différence qu'on doit faire entre ces concepts :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L'on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L'on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d'un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu'il n'en est rien et ce, tout simplement parce qu'il se trompe; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable.

[41] Le juge Watt, de la Cour d'appel de l'Ontario, énonce ainsi ces distinctions dans R. c. C.(H.) :

Credibility and reliability are different. Credibility has to do with a witness's veracity, reliability with the accuracy of the witness's testimony. Accuracy engages consideration of the witness's ability to accurately

i. observe;

ii. recall;

and

iii. recount

events in issue. Any witness whose evidence on an issue is not credible cannot give reliable evidence on the same point. Credibility, on the other hand, is not a proxy for reliability: a credible witness may give unreliable evidence: R. v. Morrissey 1995 CanLII 3498 (ON C.A.), (1995), 22 O.R. (3d) 514 (Ont. C.A.), at 526[24].

Les éléments constitutifs de l'infraction grave de vivre des produits de la prostitution d’une personne âgée de moins de dix-huit ans et la revue du droit applicable

Pointejour-Salomon c. R., 2011 QCCA 771 (CanLII)

[51] Cette infraction est punissable d'un emprisonnement minimal de cinq ans si les éléments suivants sont établis :

- L'accusé vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d'une autre personne;

- Cette personne a moins de dix-huit ans;

- L'accusé aide, encourage ou force cette personne à s'adonner ou à se livrer à la prostitution avec une personne en particulier ou d'une manière générale, ou lui conseille de le faire aux fins de profit;

- Il use de violence envers cette personne, l'intimide ou la contraint, ou tente ou menace de le faire;

- Il a l'intention et la connaissance requises par les différents éléments constitutifs de l'infraction.

[53] Dans R. v. Grilo, la juge Arbour (alors juge à la Cour d'appel de l'Ontario) analyse l’objet de l’al. 212(1)j) C.cr. et ses éléments essentiels, notamment l'élément d'exploitation ou de parasitisme. Elle écrit ce qui suit:

The parasitic aspect of the relationship contains, in my view, an element of exploitation which is essential to the concept of living on the avails of prostitution. For example, when a prostitute financially supports a disabled parent or a dependent child, she clearly provides an unreciprocated benefit to the recipient. However, in light of her legal or moral obligations towards her parent or child, the recipient does not commit an offence by accepting that support. The prostitute does not give money to the dependent parent or child because she is a prostitute but because, like everybody else, she has personal needs and obligations. The true parasite whom s. 212(1)(j) seeks to punish is someone the prostitute is not otherwise legally or morally obliged to support. Being a prostitute is not an offence, nor is marrying or living with a prostitute. A person may choose to marry or live with a prostitute without incurring criminal responsibility as a result of the financial benefits likely to be derived from the pooling of resources and the sharing of expenses or other benefits which would normally accrue to all persons in similar situations.

Prostitutes are under no special restrictions as to the disposition they may wish to make of their income. A woman may agree to be supported financially by a man, in whole or in part, and vice versa. That option becomes unavailable, however, if the provider is a prostitute and the relationship is parasitic in nature. This, in my respectful opinion, is the only extent to which Parliament has interfered with the disposition of the earnings of a prostitute.

The true scope of s. 212(1)(j) is thus not completely divorced from its original link with vagrancy. Properly understood in that fashion, s. 212(1)(j) is also more easily distinguishable from s. 212(1)(h), the classic pimping section, which, in essence, prohibits controlling for gain. Living on the avails is directed at the idle parasite who reaps the benefits of prostitution without any legal or moral claim to support from the person who happens to be a prostitute.

[54] Dans R. c. Downey, le juge Cory adopte l’approche du juge Arbour et il décrit l'objectif visé par l'al. 212(1)j) C.cr. (auparavant l'al. 195(1)j) C.cr.) en ces termes:

On peut constater que la majorité des infractions mentionnées à l'art. 195 visent le proxénète qui entraîne ou encourage une personne à s'adonner à la prostitution ou la harcèle à cette fin. L'alinéa 195(1)j) vise particulièrement ceux qui ont un intérêt financier dans les revenus d'un prostitué. On estime à juste titre, je crois, que la cible visée par l'al. 195(1)j) est celui qui vit en parasite du revenu d'un prostitué, celui qu'on appelle communément et fort à propos le souteneur. Voir R. c. Grilo reflex, (1991), 64 C.C.C. (3d) 53 (C.A. Ont.); R. c. Celebrity Enterprises Ltd. (1977), 41 C.C.C. (2d) 540 (C.A.C.-B.); et Shaw c. Director of Public Prosecutions (1961), 45 Cr. App. R. 113 (H.L.).

[55] Finalement, même si elle était appelée à interpréter l’alinéa 212(1)h) C.cr., il est utile de référer à ce que cette Cour écrivait dans R. c. Perreault :

L'élément contrôle réfère à un comportement envahissant, à une emprise laissant peu de choix à la personne contrôlée. Ce comportement inclut par conséquent des actes de direction et d'influence. Il y a exercice de direction sur les mouvements d'une personne lorsque des règles ou des comportements sont imposés. L'exercice de direction n'exclut pas que la personne dirigée dispose de latitude ou d'une marge d'initiative. L'exercice d'influence inclut des comportements moins contraignants. Sera considérée comme une influence, toute action exercée sur une personne en vue d'aider, encourager ou forcer à s'adonner à la prostitution.

[56] Un autre élément essentiel de l'infraction mérite qu'on s'y attarde. La peine prévue au paragraphe 212(2.1) exige la preuve de l'utilisation par le souteneur de violence, d'intimidation ou de contrainte envers la personne âgée de moins de dix-huit ans.

[57] La question qui se pose est de savoir si la poursuite devait établir un lien entre une conduite de ce type et la prostitution par la plaignante. À mon avis, elle n'a pas un tel fardeau.

[58] Je partage l'opinion émise par les auteurs Manning, Mewett et Sankoff selon lesquels la preuve d'un lien entre une telle conduite et le fait pour la plaignante de se livrer à la prostitution n'est pas nécessaire en autant qu'il existe une certaine concomitance entre ces éléments :

One issue that has arisen under this section is whether the Crown must establish that the violence, intimidation or coercion related specifically to the young person's involvement in prostitution. There have been differing views expressed on this point, but the preferable approach is not to require such proof. First, the statute does not seem to require it. More importantly, with young women of a vulnerable age, it will often be impossible to dissociate the violence, coercion or intimidation generally from the parasitic relationship that exists. While there should be some concurrence between the two elements (e.g., a person who hits someone a year before the prostitution begins would not necessarily come within the subsection), there is no good reason to require proof of a specific purpose for the violence, coercion and intimidation.

[59] Cette interprétation est d'ailleurs compatible avec la description que donne le juge Lamer de la relation de dépendance entre le souteneur et la prostituée dans le Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.) :

Très souvent, ce sont les jeunes que les souteneurs préfèrent parce qu'ils rapportent plus d'argent et sont plus faciles à contrôler. Cette situation conduit en fin de compte à une relation de dépendance qui est souvent renforcée quand le souteneur encourage la toxicomanie pour exercer un contrôle. Dans ce processus, le contrôle du souteneur sur la prostituée est tel que la violence physique et la brutalité ne sont pas rares. En résumé, la prostitution devient une activité qui avilit la dignité personnelle de la prostituée et permet aux souteneurs et aux clients d'exploiter la position désavantagée de la femme dans notre société.

[61] La preuve doit être évaluée dans cette perspective. À la lumière des commentaires du juge Cory dans Downey, il faut conclure que les éléments retenus par le juge d'instance démontrent tous les éléments essentiels exigés par le paragraphe 212(2.1) C.cr. et ses conclusions de fait justifient amplement le verdict de culpabilité à l’égard du chef 1, mais aussi à l'égard des chefs 3 et 4, et elles sont fondées sur la preuve.

Qu’entend-on par l’affaiblissement de la capacité à conduire un véhicule auquel réfère l’article 253 (1) a) du Code criminel?

R. c. Rowe, 2011 CanLII 22171 (QC C.M.)

[30] Il s’agit d’une diminution causée par l’alcool ou une drogue de la capacité pour une personne d’interagir normalement avec l’environnement auquel elle est confrontée à titre de conducteur. Il peut s’agir d’une diminution de l’acuité de l’un des sens de cette personne affectant, à titre d’exemple, son champ de vision, le sens de la profondeur, sa capacité à entendre les bruits ambiants. Cette diminution peut également affecter l’analyse mentale nécessaire à la conduite, tel le temps de réaction, le sens de la direction ou tout autre processus mental permettant une conduite prudente et raisonnée d’une automobile.

[31] La conduite d’un véhicule à moteur alors que le conducteur a consommé de l’alcool n’est pas interdite en tant que telle par le Code criminel. C’est la conduite d’un véhicule à moteur alors que la capacité d’un conducteur à conduire un véhicule à moteur est affaiblie par l’alcool qui est visée par l’article 253 (1) a) du Code criminel. (R. c. Aubé C.A (Québec) (1993) 2 M.V.R (3d) p127) – Voir également (R. c. Andrews C.A (Alberta) 1996) 20 M.V.R. (3d) p.140). La poursuite a le fardeau de prouver cette infraction hors de tout doute raisonnable. Ce fardeau est le sien du début à la fin du procès. Jamais ce fardeau ne se déplace sur les épaules de la défenderesse.

lundi 25 avril 2011

Les considérations qui doivent guider les juges appelés à se pencher sur la question des motifs raisonnables et probables concernant l'infraction prévue à l’article 253 du Code criminel

R. v. Bush, 2010 ONCA 554 (CanLII)

[54] Whether reasonable and probable grounds exist is a fact-based exercise dependent upon all the circumstances of the case. The totality of the circumstances must be considered: see Shepherd at para. 21; R. v. Rhyason, 2007 SCC 39 (CanLII), 2007 SCC 39 (CanLII), 2007 SCC 39 (CanLII), 2007 SCC 39; R. v. Elvikis [1997] O.J. No. 234 at para. 26; Censoni at para. 47. That an accident occurred, including the circumstances under which it occurred and the possible effects of it, must be taken into account by the officer along with the other evidence in determining whether there are reasonable and probable grounds to arrest for impaired driving. Consumption plus an unexplained accident may generate reasonable and probable grounds although that may not always be the case: Rhyason, supra at para. 19.

[55] In assessing whether reasonable and probable grounds existed, trial judges are often improperly asked to engage in a dissection of the officer’s grounds looking at each in isolation, opinions that were developed at the scene “without the luxury of judicial reflection”: Jacques at para. 23; also Censoni at para. 43. However, it is neither necessary nor desirable to conduct an impaired driving trial as a threshold exercise in determining whether the officer’s belief was reasonable: R. v. McClelland, [1995] A.J. No. 539 (C.A.).

An assessment of whether the officer objectively had reasonable and probable grounds does not involve the equivalent of an impaired driver scorecard with the list of all the usual indicia of impairment and counsel noting which ones are present and which are absent as the essential test. There is no mathematical formula with a certain number of indicia being required before reasonable and probable grounds objectively existed; Censoni at para. 46. The absence of some indicia that are often found in impaired drivers does not necessarily undermine a finding of reasonable and probable grounds based on the observed indicia and available information: R. v. Costello (2002), 22 M.V.R. (4th) 165 (Ont. C.A.) at para. 2; Wang, at para. 21.

Consideration of the totality of the circumstances includes the existence of an accident. However, that the accident could have caused some of the indicia relied upon when they could also have been caused by the consumption of alcohol does not mean the officer has to totally eliminate those indicia from consideration: R. v. Duris, 2009 ONCA 740 (CanLII), 2009 ONCA 740 (CanLII), 2009 ONCA 740 (CanLII), 2009 ONCA 740 at para. 2. They have to be considered along with all the other indicia in light of the fact there may be another explanation. To the extent that Uppal determines otherwise, with respect, it was wrongly decided.

[58] Here the investigating officer testified that he took into consideration that the respondent had been in an accident. In assessing whether reasonable and probable grounds objectively existed, the trial judge appropriately considered that there had been an accident. However, that there might be another explanation for some of the factors the officer properly took into account in forming his opinion of impairment to drive did not eliminate the indicia or render them unreliable.

I am persuaded that the appeal judge erred in finding the trial judge had permitted the accident to muddy the waters and failed to assess all the surrounding circumstances.

In making his or her determination, the officer is not required to accept every explanation or statement provided by the suspect: Shepherd at para. 23. That the officer turned out to be under a misapprehension is not determinative: Censoni at para. 35. The important fact is not whether the officer's belief was accurate. It is whether it was reasonable at the time of the arrest. That the conclusion was drawn from hearsay, incomplete sources, or contained assumptions will not result in its rejection based on facts that emerge later. What must be assessed are the facts as understood by the peace officer when the belief was formed: R. v. Musurichan, [1990] A.J. No. 418 (C.A.).

[67] An officer is required to assess the situation and competently conduct the investigation he or she feels appropriate to determine if reasonable and probable grounds exist. In some cases, that might include interviewing witnesses and/or the suspect if necessary: Golub at para. 19. In others, the officer’s observations and information known at the time may readily establish the requisite grounds.

[68] Here, the officer could have asked the respondent if he had consumed alcohol. What weight the officer attached to the answer would have been for the officer to determine. If he said he had one beer or nothing to drink, the officer was not required to accept what he was told and terminate the investigation.

[69] The officer could have asked the respondent how the accident occurred. However, if he provided an explanation unrelated to intoxication, the officer was not required to accept the explanation and eliminate the accident from consideration. At trial, the respondent admitted that he hit the curb because he was making cell phone calls and looking up numbers as he drove. His cell phone records confirmed he made six calls to his girlfriend which were continually disconnecting within five minutes of the accident. Continuing to make telephone calls while driving into curbs could also be seen as a sign of impairment: see Shepherd at para. 23.

mercredi 20 avril 2011

Est-ce que le refus de fournir un échantillon d'haleine doit être formel et irrévocable?

R. c. Lessard, 2008 QCCQ 1392 (CanLII)

[107] Sur cette question, deux approches distinctes ont été établies par les tribunaux. Une première est à l’effet que dès qu’il y a refus communiqué par l’accusé, l’infraction est commise. Ainsi, dans l’arrêt la Reine c. Rowe, il est écrit :

“In my opinion the answer to the question propounded by the stated case ought to have been answered in the negative, and I base that on what is to me the clear language of section 235(2) itself. That section does not speak of final refusal or any other kind of refusal; it speaks of a refusal.”

[108] D’autres décisions procèdent à une analyse plus contextuelle et parleront de refus formel et irrévocable. Ainsi, seront considérés les circonstances du refus, le délai écoulé entre la sommation et l’acceptation de même que la disponibilité de l’appareil et du technicien.

[109] L’auteur Karl-Emmanuel Harrison écrit :

« Une personne ne commet une infraction de refus d’obtempérer à un ordre de fournir un échantillon d’haleine nécessaire pour une analyse convenable de l’alcoolémie tant qu’elle n’a pas refusé de manière claire par des paroles ou des gestes. (…)

Dans le cas ou une personne énonce un changement d’idée dans un court laps de temps par rapport à ce qui, à première vue, pouvait être considéré comme un refus, et que rien n’empêche de réaliser la prise de l’échantillon d’haleine, le Tribunal doit examiner de manière conciliante les circonstances. »

[110] Puis, il cite le juge McDonald dans l’arrêt R. c. Bowman[11] :

“There can be no doubt that the recipient of a demand is entitled to reasonable time in which to decide whether or not he is going to comply. Once, however, he decides he is not going to comply with the demand and makes such decision known to the peace officer the offence of refusal is complete. It is no defence to the charge that he later changed his mind and offered to supply a breath sample. I would, however, add to the foregoing the following caveat. If a person refused to comply with a s. 235(1) demand but immediately thereafter indicated a change of mind and a willingness to take the test then since the refusal and the subsequent change of heart occurred almost simultaneously, both really comprise the reply of the demand, i.e., form one transaction, and there would not therefore, in my view, be a refusal in law.”

[111] Ainsi, quand tout se passe dans un très court laps de temps, dans un flot quasi-ininterrompu, il y a lieu de considérer l’acceptation faite après avoir exprimé en tout premier lieu un refus. Qu’en est-il des faits dans le présent dossier? Tous les témoins indiquent qu’après la poursuite qui venait d’avoir lieu, tout le monde était sous pression et quelque peu énervé. L’agente Caron indiquera elle-même avoir adopté un ton de voix « extrême » avec l’accusé. L’accusé, lui, rapporte qu’elle criait après lui. Sitôt les demandes faites et les refus exprimés, l’agent Petit s’adresse à l’accusé sur un ton de voix posé et immédiatement l’accusé accepte de se soumettre à ce test. Il est ici question de secondes. Le Tribunal croit sincère le changement d’opinion intervenu chez l’accusé. Le Tribunal ne peut écarter l’hypothèse que l’accusé ait tout d’abord refusé en réaction aux circonstances, soit la manière dont il avait été sommé. L’acceptation, si peu de temps après le refus, n’impliquait aucune démarche supplémentaire que celle qui aurait, de toute façon, dû être effectuée si l’accusé avait obtempéré à la première demande : l’accusé devait de toute façon être amené au poste, un technicien devait de toute façon être appelé. L’acceptation quelques secondes après le premier refus n’entraînait aucune démarche supplémentaire pour les policiers et/ou le technicien.

Revue de l'état du droit concernant l'infraction de refus de fournir un échantillon d'haleine

R. c. Bouchard, 2009 QCCQ 14454 (CanLII)

[30] L'article 254 (5) du Code criminel stipule ce qui suit :

(5) Omission ou refus d'obtempérer — Commet une infraction quiconque, sans excuse raisonnable, omet ou refuse d'obtempérer à un ordre donné en vertu du présent article.

[31] Selon le Tribunal, la version française du texte semble réductrice lorsque comparée à la version anglaise qui stipule :

(5) Failure or refusal to comply with demand — Everyone commits an offence who, without reasonable excuse, fails or refuses to comply with a demand made under this section.

[32] La version anglaise semble faire référence indirectement à un échec lorsque l'accusé se soumet au test. D'ailleurs dans l'affaire R. v. Schwartz, 2009 ABPC 120 (CanLII), 2009 ABPC 120[1], le juge fait cette nuance importante, lorsqu'il écrit au paragraphe 7 de son jugement :

As will be later discussed, there is no question that the accused failed to produce the required sample of his breath. He did not refuse to provide a sample, but his efforts were a failure.

[33] C'est exactement la situation dans le cas présent : l'accusé n'a pas refusé d'obtempérer à l'ordre de fournir un échantillon, il a échoué. En ce sens, il s'agit à la limite d'une omission.

[34] Dans la collection de droit du Barreau, à la page 143 du volume 12[2], les auteurs écrivent :

[…] Les éléments essentiels de l'infraction sont une sommation valide et un refus de se soumettre, auquel vient s'ajouter bien sûr l'intention de refuser. […]

[35] À la page 144, les auteurs complètent et écrivent :

L'article 254 (5) du C.cr. prévoit la possibilité pour l'accusé de faire valoir une excuse raisonnable à l'encontre d'une accusation lui reprochant d'avoir refusé d'obtempérer aux ordres de l'agent de la paix. Ce concept est distinct de la mens rea de l'infraction et de l'erreur de fait raisonnable.

[36] Ces deux extraits réfèrent à la cause Lewko, affaire dans laquelle la Cour d'appel de la Saskatchewan s'est prononcée sur les éléments essentiels de l'infraction en plus de déterminer quand entre en jeu la présentation de l'excuse raisonnable, le cas échéant. Ainsi, la Cour écrit au paragraphe 9 :

The elements of the offence that the Crown must prove beyond a reasonable doubt are three. First, the Crown must prove the existence of a demand having the requirements of one of the three types mentioned in ss. (2) and (3). Second, the Crown must prove a failure or refusal by the defendant to produce the required sample of breath or the required sample of blood (the actus reus). Third, the Crown must prove that the defendant intended to produce the failure (the mens rea).

The proof by the Crown of the three elements (and the defendant's questioning of that proof by combatting the allegations of the prosecution without introducing any further issue) may be looked upon as the first stage of the proceedings. Once the Crown has established the three elements of the offence in question, the defendant is presumed guilty and must be so found, unless the defendant raises a defence. That brings us to what may be looked upon as the second stage of the proceedings, namely, the presentation by the defendant of his/her justifications or excuses – his/her defences (I use the term "defence" in the narrow sense – for the distinction between the broad and the narrow senses see Glanville Williams, Textbook of Criminal Law (London: Stevens & Sons, 1983) (2d ed.) at 50-51.) In the case of the subject offence, a defendant is able to present not only a defence ordinarily cognisable by law, but a defence constituted by any excuse that is "reasonable". This is the effect of the use of the phrase " without reasonable excuse" in the context of s. 254 (5).

[37] Dans l'affaire Lewko, la Cour rétablit le jugement de première instance entre autres, en refusant l'argument de la défense à l'effet que le juge avait inféré la mens rea en appliquant la règle de prépondérance de la preuve. Le juge peut par inférence conclure hors de tout doute raisonnable, à la mens rea.

[38] L'analyse du Tribunal sur le caractère plausible de l'excuse raisonnable ne vient donc que s'il est convaincu hors de tout doute raisonnable que l'accusé a sciemment échoué ou refusé. C'est à dire s'il est convaincu que l'accusé avait la mens rea. Nous ne sommes pas en matière statutaire, de responsabilité stricte, faut-il le souligner.

[39] Si l'accusé argumente l'élément intentionnel, il n'a aucun fardeau de persuasion, il n'a qu'à soulever un doute suffisant. S'il avance une excuse raisonnable, il doit l'établir par prépondérance de preuve telle qu'explicitée par les auteurs à la page 154 :

Selon une jurisprudence majoritaire, le fardeau de démontrer l'excuse raisonnable repose sur l'accusé qui doit, le cas échéant, l'établir par prépondérance de preuve, et ce, bien que le législateur n'ait pas explicitement renversé le fardeau de la preuve quant à cette notion.

[40] La poursuite doit donc prouver hors de tout doute raisonnable :

a) un ordre valide en vertu de la loi;

b) l'échec de fournir l'échantillon d'haleine suffisant pour l'analyse (actus reus);

c) l'intention de l'accusé de causer cet échec (mens rea);

jeudi 14 avril 2011

Que ce soit comme accusé, témoin "important", ou simple témoin que les déclarations aient été faites, ces derrnières peuvent être adimissibles si elles sont libre et volontaire

R. c. Hébert, 1990 CanLII 3116 (QC C.A.)

L'appelant reproche au premier juge d'avoir autorisé ce témoignage du fait que les déclarations n'avaient pas été prises "verbatim", que le résumé manuscrit qui en avait été préparé par l'agent enquêteur était donc nécessairement incomplet, qu'il n'avait pas été vérifié et encore moins contre-signé par l'appelant. Enfin, comme l'appelant n'était pas en état d'arrestation lorsqu'il fit ces déclarations, il s'agit de déclarations données comme simple témoin, et non susceptibles d'être utilisées contre lui.

Je ne crois pas que ces motifs puissent être retenus. Que ce soit comme accusé, témoin "important", ou simple témoin que les déclarations aient été faites, ne saurait, dans mon opinion, en restreindre l'admissibilité, de ce seul fait, dans la mesure où il s'agit effectivement d'une déclaration faite par celui qui devait éventuellement être accusé, de façon libre et volontaire, sachant qu'elles pourraient être utilisées contre lui, et après avoir été informé de son droit de consulter un avocat, ce qui fut effectivement fait en l'instance.

La "déclaration" n'est pas définie au Code Criminel et, dans le sens ordinaire du mot, constitue "l'action de déclarer l'existence d'une situation de fait ou de droit; affirmation orale ou écrite de cette action". L'honorable Fred Kaufman, traitant de l'admissibilité des confessions, enseigne ce qui suit:

It therefore becomes necessary to define, first of the meaning "admission, confession or statement," and to this we must add the word "declaration" which is also used, The Oxford Dictionary defines "statement" as a "written or oral communication setting forth facts, arguments, demands or the like". That seems to be clear, and in the absence of cogent evidence that any particular word or phrase has become a legal term of art, words should be "understood in their plain, ordinary, and popular sense". Whatever, therefore, the meaning of "admission" or "confession", it would appear that "statement" is a generic term which encompasses both, and the same might be said for "declaration". But while a statement may contain an admission or even a confession, it may also contain - and frequently does - complete denial of any knowledge concerning a crime."

Les déclarations reçues par les agents enquêteurs en l'instance sont donc assujetties aux règles générales du droit pénal quant à leur admissibilité. La responsabilité du premier juge, dans le cadre du voir-dire, était donc essentiellement de constater si ces déclarations avaient été libres et volontaires et non de décider de leur portée réelle. Le juge Pigeon, dans l'arrêt R. c. Gauthier dit ceci, à la page 52:

Disons tout d'abord que c'est à bon droit que la Cour d'Appel a statué que sur le voir-dire le juge du procès n'était pas appelé à décider si la déclaration que la poursuite voulait mettre en preuve avait réellement été faite et si elle était vraie. Dans un procès par jury ces questions-là sont du ressort du jury. Par conséquent, le juge qui entend la preuve sur le voir-dire ne statue définitivement que sur l'admissibilité de la déclaration qui en fait l'objet.

mercredi 13 avril 2011

Revue de la jurisprudence applicable sur les délinquants dangereux par la Cour d'appel

R. c. Boyer, 2006 QCCA 1091 (CanLII)

[51] Il est approprié de prendre en considération les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente : paragr. 753.1 b) C.cr. et R. c. Currie, 1997 CanLII 347 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 260. Elles peuvent démontrer notamment que l’état de l’accusé s’améliore ou se dégrade. En l’espèce, par exemple, la juge pouvait croire que, vu sa gravité relative par rapport aux condamnations antérieures, l’infraction sous-jacente démontrait une amélioration de l’état de l’intimé. Par contre, elle pouvait aussi croire que sa perpétration, survenue deux semaines après un d’emprisonnement de 11 ans et après avoir souscrit un engagement de garder la paix, démontrait une détérioration de son état. Le rôle d’une cour d’appel ne consiste pas à revenir sur de telles conclusions de fait. Par contre, l’intervention de la Cour se justifie, ici, parce que la juge de première instance a limité indûment son analyse à cette seule question (outre l’impossibilité de rejeter l’hypothèse d’une ultime tentative, sujet auquel je m’attarderai plus loin), ne tenant pas compte tant de la preuve disponible que des principes de droit applicables.

[52] En réalité, la seule conclusion que la juge tire des circonstances de l’infraction sous-jacente c’est que l’on ne peut affirmer, à partir de cette seule preuve, qu’il s’agissait d’un début d’escalade d’infractions de nature sexuelle. Ce n’était donc pas une preuve susceptible de démontrer que le risque pouvait être assumé par une déclaration de délinquant à contrôler; c’était tout simplement un constat que les circonstances de l’infraction sous-jacente ne démontraient pas, par elles-mêmes, qu’elle était la première d’une série d’infractions que l’intimé aurait pu commettre s’il n’avait pas été arrêté. Comme la juge admettait déjà que l’intimé remplissait, de toute façon, les conditions pour être déclaré délinquant dangereux, son constat n’apportait rien pour solutionner la question en litige et ne pouvait sûrement pas démontrer l’existence d’une possibilité réelle que le risque pouvait être maîtrisé dans la collectivité.

[53] Comme le dit le juge en chef Lamer dans R. c. Currie, précité, les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente ne constituent pas toujours un élément déterminant. Il ajoute :

Je ne puis imaginer que le législateur ait voulu que les tribunaux attendent qu’un individu manifestement dangereux, indépendamment de la nature de ses antécédents criminels et du poids des opinions d’experts quant à sa dangerosité potentielle, commette un crime particulièrement violent et cruel avant de pouvoir le déclarer délinquant dangereux.

[54] Les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente, qui demeure, je le rappelle, une infraction grave puisqu’il s’agit d’une agression sexuelle, ne peuvent, en l’espèce, constituer un élément de preuve pouvant supporter la conclusion ultime de la juge de première instance. Une telle conclusion, aucunement fondée sur la preuve, constitue une erreur de droit.

[55] La preuve du ministère public n’a pas été contredite et aucun expert n’a témoigné en défense. Il est vrai que le juge de première instance n’est pas lié par l’opinion d’un expert. Par contre, cette opinion est particulièrement pertinente et importante dans le cadre d’un tel débat. De plus, la juge a retenu son opinion quant au risque élevé de récidive.

[56] Si la sœur et le frère de l’intimé ont émis l’opinion qu’il n’est pas dangereux, cela ne saurait constituer une preuve susceptible de contredire celle de la poursuite. D’ailleurs, la juge de première instance ne le prétend pas.

[57] Après avoir dit partager les inquiétudes de la psychiatre quant au risque de récidive et sans expliquer son cheminement ni motiver sa conclusion, elle estime néanmoins qu’elle ne peut conclure qu’une ultime tentative doit être écartée. Autrement dit, elle ne peut rejeter la possibilité que l’on tente d’abaisser le niveau de risque à un niveau acceptable par une déclaration de délinquant à contrôler. Avec égards, aucun élément de preuve ne permet de croire que l’on puisse ainsi abaisser le niveau de risque que représente l’intimé.

[58] Je suis d’avis que la juge de première instance a erré en droit en omettant de s’interroger sur l’existence d’une preuve pouvant appuyer la conclusion qu’il existe une possibilité réelle que le risque pourra être maîtrisé au sein de la collectivité et en omettant de tenir compte des objectifs de la loi en matière de détermination de la peine et plus particulièrement de la loi en matière de délinquants dangereux et à contrôler, c’est-à-dire la protection de la société.

[59] L’appelante plaide que l’opinion de la juge constitue tout au plus l’expression «d’un simple vœu pieux, qui va à l’encontre de la raison même de l’existence de l’article 753 du Code criminel». Je suis d’accord avec ce point de vue. Un tel acte de foi n’est pas supporté par la preuve. Une telle conclusion, fondée sur un simple espoir, qui ne repose pas sur la preuve, ne peut être considérée comme le résultat de l’exercice judiciaire d’une discrétion. Comme l’écrit le juge Feldman dans R. c. McCallum, 2005 CanLII 8674 (ON C.A.), (2005) 201 C.C.C. (3d) 541 (C.A. Ont.) : «I agree with the submission made by the appellant that the evidence in this case amounted to no more than a hope that the respondent would either be amenable to treatment or that, if amenable, he would be treatable within a definite period of time». Il n’y a, en l’espèce, aucune base pouvant supporter l’assertion que le risque que représente l’intimé puisse être abaissé à un niveau acceptable. Comme le souligne le juge Esson, dans R. c. M.(J.S.), 2003 BCCA 66 (CanLII), (2003) 173 C.C.C. (3d) 75 (C.A. Sask.), un simple espoir ne suffit pas; la preuve doit permettre de croire qu’il existe «a realistic prospect of management of the risk in the community».

[60] La juge de première instance a estimé ne pas être en mesure de conclure qu’une ultime tentative devait être écartée. À mon avis, ce n’est pas le test prévu par la loi puisque l’impossibilité d’exclure une ultime tentative peut être présente dans bien des cas où, néanmoins, la sécurité du public exige que l’on rejette cette alternative au profit d’une déclaration de délinquant dangereux. Le test élaboré par la juge de première instance contrecarre les objectifs de la loi en rendant presque insurmontable le fardeau de la poursuite.

[61] Dans R. c. Dagenais, 2003 ABCA 376 (CanLII), (2004) 181 C.C.C. (3d) 332 (C.A. Alta), au paragr. 91, le juge Wittmann, confronté à une situation analogue, écrit :

In exercising his discretion to not impose a dangerous offender designation, the sentencing judge considered the possibility of treatment, albeit remote, to be an absolute bar to a dangerous offender designation. This is an error of law because he applied the wrong test to exercise his discretion.

[62] Ces propos s’appliquent au présent appel. Aucun élément de preuve ne supporte la croyance que les succès hypothétiques et aléatoires d’une ultime tentative permettront de protéger le public. Il s’agit tout au plus d’une conjecture.

La volonté de se réhabiliter doit reposer sur une prémisse factuelle

R. c. Leroux, 2006 QCCA 1262 (CanLII)

[6] La peine imposée est non seulement clémente, mais elle est déraisonnable. En effet, les nombreux antécédents de l'intimé, la preuve faite de la nature organisée de son commerce et l’absence de facteurs atténuants militaient pour une peine de pénitencier. Le souhait du juge que l’avancement en âge de l’intimé l’amène à se réhabiliter, alors que le dossier révèle une absence totale de volonté de s’amender chez lui, ne repose sur aucune prémisse factuelle. Le juge a erré en droit en omettant de s'interroger sur l'existence d'une preuve appuyant sa conclusion qu'il existe une possibilité réelle de réhabilitation (R. c. Boyer, 2006 QCCA 1091 (CanLII), 2006 QCCA 1091). Il s'agit tout au plus d'une conjecture.

On ne devrait imposer l'emprisonnement que lorsque aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n'est appropriée pour l'infraction et le délinquant

R. c. Gingras, 2008 QCCA 1110 (CanLII)

[10] Il faut noter ici que la dissuasion et la dénonciation ne sont pas toujours des facteurs déterminants : la clémence est parfois de mise, lorsqu'il s'agit d'assurer la réhabilitation du délinquant, objectif qui n'est pas moins important que les deux autres. Il faut noter aussi que la Cour suprême, par exemple dans l'arrêt R. c. Gladue, précité, rappelle fréquemment qu'en application de l'article 718.2, paragr. (d) C.cr., « [o]n ne devrait imposer l'emprisonnement que lorsque aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n'est appropriée pour l'infraction et le délinquant ». Dans le même sens, voir l'arrêt R. c. Proulx, précité.

mardi 12 avril 2011

La règle d'exclusion d'une déclaration selon les règles de common law

R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)

[37] Il est acquis depuis les arrêts Ward c. La Reine, 1979 CanLII 14 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 30, Horvath 1979 CanLII 16 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 376, et Hobbins c. La Reine, 1982 CanLII 46 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 553, que sont pertinentes pour déterminer le caractère libre et volontaire d'une déclaration, les circonstances de l'obtention d'une déclaration qui peuvent créer une atmosphère d'oppression ou d'intimidation: l'oppression s'entend de ce qui mine le libre arbitre [R. c. Otis (2000) 37 C.R. (5th) p. 320, (C.A. Québec)]. Il ne s'agit pas ici de nier aux policiers toute tentative de persuader un sujet de passer aux aveux dans le respect de ses droits fondamentaux. À ce sujet, je reprends ici certaines des propositions de droit énoncées dans R. c. Otis, précité:

(1) Il est légitime de donner l'opportunité aux policiers de poursuivre leur enquête afin d'obtenir des aveux.

(2) En dépit des aveux spontanés qui peuvent toujours survenir, l'expérience démontre que c'est l'interrogatoire qui généralement permet de convaincre une personne de passer aux aveux.

(3) Tout en concédant aux policiers le pouvoir de persuader une personne de passer aux aveux en dépit de son intention exprimée de garder le silence, doit être prise en compte la position de force qu'occupe celui qui interroge le sujet qui est en situation de dépendance.

(4) Quand une personne fait valoir son droit, on ne peut l'ignorer et agir comme si elle y avait renoncé.

(5) Dans l'état actuel du droit, ce sont à la fois les facteurs objectifs et subjectifs qui doivent être examinés dans la détermination du caractère volontaire des aveux, règle qui met essentiellement en cause ce qui a influé sur le libre arbitre.

et en plus qu'il n'est pas acceptable de prolonger la détention pour persuader une personne de parler. Je discute maintenant du principe de common law quant à la contamination.

[38] Selon la règle de common law relatives aux confessions, «… une confession subséquente serait involontaire si l'une des caractéristiques ayant vicié la première confession existait toujours ou si la première déclaration était un facteur important qui a incité à faire la seconde déclaration.» (R. c. I.(L.R.), Horvath c. La Reine et Hobbins c. La Reine, précités).

[39] Dans Horvath, le juge Beetz, avec l'accord du juge Pratte (composant la majorité avec les juges Spence et Estey), cite avec approbation l'opinion du juge en chef Parker, de la Cour d'Appel d'Angleterre, dans l'arrêt Regina v. Smith, [1959] 2 Q.B. 35, qui dégageait de la jurisprudence le principe d'une déclaration viciée par un facteur ayant contaminé une déclaration antérieure: on a alors considéré primordial le laps de temps entre les deux déclarations, de même que les circonstances et la mise en garde pour déterminer si le facteur contaminant s'était dissipé. De même, dans l'arrêt Regina v. Logue (1969), 2 C.C.C. 346 (C.A. Ont.), on s'est interrogé sur la question de savoir si les circonstances qui ont rendu irrecevable la première déclaration ont contribué à entacher la déclaration subséquente.

Une personne détenue doit connaître l'ampleur du risque pour décider s'il exerce ou renonce à son droit à l'avocat et son droit au silence

R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)

[48] Rappelons ici certains principes de base:

1) On ne peut exercer un droit que dans la mesure où on en est bien informé: R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138;

2) Le choix d'une personne détenue à l'égard de ses droits est guidé par les motifs de la détention: R. c. Borden, 1994 CanLII 63 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 145;

3) Il est primordial que le sujet connaisse l'ampleur du risque qu'il court pour faire un choix judicieux: R. c. Smith, [1996] 1 R.C.S. 714.

[49] Quel est le fondement de ce principe maintes fois réitéré par la Cour suprême selon lequel un inculpé ou une personne détenue doit connaître l'ampleur du risque pour décider s'il exerce ou renonce à son droit à l'avocat et son droit au silence? Sur la compréhension par la personne de sa situation pour mieux apprécier les conséquences de sa décision (R. c. Smith, précité, p. 727 et R. c. Evans, 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869). Conséquemment, il est du devoir des policiers, par exemple dans un cas où l'enquête évolue et la situation juridique du suspect change, d'en informer ce dernier: il peut être très loquace à une étape où l'enjeu est moins compromettant et exercer son droit au silence lorsque confronté à une accusation sérieuse.

[50] À partir de cette théorie, comme on a même trompé l'appelant sur l'ampleur du risque qu'il courait au moment de VD-12, et que lors de l'interrogatoire qui a suivi on est silencieux au sujet de son statut alors qu'on devait l'informer qu'il était détenu, il me paraît impossible de conclure à la connaissance par l'appelant de l'ampleur du risque qu'il courait lorsqu'il s'est soumis à l'interrogatoire: on l'a tout simplement empêché de connaître l'ampleur du risque.

[51] Mais il y a plus. Indépendamment de cet aspect de l'ampleur du risque, le fait brutal demeure que nous sommes en présence d'une violation flagrante des droits. Nous savons que le policier Lamarche, aux dires du premier juge, «trouvait révoltant» que l'appelant ait nié sa participation lors de l'interrogatoire antérieur; c'est Lamarche qui a sollicité la permission de son supérieur pour interroger à son tour l'appelant et c'est dans ce contexte qu'il s'est délibérément abstenu de mettre en garde l'appelant et de l'informer de son statut de détenu.

lundi 11 avril 2011

La mens rea requise concernant le port d'une arme dissimulée sera établie si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a dissimulé un objet qu'il savait être une arme

R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199

En bref, la mens rea ou l'élément moral requis sous le régime de l'art. 89 sera établi si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a dissimulé un objet qu'il savait être une arme. Pour prouver la dissimulation, il faudrait établir que l'accusé a pris des mesures pour cacher l'arme de façon à ce qu'elle ne puisse être vue.

Un fusil transporté dans un étui ne sera pas considéré comme dissimulé. Dans la grande majorité des cas, l'étui à fusil ressemble à l'arme à feu elle‑même, de sorte que celle‑ci ne peut être considérée comme cachée. En outre, le fait d'envelopper une arme à feu dans une couverture ou une toile et de l'attacher solidement avec une corde comme le requièrent certains règlements provinciaux ne devrait pas être considéré comme le fait de dissimuler l'arme. Je le répète, dans la grande majorité des cas, l'arme enveloppée ressemblera toujours à une arme à feu et ne sera pas considérée comme dissimulée. En outre, le fait de ranger une arme à feu dans un coffre verrouillé ou de façon à ce qu'elle ne soit pas visible dans un véhicule verrouillé et non surveillé conformément au règlement fédéral ne devrait pas être considéré comme le fait de «porter une arme dissimulée» de manière à violer l'art. 89 du Code criminel. Le règlement en question et la disposition du Code doivent être interprétés de façon à éviter les conflits et à servir leurs objectifs.

De même, le fusil qui se démonte pour être transporté dans un étui qui ressemble à une serviette ne devrait pas être considéré comme dissimulé s'il est clairement indiqué sur l'étui qu'il s'agit d'un étui à fusil.

Je me permets de signaler que, non seulement les fusils transportés dans des étuis ne sont pas dissimulés, mais ils ne causeront pas le même malaise qu'une arme nue. Ouvrir un étui à fusil, en sortir le fusil, le charger et l'utiliser nécessite un certain temps. Tout le monde en est conscient, ce qui atténue la nervosité créée par un fusil non rangé dans un étui.

Les éléments constitutifs de l'infraction prévue par l’article 91(1) du Code criminel

Rousseau c. R., 2005 QCCA 470 (CanLII)

[1] L’infraction prévue à l’article 91(1) et (3) du Code Criminel est consommée si le possesseur de l’arme à feu ne détient pas à la fois le permis et à la fois un certificat d’enregistrement de l’arme.

[2] Cette détention peut être soit réelle ou soit le résultat de l’application des présomptions découlant des mesures transitoires prévues à l’article 98 du Code criminel.

dimanche 10 avril 2011

Un seul élément peut suffire pour établir qu'il y a eu harcèlement criminel, particulièrement dans le contexte où des événements antérieurs sont survenus qui colorent ou teintent les plus récents comportements

R. c. Vaillancourt, 2011 QCCQ 2434 (CanLII)

[37] Les gestes reprochés, à savoir la visite dans l'entrée de la résidence des victimes et les deux messages laissés sur le site Facebook de l'accusé peuvent-ils être suffisant pour fonder l'accusation?

[38] La jurisprudence établi clairement que tel peut être le cas (R. c. Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON C.A.), 1999 CanLII 3775 (ONCA), R. c. Ohenhen 2005 CanLII 34564 (ON C.A.), 2005 CanLII 34564 (ONCA), etc.).

[39] Un seul élément peut suffire, particulièrement dans le contexte où des événements antérieurs sont survenus qui colorent ou teintent les plus récents comportements.

[40] La Cour d'appel d'Ontario s'est exprimée ainsi dans l'arrêt Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON C.A.), (1999 CanLII 3775 ON C.A.):

[27] This conclusion is enough to answer the question of law raised on this appeal. However, the peculiar facts of this case warrant one further comment. Here, the single incident constituting the threatening conduct is the sending of the letter
in January 1998. The evidence of the prior contact between the appellant and the complainant is used to prove that as a consequence, the complainant felt harassed. That prior contact is not an element of the offence. The fact that the complainant felt harassed as a consequence of receiving the letter is. Hence, this conviction is not a second conviction of the appellant for this prior contact.

[28] Moreover, while in this case the prior contact is important proof of the consequence caused to the complainant, it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven not through the context of prior contact but by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant. In other words, prior contact may not be the only way of proving the necessary consequence of a single act of threatening conduct.

jeudi 7 avril 2011

Le droit concernant l'engagement de garder la paix (l'article 810 C.cr.)

R. c. Lacerte, 2011 QCCQ 2433 (CanLII)

[75] L'article 810 C.cr. ne crée pas une infraction mais recherche plutôt l'intervention préventive du tribunal. Il s'agit d'une ordonnance de nature pénale qui vise la prévention de la commission d'infractions criminelles.

[76] Une personne qui a des motifs raisonnables de craindre pour sa sécurité, celle de son conjoint, de son enfant ou de ses biens peut déposer une dénonciation à cet effet devant un juge de paix; une autre personne peut la déposer pour elle. C'est le cas en l'espèce; c'est l'enquêteur qui a reçu la plainte de harcèlement criminel qui a déposé la dénonciation.

[77] La loi prévoit que sur réception de la dénonciation, le juge de paix peut faire comparaître les parties devant lui ou devant une cour des poursuites sommaires. À cette étape, la partie XXVII du Code criminel s'applique aux procédures de sorte que le juge de paix peut émettre une sommation ou un mandat d'arrestation pour faire comparaître le défendeur. Dans la présente affaire, c'est par voie de sommation que le défendeur a été appelé à comparaître.

[78] Au terme de l'audition, le juge de paix ou la cour des poursuites sommaires peut - s'il est convaincu par la preuve apportée que les craintes de la personne sont fondées sur des motifs raisonnables - ordonner que le défendeur contracte un engagement, avec ou sans caution, de ne pas troubler l'ordre public et d'observer une bonne conduite pour une période maximale de 12 mois ainsi que de se conformer aux autres conditions que la cour estime souhaitables pour assurer la bonne conduite du défendeur. La loi prévoit que le juge peut envoyer le défendeur en prison pour une période maximale de 12 mois s'il omet ou refuse de contracter l'engagement. (art. 810(3), (3.1) (3.2) C.cr.)

[79] L'ordonnance émise de contracter un engagement de garder la paix ne constitue pas une condamnation criminelle, elle ne sanctionne pas la commission d'un délit. Elle ne confère pas de casier judiciaire. L'obligation légale de respecter des conditions durant une période déterminée, imposée au défendeur, constitue néanmoins une entrave à sa liberté. Elle porte ainsi atteinte au droit à la liberté du défendeur, un droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Elle ne doit pas être rendue à la légère. R. v. MacKenzie (1945), 85 C.C.C. 233 (Ont. C.A.), R. v. Budreo reflex, (1996), 104 C.C.C. (3d) 245 (Ont. Gen. Div.) (2000), 142 C.C.C. (3d) 225 (Ont. C.A.).

[80] Une audition pour l'obtention d'une ordonnance en vertu de l'article 810 C.cr. oppose donc des intérêts et des droits différents: le droit à la sécurité du demandeur et le droit à la liberté du défendeur. Pour assurer l'équilibre, la loi prévoit que le juge ne peut rendre l'ordonnance que s'il est convaincu de l'existence

• d'une crainte subjective

• fondée sur des motifs raisonnables

que le défendeur cause des lésions personnelles au demandeur ou à un membre de sa famille immédiate ou des dommages à leur propriété.

[81] La jurisprudence, très largement majoritaire, reconnaît que le fardeau de preuve requis et auquel réfèrent les termes « convaincu » dans la version française et "satisfied" dans la version anglaise est celui de la preuve prépondérante. R c. Soungie 2003 A.J. 899 et Réhel c. Guimont 2004 CanLII 20200 (QC C.Q.), 2004 IIJCan 20200 (C.Q.)

[82] Si le témoignage du demandeur permet au juge de connaître ses raisons subjectives d'avoir des craintes, c'est en examinant l'ensemble de la preuve que la décision doit être rendue. Ainsi, la preuve peut porter sur des faits postérieurs à la dénonciation ou sur des faits qui ne sont même pas à la connaissance du demandeur, par exemple la propension à la violence du défendeur. De même, la preuve apportée par le défendeur peut jeter un éclairage différent sur la perception subjective des événements relatés par le demandeur. Cette preuve est pertinente et peut aider le juge à déterminer si la crainte est fondée sur des motifs raisonnables.

[83] En ce qui concerne la recevabilité de la preuve, les règles sont souples. La preuve par oui-dire est admissible tout comme la preuve de caractère dans la mesure où la preuve est crédible et digne de foi. Voir R. c Budreo précité; R c. Stewart (1988) J. Q. no. 715, C.S. Montréal

[84] Quel est le sens à donner à l'expression « lésion personnelle » utilisée à l'article 810 C.cr? Dans la version anglaise de l'article 810 C.cr., le législateur utilise l'expression "personal injury". La loi est muette.

[85] La notion de lésions corporelles est une notion distincte qui elle, est définie à l'article 2 du Code criminel. Il doit s'agir d'une blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d'une personne et qui n'est pas de nature passagère ou sans importance. Cependant, il est admis que le demandeur n'a pas à établir la crainte de lésions corporelles, telles que définies à la loi, pour obtenir une ordonnance en vertu de l'article 810 C.cr.

[86] On sait aussi que les lésions psychologiques peuvent constituer des lésions corporelles. Dans l'arrêt R. c. McCraw 1991 CanLII 29 (C.S.C.), (1991) 3 R.C.S. 72, la Cour suprême a conclu que l'expression lésions corporelles comprend une blessure psychologique grave ou importante, une blessure psychologique qui nuit de manière importante à la santé ou au bien-être d'une personne.

[87] La jurisprudence en matière d'ordonnance de garder la paix reconnaît donc que la lésion personnelle inclut la lésion psychologique. Voir R. c. Soungie 2000 A.J. 899, R. c. Hujdic (1997) S.J. 779, R. c. Labarge (2006) CarswellQue 9223.

[88] Cela ne signifie pas pour autant que la crainte de n'importe quel degré d'atteinte psychologique suffise pour étayer une demande d'ordonnance, parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le but de l'engagement prévu à l'article 810 C.cr. est de prévenir la commission d'une infraction criminelle. L'atteinte à l'intégrité physique ou psychologique redoutée doit donc être suffisante pour constituer une infraction si elle se réalisait. Une atteinte à l'intégrité psychologique constitue une infraction criminelle lorsqu'il y a, par exemple, menace de mort ou de lésions corporelles, harcèlement criminel ou intimidation.

[89] Quant à l'infraction de harcèlement criminel, elle ne sanctionne pas le comportement simplement répétitif et dérangeant. Le harcèlement est criminel lorsque l'acte ou la répétition d'actes posés a pour effet de susciter une crainte raisonnable pour la sécurité. (art. 264 C.cr.)

mercredi 6 avril 2011

Les principaux éléments retenus pour la dispense de l’enregistrement au registre des délinquants sexuels

A.G. c. R., 2008 QCCQ 11159 (CanLII)

[12] Au niveau des dispositions du Code criminel, l’article 490.023 prévoit qu’un juge peut accorder une dispense de l’obligation de s’y conformer.

[13] Une exception semblable est prévue à l’article 490.012(4) C.cr lorsque le Tribunal est invité à rendre une ordonnance après le prononcé d’une peine ou d’un verdict de non-responsabilité à l’égard d’une infraction désignée. C’est le requérant qui a le fardeau de prouver par prépondérance de preuve l’effet démesuré que peut avoir à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, l’enregistrement de renseignements le concernant au registre des délinquants sexuels; l’intérêt public de protéger la société par la consultation des renseignements sur les délinquants sexuels étant présumé dans le cadre d’enquêtes efficaces à mener sur les crimes de nature sexuelle.

[14] Dans Redhead, la Cour d’appel d’Alberta dit :

Par. 42 :

« However, had Parliament intended that courts should determine whether there exists a public interest in registering an offender on a case-by-case basis, factoring in all of the individual circumstances surrounding each offender and his or her offence, it could have made that intention clear in the wording of the provision. Instead, Parliament has pronounced that there is a public interest in having those who commit the prescribed offences registered. The language of s. 490.012(4) presumes a “public interest in protecting society through the effective investigation of crimes of a sexual nature, to be achieved by the registration on information relating to sex offenders,” but questions whether the impact on the offender would be grossly disproportionate to that public interest. Thus, the focus of the inquiry is not on whether there is a public interest in having the offender registered, but rather on whether the impact on the offender would be grossly disproportionate to the public interest. »

[15] Le 19 juin 2008, la Cour d’appel de la Colombie britannique soumet dans R. c. S.S.C. :

Par. 86 :

« Mr Justice Barrow’s proposition that an offender must show an impact greater that that sustained potentially by all offenders is not inconsistent with the decision in Redhead and this Court’s decision in B.T.Y., Parliament intended that all sex offenders must register. Registration has the potential to affect the liberty and privacy interests of all offenders. The inquiry is whether the effect by registration on the offender seeking exemption is grossly disproportionate to the public interest. »

Par. 87 :

« I summarize the following points from these analysis :

1- The public interest requires all sex offenders to register, not just those wich the profile of predatory strangers or those with a heightened risk to re-offend;

2- The public interest is fixed; Parliament has declared that registration is in the public interest;

3- An offender seeking exemption is obliged to establish that his or her registration would be grossly disproportionate to the public interest, that is it is a given that registration has a potential minimum or treshold effect on all offenders;

4- Relevant to the consideration of the offender’s circumstances is the nature of the offence, the risk to re-offend, the offender’s criminal record and other similar matters personnal to the circumstances of the offender. »

[16] Récemment, reprenant en résumé l’ensemble des décisions ayant accordé une dispense, la juge Lacerte Lamontagne de notre Cour, dans R. c. Sturgeon3 les collige ainsi :

Par. 20 :

« Dans les décisions accordant une dispense, les principaux éléments retenus sont : l’absence d’antécédents judiciaires et l’infraction de moindre gravité4, l’infraction non reliée5, le faible risque de récidive6, la thérapie suivie7, l’incident isolé et les déplacements de l’accusé pour son travail8, l’âge9, le délinquant aux prises avec un problème psychiatrique10, physique et psychologique11 ou une combinaison de différents facteurs12. »

[17] Bien que le Tribunal doive tenir compte des circonstances particulières à chaque cas en l’espèce, il n’en demeure pas moins que l’analyse à être faite par le Tribunal sur les motifs invoqués visant à convaincre sur le « nettement démesuré » (grossly disproportionate) doit l’être en fonction d’un intérêt public présumé.

mardi 5 avril 2011

Dans le cas d'un vol à l'étalage, le fait de passer la caisse sans payer ne fait que renforcer la preuve d'intention de voler sans être un élément essentiel de l'infraction.

Courtemanche c. R., 2011 QCCS 1456 (CanLII)

[21] L'article 322(2) du Code criminel prévoit que :

« Un individu commet un vol quand, avec l’intention de voler une chose, il la déplace ou fait en sorte qu’elle se déplace, ou la fait déplacer, ou commence à la rendre amovible. »

[22] Le fait de passer la caisse sans payer ne fait que renforcer la preuve d'intention de voler sans être un élément essentiel de l'infraction.

[25] Évidemment, dans les cas de vol à l'étalage, l'interprétation des faits est plus complexe. Comme le mentionne le juge Discepola dans R. c. Nguyen:

« Lorsqu'une personne prend possession d'un bien et est interceptée avant la caisse l'intention est souvent difficile à inférer. Dans ces circonstances, il est clair que le propriétaire du magasin consent à ce que le client puisse prendre le bien pour fin d'inspection et transport à la caisse. Une prise de possession d'un article d'une façon habituelle, (par exemple : sans dissimulation) n'est pas concluant quant à l'intention. Dans ces cas, l'ensemble de preuve doit être évalué afin de déterminer si une intention de vol peut être inférée. »

[26] Après analyse de quelques causes de jurisprudence, le juge Discepola en vient à la conclusion que :

« Le Tribunal conclut par inférence, de ces faits, que l'article à été placé dans le sac par la défenderesse. Le Tribunal peut aussi inférer, par la prise de possession physique de l'article et sa dissimulation, qu'au moment où la défenderesse s'empare de l'article elle a l'intention de commettre le vol de cet article.

Il est clair que la défenderesse n'a pas déplacé l'article aux fins d'inspection ou transport à la caisse, ce que le propriétaire lui permet de faire. Elle a déplacé l'article pour en prendre possession avec l'intention d'en priver le propriétaire.

Il est vrai qu'habituellement un agent de sécurité intercepte un individu uniquement après qu'il ait franchi les caisses afin de dissiper tout doute quant à son intention réelle ; mais il est faux de croire que cet aspect devient un élément essentiel à prouver dans tous les cas. D'autres indices peuvent permettre au Tribunal de conclure à une intention de voler. »

[27] Franchir les caisses enregistreuses n'est pas un élément essentiel de l'infraction de vol à l'étalage. Et de toute façon, dans le présent cas, les caisses ont été franchies.

lundi 4 avril 2011

Revue de la jurisprudence sur le vol par le juge Beauséjour

R. c. Poulette, 2009 CanLII 21571 (QC C.M.)

[173] Pour qu’il y ait vol, la poursuite se doit de prouver l’intention frauduleuse;

• Washington (État de) c. Johnson, 1988 CanLII 102 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 327, 62 C.R. (3d) 225, 40 C.C.C. (3d) 546

• R. c. Ouellette, REJB 1998-06056, [1998] A.Q. n° 1230 (C.A.)

• R. c. De Marco (1973), 22 C.R.N.S. 258, 13 C.C.C. (2d) 369 (C.A. Ont)

[174] L'élément de fraude ne saurait être déduit du seul fait de l'absence de restitution du bien dans un délai raisonnable. Une telle omission peut être expliquée par différents motifs tels l'oubli, une erreur ou une impossibilité de rendre :

• Washington (État de) c. Johnson, 1988 CanLII 102 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 327, 62 C.R. (3d) 225, 40 C.C.C. (3d) 546

[175] Le défaut de l'accusé de rapporter un véhicule loué dans le délai prévu au contrat de location ne constitue pas un vol lorsque l'accusé pensait honnêtement que le plaignant ne s'objecterait pas à ce qu'il garde pour une période plus longue le véhicule loué et qu'il avait l'intention de payer la location.

• R. c. Ouellette, REJB 1998-06056, [1998] A.Q. n° 1230 (C.A.)

• R. c. De Marco (1973), 22 C.R.N.S. 258, 13 C.C.C. (2d) 369 (C.A. Ont)

[176] La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de fait qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché, et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral). L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit.

• R. c. Investissements Contempra ltée (Remorquage québécois à vos frais), 1991 CanLII 3199 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 2519 (C.A.)

[177] La responsabilité criminelle d'une personne ne peut être engagée si un doute subsiste selon lequel elle a agi avec « apparence de droit ». L'accusé qui croit sincèrement en un droit légal dans la chose, et non seulement un droit moral, agit avec apparence de droit.

• R. c. Cuffaro, [1995] A.Q. n° 428, 1995 Carswell Que 944 (C.A.)

[178] Un accusé n'a pas à établir par prépondérance de preuve l'apparence de droit qu'il invoque : la règle générale du doute raisonnable s'applique.

• R. c. Violette, 1992 CanLII 3027 (QC C.A.), [1992] R.L. 115, [1992] A.Q. n° 705 (C.A.)

[179] Celui qui, honnêtement, soutient ce qu'il croit être une juste revendication n'agit pas « sans apparence de droit », même s'il s'avère que sa croyance est non fondée en droit ou en fait.

• R. c. Howson (1966), 47 C.R. 322, [1966] 3 C.C.C. 348, 55 D.L.R. (2d) 582 (C.A. Ont.)