dimanche 24 novembre 2024

Le droit à l'avocat doit être exercé privément par le suspect

R. c. O'Donnell, 2004 NBCA 26 



[4]                                       Il est de jurisprudence constante que le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat garanti par l’alinéa 10b) de la Charte confère un droit corollaire de consultation en privé. Sans le degré requis de respect de la vie privée, le droit constitutionnel à l’assistance d’un avocat devient illusoire. Quoiqu’une renonciation à ce droit soit possible, la question ne se pose pas ici. Il n’est pas nécessaire que la consultation soit très privée, mais l’accusé doit pouvoir à tout le moins s’entretenir avec son avocat sans que leur conversation soit entendue. De plus, ceux et celles qui exercent leur droit à l’assistance d’un avocat n’ont pas à demander de le consulter en privé, ni à exiger un entretien plus privé que ce que la police est disposée à accorder. Le droit de consulter un avocat en privé vaut également pour les conseils juridiques demandés au téléphone et il est sans importance que l’éventail de ces conseils soit restreint (qu’ils ne portent que sur la décision de fournir ou non des échantillons d’haleine). De fait, dans presque toutes les causes de respect de la vie privée, il est question de consultations téléphoniques par suite de demandes d’échantillons d’haleine (voir, en général, R. c. Young (1987), 1987 CanLII 108 (NB CA)81 R.N.‑B. (2e) 233 (C.A.)Regina c. LePage (1986), 1986 CanLII 119 (NS CA)32 C.C.C. (3d) 171 (C.A.N.‑É.)Regina c. McKane (1987), 1987 CanLII 6794 (ON CA)35 C.C.C. (3d) 481 (C.A. Ont.)R. c. Playford (1987), 1987 CanLII 125 (ON CA)40 C.C.C. (3d) 142 (C.A. Ont.) et R. c. Carroll (2002), 24 M.V.R. (4th) 248 (C.J. Ont.)). 

 

[5]                                       La raison d’être juridique de l’exigence de respect de la vie privée n’a rien de compliqué. Le prévenu doit pouvoir discuter des circonstances de sa détention sans crainte d’être entendu. Comme l’écrivait le juge d’appel Goodman, à la page 155 de Playford :

[TRADUCTION]

[…] Il serait absurde de s’attendre qu’un prévenu puisse constituer un avocat de façon appropriée lorsque ses instructions peuvent être entendues, a fortiori par des policiers. Une consultation aussi peu privée pourrait même compromettre fortement sa capacité de recourir à l’assistance d’un avocat. Le recours à l’assistance d’un avocat exige d’ordinaire de l’accusé une explication des événements qui ont mené à son arrestation. 

 

 

[6]                                       En théorie, de francs échanges entre prévenu et avocat peuvent nécessiter des déclarations qui, en présence de policiers, seraient incriminantes. Sans une consultation en privé, le droit présume que le prévenu n’aura pu converser librement, ce qui aura nui à sa capacité d’obtenir des conseils et de prendre une décision éclairée sur les propos à tenir ou sur les mesures à prendre. Je reviendrai sur cette présomption.

 

[7]                                       Il est acquis, en droit, qu’il revient à l’accusé d’établir par prépondérance des probabilités la violation d’un droit garanti par la Charte. Notre tâche consiste à choisir le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer s’il y a eu violation du droit de consultation d’un avocat en privé. La jurisprudence révèle quatre critères potentiels. Je dois souligner, toutefois, qu’aucune des décisions citées n’adopte expressément un critère à l’exclusion des autres. La plupart du temps, une cause est tributaire de faits qui lui sont propres. En outre, les arrêts de principe ne se sont pas tant souciés de formuler un critère du respect de la vie privée que de déterminer s’il y aurait reconnaissance juridique d’un droit implicite de consulter un avocat en privé. 

[31]                                   Je suis d’avis que le critère de la « crainte raisonnable » et le critère de la simple « possibilité » ne conviennent ni l’un ni l’autre pour déterminer s’il y a eu violation du droit de consulter un avocat en privé que la Charte garantit au prévenu. Il reste donc les deux autres formulations. À mon sens, le critère approprié pose la question de savoir s’il est plus probable qu’improbable que la police a bel et bien entendu la conversation privilégiée du prévenu ou qu’elle a pu l’entendre. Il faut ensuite donner aux mots « a pu » le sens de possibilité « réelle » ou « substantielle ». 

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