Lebel c. R., 2018 QCCA 302
[38] Dans l’affaire R. c. Jolivet[9], la Cour suprême enseigne que la règle en matière civile relativement aux inférences défavorables s’applique en matière criminelle, « mais sous réserve du partage des responsabilités entre le ministère public et la défense […] »[10]. Elle rappelle que peu de cas se prêteront à ce qu’un juge commente l’omission du ministère public de faire entendre un témoin donné, et encore moins à ce qu’il le fasse dans le cas de la défense. Le juge Binnie, au nom de la Cour, écrit :
Il ressort de ces arrêts que les cas « se prêteront » rarement à ce que le juge du procès commente l’omission du ministère public de faire entendre un témoin donné et, encore plus rarement, à ce qu’il le fasse dans le cas de la défense. Comme le juge Brooke l’a ajouté dans l’arrêt Zehr, précité (aux pp. 68 et 69) :
[Traduction] Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un avocat peut décider de ne pas faire entendre un témoin, et nos tribunaux remettront rarement en question la décision de l’avocat puisque le système repose sur le fondement que l’avocat est maître de sa preuve. Il arrive souvent qu’un témoin ne soit pas entendu et que, si la raison en était connue, cela ne justifierait pas une directive selon laquelle une inférence défavorable pourrait être tirée de ce fait. Chose importante de notre système, l’avocat n’est pas tenu, et n’a même pas le droit, d’expliquer sa conduite de l’affaire [au jury][11].
[Soulignements ajoutés.]
[39] Pour sa part, l’auteur Vauclair souligne la prudence dont les juges doivent faire preuve en cette matière afin de ne pas renverser le fardeau de preuve :
2463. Cependant, s’il choisit de présenter une défense, l’accusé jouit du droit absolu de présenter les témoins de son choix, même si ces derniers ont déjà témoigné pour la poursuite. Cela met en cause la question de savoir si le juge peut commenter le défaut par l’accusé de faire entendre un témoin, notamment en matière d’alibi. La jurisprudence a indiqué que dans le cas où cette preuve est importante, le juge peut commenter cet aspect et, en conséquence, le jury pourra inférer que ce témoignage aurait été défavorable. Toutefois, il faut être très prudent à cet égard afin de ne pas, notamment, renverser le fardeau de la preuve et le faire reposer sur la défense. En sus, le juge doit alors aviser le jury que l’accusé n’est jamais obligé de faire entendre un témoin, qu’il peut avoir de très bonnes raisons de ne pas l’avoir fait et qu’il faut s’assurer de ne pas imposer à l’accusé le fardeau de produire une preuve confirmative de son témoignage. S’il s’agit d’un témoin qu’aucune partie ne désirait faire entendre, il faudra alors indiquer au jury qu’il ne saurait tirer aucune inférence du défaut de la défense à cet égard.[12]
[Soulignements ajoutés, références omises.]
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