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lundi 7 juillet 2025

Le consentement aux soins dans le contexte d’hébergement et de soins de longue durée d'une clientèle inapte

Warren c. R., 2021 QCCA 1790



[16]      L’appelant reproche au juge d’avoir « ébauché » une analyse de la notion de consentement fondée sur la L.s.s.s.s., alors qu’il n’y a aucune preuve du statut juridique de la ressource où il travaillait. L’applicabilité de cette loi n’ayant pas été prouvée, les conclusions du juge selon lesquelles il a omis de suivre ce cadre légal « ne sauraient justifier la qualification de voies de fait »[20].

[17]      L’appelant fait fausse route. La question n’est pas de savoir si la L.s.s.s.s. s’appliquait, mais plutôt si la force qu’il a employée contre les résidents avait pour but de leur prodiguer des soins, entendus ici au sens large étant le donné le contexte d’hébergement et de soins de longue durée qui existait[21], et si cette force a été excessive, selon la nature et la qualité des actes[22].

[18]      Le juge aussi se méprend lorsqu’il tient pour acquis que les résidents n’ont pas consenti à l’emploi de la force, donc que « la poursuite n’a pas à prouver un excès de force »[23]. Dans son esprit, l’emploi de toute force par l’appelant est condamnable et la seule défense possible est celle de croyance sincère au consentement. Il analyse donc le consentement à travers le prisme des motifs raisonnables pour étayer une telle croyance, plutôt que de se demander si l’appelant a commis un excès de force.

[19]      Cette démarche est erronée. Le Curateur public a consenti à la garde des résidents dans une ressource adaptée à leurs besoins ainsi qu’aux soins requis par leur état de santé. Ces soins, qu’il s’agisse de déplacer un résident de son fauteuil roulant à son lit, de le transporter, de l’assister dans ses mouvements ou de toute autre intervention, requéraient l’emploi intentionnel d’une certaine force qui, sans le consentement du résident, constituerait des voies de fait en raison de la définition large qui figure au paragraphe 265(1) C.cr. En pareilles circonstances, la défense de consentement implicite peut trouver application.

[20]      Dans R. c. J.A., la Cour suprême rappelle qu’il peut y avoir consentement implicite à des contacts non sexuels :

[57]  Encore une fois, l’analogie ne tient pas. Dans le cas d’agressions à caractère non sexuel, la common law reconnaît qu’il peut y avoir consentement implicite, dans certaines circonstances : R. c. Cuerrier1998 CanLII 796 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 371, par. 52, la juge McLachlin (maintenant Juge en chef); R. c. Jobidon1991 CanLII 77 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 714, p. 743, le juge Gonthier. La Cour, en appliquant les principes de common law, a reconnu des cas où, compte tenu du contexte social ou de la relation entre les parties, il y a consentement implicite à des contacts à caractère non sexuel, par exemple, une poignée de main lors d’une réunion d’affaires ou une collision avec un joueur de hockey sur la glace. Par contre, en interprétant les dispositions du Code criminel qui ont trait à l’agression sexuelle, la Cour a expressément rejeté la notion de consentement tacite : Ewanchuk, par. 31.[24]

[21]      Contrairement à la défense de croyance sincère au consentement, qui consiste en une dénégation de la mens rea, celle de consentement implicite équivaut à nier l’actus reus de l’infraction de voies de fait.

[22]      La Cour d’appel de l’Ontario a reconnu cette défense pour légitimer l’emploi de la force nécessaire aux soins de jeunes enfants. Comme l’explique la juge Weiler, auteure des motifs, dans R. v. E. (A.) :

[29]  On the one hand, the law must protect children and those who are defenceless from unwarranted bodily interference; on the other hand, persons engaged in looking after a child must be protected from state interference when acting in the best interests of the child. Accordingly, as noted by the trial judge, it is in the public interest that an infant be deemed to consent to applications of force by a parent done “for the good of the child and, indeed, for the survival of the child”. […][25]

[23]      Les mêmes considérations de principes s’appliquent ici. Le droit criminel doit protéger les personnes inaptes contre toute atteinte injustifiée à leur intégrité et à leur dignité. D’un autre côté, les personnes qui prennent soin d’une personne inapte sur la foi d’un consentement substitué (c.-à-d. donné par le représentant, le conjoint, un proche parent ou toute autre personne démontrant un intérêt particulier pour la personne inapte[26]) doivent pouvoir employer la force nécessaire à cette fin sans crainte d’être accusées de voies de fait. Il est donc dans l’intérêt public de reconnaître que le consentement aux soins, qu’il soit donné par la personne elle-même ou par son substitut, implique le consentement à l’emploi de la force nécessaire à ces soins.

[24]      Ce consentement implicite comporte toutefois deux exigences : (1) la force doit être employée pour prodiguer des soins, entendus selon le contexte, et (2) la force ne doit pas être excessive. Le juge Rosenberg de la Cour d’appel de l’Ontario résume bien le test applicable dans l’arrêt R. v. Palombi :

[31]  Accordingly, as Weiler J.A. explained, there are two limits on implied consent. First, as she noted at para. 33, the force used must have been for the purpose of caring for the child. In determining whether the force used was for the purpose of caring for the child, an objective standard is to be applied. That is, the trier of fact must consider whether the force used is consistent with “the customary norms of parenting or what a reasonable parent would do in similar circumstances”: E. (A.) at para. 40.

[32]  The second limit on the use of force under the rubric of implied or deemed consent is that the force used must not be excessive: E. (A.) at para. 37.[27]

[25]      Cette seconde exigence est d’ailleurs conforme à l’article 26 C.cr.[28] :

  Quiconque est autorisé par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l’acte qui constitue l’excès.

 Every one who is authorized by law to use force is criminally responsible for any excess thereof according to the nature and quality of the act that constitutes the excess.

[26]      Le juge commet donc une erreur de droit en analysant la question du consentement strictement au regard de la défense de croyance sincère au consentement. Vu le consentement implicite des résidents à l’emploi d’une certaine force, il s’agit plutôt de savoir si la force a été employée dans le but de leur prodiguer des soins, entendus ici au sens large, et si elle a été excessive, selon la nature et la qualité des actes commis par l’appelant.

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