R. c. McCoy, 2006 NBBR 329 (CanLII)
[11] Avec égards, je suis d’avis que le juge du procès a commis une erreur de principe en omettant de tenir compte des condamnations antérieures de McCoy. Par conséquent, l’imposition d’une amende était manifestement insuffisante dans les circonstances. Il semble que le défaut du ministère public de donner avis de son intention de demander une « peine plus sévère », en application du par. 727(1) du Code criminel, ait influencé la décision du juge du procès. L’effet de cette disposition a fait l’objet d’un examen dans bon nombre de décisions.
[12] Dans R. c. Branscombe (1989), 97 R.N.-B. (2e) 206, le juge Harper de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick a dit ce qui suit aux par. 30 et 31 :
[TRADUCTION]
[…] [I]l faut noter qu’une telle situation n’oblige pas la Cour à traiter le défendeur comme un délinquant primaire, si un dossier judiciaire antérieur était également admis ou prouvé, mais elle ne fait qu’obvier aux sentences minimales obligatoires devant être infligées par une cour en vertu de l’actuel art. 255 du Code, surtout en ce qui a trait aux condamnations antérieures reliées à la conduite en état d’ébriété.
Cela mis à part, la Cour peut (et devrait) tenir compte de toutes les condamnations antérieures pour toute infraction criminelle (y compris celles qui sont reliées à la conduite en état d’ébriété) en infligeant la sentence dans une situation donnée, y compris dans la présente affaire.
[13] Dans R. c. Norris reflex, (1988), 41 C.C.C. (3d) 441, le juge Côté de la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest a traité comme suit, aux pages 447 et 448, de la question des condamnations antérieures dans des cas où n’a été donné aucun avis qu’une peine plus sévère serait demandée :
[TRADUCTION]
[S]i, dans une affaire de conduite en état d’ébriété, le ministère public ne donne aucun avis en application du par. 592(1) [aujourd’hui le par. 727(1)], lorsque le contrevenant est déclaré coupable, le juge du procès peut lui infliger toute peine appropriée qui est plus sévère que la peine minimale prévue à l’al. 239a)(i) pour une première infraction. (La peine maximale ne varie plus selon le nombre de condamnations antérieures, comme elle le faisait avant; elle dépend maintenant plutôt de la question de savoir si l’infraction est poursuivie par mise en accusation ou par procédure sommaire.) Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le juge peut examiner tous les renseignements pertinents relatifs au caractère de la personne déclarée coupable, y compris ses condamnations antérieures relatives au même type d’infraction ou à d’autres types d’infractions. Une condamnation antérieure pour conduite avec facultés affaiblies est pertinente, tout comme le serait une condamnation antérieure pour intoxication publique, pour vandalisme avec facultés affaiblies ou pour conduite dangereuse. Un casier judiciaire vierge serait par ailleurs tout aussi pertinent.
Bref, le fait de donner ou non un avis en application de l’art. 592 détermine tout simplement la limite minimale du pouvoir du juge de déterminer la peine à infliger. Entre cette limite et la peine maximale prévue par la loi, le juge doit toujours peser tous les facteurs pertinents et déterminer où placer la peine sur l’échelle.
[14] Dans R. c. Johnson (N.S.C.A.), [1994] N.S.J. No. 154, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a souscrit aux conclusions tirées dans R. c. Norris, précité, et s’est rangée à l’avis du juge Scanlan, du tribunal inférieur, dont la décision est publiée à [1993] N.S.J. No. 485, où il a dit ce qui suit, aux par. 13 et 14 :
[TRADUCTION]
Dans toute affaire relative à la détermination de la peine, le ministère public a le droit de présenter des observations sur les condamnations antérieures. Toutes les infractions sont susceptibles d’entraîner une peine plus sévère si le contrevenant a des antécédents judiciaires importants. […]
[…] Si le ministère public donne avis qu’une plus forte peine sera demandée du fait des condamnations antérieures en vertu de l’article 665, cela ne servira qu’à établir la peine minimale que le tribunal pourra infliger. Le juge chargé de la détermination de la peine aura toujours le pouvoir d’infliger une peine se situant entre la peine minimale et la peine maximale, qu’il s’agisse d’une première infraction ou non. Comme je l’ai déjà mentionné, le juge du procès a le droit d’examiner tous les facteurs pertinents pour déterminer la peine appropriée, y compris les condamnations antérieures.
[15] Le défaut du ministère public de donner avis qu’une peine plus sévère serait demandée n’entraîne pas la conclusion que l’accusé devrait être assimilé à un délinquant primaire.
[16] Au lieu d’assimiler McCoy à un délinquant primaire, le juge chargé de la détermination de la peine aurait dû tenir compte de [TRADUCTION] « tous les facteurs pertinents pour déterminer la peine appropriée », notamment :
1. la dissuasion générale;
2. les antécédents judiciaires;
3. la dissuasion particulière;
4. l’art. 255.1 du Code criminel.
1. Dissuasion générale
[17] Dans Regina c. McVeigh 1985 CanLII 115 (ON C.A.), (1985), 22 C.C.C. (3d) 145 (C.A. Ont.), le juge McKinnon, juge en chef adjoint, a signalé l’importance de l’intérêt public, à la p. 150 :
[TRADUCTION]
Personne ne prend le volant après avoir bu en pensant à la possibilité que quelqu’un soit tué de ce fait. Les peines infligées devraient rendre beaucoup moins attrayante la conduite d’un véhicule après avoir bu. Le public ne devrait pas avoir à attendre que des gens soient tués pour que les tribunaux condamnent catégoriquement le comportement qui a causé leur mort.
[…]
Dans de tels cas, la dissuasion générale devrait être l’objectif prédominant, et cet objectif ne peut pas être atteint si l’on insiste trop sur le fait que la dissuasion particulière est rarement nécessaire après que la conduite en état d’ébriété a mené à un résultat tragique.
[18] Dans R. c. Bourhill, [1999] O.J. No. 5071 (C.S. Ont.), le juge Donnelly a reconnu l’importance de l’intérêt public dans la détermination de la peine à infliger dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. Il s’est exprimé ainsi, au par. 20 :
[TRADUCTION]
Cette reconnaissance vaste et formelle de l’intérêt public par rapport à la conduite avec facultés affaiblies touche directement le système judiciaire. L’objectif fondamental de la détermination de la peine est la protection de la société. Les tribunaux n’ont pas à suivre étroitement la conscience sociale. Ils doivent être conscients des préoccupations légitimes et universelles relatives à la sécurité publique et y être réceptifs. La perception du public à l’égard du système judiciaire souffrirait du défaut des tribunaux de première instance de reconnaître ces valeurs. Ainsi, l’administration de la justice serait susceptible d’être déconsidérée.
2. Antécédents judiciaires
[19] Comme je l’ai mentionné, McCoy a été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies quatre fois déjà et il a été condamné à des peines d’emprisonnement totalisant plus de 30 mois. Son avocat soutient que, en déterminant la peine, la Cour ne devrait accorder que peu ou pas de poids à ces condamnations antérieures parce qu’il s’est écoulé plus de quinze ans depuis la dernière des infractions en question. Je ne suis pas d’accord. Lorsqu’une personne intoxiquée conduit un véhicule et cause la mort d’une autre personne, aucune période de temps ne peut réparer le mal qui a été fait et le passage du temps ne devrait jamais empêcher qu’il soit tenu compte de l’infraction.
3. Dissuasion particulière
[20] L’avocat de la défense a informé la Cour des efforts déployés par McCoy pour s’abstenir de consommer de l’alcool. Bien que ces efforts soient sans doute louables, il convient de souligner que ce n’est pas tant le fait que McCoy boit qui préoccupe la Cour, c’est plutôt le fait qu’il conduit lorsqu’il a bu. Il semble avoir besoin qu’on lui rappelle que la société ne tolérera pas qu’il conduise lorsque ses facultés sont affaiblies et, avec égards, une amende de 1 500 $ n’est à mon avis pas suffisante.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire