R. c. Clermont, 2000 CanLII 5813 (QC C.Q.)
18. Dans l'arrêt Ford c. R. le juge Ritchie de la Cour suprême du Canada définit l'actus reus de l'infraction de garde ou contrôle ainsi:
Il peut y avoir garde même en l'absence de cette intention lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation d'un véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l'article vise à prévenir.
19. Quant à la mens rea de l'infraction, le juge McIntyre l'établit ainsi dans l'arrêt R. c. Toews:
(…) la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire.
20. Enfin, concluant sur l'analyse de la jurisprudence en la matière, le juge McIntyre écrit:
(…) Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. (…)
21. Appliquant ces mêmes principes, la Cour d'Appel du Québec a eu récemment l'occasion de décider de certaines affaires semblables à la nôtre.
22. Dans l'arrêt R. c. Rioux, la Cour d'appel a accueilli l'appel de la décision du juge de la Cour supérieure qui acquittait l'accusé de l'accusation d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'alcool, pour y substituer un verdict de culpabilité dans les circonstances suivantes: l'accusé, visiblement en état d'ébriété, dort dans son véhicule stationné sur le terrain de stationnement d'un garage, en face d'un bar d'où il sortait; il est derrière le volant, les portes sont verrouillées, le moteur n'est pas en marche et les clés ont été déposées derrière le garage, à une vingtaine de pieds de son véhicule.
23. Au même effet, la Cour d'appel accueillit le pourvoi et rétablit la condamnation prononcée en première instance, dans l'arrêt R. c. Hamel.
24. Les faits mis en preuve dans cette affaire sont particuliers. L'appelante, qui était au volant du véhicule au moment de son interception, explique qu'elle a changé de place avec son copain, à l'approche d'un barrage policier; les lumières du véhicule étaient demeurées allumées et les clés du véhicule étaient en possession de celui-ci.
25. En désaccord avec son confrère le juge Philippon, le juge Proulx, avec l'approbation du juge Jacques Chamberland, écrit les motifs suivants centrés sur le danger imminent que l’accusé reparte avec le véhicule:
Le juge de la Cour supérieure a reproché au juge du procès d'avoir uniquement inféré la garde ou contrôle de trois faits, soit (1) la propriété de la voiture, (2) les lumières allumées et (3) la place occupée par l'intimée.
Avec respect pour l'opinion contraire, d'autres éléments ont été retenus en plus au procès, soit les circonstances dans lesquelles l'intimée s'était vu confier la garde et l'avait maintenue à l'arrivée des policiers et surtout le fait qu'elle n'ait pas nié avoir eu l'intention de vouloir partir avec le véhicule, «qu'il y avait un danger imminent que l'accusée reparte avec le véhicule, le mette en marche». Pour reprendre ici la proposition énoncée ci-haut, conformément aux arrêts Price et Thomson, de l'ensemble de ces faits le juge du procès était justifié de tirer l'inférence que l'intimée avait la garde ou le contrôle, c'est-à-dire qu'elle avait à sa portée les moyens de mettre en marche le véhicule et constituait, comme le juge du procès l'a écrit, «un danger imminent qu'elle reparte avec le véhicule». Comme on l'a observé dans l'arrêt Toews, chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle qui varieront beaucoup.
26. Dans ce même arrêt, le juge Proulx adopte la définition des mots «garde» et «contrôle» retenue par la Cour d'appel du Nouveau Brunswick dans l'arrêt R. c. Price déjà citée avec approbation par la Cour Suprême dans l'arrêt R. c. Toews:
The word «care» is defined in The Oxford English Dictionary as «having in charge or protection». «Control» on the other hand is defined as «the fact of controlling or of checking and directing action» also as «the function or power of directing and regulating; domination, command, sway». …The mischief sought to be prohibited by the section as expressed by the wording is that an intoxicated person who is in the immediate presence of a motor vehicle with the means of controlling it or setting it in motion is or may be a danger to the public. Even if he has no immediate intention of setting it in motion he can at any instant determine to do so, because his judgment may be so impaired that he cannot foresee the possible consequences of his actions.
27. Enfin, il reprend à son propre compte la proposition suivante de la Cour Suprême dans l'arrêt Toews, inspirée de la Cour d'appel de la Nouvelle Ecosse dans l'arrêt R. c. Thomson:
Dans Toews, on a cité également l'arrêt R. v. Thomson (1940), 75 C.C.C. 141, (C.A.N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu'une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n'est pas requis que cette personne ait l'intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu'une personne en état d'ébriété qui est en présence immédiate d'un véhicule et qui a le moyen de la contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public.
28. Il conclut en souscrivant au raisonnement déjà retenu par le juge de première instance:
L'intimée, pour s'en remettre ici aux constatations de fait du juge du procès, n'a pas nié son intention de vouloir éventuellement mettre le véhicule en marche et, comme en a conclu le juge, présentait un danger imminent qu'elle parte avec le véhicule.
29. Sur la base des arrêts Ford c. R., R. c. Toews de la Cour Suprême, dans l'arrêt R. v. Lockerby, la Cour d'Appel de la Nouvelle Ecosse a maintenu la condamnation de l'accusé déjà prononcée en première instance sur la preuve des faits suivants: l'accusé, qui est assis dans le siège du passager avant dans son véhicule stationné, attend ses compagnons de voyage qui sont entrés dans un restaurant pour vérifier si des amis y sont; dans le but de les rejoindre, l'accusé se glisse sur le siège du conducteur pour arrêter le moteur du véhicule qui était demeuré en marche avec la transmission laissée au neutre.
30. Le juge Cromwell de la Cour d'Appel rappelle l'enseignement de la Cour Suprême dans R. c. Toews sur la notion de garde et contrôle en ces termes:
Mr. Lockerby was at the controls of the vehicle and admitted using them. He had possession and superintendence of the vehicle; he was in charge of it. Although it was not his intention to set the vehicle in motion, he was in the position to make the vehicle do what he wanted and used the ignition key, the clutch and the gear shift to carry out his purpose. In both the everyday sense of the word and as the word is used in s. 253(b), Mr. Lockerby was in control of the vehicle. He had more than the legal limit of alcohol in his blood. That is the conduct which is criminal under s. 253(b) of the Criminal Code.
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