dimanche 13 septembre 2009

Si le cessionnaire détourne alors le bien frauduleusement/sans apparence de droit, dans l'intention d'en priver le cédant, il se rend coupable de vol

R. c. Milne, 1992 CanLII 86 (C.S.C.)

Lorsqu'un bien est erronément cédé à une personne qui connaît l'erreur, il n'y a pas de transfert de propriété aux fins du droit criminel si, en droit des biens, le transfert initial est nul ou simplement annulable et que le cédant jouit d'un droit de recouvrement. La distinction entre les transferts nuls et ceux susceptibles d'annulation n'a pas de raison d'être dans le contexte du droit criminel. Dans l'un ou l'autre cas, lorsque le droit des biens accorde au moins un droit de recouvrement, la propriété n'est pas transférée aux fins du droit criminel. Si le cessionnaire détourne alors le bien à son propre usage, frauduleusement et sans apparence de droit, dans l'intention d'en priver le cédant, il se rend coupable de vol.

Le juge du procès a conclu que l'accusé savait que c'était par erreur que le second chèque avait été émis à l'ordre de sa société. Par conséquent, la propriété du chèque en cause n'a pas été transférée à la société de l'accusé aux fins du droit criminel. Le juge du procès a conclu en outre qu'en déposant le second chèque dans le compte de sa société pour ensuite retirer l'argent, l'accusé a détourné les fonds à son propre usage dans l'intention d'en priver la Cie B.H. Ce détournement a été fait frauduleusement et sans apparence de droit, car l'accusé savait que le chèque avait été émis par erreur.

Monsieur Milne ne pouvait être reconnu coupable de vol pour avoir pris quelque chose à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il est entré en possession du chèque par l'intermédiaire de sa société, sans avoir pris quelque chose. D'où il s'ensuit que M. Milne ne peut être déclaré coupable de vol que s'il a, frauduleusement et sans apparence de droit détourné l'argent à son propre usage dans l'intention de priver la Compagnie de la Baie d'Hudson de son bien ou de son "droit de propriété spécial ou [. . .] intérêt spécial" sur ce bien. C'est la théorie du détournement qui s'applique donc à un cas comme celui‑ci, où la possession de l'article en question a été acquise, au départ, sans que l'on ait pris quelque chose.

Pour déterminer si M. Milne a détourné l'argent à son propre usage, la question fondamentale est de savoir si, en raison de la connaissance qu'avait M. Milne de l'erreur commise par la Compagnie de la Baie d'Hudson, cette dernière a effectivement conservé un intérêt dans l'argent après que M. Milne en eut acquis la possession.

La distinction entre nul et annulable, en droit des biens, vise dans une large mesure (quoique peut‑être non exclusivement) à protéger les tiers innocents qui se sont fiés à la légitimité de l'opération qui semble avoir eu lieu. Cet objet n'a pas de pendant en droit criminel. En droit criminel, on se préoccupe de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé, de sorte que l'accent est mis sur les actes et la connaissance de ce dernier. Le droit criminel n'a pas, sur les intérêts de tiers, l'incidence que peut avoir le droit des biens. Le fait que M. Milne puisse, dans une affaire comme celle qui nous occupe, être exposé à une sanction pénale à cause de ses actes n'aurait aucune incidence sur la réclamation, fondée sur le droit des biens, d'un tiers innocent à qui la propriété avait été transférée dans l'intervalle.

En fait, il serait parfaitement conforme aux objets et aux traditions du droit criminel de se concentrer sur la connaissance de l'accusé aux fins de décider s'il y a eu transfert de propriété.

En l'espèce, il ne fait aucun doute que M. Milne savait qu'il n'avait pas droit au produit du second chèque. Puisqu'il était au courant de l'erreur du cédant et qu'il s'agissait d'une erreur qui, en droit des biens, faisait naître un droit de recouvrement, la propriété n'a pas été transférée aux fins du droit criminel.

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