Tardif c. Girard, 2009 QCCQ 4637 (CanLII)
[13] Le premier alinéa de l'article 810 du Code criminel se lit comme suit:
"810. (1) La personne qui craint, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne ne lui cause ou cause à son époux ou conjoint de fait ou à son enfant des lésions personnelles ou n’endommage sa propriété peut déposer une dénonciation devant un juge de paix. Une autre personne peut la déposer pour elle. "
[14] La jurisprudence est nombreuse sur la notion d'engagements visés par cet article. En 2002, l'Honorable Juge Lortie de la Cour du Québec, dans le dossier Bernard Duchesne, écrit ce qui suit quant aux principes devant gouverner le Tribunal dans l'émission de cette ordonnance.
"[76] Le juge Ducros, dans Stewart c. La Reine, et le juge Dionne, dans De Montigny c. Brault, ont exposé les principes de base applicables en la matière:
a) Lors des procédures prises en vertu de l'article 810 du Code criminel, il n'y a ni accusation, ni accusé, ni victime.
b) L'objectif de l'article 810 est de créer un droit préventif afin qu'il n'y ait pas de contravention au Code criminel et que la paix soit respectée.
c) On ne reproche pas au défendeur d'avoir commis une infraction.
d) Il s'agit de déterminer si les craintes de la personne sont raisonnablement fondées.
e) Il faut demander à la personne si elle craint encore au moment de l'audition. Si oui, elle doit justifier raisonnablement ses craintes.
f) La personne peut référer aux faits qui ont occasionné la plainte et à tout ce qu'elle sait relativement au défendeur et qui peut être pertinent.
g) Le degré de preuve requis est celui de la prépondérance.
h) Le concept de «lésions personnelles» est plus large que celui de «lésions corporelles». Les lésions peuvent être d'ordre psychologique.
i) Les lésions psychologiques doivent présenter un caractère sérieux qui s'éloigne de la simple nuisance ou des désagréments ou vexations que peut causer une personne.
j) Bien que les lésions aient un caractère subjectif, la crainte doit reposer sur des éléments objectifs.
k) Il faut des possibilités réalistes, qu'à défaut d'obtenir un engagement, le défendeur va causer dans le futur des lésions personnelles.
l) La décision est prononcée en fonction de la personne qui craint et non pas du défendeur.
m) Le critère de l'observateur neutre et objectif peut servir de guide au Tribunal."
[15] Il est donc important de noter, de prime à bord, que la notion de lésion personnelle mentionnée à l'article 810 n'est pas l'équivalent de lésion corporelle mentionnée ailleurs dans le Code criminel. Cette distinction est importante puisque, de l'avis du Tribunal, il est clair que le législateur comptait par-là étendre la définition de ce qui peut justifier l'octroi d'une ordonnance visée par l'article 810 par rapport à ce qui peut constituer un crime comportant des lésions corporelles au point de vue du Code criminel.
[16] Il n'en demeure pas moins que les lésions personnelles, tout comme le risque d'endommager la propriété d'une partie doivent révéler un certain danger. Monsieur le Juge Morand le décrit ainsi dans la décision Guay c. Picard 200-01-05648-003 du 13 décembre 2000:
"La preuve considérée dans son ensemble, doit révéler de manière prépondérante une crainte raisonnable d'un danger imminent ou réel que le défendeur commette l'infraction que l'on chercher à prévenir ou que l'on redoute".
[17] Il est clair que preuve n'a pas à être faite qu'à ce jour, le défendeur a commis une infraction visée par le Code criminel. Tel n'est pas le sens ni le but de l'article 810. Si une infraction criminelle avait été commise, la façon appropriée de traiter la situation serait de porter une accusation, reprochant la commission de cette infraction.
[18] Toutefois, si cette façon d'aborder l'article 810 est applicable à la preuve des faits qui alimentent la crainte, la conduite que l'on craint, elle, dans tous les cas que l'on a porté à l'attention du Tribunal, est visée par le Code criminel et en constitue une infraction. Ainsi, "l'infraction que l'on cherche à prévenir ou que l'on redoute", pour reprendre les termes de l'Honorable Juge Morand, en est une qui est définie au Code criminel.
[19] En effet, qu'il s'agisse de voies de faits, de harcèlement criminel, d'intimidation, de menaces de meurtre ou autre, à chaque fois qu'une ordonnance est requise ou émise, il semble s'agir d'une conduite appréhendée qui puisse présenter le caractère de gravité et de sérieux prévu par la définition d'une infraction décrite au Code criminel.
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