vendredi 4 septembre 2009

Ce qu'est un attroupement illégal

Astudillo c. R. , 2008 QCCS 4542 (CanLII)

La composante objective de l'actus reus

[48] Un attroupement illégal est ainsi défini à l'art. 63 C.cr. :

63. (1) Attroupement illégal — Un attroupement illégal est la réunion de trois individus ou plus qui, dans l'intention d'atteindre un but commun, s'assemblent, ou une fois réunis se conduisent, de manière à faire craindre, pour des motifs raisonnables, à des personnes se trouvant dans le voisinage de l'attroupement :

a) soit qu'ils ne troublent la paix tumultueusement;

b) soit que, par cet attroupement, ils ne provoquent inutilement et sans cause raisonnable d'autres personnes à troubler tumultueusement la paix.

[49] La présence d'une composante objective quant à la crainte que l'attroupement ne trouble la paix tumultueusement rend difficile de comprendre comment, avec essentiellement les mêmes faits, deux juges peuvent conclurent contradictoirement quant au caractère illégal de la manifestation.

La composante de la connaissance dans la mens rea.

[50] L'absence de preuve individualisée quant à la connaissance par les manifestants des actes transformant la manifestation en attroupement illégal soulève les mêmes interrogations.

[51] Dans R. c. Lecompte, la Cour d'appel du Québec définit l'élément mental de l'infraction d'attroupement illégal:

[14] Je suis d'avis que, même avant la Charte, il fallait interpréter l'article 66 comme ne rendant pas coupable le membre d'un rassemblement qui n'aurait pas eu connaissance d'un fait donnant lieu de craindre que la paix ne fût troublée tumultueusement. Le droit pénal n'a jamais voulu punir une personne qui ignore une situation de fait.

[52] Dans tous les dossiers, la preuve de la Poursuite repose sur leur seule présence des accusés au moment de leur arrestation. En l'absence de preuve individualisée, cet élément de preuve circonstancielle acquiert un statut quasi objectif.

[53] Le raisonnement du juge d'instance dans Astudillo, en est un exemple:

À la question « Y a-t-il eu connaissance des défendeurs de l'attroupement illégal ? » La cour répond sans hésitation «Oui.»

À moins d'un aveuglement volontaire, à moins d'être dépourvu de capacités intellectuelles normales, preuve que la Cour n'a pas eue, toute personne qui a suivi cette manifestation et qui l'a alimentée par sa présence active participait à la manifestation.

De plus, à partir du quartier général, il y avait participation à un attroupement illégal. Vu le niveau de bruit et de désordre, toute personne pouvait avoir immédiatement et directement connaissance qu'elle se trouvait dans un attroupement illégal. Le lien et la connivence qui régnaient entre le pick-up leader et la foule des manifestants et entre les auteurs de méfaits et la foule des manifestants, ont démontré à la Cour la preuve d'une connaissance et d’une participation active des manifestants.

La preuve circonstancielle établie par la Poursuite est une preuve dans le cas présent au-delà de tout doute raisonnable.

[54] Dans Thibodeau, le juge d'instance conclut que puisqu'il s'agit d'un groupe homogène dont l'accusée fait partie, et puisque l'assemblée à laquelle elle participe est tumultueuse, elle a nécessairement la connaissance de ce fait et sa présence est donc suffisante pour conclure à la culpabilité.

[55] Pourtant, deux ans plus tôt, son collègue dans Côté concluait que même si l'attroupement devait être qualifié d'illégal, et que la simple présence des manifestants devait démontrer qu'ils y ont participé, rien dans la preuve ne démontrait qu'ils ont eu connaissance de méfaits isolés commis par quelques têtes chaudes. Il se disait convaincu que l'extrême majorité des manifestants n'ont pas eu et n'ont pas pu avoir connaissance de ces méfaits isolés et n'ont certes pas eu l'intention de participer à une assemblée pouvant conduire à une émeute.

[56] Deux autres collègues ont conclu de la même façon avant le jugement dans Thibodeau

[57] Il y a lieu de mentionner que seulement deux accusés ont témoigné. Si l'un a soulevé un doute et l'autre pas, on remarque que ce ne sont pas les caractéristiques individuelles de leur témoignage qui expliquent la différence. C'est plutôt le fait que les juges d'instances ont évalué leur crédibilité à la lumière de leur conclusion sur le caractère illégal de la manifestation.

[58] En conséquence, le fait qu'ils aient témoigné n'est pas significatif quant à l'issue des présents pourvois.

[59] En terminant, soulignons que même si au moment des jugements dans Astudillo et Thibodeau celui de Côté est toujours pendant devant la Cour d'appel, n'en reste pas moins que la décision dans El Dermardash est finale et n'a pas été portée en appel.

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