vendredi 9 octobre 2009

Principes qui doivent guider le Tribunal dans l'appréciation de l'explication offerte par l'accusé en possession d'un objet volé

R. c. Comtois, 2008 QCCQ 4528 (CanLII)

[27] Dans une affaire très médiatisée, R. c. Pagé (une accusation de vol de gants - C.A. Mtl no 500-10-001702-990, le 15 juin 2000) notre Cour d'appel rappelle les principes qui doivent guider le Tribunal dans l'appréciation de l'explication offerte par l'accusé en possession d'un objet:

"12 En application de la doctrine de la possession récente, il incombait au poursuivant de prouver que cette explication ne soulevait pas un doute raisonnable: "…whether the Crown had discharged the burden of satisfying the learned trial judge beyond a reasonable doubt that the explanation of the accused coult not be accepted as a reasonable one and that he was guilty (R. c. Richler, (1939) R.C.S. 101).

13 Loin de rejeter la version de l'intimée pour des motifs tenant à son comportement comme témoin ou à des incohérences ou contradictions dans sa déposition, le premier juge a rejeté cette défense d'erreur de fait ou de distraction en se fondant, écrit-il, sur "sa réaction lors de la découverte des gants de La Baie à l'extérieur du magasin et ainsi qu'à l'extérieur du magasin dans le bureau de la sécurité". La déclaration spontanée de l'intimée devait toutefois être appréciée par le premier juge selon les principes jurisprudentiels bien établis. Dans l'arrêt R. c. Crossley 1997 CanLII 3280 (BC C.A.), (1997), 117 C.C.C. (3d) 533, la juge Rowles, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, a rappelé le principe que doit militer en faveur de la personne confrontée à une possession illégale le fait qu'elle donne spontanément une explication au lieu de se réfugier dans le silence

[28] Dans cette même affaire, le Juge Proulx énumère un ensemble de facteurs qui soulevaient un doute raisonnable:

"14 La déclaration spontanée de l'intimée, reprise par cette dernière lors de son témoignage, n'était pas en soi déraisonnable. Avec égards, il est manifeste que le premier juge n'a pas tenu compte des facteurs suivants pour décider si cette défense soulevait ou non un doute raisonnable, et l'eût-il fait, il se devait de conclure que l'explication soulevait un doute raisonnable:

1. L'intimée, dès qu'elle fut interpellée, s'est comportée comme une personne innocente et sa déclaration n'est pas incompatible avec la thèse qu'elle soutiendra tout au long de son témoignage.

2. L'intimée disposait de peu de temps, ce matin-là, pour faire des achats; ceci peut expliquer à la fois l'utilisation de la mauvaise carte de crédit dans un autre magasin, quelques minutes avant son arrestation, son empressement à se trouver une paire de gants mais en même temps sa décision de quitter le rayon en raison de l'absence d'une vendeuse, après avoir tenté d'en trouver une.

3. L'explication que donne l'intimée qui fouille dans son sac de magasinage pour retrouver ses clés d'automobile avant de quitter le magasin.

4. Le fait que l'intimée se soit retrouvée avec une paire de gants qui ne correspond pas à sa pointure.

5. Le fait, qui n'a pas été mis en doute, que l'intimée ait réalisé, quelques minutes après son arrestation, que ses propres gants avaient disparu.

6. On ne pouvait pas exiger de l'intimée, qui invoquait essentiellement sa distraction, de pouvoir expliquer ce qui lui était reproché, à moins qu'elle ne soit pas distraite.

7. Il n'était pas nécessaire que l'intimée fasse une preuve de réputation et ainsi plaider que sa culpabilité était d'autant plus improbable, compte tenu qu'en témoignant elle avait mis en cause son intégrité et sa crédibilité liées à la nature même des fonctions qu'elle exerçait et des responsabilités qu'elle assumait à cet égard depuis plusieurs années."

[29] Le juge Jean P. Plouffe de la Cour supérieure s'est inspiré de ces mêmes principes dans la cause Knight c. R. pour conclure au caractère raisonnable de l'explication fournie par l'accusé et l'acquitter.

[30] À la lumière des principes ci-dessus, le Tribunal conclut que les explications fournies par Mme Comtois ne sont pas raisonnables et doivent être rejetées pour les raisons ci-après.

[31] D'abord, il y a lieu de noter que lorsqu'elle est interpelée par la caissière, qui l'accuse d'avoir volé et la somme de la suivre au magasin, Mme Comtois ne donne pas de réponse mais tente de s'enfuir du magasin; ce n'est que par la suite, une fois détenue, qu'elle dit à l'agent de sécurité: "Pouvez-vous lui demander si je pourrais lui parler, je veux lui expliquer ce qui est arrivé."

[32] Contrairement aux faits rapportés dans la cause R. c. Pagé, précitée, le comportement de Mme Comtois n'est pas celui d'une personne innocente, qui par distraction, serait sortie du magasin avec une marchandise non payée: malgré le déclenchement du système antivol, elle quitte le magasin, alors qu'elle est interpelée par la caissière qui la somme de réintégrer le magasin; elle tente de cacher derrière une colonne le pantalon qu'elle avait emporté et se précipite vers les portes de sortie du centre d'achat; elle repousse violemment la caissière qui tente de la retenir par le bras pour l'empêche de franchir les portes de sortie du centre d'achat.

[33] Enfin, l'état de panique qu'invoque Mme Comtois qui se dit aux prises avec des troubles prémenstruels ne peut constituer une excuse valable dans les circonstances; même son médecin le Dr. Bergeron convient dans son rapport qu'il est seulement "possible que l'arrêt de la fluoxétine ait pu être responsable des gestes d'impulsivité dont madame a fait preuve"; en conséquence, il ajoute¨ "Je ne peux pas conclure d'aucune manière que les présumés délits auraient été causés par un syndrome prémenstruel."

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