R. c. Nguyen, 2001 CanLII 27035 (QC C.M.)
1. Les éléments matériels
Deux éléments doivent être présents dans la preuve : la prise de possession et l'existence d'un bien.
a) la prise de possession physique ou le détournement.
Le Code criminel n'offre aucune définition du mot « prendre » mais, l'art. 322 (2) Code criminel nous donne des indices :
(2) Un individu commet un vol quand, avec l'intention de voler une chose, il la déplace ou fait en sorte qu'elle se déplace, ou la fait déplacer, ou commence à la rendre amovible.
Il est donc clair que le fait de déplacer un objet ou même de commencer à le rendre amovible, lorsqu'il est fixé, rencontre l'exigence de l'élément matériel pour constituer un vol :
"To constitute a taking, event the slightest removal of the thing would suffice and the crime was complete even though the thief immediately abandoned the goods... a distinction was drawn between a mere moving of the thing for the purpose of inspecting it, and a moving for the purpose of taking possession of it..."
Dans la cause de R. c. Yelle, le juge souligne qu'il n'est pas pertinent de prouver si l'objet est déplacé de 10 pieds ou de 10 000 pieds. L'élément matériel du vol est prouvé dès qu'il y a un déplacement. La Cour d'appel ajoute que : « la preuve de l'intention s'infère de la prise des bobines. »
b) Une chose animée ou inanimée
L'objet visé doit être non seulement un objet sur lequel il est juridiquement possible d'avoir un droit de propriété, mais aussi qui peut être physiquement pris avec le résultat que la personne ayant un droit de propriété en soit privée, un gibier en liberté (res nullius) ou un immeuble ne peut faire l'objet d'un vol.
2. L'intention criminelle
L'élément mental pour le vol est composé de plusieurs éléments frauduleusement, sans apparence de droit et l'intention spécifique de priver son propriétaire, et ce, même temporairement.
Les auteurs suggèrent qu'il n'est pas pratique de faire une distinction entre la notion de « frauduleusement » et celle de « sans apparence de droit ». Ces deux notions peuvent être définies comme étant l'action de prendre une chose intentionnellement sachant que la personne n'a aucune apparence de droit dans cette chose. La croyance d'avoir un intérêt dans la chose peut donc constituer une défense.
Les auteurs sont d'avis que le mot « prend » de l'art. 322 (1) doit nécessairement inclure une prise de possession sans le consentement du propriétaire "... against the will of the person whose property it is".
C. Jurisprudence
Généralement, les éléments que la poursuite doit prouver pour constituer un vol sont relativement simples. Dans le domaine du « vol à l'étalage » d'articles de magasins libre-service la question est plus complexe.
Lorsqu'une personne prend possession d'un bien et est interceptée avant la caisse l'intention est souvent difficile à inférer. Dans ces circonstances, il est clair que le propriétaire du magasin consent à ce que le client puisse prendre le bien pour fin d'inspection et transport à la caisse. Une prise de possession d'un article d'une façon habituelle, (par exemple : sans dissimulation) n'est pas concluant quant à l'intention. Dans ces cas, l'ensemble de preuve doit être évalué afin de déterminer si une intention de vol peut être inférée.
Dans la courte décision de R. c. Nesbitt, le défendeur est intercepté avant la caisse. Il ne témoigne pas à son procès. Le juge du procès impose au défendeur le fardeau d'expliquer pourquoi le défendeur avait placé l'objet dans un sac. La cour d'appel est d'avis que le défendeur n'a pas ce fardeau et que le défendeur doit bénéficier du doute raisonnable puisqu'il n'a pas franchi la caisse.
Une décision similaire est rendue par la Cour municipale de Laval dans R. c. Falardeau. Dans cette cause le défendeur place des articles d'un magasin libre-service dans un sac. Se sentant surveillé, il laisse ces articles sur place et quitte le magasin. Le Tribunal décide qu'il ne peut y avoir vol puisque « les objets n'ont pas été soustraits à la propriété d'Hypermarché... ». Il déclare le défendeur coupable d'une tentative de vol.
Le juge Fitch de la cour provinciale de l'Alberta, dans l'arrêt R. c. R.D., déclare le défendeur coupable de vol même s'il n'a pas franchi la caisse avec les cassettes. Le juge Fitch refuse de suivre la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans Nesbitt :
"if the trier of fact is satisfied beyond a reasonable doubt that the accused moved the goods with the intention to steal them, the accused may be found guilty although stopped while still within the store."
Dix ans plus tard, la même Cour provinciale de l'Alberta dans R. v. McLean confirme ce même avis. La défenderesse admet qu'elle s'est emparée d'un article avec l'intention de le voler, mais par la suite décide de le replacer sur l'étagère et de quitter le magasin :
"... a person can be convicted of theft of an item when the item is concealed and moved by a person who at that time, intents to steal it."
Le fait de changer d'idée, suite à un remord de conscience ou après avoir noté la présence d'un agent de sécurité, après avoir eu l'intention de voler avec une prise de possession, ne peut anéantir une conduite antérieure.
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