R. c. Leclerc, 2001 CanLII 16729 (QC C.Q.)
La responsabilité de l’acheteur d’une substance désignée, ou de son mandataire, dans le cadre d’une accusation pour trafic variera selon les circonstances. Le rôle joué par l’acheteur ou son mandataire lors d’une transaction étant souvent nébuleux, il peut parfois être nécessaire de recourir à la preuve circonstancielle afin de déterminer son implication dans l’infraction reprochée et, par le fait même, sa culpabilité possible.
Voyons, tout d’abord, dans quelles circonstances la responsabilité de l’acheteur ou de son mandataire peut être retenue. Dans l’examen de cette question, nous croyons important de prendre en considération l’intention du législateur relativement à l’interdiction de trafic. Dans l’affaire R. c. Rousseau, le juge Dubé de la Cour d’appel a souligné que :
"Il me paraît évident que l’intention du législateur est de prohiber toute forme d’action pouvant entourer la circulation de stupéfiants et, lorsqu’il emploie le mot « trafic » et qu’il en donne une définition, cette définition n’est pas exhaustive ni assujettie à un formalisme grammatical".
Les auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon prônent également une approche non limitative de la notion de trafic :
"En matière de lutte contre les stupéfiants, le législateur a adopté une approche très large du concept de trafic de stupéfiants. […] [L] ‘intention du législateur est de prohiber toute forme de circulation non autorisée de stupéfiants; en conséquence, la définition ne doit pas s’interpréter de façon limitative et l’emploi du mot « trafic » vise à interdire toute manipulation illégale de stupéfiants".
Comme le disait le juge Cory dans l’affaire Greyeyes, « […] le trafic de la drogue, de par sa nature même, est une entreprise qui implique et dépend de nombreux ‘intermédiaires’ ». Si la responsabilité criminelle du vendeur ne pose pas problème, il en va différemment de l’acheteur et du mandataire de l’acheteur.
La jurisprudence semble constante à l’effet qu’un simple acheteur ne saurait engager sa responsabilité relativement à l’infraction de trafic. L’achat d’une substance n’est d’ailleurs pas inclus dans la notion de ‘trafic’ telle que définie par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
On a toutefois soutenu que, même si l’acheteur ne pouvait être trouvé coupable de trafic, cela n’excluait pas la possibilité que sa responsabilité puisse être engagée en tant que complice. De même, il semble essentiel de s’interroger sur l’utilisation que fait l’acheteur de la substance achetée. En effet, « [a] vendor sells to make a profit, while a purchaser buys to serve his own personal interests ». Or, il existe des situations dans lesquelles un individu achète une substance désignée non pas pour consommation personnelle mais plutôt dans un but de revente. Nous croyons que, dans un tel cas, l’implication de l’acheteur-revendeur dans le trafic de la substance est sans ambiguïté.
Cela nous amène à considérer la responsabilité de celui qui aide l’achat et / ou la vente de la substance. En vertu de l’alinéa 21(1)b) du Code criminel est considérée comme partie à l’infraction la personne qui « […] accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre ».
Il est nécessaire, pour établir une telle responsabilité, de démontrer que la personne savait ce qui se passait et, plus précisément, qu’elle connaissait les circonstances constituant l’infraction. Pour que sa culpabilité soit reconnue, il faut également faire la preuve que, par un acte quelconque de sa part, elle a aidé à la réalisation de l’infraction.
Dans l’affaire Greyeyes, la juge L’Heureux-Dubé, au nom de la majorité, précise que le degré d’aide apportée doit avoir une certaine importance pour retenir la responsabilité de l’intermédiaire :
"Dans les situations où il ressort des faits que l'aide fournie à l'acheteur n'a été rien de plus qu'une aide accessoire à la vente, le bon sens exige que ces personnes soient traitées comme des acheteurs et non comme des trafiquants. L'accusation qui devrait être portée dans ces circonstances serait d'avoir aidé ou encouragé la possession d'un stupéfiant, et non de s'être livré au trafic".
Avant de conclure à la culpabilité de l’intermédiaire, il faudrait donc que la couronne ait réussi à faire la preuve d’une participation active de sa part dans la transaction.
Ainsi, une activité qui a simplement pour effet d’aider à la commission de l’infraction ne saurait être suffisante pour engager la responsabilité. La poursuite doit plutôt démontrer que ce que l’accusé a fait, ou omis de faire, était dans le but d’aider. On a même soutenu que, dans le contexte de l’alinéa 21(1)b) C.cr., l’expression « en vue d’aider » signifiait en fait « avec l’intention d’aider ». Une personne agissant pour le compte d’un acheteur pourrait, par exemple, être trouvée coupable de trafic.
Qu’il s’agisse de déterminer si l’achat d’une substance a été fait dans un but de revente ou encore d’établir le degré de participation d’un mandataire en vertu de l’al. 21(1)b) C.cr., il peut s’avérer fort utile, voire essentiel, de recourir à la preuve circonstancielle. En effet, la difficulté que pose la détermination de la responsabilité de l’acheteur ou de son mandataire ainsi que la nature secrète du trafic de substances peuvent exiger le recours à un tel type de preuve.
Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agira donc de voir si l’ensemble de la preuve présentée permet d’être convaincu hors de tout doute raisonnable de l’implication de l’accusé dans le trafic de substances reproché et donc de sa culpabilité. Ainsi, si l’ensemble de la preuve, même indirecte, présentée devant le tribunal permet d’en arriver à la conclusion hors de tout doute raisonnable que ledit acheteur ne faisait pas qu’acheter une substance mais également la revendait, la transportait, la livrait, etc., le juge des faits sera justifié de le déclarer coupable de trafic.
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