R. c. Robinson, 1996 CanLII 233 (C.S.C.)
Il y a lieu de renverser les règles de l'arrêt Beard (Director of Public Prosecutions c. Beard) relatives à l'intoxication (qui ont été adoptées dans MacAskill c. The King). Ces règles prévoient que l'intoxication n'est pas un facteur que le juge des faits doit prendre en considération, sauf dans le cas où la substance intoxicante a rendu l'accusé incapable de former l'intention requise. Selon les règles de l'arrêt Beard, la présomption qu'une personne veut les conséquences naturelles de ses actes ne peut pas être réfutée par une preuve insuffisante pour établir l'incapacité. Cette présomption à laquelle l'arrêt Beard renvoie devrait être interprétée seulement comme une déduction conforme au bon sens que le jury peut faire, sans toutefois y être tenu.
Cinq facteurs distincts favorisent le renversement des règles de l'arrêt Beard: (1) les opinions des juges en chef Laskin et Dickson qui ont laissé entendre, bien que cela ait été en dissidence, que l'accent devrait être mis, en réalité, sur la question de savoir si, à la lumière de la preuve d'intoxication, le ministère public a établi hors de tout doute raisonnable l'existence de l'intention requise, (2) l'évolution des cours d'appel provinciales qui ont cessé de suivre les règles de l'arrêt Beard et ont adopté à leur place deux approches différentes ‑‑ R. c. Canute et R. c. MacKinlay, (3) l'évolution en Angleterre, en Nouvelle‑Zélande et en Australie où la mention de la «capacité» est tombée en défaveur et où on considère maintenant que l'intoxication est simplement un facteur dont le jury peut tenir compte en examinant si la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable que l'accusé avait l'intention requise, (4) les auteurs de doctrine qui préconisent l'abandon des règles de l'arrêt Beard, et (5) la Charte canadienne des droits et libertés qui est violée par les règles de l'arrêt Beard.
Les règles de l'arrêt Beard violent l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte du fait qu'elles exposent un accusé au risque d'être déclaré coupable malgré que les jurés aient un doute raisonnable sur la question de l'intention véritable. Cette restriction à des garanties juridiques d'un accusé ne constitue pas une limite raisonnable au sens de l'article premier de la Charte.
Il convient d'appliquer strictement le critère de l'arrêt Oakes. Bien qu'en principe les décisions des législatures puissent avoir droit à la retenue judiciaire en vertu de l'article premier, cette retenue n'est pas nécessaire lorsqu'on examine une règle prétorienne. La protection du public contre les contrevenants en état d'intoxication est d'une importance suffisante pour justifier la dérogation à un droit protégé par la Constitution. Il y a un lien rationnel entre la restriction fondée sur la «capacité», qui est imposée au moyen de défense contenu dans la règle de common law contestée, et son objectif. Cependant, la restriction ne satisfait pas au volet de la proportionnalité parce qu'elle ne porte pas atteinte le moins raisonnablement possible aux droits garantis à l'accusé par l'art. 7 et l'al. 11d). Les règles de l'arrêt Beard ont une portée trop large du fait que tout accusé qui avait la capacité de former l'intention requise sera incapable d'invoquer son état d'intoxication même si cet état est susceptible de susciter un doute raisonnable quant à savoir s'il avait l'intention nécessaire pour commettre le crime.
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