R. c. Beaudry-Bédard, 2011 QCCQ 8853 (CanLII)
[40] L’infraction de garde et contrôle exige la preuve de l’intention d’avoir cette garde et contrôle du véhicule après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue.
[41] Pour réussir, le ministère public doit établir que la capacité de conduire de l’accusé est affaiblie par l’effet de l’alcool et, par la suite, établir que ce dernier a la garde et le contrôle du véhicule, soit par le biais de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel ou par preuve directe que l’accusé a eu la garde et le contrôle de son véhicule.
[42] L’article 258 (1) a) du Code criminel édicte une présomption de garde et contrôle qui se lit ainsi :
(...)
[43] Le juge Philippon de la Cour d’appel dans l’arrêt Hamel, avec lequel le juge Proulx se dit d’accord avec l’exposé en droit et non avec ses conclusions, expose succinctement chacune des étapes quand vient le moment de statuer si nous sommes en présence d’une garde et contrôle :
« "[L]a means rea de l’infraction d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur est l’intention d’assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue. L’actus reus est l’acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d’alcool ou d’une drogue a affaibli la capacité de conduire."
La jurisprudence a également établi que l’absence d’intention de mettre le véhicule en marche ne constitue pas un moyen de défense pour l’accusé. Cet élément est pertinent seulement lorsque la présomption prévue à l’alinéa 258(1)a) est invoquée. En effet, pour la renverser, l’accusé doit démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en marche. Mais s’il réussit, il ne sera pas nécessairement acquitté, le ministère public pouvant établir autrement qu’il y a eu effectivement garde ou contrôle.
Pour ce faire, la Couronne doit prouver que l’accusé a posé des gestes comportant un élément de contrôle ou de garde du véhicule :
"[L]es actes de garde ou de contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux."
[…]
Enfin, il importe de souligner que la notion de garde ou de contrôle est une question de faits. Ainsi, "[c]haque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup." »
[44] La Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Rousseau écrit :
« […] À mon avis, la poursuite devait présenter la preuve hors de tout doute raisonnable de l’utilisation consciente du véhicule ou de ses accessoires, ce qui peut se traduire par le risque de le mettre en mouvement et représenter le danger que le législateur a voulu éviter."
[45] Le Tribunal retient de la jurisprudence que « lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence de l’actus reus ».
[48] Pour réfuter cette présomption, l’accusé doit, par prépondérance des probabilités, convaincre le Tribunal qu’il n’a pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.
[49] Le moment où doit s’évaluer l’intention de l’accusé fait l’objet de nombreux débats au Canada.
[50] Or, le Tribunal est d’avis, comme l’expose la Cour d’appel de la Saskatchewan, que c’est au moment où l’accusé est trouvé assis derrière le volant qui doit faire l’objet d’une analyse quant à son intention, car comme l’écrit l'auteur Me Harrison : « La possibilité d’acquitter un conducteur ivre doit être ouverte pour récompenser la sagesse tardive et éviter qu’il ne s’endorme au volant ou ne sombre dans un coma profond en tentant de se rendre à son domicile ».
[51] Après avoir écouté les explications fournies par l’accusé et les constatations du policier qui intervient auprès de ce dernier, le Tribunal est d’avis que l’intention de l’accusé, au moment de son interception, est de dormir et qu’il n’a pas l’intention de mettre son véhicule en mouvement repoussant ainsi l’application de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.
[52] Puisque l’accusé a réfuté la présomption de garde et contrôle et le ministère public doit maintenant établir les éléments essentiels de l’infraction sans le bénéfice de la présomption.
[53] Dans l’arrêt Ford, le juge Ritchie de la Cour suprême écrit :
« Il peut y avoir garde même en l’absence de cette intention (de mettre le véhicule en mouvement) lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l’article vise à prévenir. »
[54] Dans son ouvrage portant sur les capacités affaiblies, l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison écrit :
« Sans limiter la généralité de ce que peut constituer un acte comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, la jurisprudence reconnaît les actes suivants : déverrouiller la portière, s’asseoir sur le banc du conducteur, fermer la portière, insérer la clé dans le contact, démarrer le moteur, baisser les vitres latérales par crainte du monoxyde de carbone, s’assurer que le levier d’embrayage est à la position "park", lever ou abaisser le levier du frein d’urgence, utiliser la chaîne stéréophonique afin d’écouter de la musique et mettre en marche l’appareil de chauffage. […]
Un historique de la jurisprudence révèle également que l’expression « la garde ou le contrôle » commande une interprétation restrictive de manière à viser les personnes qui sont susceptibles de mettre le véhicule en mouvement. […] La disposition vise donc à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public : R. c. Butler, [1939] 4 D.L.R. 592 (C.A. Alta.); R. c. Kennedy, [1964] 2 C.C.C. 94, 41 C.R. 274 (C.S. C.-B.). »
[55] Dans Hamel, le juge Proulx de la Cour d’appel écrit :
« Dans Toews, on a cité également l’arrêt R. c. Thomson (1940) 75 C.C.C. 141 (C.A. N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu’une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n’est pas requis que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. »
Aucun commentaire:
Publier un commentaire