mardi 26 février 2013

La santé mentale & la détermination de la peine

R. c. Martin, 2012 QCCA 2223 (CanLII)

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[37] D’emblée, il faut reconnaître que la maladie mentale dont il est question en l’espèce n'a pas donné ouverture à un verdict de non-responsabilité criminelle. Cela étant dit, il n'y a pas lieu d'écarter l’impact de la maladie mentale sur la détermination de la peine. La Cour d’appel de Terre-Neuve et Labrador précise à ce sujet :

[18] Deterrence and punishment assume less importance in cases of mentally ill offenders. See R. v. Hynes 1991 CanLII 6851 (NL CA), (1991), 89 Nfld & P.E.I.R. 316 (NF CA). In R. v. Robinson (1974), 19 C.C.C. (2d) 193 (Ont CA) the Court emphasized that in cases where offenders commit crimes while they are out of touch with reality due to mental illness, specific deterrence is meaningless to them. Further, general deterrence is unlikely to be achieved either since people with mental illnesses that contribute to the commission of a crime will not usually be deterred by the punishment of others. As well, severe punishment is less appropriate in cases of persons with such mental illnesses since it would be disproportionate to the degree of responsibility of the offender. This decreased emphasis on punishment and deterrence in these circumstances is consistent with the proportionality principle in s. 718.1 of the Criminal Code.

[19] Thus, the mental illness of an offender will often be considered a mitigating factor in sentencing even though it is not of the sort that would establish a verdict of not criminally responsible on account of mental disorder at the time of the commission of the offence. The focus in sentencing such offenders may properly therefore be placed on mechanisms that will promote rehabilitation and treatment, rather than on punishment. This is especially so where lengthy prison terms are often regarded as counterproductive, even in cases not involving the mentally afflicted. See R. v. Gladue 1999 CanLII 679 (SCC), (1999), 133 C.C.C. (3d) 385 (SCC) at p. 408.

[38] Ainsi, lorsqu’un accusé est affligé d’une maladie mentale, il est reconnu que l’accent doit être placé sur des mécanismes permettant la réhabilitation et le traitement de l’accusé, et non pas la punition. La Cour d’appel de l’Alberta reconnaît également que lorsqu’un accusé souffre d’une maladie mentale sérieuse, une punition plus légère, reflétant la moindre responsabilité de l’accusé, est nécessaire. Hugues Parent et Julie Desrosiers notent d'ailleurs qu'on observe parfois une diminution de la peine dans les cas de personnalité limite ou « borderline ».

[39] La Cour a déjà considéré « l'état de dépression de l'appelante au moment de la perpétration des délits » comme étant une circonstance atténuante.

[40] Plusieurs tribunaux ont affirmé que, en présence de maladie mentale, on doit accorder moins d’importance aux critères d’exemplarité et de dissuasion générale. À ce sujet, Clayton C. Ruby affirme que « […] courts have come to recognize the decreased significance of general deterrence in sentencing the mentally ill offender, and they also have affirmed that specific deterrence and punishment ought to be given similarly reduced weight ». Dans une affaire concernant une peine pour, inter alia, voies de fait armées, la Cour d’appel d’Alberta examina le poids à donner à l'exemplarité et la dissuasion en présence de maladie mentale :

[14] The Crown submits that denunciation and deterrence should be the primary sentencing goals in violent crimes involving weapons and in those where the crime is committed in the victim’s home. The sentencing judge did not address denunciation and considered deterrence to be overshadowed by mental illness. Deterrence and denunciation are important principles of sentencing. However, in the context of a mentally ill offender, these principles may be considered to have less weight. Little would be achieved by making an example of an offender whose acts are committed at the time of mental illness, and specific deterrence has little impact on the mentally ill : see R v Tremblay.

[41] L’arrêt R. v. Belcourt, cité par la juge de première instance, énonce ce qui suit :

[8] The effect of a mental disorder on sentencing is helpfully summarized in C. C. Ruby, Sentencing (6th ed.) (Markham: Butterworths, 2004) at paras. 5.246 and 5.256 :

It is, therefore, clear that a sentence can be reduced on psychiatric grounds in two instances : (1) when the mental illness contributed to or caused the commission of the offence; or (2) when the effect of imprisonment or any other penalty would be disproportionately severe because of the offender’s mental illness…

General deterrence should be given very little, if any, weight in a case where an offender is suffering from a mental disorder because such an offender is not an appropriate medium for making an example to others.

[42] La Cour d’appel de Terre-Neuve et Labrador a davantage développé ce principe dans R. v. Edmunds:

[25] This condition gives rise to a consideration of the need for general deterrence. The Crown submits, and I agree, that a breach of trust by a public officer, certainly by one in a position of authority over a vulnerable group of individuals, is a very serious offence that is not to be taken lightly. The Crown submits that this supports the contention that the sentencing judge failed to give adequate weight to the need for general deterrence. The problem with the Crown’s position is, again, that it runs contrary to the principles expressed in Peters. Persons suffering from a mental illness which contributes to their commission of crimes are less likely to be deterred by the imposition of a harsher sentence on another individual.

[26] Further, “most people understand that the mentally ill require treatment and supervision, not punishment”: see R. v. Valiquette 1990 CanLII 3048 (QC CA), (1990), 60 C.C.C. (3d) 325 (QCCA) at 331. In my view, the public’s confidence in the effective enforcement of the criminal law will not be undermined where the Mental Health Court emphasizes rehabilitation over deterrence in such circumstances.

[43] Enfin, il vaut de rappeler ce que notre Cour a affirmé au sujet de la maladie mentale et de la dissuasion générale:

Fitness must, of course, be measured not only against the objective gravity of the offense but also in the light of appellant's mental state when she committed it and all of the circumstances in which she found herself.

[…]

Persons suffering from severe mental illness of this kind do not, in my respectful opinion, require exemplary sentences to deter them from repeating the offense. Nor is a severe sentence imposed on a mentally-ill person of much value for purposes of general deterrence.

Mothers, generally, do not need exemplary sentences to deter them from killing their young children. And most people understand that the mentally-ill require treatment and supervision, not punishment.

[…]

In the circumstances of the present case, I do not see that any useful purpose can be served by a sentence of imprisonment. Appellant requires psychiatric treatment and, perhaps, close supervision for a time. But this can more appropriately be accomplished at a mental hospital than in a prison.

[44] À la lumière de ces arrêts, il ressort que la juge de première instance n'a pas trop insisté sur le volet lié à la santé mentale. En effet, il a été reconnu qu'on doit accorder une moindre importance à l'exemplarité et à la dissuasion générale lorsque l'accusé est atteint de maladie mentale.

L’art. 650.01 permet-il à l’avocat de choisir le mode de procès d’un accusé sans la présence de l’accusé et sans qu’un document écrit soit présenté?

Trites c. R., 2011 NBCA 5 (CanLII)

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[15] Je répondrais non à la première question, ce qui rend inutile, par conséquent, de répondre à la seconde. Cela dit, je serais quand même d’avis que, aux termes de l’art. 650.01, seul l’avocat nommé dans la désignation est autorisé à comparaître au nom de l’accusé. L’effet de ces réponses est que le choix de la Cour provinciale fait le 20 mars 2008 en cette affaire n’était pas un choix valide. L’affaire doit donc être tranchée à partir des deuxième et troisième questions : M. Trites a-t-il renoncé au respect des exigences relatives au choix, ou le choix invalide constitue-t-il une irrégularité de procédure à laquelle on peut appliquer le sous-al. 686(1)b)(iv)?

[16] La raison pour laquelle je répondrais non à la première question est relativement simple. Il existe un principe d’interprétation législative reconnu selon lequel les articles d’un texte législatif sont censés s’harmoniser entre eux. Ce principe a été mentionné dans l’arrêt Willick c. Willick, 1994 CanLII 28 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 670, [1994] A.C.S. no 94 (QL), où le juge Sopinka a expliqué que, s’agissant de la méthode contextuelle d’interprétation législative, « les dispositions législatives [doivent être interprétées] de façon à en harmoniser le plus possible les éléments et à éviter les incohérences internes : Côté, [Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd., 1990)] à la p. 256, et R. c. Tapaquon, 1993 CanLII 52 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 535 » (par. 24). À mon avis, il n’existe qu’une seule façon d’harmoniser les dispositions de l’art. 650.01 et celles de l’art. 536.2 : s’agissant de choisir son mode de procès, l’accusé n’est pas tenu de comparaître en personne devant la Cour s’il a déposé à la Cour une désignation d’avocat et présenté un document écrit énonçant son choix. Toute autre interprétation de ces dispositions serait discordante, pour les raisons ci-dessous.

[18] L’art. 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, prescrit que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». La solution de droit que le texte de l’art. 650.01 visait à apporter était simplement que, dans une poursuite criminelle, l’accusé ne serait pas toujours tenu de comparaître en personne, mais pourrait le faire par l’entremise d’un avocat désigné, sauf dans les circonstances énumérées à l’al. 650.01(3)a). Dans le cas de l’art. 536.2, le Parlement a voulu que le choix du mode de procès, qui auparavant devait toujours être fait en personne par l’accusé lorsqu’il était appelé à le faire par le juge suivant la formule prescrite au par. 536(2), puisse dorénavant se faire en l’absence de l’accusé au moyen de la présentation d’un document écrit. À mon avis, la meilleure manière de concilier ces deux dispositions est de statuer que, aux termes de l’art. 650.01, l’avocat désigné peut faire connaître le choix de l’accusé en l’absence de celui-ci, en présentant un document qui énonce ce choix.

[19] Le choix du mode de procès est un élément essentiel de la procédure criminelle. Le droit à un procès devant juge et jury est consacré par la Charte canadienne des droits et libertés dans les cas où la peine maximale prévue pour l’infraction est un emprisonnement de cinq ans ou plus (al. 11f)). L’importance de ce droit est constatée dans le Code criminel, qui prévoit que si l’accusé ne choisit pas le mode de procès, il est réputé avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury (par. 536(4) et (4.1) et al. 565(1)b)). On peut donc comprendre facilement que le Parlement ait voulu s’assurer que, avant qu’un accusé renonce à son droit à un procès devant jury, il comparaisse personnellement à la Cour ou dépose un document attestant sa renonciation. C’est seulement lorsque le choix est fait par ce dernier moyen que l’accusé n’a pas à comparaître personnellement, pourvu qu’il ait désigné un avocat, conformément à l’art. 650.01, pour comparaître en son nom.

[21] Lorsque le par. 536(2) est respecté et que l’accusé choisit un mode de procès, le choix ne peut prêter à équivoque. Pareillement, lorsqu’un document indiquant le choix de procès est présenté, ce choix est sans ambiguïté. Il est évident que l’accusé ne peut se prévaloir de l’art. 536.2 que s’il est représenté par un avocat; sinon, il devrait être présent en cour. Ainsi, on peut déduire sans risque de se tromper qu’un accusé qui aura déposé un document écrit attestant son choix aux termes de l’art. 536.2 aura reçu des conseils appropriés sur les modes de procès possibles. Lorsque l’accusé a soit comparu en personne et que les dispositions du par. 536(2) ont été respectées, soit déposé un document écrit après avoir reçu les conseils d’un avocat, il n’existe aucune ambiguïté quant au mode de procès véritablement choisi par l’accusé. Comme l’illustre la présente espèce, un choix communiqué par un avocat désigné, ou par un avocat agissant au nom de l’avocat désigné, ne donne aucune garantie du genre; il laisse place à des doutes sur la question de savoir si l’accusé a réellement fait le choix communiqué à la Cour par l’avocat. Les art. 650.01 et 536.2 ont été rédigés avec soin afin d’éviter une telle situation.

[22] Voilà pourquoi, à mon avis, la seule interprétation qui puisse harmoniser ces éléments des modifications du Code criminel faites en 2002 et les rendre pleinement effectifs est celle voulant que l’avocat désigné puisse bel et bien comparaître au nom de l’accusé en vue du choix du mode de procès, mais que le choix ne soit valide, à ce moment-là, que s’il est fait au moyen de la présentation d’un document écrit conformément à l’art. 536.2. L’art. 650.01 porte sur la présence en personne et non sur le choix à faire ou sur la communication du choix. S’agissant du choix de mode de procès, la présence de l’accusé en personne n’est pas nécessaire, mais l’accusé peut seulement être absent lorsqu’il a communiqué son choix par le dépôt d’un document signé par lui personnellement.

jeudi 21 février 2013

Principes directeurs en matière de dédommagement

Morin c. R., 2009 QCCA 801 (CanLII)

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[3] L’appel ne vise que l’ordonnance de dédommagement prononcée en faveur de l’assureur de la victime du méfait.

[4] La Cour est d’avis d’intervenir et d’annuler cette ordonnance, et ce, pour trois motifs.

[5] Premièrement, l’ordonnance a été rendue sans véritable débat sur la situation financière de l’appelant et, en conséquence, sans que le juge tienne véritablement compte de ses ressources pécuniaires.

[6] Deuxièmement, il ne s’agit pas ici d’un cas où « la valeur de remplacement des biens [pouvait] être facilement déterminée », pour reprendre les mots de l’article 738 du Code criminel.

[7] Ainsi, l’avocate de l’appelant faisait part au juge de première instance que son client, à qui le propriétaire avait offert de vendre sa maison, « avait l’impression que le montant qui avait été donné au propriétaire [par l’assureur] dépassait déjà la valeur de la résidence ».

[8] Finalement, la Cour note que le juge envisage l’ordonnance de dédommagement afin d’éviter aux victimes de « prendre des recours civils », alors qu’au moment du prononcé de la sentence, il s’était écoulé plus de cinq ans depuis les événements sans que quelque action civile ait été intentée contre l’appelant.

lundi 18 février 2013

L'appréciation du mensonge dans l'évaluation à savoir s'il y a eu consentement à une activité sexuelle

R. c. Cuerrier, 1998 CanLII 796 (CSC)

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134 Dans les exemples qui suivent, je vais présumer que c’est plus souvent l’homme qui ment, mais la déclaration de culpabilité et les conséquences seraient les mêmes si c’était la femme qui mentait. Supposons qu’un seul ou plusieurs actes sexuels consensuels aient été accomplis après que l’homme eut menti au sujet de son âge. La plaignante établit dans son témoignage que, n’eût été ce mensonge, elle n’aurait jamais donné son consentement et qu’elle a subi un préjudice sous forme de souffrances morales. Il y aurait alors fraude en raison de la malhonnêteté et du préjudice et, même s’il n’y avait pas eu de risque important de lésions corporelles graves, une déclaration de culpabilité s’ensuivrait.

135 On arriverait nécessairement au même résultat si l’homme avait menti au sujet de son poste de responsabilité dans une compagnie, de son salaire, de sa fortune, de son affection pour l’autre, de ses prouesses sexuelles, ou encore en affirmant qu’il ne regarderait ou ne rechercherait jamais une autre partenaire sexuelle. Le témoignage de la plaignante établirait, dans chaque cas, que l’acte sexuel a résulté du mensonge en question et qu’un préjudice a été subi. Dans chaque cas, le consentement aurait été obtenu par fraude et une déclaration de culpabilité s’ensuivrait nécessairement. Les mensonges étaient immoraux et répréhensibles, mais devraient-ils entraîner une déclaration de culpabilité d’infraction criminelle grave? J’espère que non. C’est sans doute à cause de ce risque de banalisation que les dispositions antérieures du Code exigeaient que la fraude ait trait à la nature et au caractère de l’acte. Cette exigence était trop restrictive. Pourtant, il est clairement nécessaire d’apporter certaines restrictions à la notion de fraude applicable à l’al. 265(3)c), si on veut éviter l’engorgement des tribunaux et des déclarations de culpabilité fondées sur ces dispositions, qui soient contraires au bon sens. L’existence d’une fraude ne devrait vicier le consentement que s’il y a un risque important de préjudice grave. La fraude qui amène à consentir à un acte sexuel mais qui ne comporte pas ce risque important pourrait justifier des poursuites civiles. Cependant, elle ne devrait pas servir de fondement à une déclaration de culpabilité d’agression sexuelle. La fraude requise pour vicier le consentement relativement à cette infraction doit comporter un risque de préjudice grave. Telle est la norme qui convient, à mon avis, et qui établit un équilibre raisonnable entre un point de vue qui rendrait impossible l’application de l’article aux cas de fraude viciant le consentement donné et celui qui favoriserait la prolifération de poursuites mineures en prévoyant que toute fraude qui incite à consentir vicie le consentement ainsi donné.

La mise en preuve des documents publics

R. v. A.P., 1996 CanLII 871 (ON CA)

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A "public document" means "... a document that is made for the purpose of the public making use of it, and being able to refer to it." Sturla v. Freccia (1880), 5 App. Cas. 623 (H.L.) at 643. English and Canadian cases have generally prescribed four criteria for the admissibility of a public document without proof.

(i) the document must have been made by a public official, that is a person on whom a duty has been imposed by the public;

(ii) the public official must have made the document in the discharge of a public duty or function;

(iii) the document must have been made with the intention that it serve as a permanent record, and

(iv) the document must be available for public inspection.

See Finestone v. The Queen, supra; R. v. Kaipiainen (1953), 107 C.C.C. 377 (Ont. C.A.); R. v. Northern Electric Co. et al. (1955), 21 C.R. 45 at 75-82 (Ont. H.C.); J.D. Ewart, Documentary Evidence in Canada, 1984, pp.148-75.

The fourth criterion is controversial. It is not a requirement in the United States, and in my opinion there is much to be said for the following observation by McCormick:

This limitation has been criticized, and the American courts reasonably have not adopted it. Although public inspection might provide a modest additional assurance of reliability, strictly limiting admissibility to records that are open to public inspection would be unwise because many documents with sufficient reliability to justify admission would be excluded.

Revue de la jurisprudence concernant la légitime défense par la Cour d'Appel du Québec

Couture c. R., 2012 QCCA 243 (CanLII)

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[22] En vertu du paragraphe 34(1) C.cr., quatre éléments doivent être réunis pour que la légitime défense puisse être invoquée :

• L'appelant a été la victime d'une attaque illégale;

• Sans provocation de sa part;

• L'appelant a utilisé la force nécessaire pour repousser l'attaque;

• Il n'avait pas l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves.

[23] Comme le soulignait le juge Cory pour la Cour suprême dans R. c. Hebert :

[23] […] Le paragraphe 34(1) prévoit un moyen de défense particulier contre des voies de fait causant des lésions corporelles graves. Ce moyen de défense ne peut toutefois être employé que si toutes les conditions énumérées dans ce paragraphe sont remplies. Voir par exemple R. c. Kandola 1993 CanLII 774 (BC CA), (1993), 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.‑B.). Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. […]

[…]

[25] […] Le ministère public n'est pas tenu de prouver hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'appelant n'est compatible avec aucun des éléments du moyen de défense. Il suffit que le ministère public puisse prouver hors de tout doute raisonnable que l'un ou l'autre des quatre éléments énumérés n'a pas été établi.

[24] Il revient donc au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable que la légitime défense invoquée ne s'applique pas. Manning, Mewett & Sankoff écrivent à ce sujet :

[…] Once a defence is properly before the court, in that the accused has demonstrated that it possesses an « air of reality », the burden of disproving it beyond a reasonable doubt falls to the Crown. This is equally true of self-defence. As Evans J.A. noted in Lieberman :

On the issue of self-defence, there is no burden on the accused; once he has raised it the jury must be instructed that that issue must be resolved in favour of the accused unless the prosecution satisfies the jury beyond a reasonable doubt that a finding of self-defence cannot be supported on the evidence.

[25] Et un peu plus loin :

[…] In order for self-defence to be left with the trier of fact, there must be evidence capable of supporting every element of the defence upon which a properly instructed jury could acquit, in that they could be left with a reasonable doubt.

[26] Le quatrième élément de cette défense est souvent déterminant. S'il était de l'intention de l'accusé de causer des lésions corporelles graves en répondant à l'attaque, il faut plutôt utiliser le paragraphe 34(2) C.cr. qui formule des exigences plus strictes « to make clear that such a force should not be used except in extreme situations ».

[27] Dans le cas du paragraphe 34(2) C.cr., les éléments suivants doivent se retrouver :

• L'appelant a été la victime d'une attaque illégale;

• L'appréhension raisonnable de l'appelant que la mort ou des lésions corporelles graves résultent de l'attaque;

• La croyance raisonnable de l'appelant qu'il ne pouvait pas se soustraire au danger autrement qu'en frappant la victime comme il l'a fait.

[28] Dans l'arrêt Pétel, le juge Lamer écrivait pour la majorité :

La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée : (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.

Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. […].

[29] Ajoutons que « [l]’emploi d’un excès de force par l’accusé n’écarte pas la défense de légitime défense prévue au paragr. 34(2) C.cr.; la loi n’exige pas que la force employée soit proportionnée à l’attaque contre laquelle l’accusé se défend ». En regard du troisième élément, Manning, Mewett & Sankoff rappellent :

Section 34(2) requires an honest and reasonable belief that no other action is possible to avoid being the recipient of at least grievous bodily harm. As is the case with section 34(1), this necessitates a consideration of available alternatives and the possibility of retreat, even though retreat is not always required. This assessment involves both a subjective and objective inquiry, as « the jury must seek to determine how the accused perceived the relevant facts and whether that perception was reasonable ».

vendredi 15 février 2013

L'état du droit relativement à l'expectative de vie privée VS l'ordinateur de l'employeur utilisé à des fins personnelles

R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII)

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[1] Dans l’arrêt R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, la Cour n’a laissé aucun doute que les Canadiens peuvent raisonnablement s’attendre à la protection de leur vie privée à l’égard des renseignements contenus dans leurs propres ordinateurs personnels. À mon avis, le même principe s’applique aux renseignements contenus dans les ordinateurs de travail, du moins lorsque leur utilisation à des fins personnelles est permise ou raisonnablement prévue.

[2] Les ordinateurs qui sont utilisés d’une manière raisonnable à des fins personnelles — qu’ils se trouvent au travail ou à la maison — contiennent des renseignements qui sont significatifs, intimes et qui ont trait à l’ensemble des renseignements biographiques de l’utilisateur. Au Canada, la Constitution accorde à chaque personne le droit de s’attendre à ce que l’État respecte sa vie privée à l’égard des renseignements personnels de ce genre.

[3] Bien que les politiques et les pratiques en vigueur dans le milieu de travail puissent réduire l’attente du particulier en matière de respect de sa vie privée à l’égard d’un ordinateur de travail, les réalités opérationnelles de ce genre ne font pas à elles seules disparaître complètement l’attente : la nature des renseignements en jeu expose les préférences, intérêts, pensées, activités, idées et recherches de renseignements de l’utilisateur individuel

[34] L’article 8 de la Charte garantit que chacun au Canada a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Une inspection constitue une fouille ou perquisition, et un prélèvement constitue une saisie, lorsqu’une personne a des attentes raisonnables en matière de vie privée relativement à l’objet de l’action de l’État et aux renseignements auxquelles cet objet donne accès (R. c. Tessling, 2004 CSC 67 (CanLII), 2004 CSC 67, [2004] 3 R.C.S. 432, par. 18; R. c. Evans, 1996 CanLII 248 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 8, par. 11; R. c. Borden, 1994 CanLII 63 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 145, p. 160).

[35] La protection de la vie privée est une question d’attentes raisonnables. L’attente en matière de respect de la vie privée bénéficie de la protection de la Charte si une personne raisonnable et bien informée, placée dans la même situation que l’accusé, aurait des attentes en matière de respect de sa vie privée (R. c. Patrick, 2009 CSC 17 (CanLII), 2009 CSC 17, [2009] 1 R.C.S. 579, par. 14‑15).

[36] Si le demandeur peut s’attendre raisonnablement au respect de sa vie privée, l’art. 8 entre en jeu, et le tribunal doit alors déterminer si la fouille, la perquisition ou la saisie était raisonnable.

[37] Lorsque, comme en l’espèce, une fouille ou perquisition est effectuée sans mandat, elle est présumée abusive (R. c. Nolet, 2010 CSC 24 (CanLII), 2010 CSC 24, [2010] 1 R.C.S. 851, par. 21; Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 145, p. 161). Afin d’établir son caractère raisonnable, le ministère public doit prouver, selon la prépondérance des probabilités (1) que la fouille était autorisée par la loi, (2) que la loi l’autorisant n’avait elle‑même rien d’abusif et (3) que le pouvoir d’effectuer la fouille n’a pas été exercé d’une manière abusive (Nolet, par. 21; R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 265, p. 278).

[39] La question de savoir si M. Cole avait une attente raisonnable en matière de vie privée dépend de « l’ensemble des circonstances » (R. c. Edwards, 1996 CanLII 255 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 128, par. 45).

[40] Le critère de « l’ensemble des circonstances » s’intéresse au fond et non à la forme. Quatre questions guident l’application du critère : (1) l’examen de l’objet de la prétendue fouille; (2) la question de savoir si le demandeur possédait un droit direct à l’égard de l’objet; (3) la question de savoir si le demandeur avait une attente subjective en matière de respect de sa vie privée relativement à l’objet; (4) la question de savoir si cette attente subjective en matière de respect de la vie privée était objectivement raisonnable, eu égard à l’ensemble des circonstances (Tessling, par. 32; Patrick, par. 27). Je me pencherai sur chaque question à tour de rôle.

[41] En l’espèce, ce sont les données, ou le contenu informationnel du disque dur de l’ordinateur portatif, son image miroir et le disque comportant les fichiers Internet qui constituent l’objet de la prétendue fouille — non pas le matériel informatique lui‑même.

[42] Ce qui nous intéresse est donc le droit au respect du caractère privé des renseignements personnels : « le droit revendiqué par des particuliers, des groupes ou des institutions de déterminer eux‑mêmes le moment, la manière et la mesure dans lesquels des renseignements les concernant sont communiqués » (Tessling, par. 23, citant A. F. Westin, Privacy and Freedom (1970), p. 7).

[43] Le droit direct et l’attente subjective en matière de respect de la vie privée que possédait M. Cole à l’égard du contenu informationnel de son ordinateur portatif peuvent aisément être déduits de l’utilisation qu’il en fait pour naviguer sur Internet et pour stocker des renseignements personnels sur le disque dur.

[44] Il reste à déterminer si l’attente subjective de M. Cole en matière de respect de sa vie privée était objectivement raisonnable.

[45] Il n’existe pas de liste définitive des facteurs à examiner pour répondre à cette question, bien que l’on puisse trouver quelques indications dans la jurisprudence pertinente. Comme l’a expliqué le juge Sopinka dans l’arrêt R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 293 :

Étant donné les valeurs sous‑jacentes de dignité, d’intégrité et d’autonomie qu’il consacre, il est normal que l’art. 8 de la Charte protège un ensemble de renseignements biographiques d’ordre personnel que les particuliers pourraient, dans une société libre et démocratique, vouloir constituer et soustraire à la connaissance de l’État. Il pourrait notamment s’agir de renseignements tendant à révéler des détails intimes sur le mode de vie et les choix personnels de l’individu.

[46] Plus l’objet de la prétendue fouille se trouve près de l’ensemble de renseignements biographiques d’ordre personnel, plus ce facteur favorisera une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Autrement dit, plus les renseignements sont personnels et confidentiels, plus les Canadiens raisonnables et bien informés seront disposés à reconnaître l’existence d’un droit au respect de la vie privée garanti par la Constitution.

[47] Les ordinateurs qui sont utilisés à des fins personnelles, indépendamment de l’endroit où ils se trouvent ou de la personne à qui ils appartiennent, « renferment les détails de notre situation financière, médicale et personnelle » (Morelli, par. 105). Cela est particulièrement vrai lorsque, comme en l’espèce, l’ordinateur sert à naviguer sur le Web. Les appareils connectés à Internet « révèlent [. . .] nos intérêts particuliers, préférences et propensions, enregistrant dans l’historique et la mémoire cache tout ce que nous recherchons, lisons, regardons ou écoutons dans l’Internet » (ibid.).

[48] Les renseignements personnels de ce genre se situent au cœur même de l’« ensemble de renseignements biographiques » protégés par l’art. 8 de la Charte.

[51] Bien que la propriété des biens soit une considération pertinente, elle n’est pas déterminante (R. c. Buhay, 2003 CSC 30 (CanLII), 2003 CSC 30, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 22). Elle ne devrait pas non plus se voir accorder une importance excessive dans le cadre de l’analyse contextuelle. Comme l’a souligné le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l’arrêt Hunter c. Southam, à la p. 158, « le texte de l’article [8] ne le limite aucunement à la protection des biens ni ne l’associe au droit applicable en matière d’intrusion ».

[52] Le contexte dans lequel des renseignements personnels sont stockés dans un ordinateur appartenant à l’employeur a néanmoins de l’importance. Les politiques, pratiques et coutumes en vigueur dans le milieu de travail sont pertinentes dans la mesure où elles concernent l’utilisation des ordinateurs par les employés. Ces [traduction] « réalités opérationnelles » peuvent réduire l’attente en matière de respect de la vie privée que des employés raisonnables pourraient autrement avoir à l’égard de leurs renseignements personnels (O’Connor v. Ortega, 480 U.S. 709 (1987), p. 717, la juge O’Connor).

[53] Cependant, même modifiées par la pratique, les politiques écrites ne sont pas déterminantes quant à l’attente raisonnable d’une personne en matière de respect de sa vie privée. Quoi que prescrivent les politiques, il faut examiner l’ensemble des circonstances afin de déterminer si le respect de la vie privée constitue une attente raisonnable dans ce contexte particulier (R. c. Gomboc, 2010 CSC 55 (CanLII), 2010 CSC 55, [2010] 3 R.C.S. 211, par. 34, la juge Deschamps).

[62] Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec la Cour d’appel. Le directeur avait l’obligation légale de maintenir un milieu d’apprentissage sécuritaire (Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, art. 265), et, par voie de conséquence logique, le pouvoir raisonnable de saisir et de fouiller un ordinateur portatif fourni par le conseil scolaire s’il avait des motifs raisonnables de croire que le disque dur contenait des photographies compromettantes d’une élève. Ce pouvoir implicite ne diffère pas de celui qu’ont reconnu les juges majoritaires de notre Cour dans l’arrêt M. (M.R.), au par. 51.

[67] Lorsqu’elle a pris possession du matériel informatique et a examiné son contenu, la police a agi indépendamment du conseil scolaire (R. c. Colarusso, 1994 CanLII 134 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 20, p. 58‑60). Le fait que le conseil scolaire avait légalement pris possession de l’ordinateur portatif pour ses propres besoins administratifs ne conférait pas à la police un pouvoir délégué ou dérivé de confisquer et de fouiller l’ordinateur pour les besoins d’une enquête criminelle.

[68] Cela ressort clairement de l’arrêt Colarusso, dans lequel un coroner qui avait légalement saisi des échantillons de substances organiques les a ensuite remis à la police. Comme l’a expliqué le juge La Forest :

Les arguments avancés par le ministère public pour établir le caractère non abusif de saisies sans mandat effectuées par un coroner reposent sur la prémisse sous‑jacente selon laquelle le coroner remplit une fonction essentielle de nature non pénale. L’État ne peut cependant gagner sur les deux tableaux; il ne saurait prétendre que la saisie par le coroner est non abusive du fait que celui‑ci agissait indépendamment de la branche de l’État chargée de l’application du droit criminel et en même temps chercher à produire dans une poursuite criminelle la preuve même qu’a saisie le coroner. D’où il s’ensuit logiquement, à mon avis, que la saisie opérée par un coroner est non abusive dans la seule mesure où la preuve sert aux fins pour lesquelles elle a été saisie, soit pour décider s’il y a lieu de tenir une enquête sur la mort d’une personne. Du moment que la branche de l’État chargée de l’application du droit criminel s’approprie la preuve en question pour l’utiliser dans le cadre d’une poursuite criminelle, on est mal fondé à soutenir que la saisie effectuée par le coroner conserve son caractère non abusif. [p. 62‑63]

[69] Si une norme constitutionnelle moins exigeante est applicable dans un contexte administratif comme c’est le cas en l’espèce, la police ne peut invoquer cette norme afin de se soustraire à l’autorisation judiciaire préalable normalement exigée pour les fouilles, les perquisitions ou les saisies dans le cadre des enquêtes criminelles.

[73]                          Bien entendu, le conseil scolaire avait légalement le droit d’informer la police de sa découverte de documents illicites dans l’ordinateur portatif.  Cela aurait sans aucun doute permis à la police d’obtenir un mandat pour fouiller l’ordinateur afin d’y trouver les documents illicites.  Cependant, la remise de l’ordinateur par le conseil scolaire ne permettait pas à la police d’accéder sans mandat aux renseignements personnels qu’il renfermait.  Ces renseignements restaient assujettis, à tous les moments considérés, à l’attente raisonnable et durable de M. Cole en matière de respect de sa vie privée

vendredi 8 février 2013

Les conséquences de la décision du ministère public de poursuivre l’intimé par procédure sommaire plutôt que par acte criminel relativement à certaines infractions

R. c. Blais, 2013 QCCS 25 (CanLII)

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[153] Il y a peut-être lieu de préciser brièvement les conséquences de la décision du ministère public de poursuivre l’intimé par procédure sommaire :

a. La procédure sommaire favorise que le procès et la disposition du dossier soient traités avec célérité.

b. Une ordonnance en vertu de l’article 109 du Code criminel n’est pas obligatoire.

c. L’application de l’article 110 du Code est à la discrétion du juge.

d. L’ordonnance prévue en vertu de l’article 487.051 (1) du Code criminel qui exige qu’un échantillon d’une substance corporelle soit fourni aux fins d’une analyse d’ADN reste applicable.

e. Le juge a l’option de prononcer une sentence d’emprisonnement avec sursis.

f. La période d’emprisonnement maximale est de 18 mois.

g. L’accusé ne peut bénéficier d’un procès devant juge et jury

Comment évaluer l'incidence d'un don dans l'octroi d'une absolution

R. c. Blais, 2013 QCCS 25 (CanLII)

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[159] Le premier juge est évidemment fermement d’avis que l’accusé n’achète pas son droit à une absolution. C’est une observation qui touche à son honneur et à son intégrité et je n’ai pas un mot à dire. Avec égards cependant, je suis loin d’être d’avis qu’un public bien instruit et bien renseigné verra la situation dans la même optique.

[160] Les tribunaux supérieurs n’ont pas dénoncé le paiement de certaines sommes d’argent aux organismes comme la CAVAC, comme partie intégrante de la peine. Dans ce contexte, la pratique existe et est utilisée ici au Québec par certains de mes collègues et par certains juges de la Cour du Québec.

[161] J’estime que l’appelante a raison lorsqu’elle écrit à la page 30 de son mémoire le paragraphe suivant :

«Pourtant, si un délinquant mérite réellement une absolution, les conditions de celle-ci ne peuvent contenir aucun élément punitif. C’est ce que confirma la cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt R c. Carroll 1995 CanLII 1123 (BC CA), (1995) 38 C.R. (4th) 238. L’ordonnance de faire un don dans le cadre d’une sentence peut être appropriée, dépendant des circonstances. Par contre, il faut se garder de déguiser des amendes dans les conditions d’absolutions conditionnelles. »

[162] Pour ma part j’incline vers les commentaires exprimés par le juge Langdon de l’Ontario High Court of Justice dans la cause de R c. Grosso, [2008] O.J. No.3157. Cette décision est mentionnée également à la page 30 du mémoire de l’appelante. Le juge Langdon s’exprime ainsi :

« The law is clear that a fine and a discharge cannot be imposed. So sometimes courts are seen to get around that inconvenient requirement by ordering a charitable donation. Not only is that indirect imposition of a fine, or at least arguably so, but it leaves the taste in one’s mouth that someone who can afford to make a significant charitable donation can, in fact, in effect, purchase a discharge whereas a person of lesser means cannot. »

La notion de l’intérêt public dans le cadre d'une absolution

R. c. Blais, 2013 QCCS 25 (CanLII)

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[130] Les balises à considérer dans l’application de l’article 730 (1) sont claires. Les conséquences d’une absolution sont également claires. L’accusé évite la honte ou l’opprobre qui se rattachent à une condamnation. La loi présume que l’accusé n’a pas été condamné pour l’infraction en question. En théorie et en droit strict l’absolution est disponible pour toute infraction punissable par une période d’emprisonnement de moins de 14 ans et pour laquelle le Code criminel ne prescrit aucune peine minimale.

[131] Comme la Cour d’appel l’a dit dans R. c. Scheper, [1986] 5 QAC 270, l’art. 730 ne constitue pas une mesure exceptionnelle qui ne doit être accordée que dans les cas exceptionnels. L’absolution est une des sanctions prévues au Code criminel et le juge peut l’accorder dans les cas appropriés, dans la mesure où les conditions de l’art. 730 sont remplies.

[132] La décision de l’octroyer se fera sur une base individualisée en prenant en considération toutes les balises applicables à la détermination de la peine avec, enfin, une considération approfondie des intérêts du délinquant et de l’intérêt public.

[134] Il a été bien établi qu’aucun accusé n’est obligé de témoigner lors de l’audition sur la détermination de la peine. Je suis d’avis cependant que si un individu cherche la sentence la plus clémente prévue par la loi, il est dans l’obligation morale de satisfaire le juge personnellement qu’il rencontre les critères que ce dernier est dans l’obligation de peser. Il doit démontrer qu’il mérite une absolution. La preuve est faible à ce sujet.

[137] Le juge Cournoyer et Me Ouimet, dans leur Code criminel annoté 2013, sous la rubrique de l’article 730 résument cette décision dans les termes suivants. Leur résumé servira aux fins de cette décision :

« R. c. Rozon, [1999] R.J Q 805, REJB 1999-11797, [1999] J Q. no. 752 (C S.) - Il y a lieu d'accorder une absolution inconditionnelle lorsque l'accusé s'est reconnu coupable d'une agression sexuelle d'une gravité relativement faible, n'a pas d'antécédents judiciaires, a fait l'objet d'une couverture médiatique humiliante, et s'il est possible qu'une condamnation entraîne des conséquences particulièrement négatives. L'article 730 a un caractère égalitaire qui vise à empêcher qu'un accusé subisse des conséquences disproportionnées par rapport à tous ceux qui se sont rendus coupables du même délit : il ne s'applique pas uniquement à ceux qui jouissent d'un statut social privilégié. Le refus d'accorder cette mesure pourrait même aller à l'encontre de l'intérêt public si cela entraîne des pertes d'emplois reliées à l'entreprise de l'accusé en raison de son incapacité à aller aux États-Unis, et empêche celui-ci de subvenir aux besoins de sa famille. La confiance du public dans le système judiciaire doit s'apprécier en fonction d'une personne raisonnable et renseignée, qui ne fonde pas son opinion sur la couverture médiatique du procès. Le juge qui siège en appel peut intervenir si la décision n'est pas suffisamment motivée, et s'il est vraisemblable que l'absolution a été refusée en raison de la nature de l'infraction, ce qui constitue une erreur de principe. »

[138] Disons d’emblée que je suis entièrement en accord avec la disposition à laquelle le juge Béliveau est arrivée dans l’affaire Rozon. Ceci dit, j’ajoute que je ne partage pas entièrement son raisonnement sur la notion de l’intérêt public. Je dois au juge Béliveau le plus grand respect et déférence par rapport à son opinion sur les bornes de cette notion. Je ne suis cependant pas obligé à souscrire à son raisonnement sur toute la ligne de façon aveugle.

[139] Les dispositions du Code criminel qui régissent la détermination de la peine y compris l’article 730 ont un caractère égalitaire comme l’a écrit le juge Béliveau. Pour ma part j’emploie le mot « égalitaire » au sens que, dans la mesure du possible, les effets néfastes ou punitifs d’une condamnation ne devraient pas être plus sévères pour un accusé que pour un autre. La deuxième dimension de la notion égalitaire est que, dans les cas où c’est réalisable, les conséquences de la punition ne devraient pas être hors de proportion par rapport avec l’importance de l’infraction en question.

[140] Il faut garder à l’esprit la distinction entre l’intérêt public et l’intérêt de l’accusé. Lorsqu’on considère l’intérêt de l’accusé, la question de son licenciement potentiel est sans doute une question d’importance. Encore une fois, dans le contexte de l’article 730 du Code criminel, les deux facteurs de l’intérêt de l’accusé et l’intérêt public devront être mis dans la balance et pesés avec soin.

[141] Si le juge Béliveau a élargi la notion de l’intérêt public, le premier juge a également ajouté à cette notion certaines facettes qui ont eut pour effet de ramollir ou diluer son importance dans la détermination de la peine. De prime abord, l’intérêt public dans la cause sous étude comprend de nombreux facteurs d’une importance variable. Les plus saillants cependant sont ceux qui ont pour objet de protéger le public, dénoncer la conduite en question, dissuader d’autres personnes qui seraient tentées d’agir de la même manière, d’exprimer la désapprobation de la collectivité, et enfin de traiter la question de rétribution. La question des effets potentiels pour l’entreprise et les coûts additionnels qui seront encourus advenant le cas où l’intimé soit licencié ne méritent pas d’être pris en considération. Au milieu de paragraphe 52, le juge s’exprime ainsi : « Le fait que l'accusé soit une occasion de meilleure rentabilité face aux compétiteurs de son entreprise n'est pas sans importance. Il est vrai que cela contribue à la viabilité financière de l'entreprise et au maintien des emplois. » C’est là ou « le bât blesse ».

[142] Généralement, les conséquences potentielles pour une entreprise et pour ses employés suite au licenciement d’un employé, même un employé-clé, comme conséquence d’une condamnation criminelle sont à mon avis des facteurs trop éloignés ou indirects. Sur cette question très étroite je me sens obligé, avec égards, d’adopter un point de vue plus conservateur. D’ailleurs, il n’y a rien dans la preuve dans la cause sous étude pour étayer la conclusion que le licenciement de l’intimé n’entraînerait rien d’autres que des inconvénients et certains coûts additionnels pour la compagnie. Rien du tout !

[143] À l’alinéa 60 de sa décision le juge reproduit un extrait du Traité Général de Preuve et de Procédure pénale, 17e édition, Éditions Thémis, par les juges Béliveau et Vauclair, où ils précisent que le juge doit aussi tenir compte du fait qu’il n’est pas dans l’intérêt public que l’accusé perde son emploi et ne puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille. C’est une position qui a été affirmée par la Cour d’appel du Québec dans R. c. Corbeil-Richard, [2009] QCCA 1201. J’ajoute que les juges Béliveau et Vauclair ont pris soin de préciser que généralement une ordonnance d’absolution est prononcée lorsque les circonstances de l’infraction présentent peu de gravité alors que les conséquences d’une condamnation pourraient s’avérer très sérieuses. C’est une qualification importante que le premier juge semble avoir écartée ou perdue de vue.

[144] L’intérêt public devrait être considéré à la lumière des faits délictuels commis par l’intimé et les conséquences d’un tel comportement pour la sécurité et le bien-être de la collectivité. Bien sûr, c’est dans l’intérêt public et dans la mesure du possible que quelqu’un ne soit pas privé de son emploi et de sa capacité de pourvoir aux besoins financiers de lui-même ou de sa famille. Si les tribunaux supérieurs ont décidé qu’un tel état d’affaires mérite considération sous la rubrique d’intérêt public dans la détermination de la peine, sa place sur l’échelle d’importance sera variable selon les circonstances.

[145] Je crois que l’approche qui s’applique à la cause sous étude est celle énoncée par la Cour d’appel dans R. c. Corbeil-Richard, (supra). Je m’adonne encore une fois au résumé du juge Cournoyer et Me Ouimet pour lequel je les remercie :

« R. c. Corbeil-Richard, EYB 2009-160449, 2009 QCCA 1201 (CanLII), 2009 QCCA 1201 - L'intérêt de l'accusé présuppose que ce dernier est une personne de bon caractère qui n'a généralement pas d'antécédents judiciaires et qui ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique et de réhabilitation. La présence d'une autre absolution au dossier, même pour une infraction commise postérieurement, devra être prise en considération et mènera généralement au refus d’une deuxième absolution. L'existence d'antécédents judiciaires n'exclut pas le recours à l'absolution dans la mesure où le Code criminel ne prévoit pas le contraire. Quant à l'intérêt public, il s'évalue, entre autres, par la gravité de la conduite et son incidence dans la collectivité, par le besoin de dissuasion générale et, enfin, par l’importance de maintenir la confiance du public dans l'administration de la justice. À cet égard, le fait que l’accusé ait tenté de tromper la cour lors de son témoignage milite contre l'octroi d'une absolution Le tribunal doit aussi tenir compte du fait qu'il n'est pas dans l'intérêt public que l'accusé perde son emploi et ne puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille. Généralement, une absolution est accordée lorsque les circonstances de l’infraction présentent peu de gravité et que les conséquences d'une condamnation pourraient s'avérer très sérieuses. Il n’y a toutefois pas lieu d'interpréter l'art. 730 de manière restrictive ou exceptionnelle, le seul test étant l’équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l'accusé. Il y a notamment déséquilibre entre ces intérêts lorsque la loi prévoit que, en cas de condamnation criminelle, un individu devient inhabile à exercer un métier ou une profession. »

[146] Lors de sa considération de la notion de l’intérêt public le premier juge, à l’alinéa 65 de sa décision, a écrit ce qui suit :

« [65] L'appréciation de la qualification de ce qu'est l'intérêt public dans un cas précis doit aussi tenir compte du principe combien fondamental de la proportionnalité appliqué aux faits de l'instance jugée. Plus l'infraction est objectivement et subjectivement grave et plus le degré de responsabilité d'un infracteur est élevé, plus ce sera nuire à l'intérêt public d'octroyer une absolution. »

Les éléments constitutifs du crime de faire défaut ou refuser d'obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix au terme de l'article 254 (2)b)

Pitre c. R., 2011 QCCS 3555 (CanLII)

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[24] Le crime de faire défaut ou refuser d'obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix au terme de l'article 254 (2)b), nécessite que le ministère public fasse la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels suivants :

1 - L'existence d'un ordre valide d'un agent de la paix de fournir l'échantillon d'haleine suffisante à la réalisation d'une analyse convenable,

2 - Le défaut ou le refus de l'accusé de fournir l'échantillon d'haleine nécessaire à la réalisation d'une analyse convenable à l'aide d'un appareil de détection approuvé,

3 - L'intention de l'accusé de produire ce résultat.

[25]             Une fois ces éléments prouvés hors de tout doute raisonnable, il appartient à l'accusé de démontrer, par une preuve prépondérante, qu'il avait une excuse raisonnable pour avoir omis ou refuser d'obtempérer à l'ordre donné

jeudi 7 février 2013

Détermination de la peine relativement à l'infraction de possession de monnaie contrefaite

R. c. Martin, 2012 QCCQ 1215 (CanLII)

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[6] Le Tribunal s’en tiendra aux extraits suivants de la décision du 18 janvier dernier afin de rappeler les faits pertinents.

« [11] Essentiellement, Linda Martin reconnaît avoir utilisé de la monnaie contrefaite, d’avoir effectué des achats avec cette fausse monnaie (les 3 chefs du dossier 550-01-026262-065). Mais elle dit avoir appris, seulement le matin-même de la perquisition pratiquée à son domicile de Jonquière, qu’il y avait dans sa demeure l’importante somme d’argent en question soit environ 535 400 $ en dollars US et plus ou moins 21 500 $ devises canadiennes en fausse monnaie

[30] Notre Cour d’appel préconise depuis fort longtemps une approche axée sur la dissuasion en matière de peines pour des affaires de cette nature.

[31] En 1971 juge Rivard écrivait : « (…) je suis d’opinion que la sentence d’un an est inadéquate et ne comporte pas les conséquences de dissuasion qui me semblent nécessaires pour empêcher ceux-là qui, par l’appât du gain, pourraient être tentés de suivre l’exemple de Sonsalla » (l’accusé). Le père de famille de 38 ans, imprimeur de métier, bon travailleur sans antécédents judiciaires vit sa peine augmentée à quatre ans pour avoir imprimé quelque 24 100 billets de 10 $ chacun.

[32] Le juge Rivard rappelait que la Cour d’appel s’était déjà montrée ferme lorsque le juge Rinfret avait écrit quelques années plus tôt et ce de façon explicite, dans R. c. Lacoste que l’exemplarité devait primer.

[33] Il s’en prenait aux « sentences insignifiantes qui sont bien plus un encouragement à la pratique qu’un détersif valable ». Et, « (…) Même si le criminel n’est pas un récidiviste, la sentence doit en certaines circonstances avoir le caractère punitif et exemplaire».

[34] La sentence d’emprisonnement pour le jeune père de famille sans antécédents qui s’était reconnu coupable de possession de 6 400 billets de 5 $ chacun, passa, malgré les divergences d’opinion exprimées de trois mois à deux ans compte tenu de la sentence déjà purgée.

[35] Ces deux décisions ont été considérées dans de nombreux jugements de nos cours d’instance comme par celles à l’extérieur du Québec.

[36] Dans une décision beaucoup plus contemporaine de notre Cour, et qui fait grand état des propos tenus dans l’affaire Lacoste précitée, juge René de la Sablonnière actualisait la nécessité de traiter sévèrement les possesseurs de fausse monnaie et ceux qui en fabriquent comme c’était le cas dans l’affaire dont il traitait. Il s’inscrivit dans le courant privilégié jusqu’alors mettant l’accent sur la dissuasion et l’exemplarité. Il disait craindre qu’à défaut de ce faire, une peine moindre constituerait pour certains un encouragement à se lancer dans la contrefaçon, opération très lucrative qui se pratique au détriment de l’économie de la société. Il imposa une peine de trois ans de pénitencier à la jeune femme sans antécédents judiciaires, qui tenait un emploi tout en étudiant à l’université. Elle n’était pas seule dans cette opération mais demeurait maître d’œuvre de l’affaire qui impliquait aussi, dans son cas, l’impression des billets.

[37] À Vancouver, un homme de 30 ans sans antécédents judiciaires avait reçu en première instance une peine de neuf mois. Il avait sur sa personne lors de son arrestation 24 billets de 100 $ et en avait écoulé une douzaine avant l’arrestation. Ce jeune travailleur supportait sa femme et deux jeunes enfants[4].

[38] En appel cette peine était maintenue et le juge en chef McEachern affirmait que l’importance de la dissuasion devait primer davantage dans de telles matières que pour bien d’autres infractions.

[39] La Cour d’appel de l’Ontario décida dans R. c. Mankoo qu’une sentence de 23 mois et demi d’emprisonnement était appropriée pour cet homme qui passait autant que 300 000 $ en billets et chèques de voyage. On lui refusa le retrait de plaidoyer et compte tenu de ses antécédents judiciaires et du fait qu’il était en probation lors de la commission des infractions la Cour statua qu’il n’était pas éligible au sursis.

[40] Dans une décision de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick, R. c. Al Saidi, juge Ferguson s’exprima d’une façon fort intéressante :

"[60] There is a parasitic aspect to the offence of passing counterfeit money in that the perpetrators of this type of offence in a calculating way prey on the trusting nature of innocent people, in this case a series of cashiers who find themselves economically at the very base of the retail merchandising paradigm. The offence is calculating and premeditated in its nature since it sometimes involves considerable marketing in order to dupe those who are the intended victims".

[41] Le juge Ferguson fit prévaloir lui aussi, le critère de la dissuasion et compte tenu de la période déjà purgée équivalente à une année de détention imposa une peine de huit mois additionnels à cet individu qui n’avait pas comme l’avait fait ses complices, reconnu sa culpabilité d’avoir utilisé quelque 2 000 $ en billets contrefaits et d’avoir eu possession conjointement avec d’autres de plus de 5 000 $ en billets U.S.A

[53]            Madame Linda Martin purgera une peine de détention ferme de 20 mois pour l’infraction de possession de monnaie contrefaite

Les principes régissant les perquisitions dans des bureaux d’avocats

Directeur des poursuites criminelles et pénales et Shérif de la Chambre criminelle et pénale, 2010 QCCS 2362 (CanLII)

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[19] Dans Lavallee, la Cour suprême déclare inconstitutionnel et annule l'article 488.1 du Code criminel qui établissait la procédure permettant de décider si le secret professionnel de l’avocat s’applique aux documents saisis en vertu d’un mandat de perquisition dans un bureau d’avocats.

[20] Dans sa décision, la juge Arbour, pour la majorité, «formule les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question». Le législateur n'a toujours pas adopté de nouvelles dispositions. Cela est malheureux.

[21] Les principes énoncés sont les suivants:

1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.

2. Avant de perquisitionner dans un bureau d’avocats, les autorités chargées de l’enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable.

3. Lorsqu’il permet la perquisition dans un bureau d’avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.

4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l’analyse, la copie et la saisie immédiates d’un document précis, tous les documents en la possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou de lui être enlevés.

5. Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l’avocat et le client au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Lorsque l’avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.

6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.

7. S’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.

8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. L’autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés.

9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête.

10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour

L'admissibilité des documents établis dans le cours normal des affaires

R. v. Schertzer, 2008 CanLII 1836 (ON SC)

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[13] Faced with that obstacle, the prosecution then seeks to rely on the common law requirements for the admissibility of business records. The modern requirements were established in Ares v. Venner 1970 CanLII 5 (SCC), [1970] S.C.R. 608 and were subsequently summarized in R. v. Monkhouse 1987 ABCA 227 (CanLII), (1987), 61 C.R. (3d) 343 (Alta. C.A. ) where Chief Justice Laycraft said, at p. 350:

“In his useful book, Documentarv Evidence in Canada (Carswell Co., 1984), Mr. J.D. Ewart summarizes the common law rule after the decision in Ares v. Venner as follows at page 54:

‘… the modern rule can be said to make admissible a record containing (i) an original entry (ii) made contemporaneously (iii) in the routine (iv) of business (v) by a recorder with personal knowledge of the thing recorded as a result of having done or observed or formulated it (vi) who had a duty to make the record and (vii) who had no motive to misrepresent. Read in this way, the rule after Ares does reflect a more modern, realistic approach for the common law to take towards business duty records.’.”

[15] Further, in Monkhouse, Chief Justice Laycraft went on to explain the fundamental rationale for why business records are admissible without the need to call the author of the records. He said, at pp. 350-351:

“These hearsay records are not to be accepted in evidence merely to avoid the inconvenience of identifying a witness or because many witnesses would be involved, or even because otherwise no evidence would be available. Rather, they can be admitted only if they have come into existence under circumstances which makes them inherently trustworthy. Where an established system in a business or other organization produces records which are regarded as reliable and customarily accepted by those affected by them, they should be admitted as prima facie evidence.” [emphasis added]

[18] It is for this same reason that the prosecution cannot successfully rely on the principled exception to the hearsay rule. In order to fall within that exception, the evidence sought to be admitted must meet the twin tests of necessity and reliability. There is no dispute that these notes are clearly hearsay insofar as they might be admitted against the accused other than Mr. Maodus. Hearsay is presumptively inadmissible. The rationale underlying that presumption is set out in R. v. Khelawon, 2006 SCC 57 (CanLII), [2006] 2 S.C.R. 787 where Madam Justice Charron said, at para. 2:

“As a general principle, all relevant evidence is admissible. The rule excluding hearsay is a well-established exception to this general principle. While no single rationale underlies its historical development, the central reason for the presumptive exclusion of hearsay statements is the general inability to test their reliability. Without the maker of the statement in court, it may be impossible to inquire into that person's perception, memory, narration or sincerity. The statement itself may not be accurately recorded. Mistakes, exaggerations or deliberate falsehoods may go undetected and lead to unjust verdicts. Hence, the rule against hearsay is intended to enhance the accuracy of the court’s findings of fact, not impede its truth-seeking function.”

[19] Madam Justice Charron went on to outline the trial judge’s role as the evidentiary gatekeeper who must decide whether hearsay statements meet a threshold reliability in order to be admissible. Madam Justice Charron said, at para. 3:

“In determining the question of threshold reliability, the trial judge must be mindful that hearsay evidence is presumptively inadmissible. The trial judge’s function is to guard against the admission of hearsay evidence which is unnecessary in the context of the issue to be decided, or the reliability of which is neither readily apparent from the trustworthiness of its contents, nor capable of being meaningfully tested by the ultimate trier of fact. In the context of a criminal case, the accused’s inability to test the evidence may impact on the fairness of the trial, thereby giving the rule a constitutional dimension. Concerns over trial fairness not only permeate the decision on admissibility, but also inform the residual discretion of the trial judge to exclude the evidence even if necessity and reliability can be shown.”

L'état du droit concernant les ordonnances de communication

Société Télé-Mobile c. Ontario, 2008 CSC 12 (CanLII)

Lien vers la décision

[44] La procédure prévue aux art. 487.012 et 487.015 est engagée sur demande présentée ex parte par un agent de la paix (par. 487.012(3)). Le juge saisi peut ordonner la communication ou la préparation de documents ou de données lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou est présumée avoir été commise, que l’information demandée est pertinente pour une enquête en cours et que cette information se trouve en la possession de la personne en cause (par. 487.012(1) et (3)). L’ordonnance peut être assortie « des conditions que le juge de paix ou le juge estime indiquées » (par. 487.012(4)). L’agent de la paix nommé dans l’ordonnance peut à tout moment saisir ex parte le juge qui l’a rendue ou un juge de la même circonscription d’une demande de modification, de renouvellement ou de révocation (par. 487.012(5)).

[45] Avant l’expiration de l’ordonnance, la personne visée peut demander une exemption au motif que les renseignements sont protégés, qu’ils ne sont ni en sa possession ni à sa disposition ou qu’il serait déraisonnable de l’obliger à les communiquer (par. 487.015(1) et (4)). La demande d’exemption suspend l’exécution de l’ordonnance (par. 487.015(3)). Point n’est besoin d’obtenir d’ordonnance lorsqu’une personne accepte de communiquer volontairement les documents ou les renseignements et qu’aucune règle de droit ne lui interdit de le faire (art. 487.014).

[46] Le mécanisme prévu aux art. 487.012 et 487.015 confirme qu’il n’était pas dans l’intention du législateur que le juge se penche sur la question potentiellement complexe et litigieuse du coût au moment de rendre l’ordonnance. Cela aurait en effet été contraire à la volonté du Parlement de créer un mécanisme efficient et rapide d’obtention de renseignements pour les besoins d’une enquête policière.

[47] La procédure ex parte établie dans la loi ne se prête pas à l’examen de la question de savoir si l’ordonnance devrait prévoir l’indemnisation. En effet, pour trancher cette question, le juge aurait besoin de renseignements sur le coût de l’obtempération à l’ordonnance et les répercussions de celle‑ci sur la personne visée. Pareils renseignements ne peuvent être obtenus qu’en donnant avis de la demande à l’intéressé et en lui permettant de justifier son indemnisation. Or, aucune de ces mesures n’est prévue dans les dispositions applicables. De plus, comme le juge Vaillancourt l’a fait remarquer, [traduction] « [s]tatuer sur les frais à cette étape de l’instance pourrait compromettre le secret de l’enquête et empêcher les autorités d’atteindre leurs objectifs » (par. 30).

[48] De même, le juge appelé à « modifier [l’ordonnance, la] renouveler ou la révoquer » en application du par. 487.012(5) est saisi « sur demande présentée ex parte par l’agent de la paix ou le fonctionnaire public nommé dans l’ordonnance ». Là encore, si le législateur avait voulu que le juge puisse alors statuer sur l’indemnisation, il aurait vraisemblablement établi un mécanisme permettant à l’une ou l’autre des parties de présenter une demande de modification de l’ordonnance, de sorte que la demande puisse être entendue inter partes.

vendredi 1 février 2013

Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »

Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »

- Romain DUPRAT -


La mise en place de mesures efficaces de prévention et de détection des fraudes nécessite de connaître les principaux schémas de détournement d’actifs. Cet article expose un certain nombre de cas fréquemment rencontrés au niveau du cycle « Vente » des entreprises.

Sommaire




Une recherche efficace des détournements d’actifs commis par les employés rend nécessaire la maîtrise des principaux schémas de fraude, afin d’adapter les contrôles à effectuer et les outils à utiliser aux objectifs poursuivis. Il convient de connaître non seulement la méthode de détournement mais aussi la technique de dissimulation du détournement qui, si elle s’avère efficiente, permettra la réitération de l’acte frauduleux. En effet, pour un employé fraudeur, la dissimulation de la fraude est la partie la plus importante du délit, car elle lui permettra, d’une part, de ne pas être poursuivi et de conserver son travail et, d’autre part, de continuer à s’enrichir avec ces détournements, tant que l’entreprise victime ne se rend pas compte du préjudice subi.

Les fraudes peuvent concerner tous les cycles de l’entreprise, qu’ils soient opérationnels ou administratifs. Cet article se limitera à la présentation de schémas de fraude spécifiques au cycle « ventes/clients ».

Le processus « ventes » s’entend de la prise d’une commande d’un client à l’encaissement du règlement en passant par la livraison du bien commandé, la facturation et la comptabilisation de l’opération concernée.

Ce cycle peut être considéré comme étant à risque du fait du volume important de transactions qu’il comprend et des flux d’argent qu’il génère, en entrées principalement (règlements des clients) mais également en sorties (remboursements, avoirs ou remises).

Les schémas présentés ci-après vont concerner soit des ventes « sur compte », c’est à dire avec une inscription dans un compte client, que l’on retrouvera dans la plupart des entreprises commerciales, soit des ventes « au comptant » réalisées en magasin, cas spécifiques aux entreprises de commerce de détail. En revanche, ne seront pas évoquées les ventes effectuées par des représentants.


La fraude sur encaissements – « skimming » en anglais – permet à toute personne en liaison directe avec le process de réception de trésorerie de dérober le fruit des ventes ou des créances clients avant leur enregistrement comptable dans les livres de la société victime. Cela signifie que ces schémas n’offrent pas de piste d’audit directe. En effet, les fonds détournés n’ayant jamais été enregistrés dans le système d’informations de l’entreprise, celle-ci n’a pas conscience de la réception de l’argent. En conséquence, la détection de ce type de fraude va s’avérer très difficile, ce qui la rend très fréquente parmi les cas de détournements d’actifs.



La forme la plus basique de la fraude sur encaissements consiste pour un employé à vendre des produits ou des services de l’entreprise sans en enregistrer la vente dans les comptes. L’employé va simplement prendre pour lui l’argent reçu du client au lieu de le remettre à son employeur.


Une autre forme de fraude peut être la réalisation de ventes en dehors des heures d’ouverture normales sans prévenir son employeur. Les fraudeurs peuvent ainsi conserver la totalité du produit des ventes faites durant ces périodes, car l’entreprise n’est pas au courant de ces activités.

Ce type de fraude se retrouve principalement dans les activités de commerce de détail, comme celle de ce responsable de magasin qui ouvrait son commerce deux heures avant l’ouverture officielle. Pendant cette période, il enregistrait les ventes de façon habituelle, mais à la fin de la journée, il retirait le support qui avait pris en compte les enregistrements ainsi que l’argent accumulé durant cette période.


Le circuit allant de la réception du règlement (chèque ou liquidités) en provenance des clients jusqu’au dépôt en banque dudit règlement est particulièrement exposé au risque de fraude. En effet, il est « tentant » pour chacune des personnes intervenant sur cette chaîne de détourner à son profit l’argent de l’entreprise. Toutefois, si le fraudeur ne peut pas passer d’écritures comptables (exemple : service accueil) ou de modifications dans les ventes enregistrées (exemple : caissière d’un magasin sans possibilité de modifications des tickets), l’anomalie sera rapidement constatée, soit par le service comptabilité dans le cadre du suivi des créances clients, soit lors de l’inventaire des caisses. Dans le cas contraire, il dispose de plusieurs moyens de dissimulation de son acte :


Une des situations particulièrement risquée en termes de fraude existe lorsque la personne en charge de l’encaissement des règlements s’occupe également des enregistrements comptables. En effet, il lui est aisément possible de falsifier les enregistrements comptables pour dissimuler son acte frauduleux.

Lors du détournement d’un règlement, le fraudeur doit faire en sorte que le compte du client qui a payé soit soldé, ainsi il ne sera pas considéré comme ayant dépassé l’échéance de paiement et ne sera pas relancé. En effet, en cas de rappel effectué auprès de ce client, celui-ci signalerait qu’il a déjà réglé et une enquête serait menée pour savoir où est passé l’argent. La probabilité que le fraudeur, de part sa position professionnelle privilégiée, soit confondu est alors très forte.

Une technique de dissimulation consistera à simplement annuler la transaction après avoir dérobé les fonds. Ainsi, l’annulation de la vente permet de solder le compte du client et il n’apparaît plus de trace de la vente.

Afin d’être en mesure d’identifier ce genre d’anomalie, l’entreprise doit posséder un logiciel comptable qui garde les traces de l’ensemble des transactions effectuées, y compris celles qui ont été annulées.


Pour dissimuler sa fraude, l’employé peut également utiliser des schémas d’écritures comptables anormaux. L’objectif reste toujours de faire en sorte, d’une part, que le compte client soit soldé pour éviter que celui-ci ne soit relancé, et, d’autre part, que les comptes de banques soient équilibrés et justifiés par rapport aux relevés bancaires.

Ainsi, l’employé fraudeur peut solder le compte du client en créditant son compte auxiliaire par le débit d’un compte autre que celui de la banque. Toutefois, afin que cette opération soit peu visible, le compte à débiter doit posséder plusieurs caractéristiques :
- il doit comprendre beaucoup de mouvements,
- il doit être difficile à auditer,
- il doit être peu surveillé,
- le solde doit être suffisamment élevé pour que la revue analytique ne signale rien.

La seule technique de détection de ce genre de manipulation passe par une lecture des journaux comptables et une revue détaillée des écritures. Mais, si les volumes sont importants, ce contrôle ne peut être réalisé que par un logiciel spécialisé.


Cette technique de dissimulation connue sous le nom de « lapping » par les anglo-saxons consiste à imputer sur le compte client dont on a détourné les fonds le règlement d’un autre client ; et de répéter cette manipulation au fur et à mesure des règlements des clients.

Exemple : le fraudeur détourne l’argent reçu d’un client A ce qui laisse le compte de ce dernier débiteur alors qu’il aurait du être soldé. Lorsque le client B règle sa créance, les sommes reçues sont imputées sur le compte du client A, régularisant ainsi la situation de ce dernier. Le règlement d’un troisième client permettra de solder le compte du client B et donc de rétablir sa position réelle, et ainsi de suite.


Ces schémas de détournements d’actifs sont essentiellement réalisables par les personnes en contact avec le client. Ils se différencient des schémas dits « hors enregistrements » par le fait qu’ils engendrent effectivement un enregistrement, mais qui n’est pas conforme à la réalité de la vente.


La sous-facturation est une forme de fraude fréquemment utilisée par les employés qui travaillent à la caisse d’un magasin.

Typiquement, un employé enregistre une vente pour un montant inférieur à celui effectivement payé par le client. Puis il détourne à son profit la différence entre le prix réel d’achat et le montant de la vente enregistré dans le système.

Egalement, la sous-facturation peut être commise dans des cas de collusion. Cela permet à un complice d’acheter un bien à un prix inférieur au tarif normal. L’employé fraudeur récupère alors auprès de son complice une partie de l’économie qu’il lui a fait réaliser.


Les employés qui sont habilités à accorder des remises peuvent utiliser cette faculté pour détourner des fonds lors de ventes. Par le biais de fausses remises, l’employé fraudeur peut, d’une part, recevoir le règlement complet d’une vente, et, d’autre part, enregistrer en comptabilité la transaction comme si le client avait bénéficié d’une remise. Ainsi, il est à même de pouvoir dérober la somme correspondant à la remise fictivement accordée sans déséquilibrer les comptes de l’entreprise.


Dans les cas de surfacturation, les clients surpayent à leur insu les biens qu’ils ont acquis et la différence est conservée par le fraudeur. Pour surfacturer, c’est à dire facturer au delà du prix fixé par l’entreprise, le fraudeur doit soit avoir la possibilité de modifier les prix des articles vendus, soit établir des factures manuellement, ou encore il peut ne pas faire bénéficier aux clients facturées des conditions tarifaires promotionnelles.

Situations favorables à la fraude sur encaissement

D’une manière générale, la fraude sur encaissement est facilitée lorsque les clients effectuent leur paiement en espèces. Toutefois, elle peut aussi se produire avec des règlements par chèque même si cela nécessite de la part du fraudeur des manipulations complémentaires, qui peuvent, dans certains cas, être difficiles à réaliser.

Par ailleurs, en termes de contrôle interne, la fraude sur encaissement relative au cycle « ventes » est favorisée dans les entreprises où la séparation des fonctions présente des défaillances, notamment dans les cas suivants :
- la personne qui réceptionne en premier lieu les règlements est dépendante du service comptable, ou du caissier ;
- les règlements reçus ne font pas l’objet d’un relevé par la personne qui ouvre le courrier ;
- le caissier a accès aux journaux de ventes et de banques ;
- le comptable en charge des clients prépare les remises en banques ;
- aucune vérification interne ou externe (circularisation) n’est réalisée.


Le principe général de la fraude sur décaissement consiste à faire en sorte que l’entreprise victime décaisse de l’argent que le fraudeur puisse détourner. Cette technique implique deux caractéristiques : d’une part, les apparences doivent convaincre l’entreprise que le décaissement qu’elle va réaliser est valide et justifié ; d’autre part, l’argent décaissé par la société doit pouvoir être détourné à sa sortie par le fraudeur.

Donc, à la différence de la fraude sur encaissement ou du vol, quand une fraude est basée sur un décaissement, le mouvement de sortie de fonds est réellement enregistré en comptabilité. Une transaction frauduleuse vient alors maquiller cette opération de façon à ce que le décaissement apparaisse légitime.


Dans le cas d’un remboursement fictif, l’employé fraudeur effectue une transaction comme si un client retournait une marchandise.

Cette manipulation a deux implications :
- Elle permet au fraudeur de récupérer à son compte la somme d’argent correspondant à la valeur du bien fictivement rendu. Le système légitime alors le décaissement puisqu’en contrepartie l’entreprise s’est théoriquement enrichie de la marchandise rapportée. De plus, le compte comptable de caisse est égal au montant effectivement en caisse.
- Elle génère une entrée dans les stocks de la société. Comme la transaction est fictive, les stocks deviennent surévalués. Cela perturbe alors le suivi des quantités et peut engendrer des problèmes de rupture de stock car le réapprovisionnement ne s’effectue pas sur des bases réelles.


A la suite d’un problème (de qualité ou de quantité) survenu dans la livraison d’un bien ou d’un service, l’entreprise peut être amenée à rembourser à son client une partie de son achat. Une technique de fraude consiste à enregistrer un remboursement à effectuer supérieur à ce que réclame le client et à encaisser à son compte la différence.

Selon la même technique, l’employé fraudeur peut, au lieu de créer entièrement un remboursement fictif comme vu précédemment, préférer surévaluer le remboursement total d’un réel retour de marchandise et encaisser la différence.

Ainsi, dans le cas où un client ramènerait un bien d’une valeur de 100 €, l’employé enregistrerait un retour pour une valeur de 200 €. Il rendrait les 100 € au client et empocherait les 100 € restants. Comptablement la caisse serait équilibrée, mais il en résulterait un écart d’inventaire de 100 €.

Ce genre de malversation existe principalement dans les organisations où les remboursements sont faits en espèces plutôt qu’en chèque ou en virement. En effet, le fraudeur ne pourrait détourner une partie du paiement effectué par chèque.


Dans ce schéma-ci, l’employé fraudeur, après avoir effectué une vente et après le départ du client, annule la transaction et retire de la caisse l’argent correspondant, comme s’il l’avait rendu au client.


Afin que ces fraudes sur décaissement soient le moins visibles possible, les employés fraudeurs préfèrent habituellement détourner de multiples petites sommes plutôt qu’une seule somme importante. En effet, de nombreuses entreprises fixent des seuils au delà desquels une approbation particulière doit être obtenue pour procéder à un remboursement. Les fraudeurs font donc en sorte de dérober des sommes suffisamment petites, pour ne pas avoir besoin d’autorisation.

Ainsi, un employé américain a effectué plus de 1.000 remboursements fictifs ou surévalués, toujours en dessous du seuil d’approbation de 15 $. Sa fraude a finalement été découverte lorsqu’il a commencé à réaliser des remboursements fictifs avant les heures d’ouverture. Toutefois, avant que sa malversation ne soit détectée, il a pu détourner plus de 11.000 $ à son entreprise.

Les écarts d’inventaires
Une des caractéristiques de la fraude sur décaissements liée au cycle « ventes » est qu’elle engendre, dans la majorité des cas, des anomalies dans les stocks, car il a fallu enregistrer dans le système le retour d’un bien qui n’existe pas. Aussi, lors du comptage physique des stocks, sera constaté un écart d’inventaire. Toutes les entreprises font état d’écarts entre le stock théorique et le stock réel, notamment les entreprises du secteur de la distribution de détail, qui constatent régulièrement une démarque inconnue qui peut provenir de fraudes internes ou externes mais aussi d’erreurs.

Tant que ces écarts sont non significatifs au regard du total des stocks et compte tenu de l’activité de la société, il y a peu de chance que l’entreprise procède à des investigations suffisamment poussées qui permettraient de remonter jusqu’à la fraude. En revanche, si la fraude devait générer un écart important, cela nécessiterait de la part du fraudeur de maquiller cet écart en utilisant différents moyens qui sont fonction des ses habilitations, comme surévaluer les comptages lors de l’inventaire, enregistrer des mises au rebut, ou encore constater un crédit fictif dans le stock comptable.

Situations favorables à la fraude sur décaissement
La fraude sur décaissement relative au cycle « ventes » est favorisée dans les organisations où la séparation des fonctions est peu mise en place et où le suivi des opérations d’annulation ou de remboursement est faiblement réalisé, notamment dans les cas suivants :
- lorsqu’un employé de caisse est habilité à effectuer des annulations,
- lorsqu’un employé de caisse procède lui-même à l’inventaire de la caisse et/ou des stocks,
- si les transactions d’annulation ne sont pas correctement justifiées et documentées,
- si les écritures d’annulation et de remboursement ne font pas l’objet d’une analyse détaillée dans le temps et par employé,
- lorsque la société n’étudie pas les numéros manquants dans les séquences numériques des transactions.

Egalement, les entreprises peuvent faire plus facilement l’objet de fraude sur décaissement en cas d’insuffisance dans le suivi des stocks et dans l’analyse des écarts d’inventaires.
 
Tiré de:  Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »  - Romain DUPRAT -
http://www.pansard-associes.com/publications/audit-comptabilite/controle-interne-fraudes/detournement-actifs-cycle-ventes.htm

Savoir reconnaître les stratagèmes à la Ponzi

 Savoir reconnaître les stratagèmes à la Ponzi| KPMG | CA
(Extraits sélectionnés de ce texte)

Les stratagèmes à la Ponzi – un type d’escroquerie à la façon des ventes pyramidales dans laquelle les premiers investisseurs touchent un revenu provenant de l’argent perçu auprès des nouveaux investisseurs – deviennent de plus en plus courants au Canada.

Lorsqu’un tel stratagème est soupçonné, le fait de savoir quoi faire peut fortement contribuer à réduire le nombre de victimes lésées par ce genre de fraude.
 
(...)
Signes précurseurs

(...)

 Signes précurseurs d’un possible stratagème à la Ponzi
      • rendement du capital investi supérieur à la normale;
    • aucun impôt déclaré dans la déclaration de revenus;
    • indication d’absence de risque ou de risque faible;
    • publicité faite de bouche à oreille;
    • groupes ciblés selon une affiliation religieuse ou une appartenance ethnique ou sociale;
    • caractère apparemment exclusif de l’offre : il faut être recommandé par une personne pour pouvoir investir;
    • urgence d’investir signifiée ou sous-entendue;
    • le manipulateur se fait souvent appeler « gourou », « maître » ou « génie »;
    • confiance aveugle : manque de connaissances du secteur des investissements de la part des investisseurs;
    • absence ou faible quantité d’écritures documentant les investissements.
Signes précurseurs d’un effondrement imminent
    • recherche impérative d’autres investisseurs; promesse de taux plus élevé;
    • excuses et délais en réponse aux demandes d’encaissement;
  • les demandes concernant l’argent investi restent sans réponse;
  • absence de documents sur les placements;
  • impossibilité de joindre le « gourou »;
  • la rumeur concernant la disparition du « gourou » se répand.

Devoir de diligence raisonnable
Afin d’éviter de tomber dans le filet d’un stratagème à la Ponzi, l’investisseur doit prendre quelques mesures de précaution pour mieux comprendre la légitimité de l’investissement envisagé et du conseiller :

    • effectuez une recherche sur le « gourou » et son entreprise sur Internet. Il ne serait pas étonnant que certains de ces mêmes « conseillers en placement » aient déjà été accusés ou prétendument impliqués en lien avec une occasion de placement suspecte ou qui n’a pas abouti;
    • assurez-vous que le conseiller est inscrit en bonne et due forme auprès de l’Autorité des marchés financiers (ou de la CVMO ou de tout autre organisme de réglementation similaire) afin de pouvoir solliciter, accepter et investir des fonds. En Ontario, toute entreprise ou personne qui offre d’investir des sommes dans cette province doit généralement être inscrite auprès de la CVMO3;
    • obtenez des renseignements documentés sur l’utilisation des fonds et sur le niveau de risque associé au placement ainsi que des explications détaillées justifiant l’atteinte de rendements élevés. Bien que certains conseillers bien intentionnés puissent hésiter à révéler le secret de leur « filon d’or », dites-vous, comme le vieux dicton qui tend à être valable dans la plupart des cas, que si c’est trop beau pour être vrai…;
    • vérifiez les prétentions du gourou et ses sources d’investissement auprès d’un organisme de placement digne de confiance ou auprès d’un avocat ou d’un comptable afin de vous assurer de la légalité et de la viabilité de la stratégie d’investissement;
  • communiquez avec les autres investisseurs pour savoir s’ils se sont vu offrir les mêmes propositions d’investissement. Toute différence devrait éveiller un soupçon.
(...)

Donner l’alerte
Afin d’empêcher ou de réduire les pertes, il y a lieu de signaler toute escroquerie soupçonnée, dès que les sommes investies semblent irrécupérables, et de prendre les mesures suivantes :

  • rassembler tous les documents liés aux placements, y compris les billets à ordre, les relevés de placements (s’il en existe), les chèques annulés initialement libellés à l’ordre du conseiller en placement ou de son entreprise, de même que tout document attestant les paiements reçus. Ces documents contiennent des renseignements dont les autorités ont besoin;
  • formuler une plainte auprès de la CVMO4;
  • formuler une plainte au corps policier de la région;
  • discuter avec un avocat des divers recours juridiques qui s’offrent à vous pour récupérer les sommes investies.
(...)