vendredi 1 février 2013

Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »

Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »

- Romain DUPRAT -


La mise en place de mesures efficaces de prévention et de détection des fraudes nécessite de connaître les principaux schémas de détournement d’actifs. Cet article expose un certain nombre de cas fréquemment rencontrés au niveau du cycle « Vente » des entreprises.

Sommaire




Une recherche efficace des détournements d’actifs commis par les employés rend nécessaire la maîtrise des principaux schémas de fraude, afin d’adapter les contrôles à effectuer et les outils à utiliser aux objectifs poursuivis. Il convient de connaître non seulement la méthode de détournement mais aussi la technique de dissimulation du détournement qui, si elle s’avère efficiente, permettra la réitération de l’acte frauduleux. En effet, pour un employé fraudeur, la dissimulation de la fraude est la partie la plus importante du délit, car elle lui permettra, d’une part, de ne pas être poursuivi et de conserver son travail et, d’autre part, de continuer à s’enrichir avec ces détournements, tant que l’entreprise victime ne se rend pas compte du préjudice subi.

Les fraudes peuvent concerner tous les cycles de l’entreprise, qu’ils soient opérationnels ou administratifs. Cet article se limitera à la présentation de schémas de fraude spécifiques au cycle « ventes/clients ».

Le processus « ventes » s’entend de la prise d’une commande d’un client à l’encaissement du règlement en passant par la livraison du bien commandé, la facturation et la comptabilisation de l’opération concernée.

Ce cycle peut être considéré comme étant à risque du fait du volume important de transactions qu’il comprend et des flux d’argent qu’il génère, en entrées principalement (règlements des clients) mais également en sorties (remboursements, avoirs ou remises).

Les schémas présentés ci-après vont concerner soit des ventes « sur compte », c’est à dire avec une inscription dans un compte client, que l’on retrouvera dans la plupart des entreprises commerciales, soit des ventes « au comptant » réalisées en magasin, cas spécifiques aux entreprises de commerce de détail. En revanche, ne seront pas évoquées les ventes effectuées par des représentants.


La fraude sur encaissements – « skimming » en anglais – permet à toute personne en liaison directe avec le process de réception de trésorerie de dérober le fruit des ventes ou des créances clients avant leur enregistrement comptable dans les livres de la société victime. Cela signifie que ces schémas n’offrent pas de piste d’audit directe. En effet, les fonds détournés n’ayant jamais été enregistrés dans le système d’informations de l’entreprise, celle-ci n’a pas conscience de la réception de l’argent. En conséquence, la détection de ce type de fraude va s’avérer très difficile, ce qui la rend très fréquente parmi les cas de détournements d’actifs.



La forme la plus basique de la fraude sur encaissements consiste pour un employé à vendre des produits ou des services de l’entreprise sans en enregistrer la vente dans les comptes. L’employé va simplement prendre pour lui l’argent reçu du client au lieu de le remettre à son employeur.


Une autre forme de fraude peut être la réalisation de ventes en dehors des heures d’ouverture normales sans prévenir son employeur. Les fraudeurs peuvent ainsi conserver la totalité du produit des ventes faites durant ces périodes, car l’entreprise n’est pas au courant de ces activités.

Ce type de fraude se retrouve principalement dans les activités de commerce de détail, comme celle de ce responsable de magasin qui ouvrait son commerce deux heures avant l’ouverture officielle. Pendant cette période, il enregistrait les ventes de façon habituelle, mais à la fin de la journée, il retirait le support qui avait pris en compte les enregistrements ainsi que l’argent accumulé durant cette période.


Le circuit allant de la réception du règlement (chèque ou liquidités) en provenance des clients jusqu’au dépôt en banque dudit règlement est particulièrement exposé au risque de fraude. En effet, il est « tentant » pour chacune des personnes intervenant sur cette chaîne de détourner à son profit l’argent de l’entreprise. Toutefois, si le fraudeur ne peut pas passer d’écritures comptables (exemple : service accueil) ou de modifications dans les ventes enregistrées (exemple : caissière d’un magasin sans possibilité de modifications des tickets), l’anomalie sera rapidement constatée, soit par le service comptabilité dans le cadre du suivi des créances clients, soit lors de l’inventaire des caisses. Dans le cas contraire, il dispose de plusieurs moyens de dissimulation de son acte :


Une des situations particulièrement risquée en termes de fraude existe lorsque la personne en charge de l’encaissement des règlements s’occupe également des enregistrements comptables. En effet, il lui est aisément possible de falsifier les enregistrements comptables pour dissimuler son acte frauduleux.

Lors du détournement d’un règlement, le fraudeur doit faire en sorte que le compte du client qui a payé soit soldé, ainsi il ne sera pas considéré comme ayant dépassé l’échéance de paiement et ne sera pas relancé. En effet, en cas de rappel effectué auprès de ce client, celui-ci signalerait qu’il a déjà réglé et une enquête serait menée pour savoir où est passé l’argent. La probabilité que le fraudeur, de part sa position professionnelle privilégiée, soit confondu est alors très forte.

Une technique de dissimulation consistera à simplement annuler la transaction après avoir dérobé les fonds. Ainsi, l’annulation de la vente permet de solder le compte du client et il n’apparaît plus de trace de la vente.

Afin d’être en mesure d’identifier ce genre d’anomalie, l’entreprise doit posséder un logiciel comptable qui garde les traces de l’ensemble des transactions effectuées, y compris celles qui ont été annulées.


Pour dissimuler sa fraude, l’employé peut également utiliser des schémas d’écritures comptables anormaux. L’objectif reste toujours de faire en sorte, d’une part, que le compte client soit soldé pour éviter que celui-ci ne soit relancé, et, d’autre part, que les comptes de banques soient équilibrés et justifiés par rapport aux relevés bancaires.

Ainsi, l’employé fraudeur peut solder le compte du client en créditant son compte auxiliaire par le débit d’un compte autre que celui de la banque. Toutefois, afin que cette opération soit peu visible, le compte à débiter doit posséder plusieurs caractéristiques :
- il doit comprendre beaucoup de mouvements,
- il doit être difficile à auditer,
- il doit être peu surveillé,
- le solde doit être suffisamment élevé pour que la revue analytique ne signale rien.

La seule technique de détection de ce genre de manipulation passe par une lecture des journaux comptables et une revue détaillée des écritures. Mais, si les volumes sont importants, ce contrôle ne peut être réalisé que par un logiciel spécialisé.


Cette technique de dissimulation connue sous le nom de « lapping » par les anglo-saxons consiste à imputer sur le compte client dont on a détourné les fonds le règlement d’un autre client ; et de répéter cette manipulation au fur et à mesure des règlements des clients.

Exemple : le fraudeur détourne l’argent reçu d’un client A ce qui laisse le compte de ce dernier débiteur alors qu’il aurait du être soldé. Lorsque le client B règle sa créance, les sommes reçues sont imputées sur le compte du client A, régularisant ainsi la situation de ce dernier. Le règlement d’un troisième client permettra de solder le compte du client B et donc de rétablir sa position réelle, et ainsi de suite.


Ces schémas de détournements d’actifs sont essentiellement réalisables par les personnes en contact avec le client. Ils se différencient des schémas dits « hors enregistrements » par le fait qu’ils engendrent effectivement un enregistrement, mais qui n’est pas conforme à la réalité de la vente.


La sous-facturation est une forme de fraude fréquemment utilisée par les employés qui travaillent à la caisse d’un magasin.

Typiquement, un employé enregistre une vente pour un montant inférieur à celui effectivement payé par le client. Puis il détourne à son profit la différence entre le prix réel d’achat et le montant de la vente enregistré dans le système.

Egalement, la sous-facturation peut être commise dans des cas de collusion. Cela permet à un complice d’acheter un bien à un prix inférieur au tarif normal. L’employé fraudeur récupère alors auprès de son complice une partie de l’économie qu’il lui a fait réaliser.


Les employés qui sont habilités à accorder des remises peuvent utiliser cette faculté pour détourner des fonds lors de ventes. Par le biais de fausses remises, l’employé fraudeur peut, d’une part, recevoir le règlement complet d’une vente, et, d’autre part, enregistrer en comptabilité la transaction comme si le client avait bénéficié d’une remise. Ainsi, il est à même de pouvoir dérober la somme correspondant à la remise fictivement accordée sans déséquilibrer les comptes de l’entreprise.


Dans les cas de surfacturation, les clients surpayent à leur insu les biens qu’ils ont acquis et la différence est conservée par le fraudeur. Pour surfacturer, c’est à dire facturer au delà du prix fixé par l’entreprise, le fraudeur doit soit avoir la possibilité de modifier les prix des articles vendus, soit établir des factures manuellement, ou encore il peut ne pas faire bénéficier aux clients facturées des conditions tarifaires promotionnelles.

Situations favorables à la fraude sur encaissement

D’une manière générale, la fraude sur encaissement est facilitée lorsque les clients effectuent leur paiement en espèces. Toutefois, elle peut aussi se produire avec des règlements par chèque même si cela nécessite de la part du fraudeur des manipulations complémentaires, qui peuvent, dans certains cas, être difficiles à réaliser.

Par ailleurs, en termes de contrôle interne, la fraude sur encaissement relative au cycle « ventes » est favorisée dans les entreprises où la séparation des fonctions présente des défaillances, notamment dans les cas suivants :
- la personne qui réceptionne en premier lieu les règlements est dépendante du service comptable, ou du caissier ;
- les règlements reçus ne font pas l’objet d’un relevé par la personne qui ouvre le courrier ;
- le caissier a accès aux journaux de ventes et de banques ;
- le comptable en charge des clients prépare les remises en banques ;
- aucune vérification interne ou externe (circularisation) n’est réalisée.


Le principe général de la fraude sur décaissement consiste à faire en sorte que l’entreprise victime décaisse de l’argent que le fraudeur puisse détourner. Cette technique implique deux caractéristiques : d’une part, les apparences doivent convaincre l’entreprise que le décaissement qu’elle va réaliser est valide et justifié ; d’autre part, l’argent décaissé par la société doit pouvoir être détourné à sa sortie par le fraudeur.

Donc, à la différence de la fraude sur encaissement ou du vol, quand une fraude est basée sur un décaissement, le mouvement de sortie de fonds est réellement enregistré en comptabilité. Une transaction frauduleuse vient alors maquiller cette opération de façon à ce que le décaissement apparaisse légitime.


Dans le cas d’un remboursement fictif, l’employé fraudeur effectue une transaction comme si un client retournait une marchandise.

Cette manipulation a deux implications :
- Elle permet au fraudeur de récupérer à son compte la somme d’argent correspondant à la valeur du bien fictivement rendu. Le système légitime alors le décaissement puisqu’en contrepartie l’entreprise s’est théoriquement enrichie de la marchandise rapportée. De plus, le compte comptable de caisse est égal au montant effectivement en caisse.
- Elle génère une entrée dans les stocks de la société. Comme la transaction est fictive, les stocks deviennent surévalués. Cela perturbe alors le suivi des quantités et peut engendrer des problèmes de rupture de stock car le réapprovisionnement ne s’effectue pas sur des bases réelles.


A la suite d’un problème (de qualité ou de quantité) survenu dans la livraison d’un bien ou d’un service, l’entreprise peut être amenée à rembourser à son client une partie de son achat. Une technique de fraude consiste à enregistrer un remboursement à effectuer supérieur à ce que réclame le client et à encaisser à son compte la différence.

Selon la même technique, l’employé fraudeur peut, au lieu de créer entièrement un remboursement fictif comme vu précédemment, préférer surévaluer le remboursement total d’un réel retour de marchandise et encaisser la différence.

Ainsi, dans le cas où un client ramènerait un bien d’une valeur de 100 €, l’employé enregistrerait un retour pour une valeur de 200 €. Il rendrait les 100 € au client et empocherait les 100 € restants. Comptablement la caisse serait équilibrée, mais il en résulterait un écart d’inventaire de 100 €.

Ce genre de malversation existe principalement dans les organisations où les remboursements sont faits en espèces plutôt qu’en chèque ou en virement. En effet, le fraudeur ne pourrait détourner une partie du paiement effectué par chèque.


Dans ce schéma-ci, l’employé fraudeur, après avoir effectué une vente et après le départ du client, annule la transaction et retire de la caisse l’argent correspondant, comme s’il l’avait rendu au client.


Afin que ces fraudes sur décaissement soient le moins visibles possible, les employés fraudeurs préfèrent habituellement détourner de multiples petites sommes plutôt qu’une seule somme importante. En effet, de nombreuses entreprises fixent des seuils au delà desquels une approbation particulière doit être obtenue pour procéder à un remboursement. Les fraudeurs font donc en sorte de dérober des sommes suffisamment petites, pour ne pas avoir besoin d’autorisation.

Ainsi, un employé américain a effectué plus de 1.000 remboursements fictifs ou surévalués, toujours en dessous du seuil d’approbation de 15 $. Sa fraude a finalement été découverte lorsqu’il a commencé à réaliser des remboursements fictifs avant les heures d’ouverture. Toutefois, avant que sa malversation ne soit détectée, il a pu détourner plus de 11.000 $ à son entreprise.

Les écarts d’inventaires
Une des caractéristiques de la fraude sur décaissements liée au cycle « ventes » est qu’elle engendre, dans la majorité des cas, des anomalies dans les stocks, car il a fallu enregistrer dans le système le retour d’un bien qui n’existe pas. Aussi, lors du comptage physique des stocks, sera constaté un écart d’inventaire. Toutes les entreprises font état d’écarts entre le stock théorique et le stock réel, notamment les entreprises du secteur de la distribution de détail, qui constatent régulièrement une démarque inconnue qui peut provenir de fraudes internes ou externes mais aussi d’erreurs.

Tant que ces écarts sont non significatifs au regard du total des stocks et compte tenu de l’activité de la société, il y a peu de chance que l’entreprise procède à des investigations suffisamment poussées qui permettraient de remonter jusqu’à la fraude. En revanche, si la fraude devait générer un écart important, cela nécessiterait de la part du fraudeur de maquiller cet écart en utilisant différents moyens qui sont fonction des ses habilitations, comme surévaluer les comptages lors de l’inventaire, enregistrer des mises au rebut, ou encore constater un crédit fictif dans le stock comptable.

Situations favorables à la fraude sur décaissement
La fraude sur décaissement relative au cycle « ventes » est favorisée dans les organisations où la séparation des fonctions est peu mise en place et où le suivi des opérations d’annulation ou de remboursement est faiblement réalisé, notamment dans les cas suivants :
- lorsqu’un employé de caisse est habilité à effectuer des annulations,
- lorsqu’un employé de caisse procède lui-même à l’inventaire de la caisse et/ou des stocks,
- si les transactions d’annulation ne sont pas correctement justifiées et documentées,
- si les écritures d’annulation et de remboursement ne font pas l’objet d’une analyse détaillée dans le temps et par employé,
- lorsque la société n’étudie pas les numéros manquants dans les séquences numériques des transactions.

Egalement, les entreprises peuvent faire plus facilement l’objet de fraude sur décaissement en cas d’insuffisance dans le suivi des stocks et dans l’analyse des écarts d’inventaires.
 
Tiré de:  Les principaux schémas de détournements d’actifs relatifs au cycle « Vente »  - Romain DUPRAT -
http://www.pansard-associes.com/publications/audit-comptabilite/controle-interne-fraudes/detournement-actifs-cycle-ventes.htm

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