Trites c. R., 2011 NBCA 5 (CanLII)
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[15] Je répondrais non à la première question, ce qui rend inutile, par conséquent, de répondre à la seconde. Cela dit, je serais quand même d’avis que, aux termes de l’art. 650.01, seul l’avocat nommé dans la désignation est autorisé à comparaître au nom de l’accusé. L’effet de ces réponses est que le choix de la Cour provinciale fait le 20 mars 2008 en cette affaire n’était pas un choix valide. L’affaire doit donc être tranchée à partir des deuxième et troisième questions : M. Trites a-t-il renoncé au respect des exigences relatives au choix, ou le choix invalide constitue-t-il une irrégularité de procédure à laquelle on peut appliquer le sous-al. 686(1)b)(iv)?
[16] La raison pour laquelle je répondrais non à la première question est relativement simple. Il existe un principe d’interprétation législative reconnu selon lequel les articles d’un texte législatif sont censés s’harmoniser entre eux. Ce principe a été mentionné dans l’arrêt Willick c. Willick, 1994 CanLII 28 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 670, [1994] A.C.S. no 94 (QL), où le juge Sopinka a expliqué que, s’agissant de la méthode contextuelle d’interprétation législative, « les dispositions législatives [doivent être interprétées] de façon à en harmoniser le plus possible les éléments et à éviter les incohérences internes : Côté, [Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd., 1990)] à la p. 256, et R. c. Tapaquon, 1993 CanLII 52 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 535 » (par. 24). À mon avis, il n’existe qu’une seule façon d’harmoniser les dispositions de l’art. 650.01 et celles de l’art. 536.2 : s’agissant de choisir son mode de procès, l’accusé n’est pas tenu de comparaître en personne devant la Cour s’il a déposé à la Cour une désignation d’avocat et présenté un document écrit énonçant son choix. Toute autre interprétation de ces dispositions serait discordante, pour les raisons ci-dessous.
[18] L’art. 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, prescrit que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». La solution de droit que le texte de l’art. 650.01 visait à apporter était simplement que, dans une poursuite criminelle, l’accusé ne serait pas toujours tenu de comparaître en personne, mais pourrait le faire par l’entremise d’un avocat désigné, sauf dans les circonstances énumérées à l’al. 650.01(3)a). Dans le cas de l’art. 536.2, le Parlement a voulu que le choix du mode de procès, qui auparavant devait toujours être fait en personne par l’accusé lorsqu’il était appelé à le faire par le juge suivant la formule prescrite au par. 536(2), puisse dorénavant se faire en l’absence de l’accusé au moyen de la présentation d’un document écrit. À mon avis, la meilleure manière de concilier ces deux dispositions est de statuer que, aux termes de l’art. 650.01, l’avocat désigné peut faire connaître le choix de l’accusé en l’absence de celui-ci, en présentant un document qui énonce ce choix.
[19] Le choix du mode de procès est un élément essentiel de la procédure criminelle. Le droit à un procès devant juge et jury est consacré par la Charte canadienne des droits et libertés dans les cas où la peine maximale prévue pour l’infraction est un emprisonnement de cinq ans ou plus (al. 11f)). L’importance de ce droit est constatée dans le Code criminel, qui prévoit que si l’accusé ne choisit pas le mode de procès, il est réputé avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury (par. 536(4) et (4.1) et al. 565(1)b)). On peut donc comprendre facilement que le Parlement ait voulu s’assurer que, avant qu’un accusé renonce à son droit à un procès devant jury, il comparaisse personnellement à la Cour ou dépose un document attestant sa renonciation. C’est seulement lorsque le choix est fait par ce dernier moyen que l’accusé n’a pas à comparaître personnellement, pourvu qu’il ait désigné un avocat, conformément à l’art. 650.01, pour comparaître en son nom.
[21] Lorsque le par. 536(2) est respecté et que l’accusé choisit un mode de procès, le choix ne peut prêter à équivoque. Pareillement, lorsqu’un document indiquant le choix de procès est présenté, ce choix est sans ambiguïté. Il est évident que l’accusé ne peut se prévaloir de l’art. 536.2 que s’il est représenté par un avocat; sinon, il devrait être présent en cour. Ainsi, on peut déduire sans risque de se tromper qu’un accusé qui aura déposé un document écrit attestant son choix aux termes de l’art. 536.2 aura reçu des conseils appropriés sur les modes de procès possibles. Lorsque l’accusé a soit comparu en personne et que les dispositions du par. 536(2) ont été respectées, soit déposé un document écrit après avoir reçu les conseils d’un avocat, il n’existe aucune ambiguïté quant au mode de procès véritablement choisi par l’accusé. Comme l’illustre la présente espèce, un choix communiqué par un avocat désigné, ou par un avocat agissant au nom de l’avocat désigné, ne donne aucune garantie du genre; il laisse place à des doutes sur la question de savoir si l’accusé a réellement fait le choix communiqué à la Cour par l’avocat. Les art. 650.01 et 536.2 ont été rédigés avec soin afin d’éviter une telle situation.
[22] Voilà pourquoi, à mon avis, la seule interprétation qui puisse harmoniser ces éléments des modifications du Code criminel faites en 2002 et les rendre pleinement effectifs est celle voulant que l’avocat désigné puisse bel et bien comparaître au nom de l’accusé en vue du choix du mode de procès, mais que le choix ne soit valide, à ce moment-là, que s’il est fait au moyen de la présentation d’un document écrit conformément à l’art. 536.2. L’art. 650.01 porte sur la présence en personne et non sur le choix à faire ou sur la communication du choix. S’agissant du choix de mode de procès, la présence de l’accusé en personne n’est pas nécessaire, mais l’accusé peut seulement être absent lorsqu’il a communiqué son choix par le dépôt d’un document signé par lui personnellement.
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