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[18] Lorsqu’il est rejoint par les policiers, l’appelant a déjà immobilisé son véhicule sur un terrain privé et en est même descendu. En pareilles circonstances, les tribunaux reconnaissent le pouvoir d’interpellation de l’agent de la paix, indépendamment du fait que le véhicule soit en mouvement ou non.
[19] En l’espèce, les actions subséquentes de l’agente Beaulieu sont dictées par les articles du Code de sécurité routière qui obligent le conducteur à être porteur de certains documents qu’il est tenu d’exhiber à l’agent de la paix sur demande. Les articles 61(2), 65 et 97stipulent les exigences de la loi relativement au permis de conduire pendant que les articles 35(1) et 36 énoncent des impératifs à peu près similaires relativement aux certificats d’immatriculation et d’assurance:
« 65. Pour conduire un véhicule routier sur un chemin public, sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur un chemin privé ouvert à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler, une personne doit être titulaire d’un permis de la classe appropriée à la conduite de ce véhicule tel que déterminé par règlement et comportant, le cas échéant, les mentions prescrites par ce règlement.
97. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle son permis.
En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
61. La Société délivre les permis suivants autorisant la conduite de véhicules routiers : le permis d’apprenti-conducteur, le permis probatoire, le permis de conduire et le permis restreint.
Le titulaire d’un permis n’est tenu de produire celui-ci qu’à la demande d’un agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement.
35. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d’immatriculation du véhicule, sauf dans les dix jours de l’immatriculation, ainsi que l’attestation d’assurance ou de solvabilité prévue par la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25).
36. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d’un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l’article 35. »
(Nos soulignés)
[20] Le Code de la sécurité routière (L.R.Q.c, C-24.2) précise de plus, à son article premier, que ces dispositions régissent l’utilisation des véhicules sur les chemins publics et sur certains chemins et terrains privés dont ne fait pas partie l’allée du 65 Taché.
[21] Pour recourir au pouvoir d’immobilisation au hasard d’un véhicule, l’agent de la paix n’est pas tenu d’avoir des motifs raisonnables et probables de croire à la commission d’une infraction au Code de sécurité routière.
[22] En sauvegardant les dispositions législatives qui autorisent les agents de la paix à intercepter au hasard des automobilistes, à des fins de vérification, la Cour suprême constatait que, bien que ces interpellations violaient les garanties constitutionnelles de l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés, ces atteintes étaient justifiables dans une société libre et démocratique comme la nôtre.
[23] Monsieur le juge Cory écrit, dans l’arrêt Ladouceur :
« Reconnaître la validité de la vérification de routine au hasard, c’est se rendre à la réalité. Dans la régions rurales, il sera impossible de mettre sur pied un programme structuré efficace. Pourtant, les infractions en matière de circulation dans ces régions entraînent des conséquences tout aussi tragiques que dans les plus grands centres urbains.
(…)
Ceux qui conduisent des véhicules automobiles sur la route n’ont aucun droit civil de le faire. Ils ne peuvent le faire que s’ils sont titulaires d’un permis à cette fin. Cette exigence ne constitue pas une atteinte aux droits civils. Il n’y a aucune raison pour laquelle un conducteur d’un véhicule automobile sur la route ne puisse être tenu de démontrer à l’agent d’un organisme chargé d’appliquer la loi qu’il possède un permis à cette fin. Si la police a le pouvoir d’interroger le conducteur d’un véhicule automobile pour vérifier son droit de le conduire, le certificat d’immatriculation du véhicule et le nom et l’adresse du propriétaire et du conducteur, tous les pouvoirs d’arrestation draconiens dont nous avons discuté paraîtraient peu ou pas nécessaires.
Bien que le concept de ce qui peut constituer une violation des droits civils puisse être quelque peu différent de nos jours, la qualification par le juge McRuer de la nature de la conduite et la nécessité de la contrôler sont aussi valides aujourd’hui qu’elles l’étaient à ce moment-là. Afin d’assurer un contrôle approprié, la société doit être en mesure d’exiger que des interpellations au hasard soient effectuées sans motif précis et en dehors de tout programme formel.
(Nos soulignés).
[24] L’agent de la paix peut donc, ainsi, intercepter un véhicule de façon aléatoire et exiger de son conducteur de lui exhiber ses permis de conduire et certificats d’immatriculation ou d’assurance afin de s’assurer que l’usager de la route est en droit d’y opérer un véhicule qui répond à toutes les exigences de la loi et qu’il a avec lui tous les documents requis à cette fin. L’automobiliste doit alors s’exécuter sous peine de sanctions pénales.
[25] En agissant de cette façon, le policier se conforme non seulement aux pouvoirs que lui confère le Code de sécurité routière mais répond également à la mission qui est sienne en vertu de l’article 39.1 de la Loi de police (L.R.Q. c. P-19), soit celle de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité du public dans tout le territoire du Québec et d’y prévenir le crime et les infractions aux lois du Québec.
[26] Monsieur le juge Cory exprime avec justesse, toujours dans l’arrêt Ladouceur, ce qui soutend un tel principe et qui justifie les interceptions aléatoires à des fins de vérifications documentaires :
« L’interception et la vérification des véhicules constituent le seul moyen de vérifier le bon fonctionnement des freins et des ceintures de sécurité. Il est encore plus important de déterminer si un conducteur possède un permis et des assurances. Encore une fois, cela ne peut se faire qu’en interceptant des véhicules. Les statistiques démontrent que le conducteur sans permis constitue une menace sur la route. En outre, un tel conducteur démontre un mépris de la loi et de l’irresponsabilité ainsi qu’une tendance marquée à être impliqué dans des accidents graves. Tous ceux qui circulent sur les routes ont intérêt à ce que les conducteurs sans permis soient arrêtés et chassés de la route. De même, la société dans son ensemble a intérêt à réduire les frais des services médicaux, d’hospitalisation et de réadaptation qui doivent être assurés aux victimes d’accidents ainsi que le préjudice émotionnel causé à leur famille. Il est certain que le remède préventif que prévoit le par. 189a(1) et qui consiste à obliger les conducteurs à s’arrêter est préférable à la tragédie terminale incurable que représentent la victime d’un accident mortel et la victime handicapée de façon permanente. Il vaut certainement mieux permettre les interpellations au hasard et empêcher qu’un accident ne survienne que refuser le droit d’interpeller et confirmer de façon répétée les tristes statistiques à la morgue et à l’hôpital. »
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