mercredi 25 avril 2018

Les principes de droit applicables à l'obligation de divulgation

Parent c. R., 2018 QCCA 555 (CanLII)

Lien vers la décision

[25]        L’obligation de divulguer n’est pas absolue; elle est assujettie à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du ministère public :
Dans l'affaire R. v. C. (M.H.) (1988), 1988 CanLII 3283 (BC CA)46 C.C.C. (3d) 142 (C.A.C.-B.), à la p. 155, le juge en chef McEachern, ayant passé en revue la jurisprudence, fait ce que je considère, en toute déférence, comme un énoncé juste de la règle de droit applicable. Il dit que [TRADUCTION] "le ministère public a l'obligation générale de divulguer tout ce qu'il envisage d'utiliser au procès, et particulièrement tous les éléments de preuve qui peuvent aider l'accusé, même si le ministère public n'envisage pas de les présenter". Ce passage a été cité et approuvé par le juge McLachlin dans les motifs qu'elle a rédigés au nom de notre Cour (1991 CanLII 94 (CSC)[1991] 1 R.C.S. 763). Elle a ajouté: "Notre Cour a déjà dit que le ministère public a l'obligation en common law de divulguer à la défense tous les éléments de preuve substantielle, favorables ou non à l'accusé" (à la p. 774).
Comme je l'ai déjà indiqué, toutefois, cette obligation de divulguer n'est pas absolue. Elle est assujettie au pouvoir discrétionnaire du substitut du procureur général, lequel pouvoir s'exerce tant pour refuser la divulgation de renseignements que pour décider du moment de cette divulgation. […]
Le pouvoir discrétionnaire du substitut du procureur général peut toutefois faire l'objet d'un contrôle de la part du juge du procès. L'avocat de la défense a la possibilité d'exiger un tel contrôle dans chaque cas où se pose une question concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public. Dans le cadre de ce contrôle, le ministère public doit justifier son refus de divulguer les renseignements en question. Comme la règle générale consiste à divulguer tous les renseignements pertinents, il faut alors que le ministère public invoque l'application d'une exception à cette règle.[7]
[Soulignements ajoutés]
[26]        L’obligation de communiquer n’est pas, non plus, une obligation à sens unique. Bien que le ministère public en soit le débiteur, la défense doit faire preuve de diligence, de vigilance et être proactive en cas de possible manquement. À ce propos, la Cour suprême écrit dans R c. Dixon :
37. Pour examiner l’équité globale du procès, il faut tenir compte de la diligence dont l’avocat de la défense a fait preuve en tentant d’obtenir la divulgation par le ministère public. Le manque de diligence raisonnable est un facteur important pour déterminer si la non-divulgation par le ministère public a nui à l’équité du procès. Dans l’arrêt Stinchcombe, précité, à la p. 341, l’obligation qu’a l’avocat de la défense de faire preuve de diligence raisonnable est ainsi décrite:
Quand l’avocat de l’accusé prend connaissance d’une omission du ministère public de respecter son obligation de divulguer, celui-ci doit, dès que possible, signaler cette omission au juge du procès. L’observation de cette règle permettra au juge du procès de remédier, autant que faire se peut, à tout préjudice causé à l’accusé et d’éviter ainsi un nouveau procès. Voir Caccamo c. La Reine1975 CanLII 11 (CSC)[1976] 1 R.C.S. 786. L’omission de l’avocat de la défense de ce faire constituera un facteur important à retenir pour déterminer, lors d’un appel, s’il y a lieu d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Pour que le système de justice pénale fonctionne efficacement et équitablement, l’avocat de la défense doit faire preuve de diligence raisonnable en réclamant activement la divulgation par le ministère public. La nature même du processus de divulgation l’expose à l’erreur humaine et à la contestation. En tant qu’officier de justice, l’avocat de la défense est tenu de faire preuve de diligence en tentant d’obtenir la divulgation. Lorsque l’avocat prend ou devrait prendre connaissance, à partir de documents pertinents produits par le ministère public, d’une omission de communiquer d’autres documents, il ne doit pas rester passif. Il doit plutôt tenter diligemment d’en obtenir la communication. Ce principe est bien énoncé par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt R. c. Bramwell (1996), 1996 CanLII 352 (BC CA)106 C.C.C. (3d) 365 (conf. Par 1996 CanLII 156 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 1126), à la p. 374:
[TRADUCTION] . . . le processus de divulgation met en cause à la fois le ministère public et la défense. Ce n’est pas un processus dans lequel l’avocat de la défense n’a aucun rôle à jouer, si ce n’est de recevoir l’information de façon passive. Le processus de divulgation vise à assurer que l’accusé ne soit pas privé d’un procès équitable. À cette fin, le substitut du procureur général doit divulguer tout ce qui est en sa possession et qui n’est pas manifestement non pertinent pour la défense, mais la défense doit également jouer son rôle en réclamant de manière diligente au substitut du procureur général la divulgation en temps opportun. De plus, lorsque, comme en l’espèce, l’avocat de la défense prend une décision tactique de ne pas tenter d’obtenir la communication de certains documents, le tribunal sera généralement indifférent à un plaidoyer selon lequel il n’y a pas eu communication complète de ces documents.
Voir également R. c. S.E.S(1992), 1992 CanLII 8262 (SK CA)100 Sask. R. 110 (C.A.), à la p. 121.
38. La réponse à la question de savoir s’il y a lieu d’ordonner la tenue d’un nouveau procès pour le motif que l’omission de divulguer du ministère public a rendu le procès inéquitable comporte un processus d’évaluation et de pondération. Si l’avocat de la défense savait ou aurait dû savoir, sur la foi d’autres renseignements divulgués, que le ministère public avait omis par inadvertance de divulguer de l’information, et qu’il n’a rien fait en raison d’une décision tactique ou d’un manque de diligence raisonnable, il serait difficile de retenir un argument selon lequel l’omission de divulguer a nui à l’équité du procès. Voir l’arrêt R. c. McAnespie1993 CanLII 50 (CSC)[1993] 4 R.C.S. 501, aux pp. 502 et 503.[8]
[Soulignements ajoutés]
[34]      En enregistrant un plaidoyer de culpabilité, un accusé renonce à plusieurs droits garantis par la Charte. Dans R. c. Richard , le juge La Forest rappelle ce principe en faisant siens les propos du juge Laskin (il n'était pas encore juge en chef) dans Adgey c. R.  :
Un plaidoyer de culpabilité comporte en soi l'aveu que l'accusé qui l'offre a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans procès d'aucune sorte. L'accusé, par un tel plaidoyer, délie le ministère public de l'obligation de prouver la culpabilité au-delà d'un doute raisonnable, abandonne son privilège de ne pouvoir être contraint à témoigner et son droit de rester muet, et renonce à son droit de faire une réponse et défense complète à l'encontre d'une accusation.
[35]      C'est pourquoi « un plaidoyer, écrit le juge Baudouin, parce qu'il entraîne pour l'accusé des conséquences, doit revêtir certaines qualités. Il doit être libre, volontaire, clair et informé ». Il est l'affaire de l'accusé et l'avocat ne peut forcer son client par des promesses ou des menaces à admettre une faute qu'il ne veut pas confesser ou qu'il n'a pas commise. Il faut néanmoins faire preuve de prudence car la frontière entre l'opinion juridique et la contrainte  peut parfois être difficile à tracer.
[36]      Le fardeau de la démonstration qu'un aveu de culpabilité fut illégalement donné et devrait être retiré appartient à l'accusé et il sera plus lourd s'il était représenté par avocat.[9]
[Renvois omis]
[28]        Ainsi, lorsque l’accusé « savait ou aurait dû savoir […] que le ministère public avait omis […] de divulguer de l’information, et qu’il n’a rien fait en raison d’une décision tactique ou d’un manque de diligence raisonnable, il serait difficile de retenir un argument selon lequel l’omission de divulguer a nui à l’équité du procès »[10].

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