Lien vers la décision
[11] La jurisprudence reconnaît que le tribunal jouit du pouvoir de contrôler ses procédures et de refuser de procéder à une audition sur des questions a priori sans fondement. Ce principe a été confirmé à plusieurs occasions par les tribunaux, notamment par la Cour suprême dans R. c. Pires; R. c. Lising, où la Cour précise ce qui suit au paragraphe 35 :
Les préoccupations touchant l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires sont tout aussi légitimes aujourd’hui, et peut‑être même davantage, qu’elles ne l’étaient il y a 15 ans […]. Pour que notre système de justice fonctionne, les juges qui président les procès doivent être en mesure de veiller au bon déroulement des instances. L’un des mécanismes leur permettant d’y arriver est le pouvoir de refuser de procéder à une audition de la preuve lorsque la partie qui en fait la demande est incapable de démontrer qu’il est raisonnablement probable que cette audience aidera à résoudre les questions soumises au tribunal.
[12] Dans R. v. Bains, au paragraphe 69, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique énonce ce qui suit sur ce même sujet :
There is no absolute right to a voir dire merely because an accused chooses to allege a Charter violation. An applicant must show that a voir dire is necessary and would assist the “proper trial of the real issues”.
[13] En l’espèce, le requérant a reçu divulgation des fruits de l’enquête menée par la Sûreté du Québec dans le projet Faufil. Il a également obtenu de très nombreux éléments émanant de la Commission qui ont été jugés pertinents pour un motif ou un autre. Les déclarations ou témoignages, publics ou privés, qui ont été rendus devant la Commission sur le sujet du Faubourg Contrecœur par différentes personnes font notamment partie des éléments divulgués. Les renseignements détenus par la Commission qui sont susceptibles d’affecter la crédibilité ou fiabilité de la preuve devant être produite au procès, incluant les témoignages, font également partie des éléments divulgués.
[14] Il est vrai que le concept de pertinence dépend toujours du contexte propre à chaque affaire. Il est également juste d’affirmer que dans le doute, le Tribunal doit toujours pencher en faveur de la divulgation des renseignements dont la pertinence est discutable.
[15] Cependant, le droit d’un accusé à la divulgation de la preuve comporte indubitablement des limites. Un accusé ne peut se fonder sur ce droit pour se lancer dans la proverbiale « partie de pêche » ou « recherche à l’aveuglette » de renseignements. Le droit à la divulgation de la preuve est une composante essentielle du droit à une défense pleine et entière. Il ne s’agit pas d’un droit permettant une inquisition sans limite sur l’organisme responsable d’une enquête, sur celui responsable d’une poursuite, ou sur un organisme distinct qui aurait analysé à des fins différentes une même trame factuelle.
[16] Bien que le requérant ait effectivement été contraint de témoigner devant la Commission, il est clair qu’il bénéficie présentement de la protection des articles 7 et 13 de la Charte relativement à l’utilisation que les autorités peuvent faire de son témoignage et de toute preuve dérivée. Il est également clair que le ministère public a l’intention de respecter ces deux garanties constitutionnelles et que la prétention du requérant à l’effet que des motifs obliques auraient alimenté la décision de la Commission de le faire témoigner est entièrement spéculative.
[17] Même en appliquant un seuil de preuve très minimal, rien n’étaye l’allégation du requérant à l’effet que les renseignements sollicités pourraient potentiellement être d’une quelconque pertinence. Le Comité de coordination mis en place en marge de la Commission n’avait pas pour fonction de recueillir quelque preuve que ce soit. Les notes personnelles que les procureurs du ministère public auraient prises dans le cadre des audiences publiques de la Commission sont, de toute évidence, non pertinentes. Et il en va de même des autres renseignements que sollicite le requérant par le biais de la présente requête.
[18] En somme, pour paraphraser la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Garrick, le requérant « [has] failed to meet the preliminary threshold contemplated by R. v. Kutynec ».
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