Malo c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2023 QCCS 3256
[35] En résumé, l’art. 490 du Code criminel comporte diverses dispositions qui prévoient que les choses saisies, qui ont été remises à un juge de paix ou qui ont fait l’objet d’un rapport à un juge de paix en application de l’art. 489.1, doivent être remises à leur propriétaire légitime à moins que leur détention ne soit nécessaire pour une enquête policière ou pour une éventuelle procédure judiciaire : par. 490 (1). La détention est d’une durée limitée – la période initiale de détention ne doit pas excéder 3 mois – mais peut faire l’objet d’ordonnances de prolongation compte tenu de la nature de l’enquête: par. 490 (2). Au-delà d’une période d’une année, le critère devient plus onéreux. Dès lors, la prolongation doit être justifiée compte tenu de la nature « complexe » de l’enquête : par. 490 (3); Brabant c. R., 2022 QCCS 3747. Cependant, si des procédures judiciaires sont engagées au cours desquelles les choses saisies peuvent être requises, la détention est continuée jusqu’au terme des procédures ou selon ce que décide le tribunal ayant juridiction : al. 490 (2) b), 490 (3) b); Canada (Attorney General). v. Taylor, 2011 NLCA 72, par. 47-48. Lorsque l’accusé est cité à procès, les choses saisies sont envoyées au greffier du tribunal devant lequel le procès se tiendra pour servir de preuve ou pour être autrement traitées selon la loi : par. 490 (4). Si aucune procédure n’est engagée à l’expiration des périodes de prolongation, les choses sont remises à leur propriétaire légitime ou sont confisquées en cas d’illégalité de la possession : 490 (5) (6) (7) et (9). Exceptionnellement, si le maintien de la détention cause un préjudice sérieux, les choses peuvent être remises à leur propriétaire légitime avant l’expiration du délai de détention : 490 (8). Mais, d’autre part, la détention peut encore être prolongée après l’expiration du délai si les intérêts de la justice le justifient : par. 490 (9.1).
[36] Ainsi, l’art. 490 concerne la gestion des biens saisis eu égard à leur utilité pour les fins d’une enquête policière ou d’une procédure judiciaire. Cet article ne confère aucun pouvoir de sanctionner autrement les abus de l’État, cela bien qu’il soit peut-être possible d’y joindre une demande en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (R. c. Raponi, 2004 CSC 50, par. 29-30; R. c. Quesnel, 2016 QCCS 6803, par. 22).
IV
[39] La détention des copies des documents électroniques de M. Malo doit être maintenue en application de l’art. 490 du Code criminel.
[40] Les copies des documents électroniques sont requises pour le procès de M. Malo dans l’affaire Quête au sens de l’al. 490 (3) b) du Code criminel. En effet, certains documents pourraient servir de preuve à charge et pourraient être autrement utiles pour établir l’authenticité, l’intégrité, ou la chaine de possession de la preuve. Les données informatiques pourraient aussi être pertinentes lors d’un éventuel débat sur la légalité des fouilles et des saisies. La notion de nécessité pour une procédure judiciaire est largement interprétée : R. c. Church of Scientology of Toronto, 1991 CanLII 11721, pp. 328-331.
[41] Ainsi, en ce qui concerne l’affaire Quête, les copies des documents électroniques sont maintenant sous le contrôle du tribunal qui présidera le procès dans cette affaire, en vertu du par. 490 (4) du Code criminel. Aucune autre ordonnance de prolongation n’est nécessaire à cet égard (Canada (Attorney General). v. Taylor, 2011 NLCA 72, par. 47-48).
[42] M. Malo objecte que la détention par l’État des copies de ses documents n’est plus autorisée en vertu de l’art. 490 du Code criminel, puisque l’enquête dans le dossier Pacte qui a donné lieu aux saisies est terminée et qu’aucune accusation n’a été portée dans cette affaire. Selon lui, la détention n’était permise que pour l’enquête initiale. L’idée centrale de son argumentation est que les diverses enquêtes policières doivent être séparées de manières étanches.
[43] Pourtant, le texte de l’art. 490 du Code criminel n’appuie pas une telle approche restrictive; au contraire, l’usage d’une chose saisie n’est pas limité à une poursuite criminelle découlant de l’enquête policière à l’occasion de laquelle la chose en question a été saisie. Notamment, les al. 490 (2) b) et 490 (3) b) indiquent que la détention est continuée si « des procédures ont été engagées au cours desquelles la chose détenue peut être requise ». L‘expression « des procédures » a une portée générale qui n’est pas restreinte à une accusation liée à l’enquête policière initiale. La logique et la pratique confirment cette interprétation. Il est souvent impossible de prévoir exactement quelle sera la nature exacte d’une chose saisie ou encore quelle sera son utilité précise. L’art. 490 n’a certainement pas pour effet d’imposer d’emblée des restrictions à cet égard.
[46] Encore ici, la détention n’a pas à être obligatoirement liée à l’enquête policière pour laquelle la saisie est survenue. Le par. 490 (1) traite de la détention « nécessaire aux fins d’une enquête, d’une enquête préliminaire, d’un procès ou de toute autre procédure ». L’expression « une enquête » a une portée générale qui n’est pas limitée à l’enquête policière d’origine.
[47] Ensuite, il y a lieu de maintenir l’ordonnance de garde sous scellés des copies miroirs des données saisies et des outils informatiques produits jusqu’au terme des procédures dans le dossier Quête ou jusqu’à ce que le tribunal dans cette affaire en décide autrement, selon les al. 490 (2) b) et 490 (3) b) et le par. 490 (4) du Code criminel.
[49] Bien entendu, la mise sous scellés n’a pas pour effet d’interdire l’utilisation légale des documents utiles qui ont été, par ailleurs, rendus accessibles aux autorités dans le cadre de la procédure de type Lavallée.