vendredi 8 novembre 2024

L' infraction doit être apparente pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances pour conclure qu'un suspect est « en train » de commettre une infraction aux fins du pouvoir d'arrestation citoyen

Jones c. R., 2005 NBBR 14

Lien vers la décision


[8]                                       Dans l’arrêt Roberge c. La Reine1983 CanLII 120 (CSC)[1983] 1 R.C.S. 312, la Cour a conclu en ces termes :

 

Le pouvoir d’arrestation attribué par cet alinéa doit être exercé promptement, bien que, strictement parlant, il soit impossible de dire si une infraction a été commise tant que la personne arrêtée n’a pas été déclarée coupable par les tribunaux. Si cette disposition doit être interprétée de cette façon, un agent de la paix ne pourrait jamais décider, lorsqu’il arrête une personne sans mandat, que la personne arrêtée est « en train de commettre une infraction criminelle ». À mon avis, le texte de l’al. b), qui est réduit à sa plus simple expression, signifie que le pouvoir d’arrêter sans mandat est accordé lorsque l’agent de la paix constate lui-même une situation où une personne est apparemment en train de commettre une infraction.

 

[9]                                       Par conséquent, « il faut […] que ce soit “apparent” aux yeux d’une personne raisonnable qui se trouve dans la situation du policier qui procède à l’arrestation à ce moment ».

 

[10]                                 En l’espèce, aurait-il été apparent pour une personne raisonnable que, vers minuit, la voiture conduite d’une manière aussi déconcertante que celle de M. Jones était conduite par un conducteur dont les facultés étaient affaiblies par l’effet de l’alcool? Cette question a été examinée dans R. c. Sirois[1999] J.Q. no 1079, décision de la Cour d’appel du QuébecDans cette affaire, des policiers militaires avaient arrêté l’appelant hors du territoire de leur base militaire. Par conséquent, ils agissaient comme simples citoyens et se sont fondés sur l’alinéa 494(1)a) du Code criminel. Les faits sont ainsi relatés :

 

9        Les faits incontestés démontrent qu’une personne a alerté les policiers militaires qui circulaient sur une route civile, leur signalant un véhicule qui venait tout juste de s’immobiliser, le conducteur semblant en état d’ébriété « dû à sa conduite ». Ils ont observé le véhicule qui s’est engagé sur la route et qui, sur un court trajet, a chevauché la ligne centrale à cinq reprises. C’est à ce moment, et ce malgré la formulation adoptée tant par les parties que leurs avocats dans les admissions de faits et les mémoires, qu’ils ont « arrêté » le conducteur. Après avoir constaté une odeur d’alcool et un langage incohérent, ils ont demandé à l’appelant de sortir de son véhicule, durant l’attente des policiers de la Sûreté municipale.

 

[. . .]

 

¶11      Dans ce contexte, il faut plutôt se demander si, compte tenu des renseignements obtenus d’un tiers quant à l’état du conducteur et des observations que le véhicule a zigzagué à cinq reprises sur une très courte distance, il pouvait être apparent (pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances) que l’appelant était en train de commettre l’infraction de conduire un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool?

 

[11]         Après avoir examiné les arrêts R. c. Biron1975 CanLII 13 (CSC)[1976] 2 R.C.S. 56, et Roberge (précité), la Cour a conclu :

 

¶13      Il n’est pas nécessaire qu’un citoyen qui procède à une arrestation selon l’al. 494(1)a) ait une connaissance personnelle de tous les éléments qui le mènent à sa conclusion que la personne est « en train » de commettre une infraction; il peut déduire, d’un ensemble de circonstances, qu’une personne est apparemment en train de commettre une infraction et cette infraction doit être apparente pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. De l’avis de la Cour, c’était le cas en l’espèce.

 

¶14      En conséquence, la conclusion s’impose que l’arrestation par les policiers militaires était légale. Comme l’était tout autant la détention de l’appelant qui en a résulté de même que la preuve recueillie par les agents de la paix mandés sur les lieux après l’arrestation, la déclaration de culpabilité est bien fondée.

 

[12]                                 Il est évident que, vers minuit, un conducteur, surtout celui qui possède les mêmes antécédents que ceux du caporal Starks, qui observe un véhicule venant en sens inverse chevaucher la ligne médiane pour se retrouver sur l’accotement, soupçonnerait que le conducteur a consommé de l’alcool. D’autres raisons pourraient expliquer pareil comportement, mais je suis d’avis que le caporal Stark a conclu à juste titre qu’une infraction était en train d’être « commise ». Ce serait apparent pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Les circonstances existaient pour que soit déclenchée l’application de l’alinéa 494(1)a) du Code criminel.

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