R. c. Verville, 1999 CanLII 13272 (QC CA)
Éléments constitutifs du crime de vol:
Selon l’appelant, l’un des éléments essentiels du crime de vol par conversion d’argent n’aurait pas été prouvé. En effet, s’il admet que l’argent de Constructions Verville lui a été remis, il nie l’avoir utilisé pour son usage personnel. Il affirme plutôt qu’il l’a dépensé au profit de la société commerciale. Donc, selon l’appelant, la Couronne n’a pas établi que l’argent a servi à son usage personnel.
J’estime que l’appelant a tort. Le juge de première instance a conclu que l’argent dérobé par l’appelant a servi à maintenir son niveau de vie. L’appelant n’a démontré aucune erreur dans cette conclusion de fait du juge de première instance qui permettrait l’intervention de notre Cour. D’ailleurs, le poursuivant n’avait pas le fardeau d’établir à quel usage précis l’appelant a consacré l’argent dérobé. En l’espèce, la preuve permettait de conclure, hors de tout doute raisonnable, que l’argent de Constructions Verville a été remis à l’appelant et que celui-ci ne l’a pas utilisé au bénéfice de Constructions Verville.
Dans un autre ordre d’idées, l’appelant invoque la défense d’apparence de droit pour justifier l’appropriation des biens de Constructions Verville. Cette défense repose sur «la croyance honnête dans un état de faits qui, s’il avait réellement existé, se justifierait en droit ou excuserait l’acte commis; il faut de plus que la croyance honnête soit erronée quant à un droit légal et non quant à un droit moral».([5])
À mon avis, cet argument ne pouvait être retenu, en l’espèce, parce que l’appelant n’a jamais prétendu que l’argent lui appartenait ni qu’il l’a pris parce qu’il croyait honnêtement qu’il était à lui. Sa défense consistait à dire qu’il n’avait pas volé l’argent de Constructions Verville, mais que l’argent avait servi à payer comptant ses fournisseurs, ses employés...
Absence de preuve de fraude à l’égard des créanciers de Constructions Verville
Les reproches formulés par l’appelant à ce chapitre sont de deux ordres: 1°) le juge de première instance aurait tenu compte des faits entourant la faillite de Constructions Verville contrairement à ce qu’il aurait affirmé durant le procès et 2°) la preuve n’aurait pas établi une fraude envers les créanciers.
Le juge de première instance était tenu de considérer tous les faits pertinents aux actes d’accusation dont la preuve était admissible, suivant les règles de preuve applicables. En l’espèce, il a simplement affirmé, à juste titre, qu’il n’était pas lié par le jugement de la Cour supérieure en matière de faillite ou encore par l’avis du syndic sur le caractère frauduleux ou non des agissements de l’appelant.
Par ailleurs, à l’égard de la suffisance de la preuve de la commission du crime de fraude, il y a lieu de rappeler les éléments constitutifs de cette infraction: l’actus reus sera établi par la preuve du moyen dolosif et de la privation qu’il a causée, soit une perte ou la mise en péril des intérêts pécuniaires de la victime; la mens rea de l’infraction est établie par la connaissance subjective de l’acte prohibé et du fait qu’il pourrait causer une privation de la victime.([6])
En l’espèce, le juge a tenu compte de deux éléments pour conclure à la culpabilité de l’appelant: la subtilisation de plus de 180 000 $ à Constructions Verville et la distraction de certains biens de l’actif de la faillite.
J’estime que c’est à juste titre que l’appelant a été reconnu coupable de fraude envers les créanciers de Constructions Verville. En effet, il a conçu un moyen dolosif qui a compromis les intérêts pécuniaires de l’entreprise dont il était propriétaire. En outre, même si l’appelant ne souhaitait pas la déconfiture de Constructions Verville, il savait qu’en ponctionnant les revenus de Constructions Verville, il mettait en péril ses intérêts pécuniaires et ceux de ses créanciers.
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