Crevier c. R., 2024 QCCA 445
[20] L’appelante soulève que la déclaration de l’une des victimes (G.V.) rapporte illégalement du ouï-dire, soit les propos d’une collègue (D.B.), et qu’elle n’est pas signée tout comme celle de M.H., ce qui serait un préalable essentiel à son admissibilité. Enfin, elle plaide que la déclaration de G.V., comme les deux autres d’ailleurs, ne lui a été communiquée que la journée où les observations sur la peine ont eu lieu, sans toutefois préciser le préjudice que cela lui aurait causé.
[21] En principe, le ouï-dire, comme tout autre élément d’information qui ne devrait pas se retrouver dans la déclaration, devrait être retranché : paragraphe 722(8) C.cr. Toutefois, le paragraphe 723(5) C.cr. autorise le ouï-dire crédible et fiable au stade de la détermination de la peine[11]. Un juge peut sommer la personne qui a eu une connaissance directe du fait, qui est normalement disponible pour comparaître et qui est contraignable, de témoigner si l’intérêt de la justice le requiert.
[22] Il est vrai que le dépôt de la déclaration sans le témoignage de la victime fait passer son contenu de ouï-dire à double ouï-dire si la déclaration rapporte les propos d’autres personnes. Cela peut devenir une difficulté qui pourrait exiger un ou des témoignages.
[23] Le fait qu’une déclaration ne soit pas signée est également un élément qui peut en affecter l’admissibilité puisque l’information qu’elle contient doit provenir, sauf dans les cas prévus au paragraphe 2.2(1) C.cr., de la victime elle-même. Il ne s’agit toutefois pas d’un obstacle dirimant et la preuve de son auteur peut être faite d’une autre façon. Encore une fois, l’intérêt de la justice pourrait aussi exiger que le déclarant soit appelé à témoigner.
[24] Enfin, on constate que les trois difficultés soulevées par l’appelante sont occasionnées par la pratique mal avisée de communiquer la déclaration uniquement au début de l’audience sur la peine. Dans ces conditions, le poursuivant peut plus difficilement se décharger de son devoir de s’assurer que la déclaration de la victime est conforme à ce qui est autorisé[12]. Cette pratique ne permet pas non plus à la défense de s’assurer de la présence des témoins utiles, y compris la victime elle-même, et d’ainsi préparer sa preuve en toute connaissance de cause.
[25] Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur des articles 722 et 722.1 C.cr., la déclaration de la victime devait être communiquée dès que possible ou sur demande, conformément à l’arrêt R. c. McAnespie, 1993 CanLII 50 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 501, citant R. c. Stinchcombe 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 326, 341. Or, laissant de côté le possible accroc constitutionnel, l’article 722 C.cr. a été modifié pour préciser que la déclaration est déposée auprès du tribunal et l’article 722.1 C.cr. précise qu’elle n’est communiquée qu’après la déclaration de culpabilité[13].
[26] Cela dit, pour éviter toute demande de remise pouvant découler de la lecture de la déclaration de la victime, il serait préférable que le juge, en vertu du paragraphe 722(2) C.cr. et de son obligation de s’enquérir si une telle déclaration est ou sera déposée, s’assure qu’elle est remise aux parties avant de fixer l’audience sur la peine. La proactivité du juge et des parties assurera qu’aucun délai évitable n’en résulte.
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