mercredi 12 juin 2013

L'interdiction de conduire imposée à des délinquants ayant commis l'infraction de conduite dangereuse causant la mort se situe généralement entre trois et cinq ans

Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980 (CanLII)

Lien vers la décision

[62] Un tour d'horizon des arrêts récents de la Cour en la matière montre que l'interdiction de conduire imposée à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires se situe généralement entre trois et cinq ans.

[63] Dans R. c. Roy, la Cour confirme la peine imposée en première instance à la suite d'une course de rue planifiée entre deux amis. L'accusé, qui détenait un permis probatoire, avait consommé de l'alcool. La victime a rapidement gagné la course. À son retour vers la municipalité d'où ils étaient partis, la victime, suivie de l'accusé, a fait une manœuvre dans un virage et heurté un poteau. Elle est décédée sur le coup. La victime était le principal responsable de son accident. L'accusé, un jeune homme sans antécédents, dans une relation amoureuse stable et avec un emploi stable, a écopé de 90 jours de prison discontinus, avec trois ans de probation et une interdiction de conduire de trois ans.

[64] Dans R. c. Perry, une affaire de conduite dangereuse causant la mort dans le cadre d'une course de rue en motocyclette, la peine imposée était une peine avec sursis de deux ans moins un jour, avec une interdiction de conduire subséquente de un an. La Cour infirme la peine en partie seulement et substitue à la peine avec sursis une peine de 23 mois ferme d'emprisonnement[20]. La période d'interdiction de conduire n'est pas remise en question en appel. Le jeune homme impliqué détenait une longue liste de facteurs aggravants : son permis était suspendu lors de la course, il avait un passager alors que cela lui était interdit, il avait de nombreuses infractions antérieures d'excès de vitesse et la course a entraîné une mort et des lésions chez deux autres personnes. Il n'avait cependant pas d'antécédents judiciaires, poursuivait des études au cégep et était propriétaire de sa propre entreprise de lavage de vitres.

[65] Par ailleurs, dans Fournier c. R., un dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme la peine de détention de trois ans et l'interdiction de conduire de trois ans pour la remplacer par une détention de 18 mois et une interdiction de conduire de deux ans. On a ainsi voulu éviter le pénitencier au jeune homme impliqué, favorisant sa réhabilitation, et ce, puisqu'il acceptait les conséquences de ses gestes et les regrettait sincèrement.

[66] Dans Paré c. R., une affaire de conduite avec facultés affaiblies et de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme les peines d'emprisonnement concurrentes de cinq et trois ans et les interdictions de conduire de dix et huit ans imposées par le premier juge. Elle y substitue des peines réduites de prison de trois ans et trente mois et des interdictions de conduire de six et cinq ans. L'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires, bénéficie d'un rapport présentenciel favorable, a un bon dossier de conduite, accepte la responsabilité de ses gestes, témoigne d'empathie envers la famille de la victime et exprime des remords sincères.

[67] Dans R. c. Fortin, un autre dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour confirme une peine de deux ans d'emprisonnement avec interdiction de conduire un véhicule moteur et révocation du permis de conduire pour trois ans. Le premier juge avait insisté sur l'importance de la dissuasion et de l'exemplarité à cause, entre autres, de la haute vitesse de l'appelant (215 km/h).

[68] Dans R. c. Montuori, l'accusé avait écopé de six mois d'emprisonnement et d'une probation de deux ans assortie d'une ordonnance lui interdisant de conduire un véhicule pour une durée de cinq ans à la suite d'une accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. En appel de la durée de l'interdiction de conduire, la Cour conclut qu'une période d'interdiction de cinq ans était justifiée puisque le délinquant avait un permis probatoire au moment de l'incident, qu'il circulait à une vitesse de 216 km/h dans une zone de 100 km/h et qu'il a tenté de fuir les policiers pour éviter son arrestation. Même si la durée de l'interdiction pouvait sembler longue, elle se devait de refléter la dissuasion générale et l'exemplarité nécessaires se rattachant aux circonstances de la commission de l'infraction.

[69] Dans Ferland c. R., la Cour confirme une peine pour conduite dangereuse causant la mort et conduite dangereuse causant des lésions de 3½ ans de détention et de trois ans d'interdiction de conduire. La peine était justifiée par la vitesse (160 km/h) dans des conditions de pluie intense, alors que l'accusé avait 32 ans et une condamnation antérieure pour conduite avec facultés affaiblies.

[70] Il y a quelques années, avant les amendements de 2006 j'en conviens, dans Olivier c. R., un cas de négligence criminelle ayant causé la mort de deux personnes à l'occasion d'une course de rue spontanée, la Cour maintient la peine d'emprisonnement de trois ans accompagnée d'une interdiction de conduire de cinq ans. Pour justifier une peine sévère, on a retenu les infractions antérieures de comportement dangereux sur la route, dont leur similitude et proximité avec la conduite reprochée.

[71] Je note de ces arrêts prononcés au cours des dernières années que, dans aucun cas, la période d'interdiction de conduire ne dépasse cinq ans lorsqu'il s'agit de conduite dangereuse causant la mort. En outre, dans tous ces cas, il est difficile de savoir s'il y a eu une longue période d'interdiction préalable au verdict et à la peine comme dans la situation de l'appelant.

[72] Il est vrai que, dans son exposé, le ministère public relève quelques arrêts rendus en Ontario et au Manitoba où les interdictions de conduire ont été de dix ans ou d'environ sept ans dans des cas de conduite dangereuse causant la mort.

[73] Cependant, d'une part, je note que ces exemples se démarquent de la jurisprudence de la Cour sur la question. D'autre part, je constate que, dans plusieurs de ces décisions, la longue période d'interdiction de conduire est consécutive à une peine d'emprisonnement plus courte que celle imposée ici par la juge.

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