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samedi 9 septembre 2017

La confiscation d'un bien infractionnel

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Lacasse, 2013 QCCQ 5302 (CanLII)

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[14]        L’article 490.41(3) du Code criminel stipule ce qui suit :
 […]
(3) Sous réserve d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 490.4(3), le tribunal peut ne pas ordonner la confiscation de tout ou partie de biens infractionnels confiscables en vertu des paragraphes 490.1(1) ou 490.2(2) et annuler toute ordonnance de blocage à l’égard de tout ou partie des biens, s’il est convaincu que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et, s’il y a lieu, au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction, selon le cas.
[15]        Ainsi, l’application de cette disposition exige une appréciation des faits, afin d’évaluer si la confiscation est démesurée dans les circonstances, par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction et au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction.
[16]        Récemment, dans l’arrêt Manning, la Cour suprême mentionne que le juge ne peut tenir compte des objectifs et des principes de détermination de la peine prévus aux articles 718 et  suivants du Code criminel, lors de l’analyse de la demande de confiscation.
[17]        Dans l’arrêt Craig, la Cour suprême, sous la plume de la juge Abella, déclare ce qui suit :
L’analyse relative à la confiscation constitue un volet distinct et indépendant de la période d’emprisonnement ou d’autres aspects de la peine.
La confiscation d’un bien infractionnel est régie uniquement par les principes énoncés à l’article 490.1 et 490.41(3) du Code criminel.
[18]        La conduite d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies constitue un fléau.
[19]        Depuis la décision de la Cour suprême, dans l’affaire Manning, les critères énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Neault doivent être réévalués.
[20]        En effet, la Cour suprême, dans sa décision, mentionne ce qui suit :
[7]             En outre, au vu du dossier dont nous disposons, nous ne sommes pas convaincus que la confiscation sollicitée par le ministère public était « démesurée », au sens où il faut entendre ce mot pour l’application du par. 490.41(3) du Code criminel.  En tirant une conclusion différente, le juge du procès a erronément mis l’accent sur la situation personnelle de M. Manning et n’a pas accordé, comme l’exige le par. 490.41(3), le poids voulu au casier judiciaire de ce dernier, notamment cinq déclarations de culpabilité à l’égard d’infractions relatives à la conduite sous l’effet de l’alcool et trois à l’égard de manquements à des ordonnances de probation ou à des engagements.
[21]        L’intimé a un casier judiciaire lourd.
[22]        Dans R. c. Bernard, mon collègue, le juge Gilles Charest, a ordonné la confiscation du véhicule d’un multirécidiviste qui comptait déjà sept condamnations à son actif pour conduite d’un véhicule en état d’ébriété ou avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite permise par la loi. Son véhicule, d’une valeur de $18,000.00 est libre de toute dette. L’accusé est rentier et âgé de 69 ans et a un revenu annuel de $17,500.00. Le juge a conclu que la confiscation n’était pas démesurée.
[23]        Dans R. c. Thiffault, ma collègue, la juge Guylaine Tremblay, a prononcé la confiscation d’un véhicule, en alléguant que dans le cas d’un récidiviste, la primauté du critère de dissuasion générale justifie une telle ordonnance. L’accusé, âgé de 48 ans, est entrepreneur en construction. Il a été condamné six fois pour conduite avec les facultés affaiblies ou une alcoolémie supérieure à la limite permise et une autre fois pour conduite dangereuse. De plus, il a été déclaré coupable à cinq reprises de conduite pendant interdiction et a commis trois bris de probation.
[24]        Dans R. c. Bergeron, mon collègue, Richard P. Daoust, a prononcé la confiscation du véhicule pour un multirécidiviste en matière de conduite de véhicule avec facultés affaiblies. Il en était à sa septième accusation.
[25]        En retenant l’enseignement de la Cour suprême et vu l’ampleur des antécédents judiciaires  de l’intimé, la Cour conclut que la demande de confiscation du véhicule est appropriée et non-démesurée.

Le « poivre de cayenne » n'est pas considéré comme une arme prohibée / amendement

R. c. Leblanc, 2012 QCCA 153 (CanLII)

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[3]         Il va de soi que « du poivre de cayenne » ne peut être considéré comme une arme prohibée. Seul un dispositif tel que décrit par le règlement peut l'être (voir art. 1, Partie 3 de l'Annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation retreinte).
[4]         Après avoir élaboré sur l'exigence d'un dispositif dans la description de l'infraction et sur le fait que la simple possession de poivre de cayenne ne saurait évidemment constituer une infraction[1], le juge s'exprime ainsi :
[51] Ici, il y a absence totale de preuve sur le dispositif dans l'acte d'accusation tel que porté. Dans l'arrêt Saunders, on précise qu'il existe un principe fondamental en droit criminel, que l'infraction précisée dans l'acte d'accusation doit être prouvée et qu'un jury, se dirigeant correctement en droit, ne pourrait pas raisonnablement arriver à un verdict de culpabilité si un élément essentiel fait défaut. Pour cette raison, la requête en non-lieu doit être accueillie.
[Nous soulignons.]
[5]         En d'autres mots, même en prouvant tous les éléments essentiels de l'infraction telle que décrite dans l'acte d'accusation, la poursuite ne pouvait obtenir une condamnation.
[6]         Il faut par ailleurs souligner que, quelques paragraphes auparavant, le juge avait conclu que la preuve paraissait suffisante au regard de l'existence d'une infraction :
[27] […] Ces armes prohibées que constituent ces bonbonnes de poivre de cayenne sont en vente libre.
[42] Ici, on peut inférer de la preuve que l'accusée est en possession d'une arme prohibée, soit un dispositif décrit et prohibé, et ce, dans le but d'en faire le trafic, littéralement pour en vendre […] ».
[7]         À notre avis, comme l'a décidé la Cour suprême dans R. c. Moore1988 CanLII 43 (CSC)[1988] 1 R.C.S. 1097, le juge ne pouvait accueillir la requête pour ce motif. En tenant compte des art. 581 et suivants, le juge devait amender le chef pour le rendre conforme à la preuve et aux exigences de la loi. En effet :
1) Il n'y avait aucun préjudice à modifier le chef, puisque les deux parties ont procédé sur la base d'une infraction reprochant la possession d'un dispositif prohibé et elles ont centré leurs arguments sur la question de l'intention (voir les arguments, p. 165 à 240 du mémoire de l'appelante).

2) Le renvoi à l'article 91 C.cr. est pertinent à l'analyse et peut pallier le défaut (paragr. 581(5) C.cr.).

3) Le Code criminel autorise spécifiquement un amendement si le chef « n'énonce pas quelque chose qui est nécessaire pour constituer l'infraction », si cette chose est révélée par la preuve (paragr. 601(3)b)i) C.cr.) et que l'accusé n'est pas lésé par la modification (paragr. 601(5) C.cr.).
[8]         Or, il n'y a pas ici absence totale de preuve au regard de l'infraction et de plusieurs pièces saisies au commerce de l'intimée, commerce spécialisé dans la vente de systèmes d'alarme[2]. À tout le moins, faudrait-il qu'un tribunal de première instance se penche sur la question.

Une croyance erronée à un droit constitutionnel ne constitue pas un moyen de défense

R. c. Sio, 2014 QCCA 2000 (CanLII)

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[2]         L'appelante soutient que le juge de la Cour supérieure a erré en considérant que le défaut d'obtempérer conditionnel de l'intimé, sa croyance erronée à un droit à l'assistance d'un avocat et ses changements d'intention pouvaient constituer des moyens de défense à l'encontre de l'accusation reprochée.
[3]         Dans les faits, l'intimé réclame à cinq reprises le droit de consulter un avocat avant de se soumettre à l'ordre de l'agent de la paix. À une occasion, il a fourni un échantillon insuffisant pour effectuer l'analyse appropriée et a, après son arrestation, supplié les policiers de lui administrer le test de dépistage.
[4]         À bon droit, les juges ont explicitement écarté le refus conditionnel de se soumettre et la croyance erronée à un droit constitutionnel comme pouvant constituer des moyens de défense à l’accusation.
[5]         Il appert qu’ils ont considéré toutes les circonstances pour déterminer si les éléments essentiels de l'infraction étaient prouvés hors de tout doute raisonnable. Les nombreux changements d'intention de l'intimé au cours de l'intervention policière ne sont pas soulevés, en l'espèce, en tant que moyen de défense ou d'excuse raisonnable, mais plutôt comme étant l'un des éléments factuels, parmi d'autres, permettant de déterminer l'intention criminelle et l’actus reus.

mercredi 16 août 2017

Comment la question du verdict déraisonnable est traitée par une cour d’appel

Savard c. R., 2016 QCCA 380 (CanLII)

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[26]        Le sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut admettre l’appel si le verdict de culpabilité est déraisonnable ou ne trouve pas appui dans la preuve. La Cour suprême, dans l’arrêt Corbett c. R. précise le sens qu’il faut donner à cette disposition :
[…] Comme on l’a déjà signalé, la question est de savoir si le verdict est déraisonnable, non s’il est injustifié. Le rôle de la Cour n’est pas de se substituer au jury mais de décider si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre.
[Je souligne]
[27]        Lorsque la question du verdict déraisonnable est posée à une cour d’appel, la juge Charron explique, dans l’arrêt R. c. Sinclair, que l’examen doit se faire en deux étapes lorsque la décision est rendue par un juge seul. Celles-ci sont exposées par l’auteur Tristan Desjardins de la façon suivante :
386. À l’occasion de ce même arrêt, la juge Charron a proposé une méthode pour procéder à l’examen que requiert le sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. Ce faisant, elle a suggéré l’application dans un premier temps du traditionnel critère issu des arrêts Yebes et Biniaris. Une cour d’appel appliquant ce critère devra, lors de la première étape, se poser la question suivante : «le verdict est-il l’un de ceux qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre au vu de l’ensemble de la preuve?» Si la réponse est positive, il faut passer à l’étape suivante en présence d’une décision rendue par un juge seul. Dans le cas contraire, le tribunal siégeant en appel doit accueillir le pourvoi et conclure à l’acquittement.
387. La deuxième étape de cette méthode consiste en l’application du critère de l’arrêt BeaudryAinsi, quoique le tribunal d’appel soit d’avis que le verdict puisse reposer sur la preuve, il doit examiner le caractère raisonnable de la décision rendue en première instance. Cette analyse s’effectue en évaluant les conclusions de fait et inférences tirées par le juge du procès. Pour intervenir, le tribunal d’appel qui s’adonne à cet examen doit conclure à la présence d’une erreur qui vicie le raisonnement ayant mené au verdict de culpabilité ou d’une «erreur véritable» provoquant une erreur judiciaire au sens du sous-alinéa 686(1)a)(iii). Lorsque le tribunal d’appel, au terme de son analyse, en arrive à la conclusion que le raisonnement emprunté en première instance est irrationnel ou incompatible avec la preuve au point de vicier la décision rendue, son intervention est justifiée.
[Je souligne – Références omises]
[28]        Par ailleurs, bien que le caractère raisonnable d’un verdict soit une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins demeure une question de fait. Lorsqu’une cour d’appel revoit celle-ci, pour établir si le verdict est déraisonnable, elle ne peut l’écarter que s’il est établi qu’elle ne peut s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve. La juge Deschamps, dans l’arrêt R. c. R.P., mentionne ceci :
[10]      Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).
[29]        En l’espèce, l’appréciation de la crédibilité des témoins est au centre de la décision du juge. La Cour doit donc faire preuve d’une grande déférence à cet égard. Dans l’arrêt R. c. Gagnon, les juges Bastarache et Abella écrivent :
   Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte. Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits. C’est pourquoi notre Cour a statué — la dernière fois dans l’arrêt H.L. — qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.

La Cour d’appel vient de confirmer que le défendeur doit être sous la surveillance continue des policiers au moins 20 minutes avant l’administration des tests afin de s’assurer d’être en mesure de faire la preuve que rien n’est intervenu avant l’administration des alcootests pouvant ainsi être faussés

Cyr-Langlois c. R., 2017 QCCA 1033 (CanLII)

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[64]        Or, en l'espèce, l'agent Boissonneault explique que l'utilisation correcte de l'appareil exige d'observer le sujet de l'analyse pendant 15 à 20 minutes avant de prélever un échantillon de son haleine afin d'écarter la possibilité que la présence d'alcool résiduel dans sa bouche vienne fausser les résultats de l'analyse. Cette façon de faire est conforme à ce qu'on lui a enseigné et à ce que recommande le Comité des analyses d'alcool (sous l'égide de la Société canadienne des sciences judiciaires), recommandations dont la juge Deschamps écrit dans St-Onge Lamoureux « [qu'elles] font bien ressortir les circonstances qui pourraient expliquer un mauvais fonctionnement ou une utilisation incorrecte de l'appareil ».
[65]        L'agent Boissonneault précise que la tâche d'observer l'appelant revenait ici à son collègue, l'agent Cousineau, puisque lui devait préparer l'appareil. Or, l'agent Cousineau n'a pas témoigné et l'agent Boissonneault était incapable, en toute franchise, de dire précisément comment l'observation de l'appelant par son collègue s'était déroulée.
[66]        Le juge du procès a conclu qu'il s'agissait là d'une preuve « tendant à démontrer » une utilisation incorrecte de l'appareil, suffisamment sérieuse, à son avis, pour mettre en doute la fiabilité des résultats. Il s'agit d'une appréciation de la preuve qui se défend et qui mérite déférence en appel.

La croyance d'un policier quant à l'acquisition de motifs raisonnables peut se fonder sur des renseignements reçus de tiers

Houle c. R., 2014 QCCS 222 (CanLII)

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[19]      Je ne crois pas que, subjectivement, ayant pris la décision de demander un échantillon de sang, la policière ait eu quelque doute sur l'existence de motifs raisonnables. La véritable question demeure de savoir si cette croyance subjective pouvait reposer objectivement sur les faits. Cela dit, même s'il avait été préférable que la policière témoigne explicitement sur ses motifs subjectifs, la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué que l’existence du critère subjectif peut parfois s’inférer. Tel est le cas ici.
[20]      Quant au caractère objectif des motifs, le juge doit considérer l'ensemble des circonstances, chaque fait s'influençant l'un l'autre pour former un portrait global de la situation et de l'infraction pour laquelle le policier intervient. Il ne fait pas de doute que la croyance d'un policier peut se fonder sur des renseignements reçus de tiers. Il ne fait pas de doute non plus que la conduite automobile anormale et les circonstances d'un accident sont des éléments pertinents.
[21]      Cela dit, les motifs d'arrestation ne sont pas un gage d'une poursuite réussie devant les tribunaux. Par conséquent, le policier n’a pas à se convaincre d’une preuve prima facie de la culpabilité du suspect; c’est un seuil trop élevé. Rappelons qu’à la base, une infraction à l'article 253 du Code criminel requiert la preuve de l'influence minimale de l'alcool sur les capacités de conduire une automobile.

Définition de ce que constitue la preuve dérivée

R. c. Stillman, [1997] 1 RCS 607, 1997 CanLII 384 (CSC)

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99               La «preuve dérivée» constitue une sous‑catégorie de la preuve obtenue en mobilisant l’accusé contre lui-même.  C’est une expression qui est souvent utilisée pour désigner ce qui constitue essentiellement une preuve «matérielle» obtenue en mobilisant l’accusé contre lui-même.  Elle implique une violation de la Charte qui permet de mobiliser l’accusé contre lui‑même (habituellement sous la forme d’une déclaration incriminante), et d’aboutir ensuite à la découverte d’un élément de preuve matérielle.  En d’autres termes, la déclaration obtenue illégalement de l’accusé en le mobilisant contre lui-même est la cause nécessaire de la découverte de la preuve matérielle.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La réoption n'est pas un événement imprévisible ou inévitable

R. v. Long, 2023 ONCA 679 Lien vers la décision [ 62 ]        I would also observe that the appellant re-elected a trial in the OCJ on Febru...