R. c. Otis, 2000 CanLII 11367 (QC C.A.)
[28] La règle traditionnelle du caractère libre et volontaire des aveux obtenus par des personnes en autorité, telle que définie dans l'arrêt Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599, mettait l'accent sur l'aspect coercitif des moyens utilisés par renvoi à des cas de déclarations obtenues dans l'espoir d'un avantage (une promesse) ou la crainte de préjudice (une menace), dispensés ou promis par une personne en autorité.
[29] Dans la mesure où ce test limitait le débat à l'examen objectif des moyens entrepris par les agents de l'État, la jurisprudence a par la suite étendu la règle afin de permettre de considérer l'effet de ces moyens sur l'état d'esprit de la personne qui passe aux aveux.
[30] Dans l'arrêt Hobbins c. La Reine, 1982 CanLII 46 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 553, suivant en cela les arrêts Ward c. La Reine, 1979 CanLII 14 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 30, et Horvath c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 276, la Cour suprême du Canada a reconnu la nécessité de considérer l'«état d'esprit» du sujet, soit les circonstances de l'obtention d'une déclaration qui peuvent créer une atmosphère d'oppression ou d'intimidation viciant le caractère volontaire d'une confession, même si, au sens traditionnel, aucune promesse ou menace n'émane des personnes en autorité. Toutefois, l'«oppression» doit être imputable aux agents de l'État.
[31] L'«oppression» s'entend de ce qui tend à miner, et ce qui mine en fait le libre arbitre qui doit caractériser un aveu «volontaire»: Les circonstances de l'interrogatoire, y compris l'heure, le lieu et sa durée, la fréquence des interrogatoires, le temps de repos accordé au sujet et son alimentation, la personnalité du sujet, constituent tous des éléments qui, parmi d'autres, peuvent être pris en considération pour déterminer un état d'oppression. Comme l'écrivait l'Honorable Fred Kaufman dans son traité sur les confessions, une conduite oppressive «is but a convenient phase to describe a variety of circumstances which put the volontary nature of a confession in doubt».
[32] Par ailleurs, la Cour suprême du Canada ne s'est pas limitée à l'examen de la légitimité de l'action policière dans la détermination de ce qui constitue un «état d'esprit conscient» («operating mind»). Déjà, dans l'arrêt Ward c. La Reine, supra, la Cour avait conclu que le juge du procès avait eu raison d'écarter la confession même si elle n'était pas attribuable à un acte des policiers. Il s'agissait d'une confession obtenue dans une autopatrouille d'une personne qui, après un accident de voiture, venait tout juste de reprendre conscience et était en état de choc: il restait à déterminer si, vu son état mental et physique, on pouvait vraiment reconnaître dans les aveux de cette personne les propos d'un «operating mind», traduit comme «un esprit totalement conscient».
[33] Ce concept devait finalement être précisé dans l'arrêt R. c. Whittle, 1994 CanLII 55 (C.S.C.), [1994] 2 R.C.S. 914. La Cour suprême a alors affirmé que l'état d'esprit conscient («operating mind») comporte un «élément psychologique limité selon lequel l'accusé doit avoir une capacité cognitive suffisante pour comprendre ce qu'il dit et ce qui est dit. Cela inclut la capacité de comprendre une mise en garde selon laquelle la déposition pourra être utilisée contre l'accusé». (p. 941). Ainsi, la question consiste à déterminer si le sujet est «en mesure psychologiquement de faire activement un choix», et ce indépendamment de la conduite du policier, («in the minimal sense that the suspect must possess the mental capacity to make an active choice…») (R. c. Hebert, 1990 CanLII 118 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 151).
[34] Comme dernier développement du droit pour décider du caractère libre et volontaire d'une confession, la jurisprudence a finalement reconnu aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d'écarter une confession si l'action de l'État porte atteinte à l'équité du procès et à l'intégrité du processus judiciaire: R. c. Hebert, supra, p. 182; R. c. Harrer, 1995 CanLII 70 (C.S.C.), [1995] 3 R.C.S 562. Dans Oickle, on a de nouveau affirmé que la règle des confessions met l'accent sur la protection des droits de l'accusé et l'équité du processus pénal (par. [69]). Cela dispose du contenu de la règle de common law qui traite du caractère libre et volontaire des confessions.
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