vendredi 18 septembre 2009

Manquement à une ordonnance de probation - excuse raisonnable

R. c. Campeau, 2008 QCCQ 9949 (CanLII)

[22] Tel que précisé précédemment, la Couronne a prouvé hors de tout doute l'actus reus et s'en remet aux faits de la cause pour que le juge en déduise l'intention criminelle de l'accusé.

[24] Est-ce que cette excuse est raisonnable?

[25] D'entrée de jeu, mentionnons que c'est à l'accusé que revient de présenter une preuve prépondérante (par prépondérance de probabilité) de cette excuse.

[26] Il s'opère alors, de par la loi, une sorte de renversement du fardeau de la preuve où l'accusé doit prouver par prépondérance que ses explications sont objectivement raisonnables.

[27] Notons par ailleurs, que les tribunaux ont toujours donné une définition étroite de l'excuse raisonnable, tel que le souligne les causes suivantes : R. c. Tremblay, R. c. Dupré; le texte d'incrimination de cet article (maintenant l'article 733.1), a été modifié, et on a substitué les mots « sans excuse raisonnable » au mot qu'on retrouvait naguère, qui était « volontairement ».

[28] En effet, dans l'arrêt Docherty c. La Reine, la Cour suprême avait interprété le mot « volontairement » comme exigeant que la Couronne prouve que le délinquant avait eu, en pleine conscience, l'intention d'omettre ou de refuser de se conformer à une ordonnance de probation.

[29] Le législateur avait dès lors estimé qu'il s'agissait d'un fardeau trop lourd pour la poursuite de prouver cet élément de mens rea; il a donc déplacé le fardeau de la preuve sur les épaules de l'accusé, l'obligeant à présenter des motifs l'exonérant.

[30] Le concept d'excuse raisonnable s'avère objectif et non subjectif. Il ne s'applique donc pas en fonction de la sincérité de celui qui présente l'excuse, mais en fonction de ce qui est objectivement raisonnable.

[31] En l'espèce, même si l'accusé est cru, le Tribunal doit estimer si les activités, gestes et les événements vécus par l'accusé lui permettent spécifiquement de se soustraire à l'obligation exigée par la Cour.

[32] Dans l'arrêt Aubut c. La Reine, la Cour d'appel du Québec interprète l'expression « excuse raisonnable » :

Dans Taraschuk c. La Reine, la Cour suprême du Canada a approuvé comme bien-fondé en droit, l'arrêt de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, dans R. c. Nadeau où l'on a expliqué le sens qu'il convenait de donner au terme « excuse raisonnable » de cet article :

[…] the reasonable excuse envisaged must be some circumstances which renders compliance with the demand either extremely difficult or likely to involve a substantial risk to the health of the person on whom the demand has been made […]

[33] Quant à l'objectivité du critère, la Cour d'appel ajoute :

Il se peut fort bien que l'excuse donnée par une personne soit sincère, mais le critère de la "raisonnabilité" ne doit pas s'apprécier en fonction de la sincérité de celui qui fournit l'excuse, mais en fonction de ce qui est objectivement raisonnable comme excuse.

[35] Dans l'arrêt Taraschuk c. La Reine, la Cour suprême avait indiqué que l'accusé avait à susciter un doute raisonnable, à partir d'éléments étrangers aux exigences légales stipulées. En somme, il ne faut pas que l'explication puisse être un faux prétexte pour défier l'application de la loi.

[36] Il faut que l'excuse raisonnable à l'omission ou au refus de payer le soit pour des motifs hors du contrôle de l'accusé ou des motifs qui ne lui permettent pas de vivre décemment :

[…] compliance with the demand either extremely difficult or likely to involve a substantial risk to the health of a person […]

[37] Le Tribunal ne peut permettre à l'accusé de se disculper de ce crime pour le simple motif qu'il n'a pas « simpliciter » d'argent : cette excuse serait trop facile et pourrait être invoquée par tous les accusés.

[38] Par exemple, l'excuse n'a pas été retenue comme raisonnable pour un délinquant assisté social et sans emploi qui a fait preuve de son indigence, mais qui aurait pu faire certains paiements s'il n'avait pas consommé d'alcool.

[39] De même, la Cour a condamné le délinquant qui devait restituer une somme de 639 $ et qui n'a pas fait d'effort pour trouver un emploi alors qu'il était apte au travail.

[40] Par contre, un accusé vivant dans une pauvreté indicible et n'ayant aucune possibilité raisonnable de trouver un emploi, a été acquitté d'avoir contrevenu aux prescriptions de l'article 733.1 du Code criminel.

[41] À l'analyse, nous considérons ici que la sincérité de l'accusé et surtout les explications qu'il donne sont empreintes de bon sens.

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