mardi 1 décembre 2009

La défense d'automatisme

R. c. D.N., 2009 QCCQ 6964 (CanLII)

[34] Dans la Collection de droit 2008-2009, volume 12, l'automatisme est ainsi défini :

Le corps est là, il bouge, mais l'esprit n'y est pas. Le corps est dissocié de l'esprit, c'est pourquoi on parlera souvent d'un état de dissociation. L'exemple le plus facile à comprendre, comme nous l'avons déjà mentionné, est le somnambulisme, où la personne bouge, parle et est même parfois capable de comportements complexes durant une longue période de temps, mais dont l'esprit n'a aucun contrôle sur ce que le corps fait. (p. 186)

[35] Une telle défense impose à l'accusé une procédure ainsi décrite à la page 187 :

L'accusé qui désire soumettre au juge des faits une défense d'automatisme doit donc se conformer à une procédure en deux étapes. La première étape consiste à convaincre le juge du droit qu'il s'est acquitté de sa charge de présentation quant à l'aspect involontaire de l'acte qui lui est reproché. Cette charge de présentation consiste à convaincre le juge qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury qui a reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a agi invo-lontairement. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'experts d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[36] L'auteure réfère à la décision rendue par la Cour suprême dans Stone, plus spécifiquement au paragraphe 187, dans lequel le juge Bastarache écrit :

Pour satisfaire à la charge de présentation ou d'établissement des fondements, une allégation de caractère involontaire appuyée d'une preuve psychiatrique est nécessaire dans tous les cas. Toutefois, cette charge exigera généralement plus qu'une allégation de caractère involontaire de la part de l'accusé, confirmée par une preuve d'expert que l'automatisme est plausible en supposant que les faits relatés à l'expert par l'accusé sont exacts et véridiques. […]

[37] La Cour d'appel dans l'affaire Boivin a eu l'occasion de revenir sur les règles lorsqu'une défense d'automatisme est présentée par l'accusé. Ainsi au paragraphe 21 :

Le droit présume que les gens agissent volontairement. Puisque la défense d'automatisme revient à prétendre qu'un acte n'était pas volontaire, c'est à l'accusé qui invoque cette défense qu'il incombe de repousser cette présomption du caractère volontaire de l'acte.

[38] Au paragraphe 23 :

Dans un premier temps, il est responsable d'une charge de présentation. À cette étape, l'accusé doit convaincre le juge du droit que la défense d'automatisme peut être soumise au juge des faits, en l'occurrence le jury.

[39] Finalement au paragraphe 24 :

L'accusé s'acquitte de cette charge de présentation s'il existe une preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de trancher raisonnablement la question de l'automatisme. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'expert, d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[40] Toutes les causes de jurisprudence soumises par les parties établissent clairement la nécessité de présenter une preuve d'expert pour étayer une défense d'automatisme.

[41] Dans la cause R. c. J.S., il s'agissait d'une accusation d'agression sexuelle et l'accusé plaidait l'automatisme, c'est-à-dire le somnambulisme. Le juge résume très bien au paragraphe 28, les tenants et aboutissants d'une telle défense :

Premièrement, la défense doit établir les fondements de l'automatisme en démontrant au juge du procès qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l'accusé a agi involontairement. Pour ce faire, la défense devra présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'un psychiatre et démontré [sic] d'autres facteurs pertinents tels : l'intensité de l'élément déclencheur, le témoignage corroborant d'observateurs; les antécédents médicaux corroborants d'états de dissociation apparentés à l'automatisme; la question de savoir s'il y a preuve de l'existence d'un mobile de crime et celle de savoir si la personne qui aurait déclenché l'état d'automatisme est également la victime de la violence qui en a résulté. Aucun facteur n'est déterminant à lui seul. Le juge du procès doit soupeser toute la preuve disponible dans chaque affaire.

[42] Plus récemment dans l'affaire Spence, se posait la question de la nécessité d'établir si la défense avançait réellement une défense d'automatisme. La poursuite affirmait que tel était le cas, alors que la défense avançait le doute sur l'actus reus et le fait accidentel lié au contexte.

[43] Au paragraphe 113, le juge écrit :

If the Crown fis correct, then this case has to be considered under the rubric of automatism as delineated by the Supreme Court of Canada in R. v. Stone 1999 CanLII 688 (S.C.C.), 1999 CanLII 688 (S.C.C), (1999) 134 C.C.C. (3d) 353. This would mean that the defendant would need to call medical evidence, and that both the evidentiary and the persuasive burdens would be on the defendant to rebut the presomption of volontariness, and establish involontary action on the balance of probabilities.

[44] La jurisprudence anglophone réfère à l'expression « sexsomnia », lorsqu'elle aborde une affaire d'agression sexuelle reliée à une défense d'automatisme.

[45] Au paragraphe 114 de la même affaire, le juge écrit :

The Crown relies upon the policy concerns enunciated in recent cases dealing with what legal and journalistic pundits have referred to as "sexsomnia" or sexual offences committed in a narcoleptic or somnambulistic state.

[46] Comme dans les deux causes citées, la présente affaire en est aussi une de sexsomnie et requiert de la part de la défense de satisfaire à son fardeau de présentation.

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