R. c. Doré, 2010 QCCQ 4568 (CanLII)
[55] L'arrêt de base dans l'interprétation du texte de l'article 264.1 (1) a) est la décision de la Cour suprême du Canada dans la Reine c. Clemente (1994, 2 R.C.S. 758). Le juge Cory, au nom de la Cour, résume ainsi les deux éléments de base, l'actus reus et la mens rea de ce crime:
« Sous le régime de la présente disposition, l'actus reus de l'infraction est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. La mens rea est l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. » (p. 763)
[56] Quant à la nature de la menace, elle doit être examinée de façon objective et dans le contexte de l'ensemble de la conversation dans lequel elle fut prononcée. Le juge Cory reprend les propos de la Cour dans R. c. McGraw, [1991] 3 R.C.S, pour expliquer la méthode d'analyse objective :
Alors, de quelle façon un tribunal devrait-il aborder cette question? La structure et le libellé de l'al. 264.1 (1) a) indiquent que la nature de la menace doit être examinée de façon objective; c'est-à-dire comme le ferait une personne raisonnable ordinaire. Les termes qui constitueraient une menace doivent être examinés en fonction de divers facteurs. Ils doivent être examinés de façon objective et dans le contexte de l'ensemble du texte ou de la conversation dans lequel ils s'inscrivent. De même, il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le destinataire de la menace. (p. 762 dans Clemente)
[57] En somme, la question à se poser est la suivante : est-ce que les paroles prononcées par un accusé constituent une menace de blessures graves pour une personne raisonnable?
[58] Pour le juge Cory, les paroles prononcées à la blague ou de manière telle qu'elles ne pouvaient être prises au sérieux ne pourraient mener une personne raisonnable à conclure qu'elles constituaient une menace.
[59] Lorsqu'il est évident qu'une menace ne peut être exécutée par son auteur, on peut inférer que celui-ci a lancé ces propos à la blague ou tout simplement que ses paroles ont dépassé sa pensée[17]. Selon le test objectif énoncé dans Clemente, ces propos ne constitueraient pas une menace de mort ou de blessures graves pour une personne raisonnable[18].
[60] Selon le texte de l'article 264.1, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que la menace soit proférée sciemment. Une menace est proférée sciemment lorsque son auteur a l'intention qu'elle soit perçue comme visant à intimider ou à être prise au sérieux. Dans l'arrêt Clemente, le juge Cory explique la méthode pour décider si une menace fut prononcée sciemment par un accusé:
[L]a question de savoir si l'accusé avait l'intention d'intimider ou si les termes qu'il a employés visaient à être pris au sérieux sera habituellement tranchée, en l'absence d'explication de la part de l'accusé, en fonction des mots utilisés, du contexte dans lequel ils s'inscrivent et de la personne à qui ils étaient destinés. (p.762)
[61] Le contexte dans lequel les mots menaçants sont exprimés peut susciter un doute quant à l'intention d'un accusé d'intimider. La cause de R. v. Dyckow, 1995 CanLII 4920 (QC C.A.), 1995 CanLII 4920 (QC C.A.) illustre bien ce principe. Dans cette cause, l'accusé, alors qu'il venait de consommer de l'alcool, entra au poste de police pour y déposer une plainte contre des policiers. Dans ce contexte, les policiers mirent alors l'appelant dehors. Enragé par cette expulsion, l'appelant aurait dit à un agent qui se trouvait alors à la porte du poste : « Je suis troisième dan en karaté, je vais te tuer. » À la suite de ces paroles, il fut ramené au poste, sans résistance et mis en état d'arrestation. Peu de temps après, l'appelant a offert ses excuses à l'agent en question. La Cour d'appel précise qu'ici, le contexte dans lequel les paroles ont été prononcées est très important. L'appelant a agi sous le coup de la colère et sous l'influence de l'alcool. Il a présenté ses excuses à deux reprises à la personne visée par les menaces et il n'y a aucune preuve que l'appelant a prononcé ces paroles en ayant l'intention d'être pris au sérieux. Considérant ceci, la Cour d'appel a annulé le jugement de première instance et a acquitté l'appelant.
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