mercredi 26 octobre 2011

L'urgence VS le mandat de perquisition

L'Espérance c. R., 2011 QCCA 237 (CanLII)

[29] On reconnaît qu'il y a urgence « s'il existe un risque imminent que les éléments de preuve soient perdus, enlevés, détruits ou qu'ils disparaissent si la fouille, la perquisition ou la saisie est retardée ». Il y a aussi urgence, par exemple lors d'une prise en chasse et quand une action immédiate est requise pour assurer la sécurité des policiers.

mardi 25 octobre 2011

Comment faire la preuve de la nature d'une drogue

R. v. O'Brien, 1987 CanLII 1162 (QC CA)

Lien vers la décision

Clearly, the certificate of analysis referred to in section 9 of the Narcotic Control Act is not the only possible evidence of the nature of a substance. The testimony of an arresting officer or other eye-witness may also, at least if he has some familiarity with narcotics, constitute such evidence: (références omises). The weight of all such other evidence is, of course, a matter for determination by the trial judge: R. c. Van Esch, ib

lundi 24 octobre 2011

Test pour déterminer si le service de sécurité de l'entreprise est une personne en autorité dans le cadre d'un voir-dire

Coulombe c. R., 2009 QCCQ 17410 (CanLII)

[14] De l’arrêt R. c. Hodgson, on comprend que l'accusé a le fardeau de démontrer qu’une personne, qui n’est pas un agent de la paix identifié comme tel, est une personne en autorité au sens de la règle des confessions. Ce fardeau est un fardeau de présentation et non de persuasion, c’est-à-dire que « [d]ans la très grande majorité des cas, l’accusé s’acquittera de ce fardeau de présentation en prouvant qu’il connaissait l’existence du lien entre la personne recevant la déclaration et la police ou les autorités chargées des poursuites. »

[15] La personne en autorité est celle qui participe officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé et il faut l'évaluer selon le point de vue de l'accusé, c.-à-d. un point de vue subjectif, lequel doit demeurer raisonnable eu égard aux circonstances dans lesquelles est faite la déclaration.

[16] Pour illustrer l'aspect subjectif, le juge Cory approuve l’arrêt R. c. Berger dans lequel on précise qu'il faut rechercher à savoir si l'accusé croit que la personne à qui il s'adresse a un pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires :

L’approche adoptée par le juge McIntyre (plus tard juge de notre Cour) dans R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357 (C.A.C.‑B.), aux pp. 385 et 386 constitue, à mon avis, un exposé clair du droit pertinent:

[traduction] Il est établi, en droit, que la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement. Le critère à appliquer pour décider si les déclarations faites à des personnes ayant de tels liens avec les poursuites judiciaires sont volontaires est subjectif. En d’autres mots, que pensait l’accusé? À qui croyait‑il parler? […] Avait‑il l’impression que s’il ne parlait pas à cette personne, qui avait le pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires, il en subirait un préjudice, ou croyait‑il qu’une déclaration lui permettrait d’obtenir un avantage ou une récompense? Si l’accusé n’avait pas une telle impression, la personne à laquelle la déclaration a été faite n’est pas considérée comme une personne en situation d’autorité et la déclaration est admissible.

[17] L’accusé doit croire raisonnablement à l’existence d’un lien de mandataire ou d’une collaboration étroite entre la personne recevant la déclaration et les policiers ou le ministère public, que la personne recevant la déclaration était un allié des autorités étatiques et pouvait influencer l’enquête ou les poursuites le visant.

[18] Qui plus est, dans l’arrêt R. c. Grandinetti, la juge Abella pour la Cour a expliqué l’aspect subjectif de la notion. Elle écrit:

La notion de « personne en situation d’autorité » est très subjective et repose sur la perception qu’a l’accusé de la personne à qui il fait la déclaration. Il faut se demander si, compte tenu de sa perception du pouvoir de son interlocuteur d’influencer la poursuite, l’accusé croyait qu’il subirait un préjudice s’il refusait de faire une déclaration ou qu’il bénéficierait d’un traitement favorable s’il parlait.

[19] Cela étant, dans l’arrêt Hodgson, le juge Cory rappelle aussi que « le simple fait [que l’employeur peut] exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire [de lui une personne] en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions ». L'accusé doit le croire et cette croyance doit être raisonnable. Le juge Cory écrit :

Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. Cette conception de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité reste inchangée.

[20] Finalement, si l'accusé ne peut pas faire la preuve qu'il connaissait ce lien, cela met un terme à l'analyse. Le juge Cory écrit:

La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) ou l’existence d’un lien étroit avec les autorités (comme dans le cas des personnes agissant pour le compte de l’État), l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser.

ANALYSE

[21] Sur la question de savoir si la règle des confessions doit s'appliquer à une situation, le test est rigoureux. Il est à la fois subjectif et objectif ce qui signifie que dans la quasi-totalité des cas, l’accusé doit témoigner. Cependant, il est possible que cette perception subjective puisse s’inférer de la preuve. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. La seule autorité de l’employeur sur l’employé ne suffit pas. C'est le lien entre l’employeur et l’État qui est déterminant.

[22] La preuve démontre que la rencontre avec le service de sécurité de l’entreprise s’est déroulée conformément aux règles établies par la convention collective. Rien ne permet de croire que cette procédure est extraordinaire. Au contraire, il est normal de penser que l’employeur souhaite interroger les employés qui ont été en contact avec la disparition d’un sac contenant 233 000$. L’employé lui-même n’a aucune raison de s’en étonner et rien dans la preuve indique ou permet d’inférer que le contexte était étonnant ou anormal pour M. Coulombe.

[24] Le point focal est sur ce que la personne croit et non sur ce que la preuve révèle quant aux véritables objectifs de la personne qui recueille la déclaration. Ainsi, comme l’a rappelé la Cour suprême dans R. c. Grandinetti, un policier agent double dont le statut est inconnu de l'accusé n’est pas, sauf circonstances exceptionnelles, une personne en situation d’autorité à son égard. Ce n’est pas la qualité de la personne qui détermine si elle est une personne en autorité, mais la connaissance de cette qualité par l’accusé.

[25] Rien dans la preuve présentée dans le voir dire permet de conclure qu‘objectivement les enquêteurs de l’employeur étaient des alliés de l’État dans le sens décrit par la Cour suprême et rien ne permet d’inférer que M. Coulombe croyait raisonnablement que c’était le cas.

vendredi 21 octobre 2011

Ce qu'est l'affaiblissement de la capacité de conduire par l'alcool ou une drogue

R. c. Lafleur, 2005 CanLII 30739 (QC CQ)

[121] Il s'agit de la diminution à la fois des facultés intellectuelles et de l'habilité physique.

[122] Le Code criminel ne définit pas l'affaiblissement des capacités et les tribunaux doivent se mettre en garde d'assumer ou d'appliquer une tolérance qui n'existe pas en droit.

R. c. Campbell [1991] 26 M.V.R. (2d) 319, C.A. I.P.E.

[123] Cet affaiblissement n'a pas à être majeur.

R. c. Stellato 1994 CanLII 94 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 478 confirmant l'opinion du juge Labrosse de la Cour d'appel de l'Ontario 1993 CanLII 3375 (ON CA), [1993] 18 C.R. (4d) 127 :

«If there is sufficient evidence before the Court to prove that the accused's ability to drive was even slightly impaired by alcohol, the Judge must find him guilty.»

[124] Il ne s'agit pas d'un affaiblissement marqué comme l'avait affirmé la Cour du district d'Alberta dans R. c. McKenzie [1955] 111 C.C.C., 317, mais plutôt:

«… la preuve faite que les facultés de conduire un véhicule automobile pour un accusé étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue, et pas davantage»

Aubé c. R. J.E. 93-1679, C.A. Québec, juge Chouinard

et

«non pas un affaiblissement marqué»

R. c. Laprise [1997] 113 C.C.C. (3d) 8 C.A. Québec

[125] Il doit s'agir d'un affaiblissement des facultés de conduire un véhicule et non pas d'un affaiblissement des facultés.

«Every time a person has a drink, his or her ability to drive is not necessarily impaired. It may well be that one drink would impair one's ability to do brain surgery, or one's ability to thread a needle. The question is not whether the individual's functional ability is impaired to any degree. The question is whether the person's ability to drive is impaired to any degree by alcohol or a drug.»

R. c. Andrews 1996 CanLII 6628 (AB CA), [1996] 104 C.C.C. (3d) 392

[126] La preuve de l'affaiblissement des facultés peut se faire par les observations des policiers, des témoins oculaires sur la conduite d'un véhicule par l'accusé, sur l'odeur d'alcool décelée, sur la qualité du langage, sur la démarche, sur l'état des yeux, sur le niveau de compréhension des demandes simples, sur la motricité.

[127] À ce niveau, l'opinion tant du policier que d'un témoin ordinaire est admissible quant à la capacité affaiblie par l'alcool d'une personne au volant d'un véhicule. La première ne doit pas recevoir un traitement spécial, il s'agit d'une question de fait appartenant au juge qui a le loisir d'y ajouter foi en totalité, en partie ou de rejeter ces opinions.

R. c. Graat 1982 CanLII 33 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 819.

[128] Elle peut aussi être complétée par un test d'haleine ou de sang mais le résultat doit être interprété par un expert, car le tribunal n'a pas de connaissance judiciaire que ce résultat implique une capacité de conduire affaiblie par l'alcool.

R. c. Laprise, précité

et Thomas c. R. 1991 CanLII 3293 (QC CA), [1992] R.L. 318, C.A. Québec

[129] La conduite erratique d'un véhicule, cependant, n'est pas un élément essentiel de la conduite avec facultés affaiblies.

R. c. Faucher, 22 avril 1991, no. 200-10-000224-886, C.A. Québec

L'Alliance pour l'excellence en juricomptabilité - Guide juricomptable et grille de compétence

http://www.icca.ca/developpment-de-carriere/la-specialisation-des-ca/juricomptabilite-ca-ejc/item1777.aspx

Grille de compétences en juricomptabilité

http://www.utoronto.ca/difa/PDF/IFA_CompMap_Fre.pdf

Une démonstration que les facultés sont le moindrement affaiblies suffit pour prouver l'offense de conduite avec facultés affaiblies

R. c. Boisvert, 2011 QCCA 886 (CanLII)

[17] J'ajoute qu'en droit une démonstration que les facultés sont le moindrement affaiblies suffit pour prouver l'offense de conduite avec facultés affaiblies (R. v. Stellato, [1993] O.J. No. 18 (C.A.) conf. R. v. Stellato, 1994 CanLII 94 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 478) et qu'une fois la conduite avec facultés affaiblies prouvée, le fardeau du ministère public se limite à « établir que l'état de l'accusé a contribué au moindre degré au décès » (R. c. Laprise, J.E. 97-65 (C.A.), par. 15). Le ministère public n'a pas à démontrer que la conduite avec facultés affaiblies est la seule cause du décès. Dans l'arrêt Laprise, il est dit :

16 Toutefois, comme le mentionne le juge de première instance, la seule preuve que les capacités de conduire du conducteur sont affaiblies ne suffit habituellement pas à établir le lien de causalité [...]

17 Par conséquent, le ministère public doit prouver, par exemple, une conduite inhabituelle de la part de l'accusé ou, par le témoignage d'un expert, que son état d'intoxication a pu contribuer, de façon plus que mineure, à la mort de la victime. L'absence d'explication, de la part de l'accusé, peut également inférer que son état d'ébriété a contribué, hors de tout doute raisonnable, à la mort de la victime.

Les principes directeurs qui se dégagent de la jurisprudence au sujet de l'infraction de conduire avec les capacités affaiblies

R. c. Bouchard, 2011 QCCQ 2145 (CanLII)

[122] Ce que vise l'article 253a) du Code criminel, c'est un affaiblissement même léger de la capacité de conduire un véhicule à moteur. Cette preuve doit évidemment être établie hors de tout doute raisonnable.

[123] À propos de la preuve de l'affaiblissement de la capacité de conduire un véhicule à moteur, la Cour d'appel, dans l'arrêt Laprise, écrit ce qui suit :

« L'affaiblissement des facultés de conduire s'entend généralement de l'altération du jugement et de la diminution de l'habilité physique. Mais pour tomber sous le coup de l'alinéa 253a) C. cr., cet affaiblissement n'a pas à atteindre un degré particulier :

Le fardeau de la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable est rempli lorsque la preuve est faite que les facultés de conduire un véhicule automobile étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue, et pas davantage. En effet, ce que le législateur exige dans l'article 253a) c'est de reconnaître un affaiblissement de la capacité de conduire, mais non pas un affaiblissement "marqué".

Pour établir que le conducteur avait les facultés affaiblies, la poursuite dispose de moyens de preuve très variés. Tout d'abord, elle peut mettre en preuve, par le témoignage d'un policier ou de toute autre personne, les caractéristiques de la conduite de l'accusé. Cet état peut également se déduire de constatations usuelles, comme l'odeur de l'alcool, la démarche chancelante ou les yeux vitreux. Une telle démonstration peut aussi être faite au moyen du résultat d'un test d'haleine, d'urine ou de sang. Toutefois, si un tel résultat peut corroborer les observations d'un policier quant à la cause de la diminution des capacités de conduire, il ne permet pas à lui seul de déduire la quantité d'alcool consommée ni ses effets, sauf si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire de ces faits. Enfin, d'autres tests, tels que la capacité de marcher sur une ligne blanche, permettent parfois d'inférer que le conducteur avait les facultés affaiblies ».

[124] Dans l'arrêt Faucher, la Cour d'appel du Québec précise que la preuve d'une conduite erratique ou anormale n'est pas exigée. Ainsi, à propos de la preuve d'une conduite anormale, la Cour d'appel s'exprime de la façon suivante :

« Celle-ci n'est pas un élément constitutif de l'infraction. La poursuite a la charge de démontrer que la capacité de conduire avait été diminuée. La preuve d'une conduite aberrante ou non conforme aux règles ou à la manière habituelle de conduire un véhicule automobile n'est ni un élément constitutif de l'infraction ni un élément déterminant dans l'appréciation de la preuve. Celle-ci peut être faite par tout moyen qui permet de conclure que la réduction de la capacité de conduire, qui est l'élément constitutif de l'infraction, a été établie conformément aux normes de la preuve pénale (voir notamment R. Polturak, (1988) 9 M.V.R. (2d), p. 89 (Alb. C.A.); Beals c. R., (1956) 117 C.C.C., p. 22 (N.S.S.C.); R. c. Jean, (1972) C.A. 359)."

[125] Aussi, dans l'arrêt Aubé, la Cour d'appel du Québec s'exprime ainsi :

« Ce n'est qu'exceptionnellement que l'état de boisson d'un conducteur se prouve autrement que par une preuve circonstancielle, comprenant un certain nombre de manifestations physique distinctes touchant l'apparence de l'individu, sa façon de parler et de marcher, soit des manifestations anormales qui, à défaut d'explication ou de justification, permettent l'inférence certaine d'un affaiblissement de la capacité de conduire par l'alcool ou une drogue ».

[126] Évidemment, la preuve équivoque d'un comportement qui présente certaines caractéristiques de capacités affaiblies pourra s'avérer insuffisante, telle que nous l'enseigne la Cour d'appel d'Alberta dans l'arrêt Andrews.

[127] À noter que la quantité d'alcool consommée n'est pas un élément d'infraction, quoiqu'elle peut comporter un intérêt certain.

[128] Dans une décision récente rendue le 18 novembre 2010, Mme la juge Micheline Paradis, dans l'affaire La Reine c. Julie Paradis, résume bien les principes directeurs qui se dégagent de la jurisprudence :

« Quant à la preuve de facultés affaiblies :

1.- Celle-ci doit être faite hors de tout doute raisonnable;

2. Le ministère Public n'a pas à établir un degré quelconque d'affaiblissement de la capacité de conduire par l'effet de l'alcool; il n'a pas à établir que cet affaiblissement était marqué;

3. Il est habituel qu'une preuve de facultés affaiblies se démontre à l'aide d'une preuve circonstancielle, comme le rappelait la Cour d'appel.

C'est ainsi qu'une telle preuve peut se référer notamment à des manifestations physiques relatives à l'apparence de l'individu, son élocution, sa démarche ou toute autre situation anormale qui permet, à défaut d'explication ou de justification crédible, de conclure à l'affaiblissement de la capacité de conduire par l'effet de l'alcool ou de la drogue.

4.- Les résultats de tests sanguins permettent également, « si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés », de corroborer les observations des témoins, policiers ou autres. »

[129] En somme, comme le souligne à bon droit M. le juge Martin Vauclair, Cour du Québec (maintenant Cour supérieure), dans l'affaire La Reine c. Ibanescu, « le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'habilité de conduire de l'accusé est affaiblie, même légèrement, par l'alcool ou une drogue, la question n'est pas de savoir si l'habilité générale d'une personne est affaiblie ».

Le lien de causalité requis concernant l'accusation de conduite capacités affaiblies causant lésions / mort

R. c. Bouchard, 2011 QCCQ 2145 (CanLII)

[182] La Couronne doit établir un lien de causalité en prouvant hors de tout doute raisonnable que l'affaissement des facultés de l'accusé par l'effet de l'alcool a contribué de façon plus que mineure aux lésions corporelles subies par la victime.

[183] Quant au lien de causalité, la Cour d'appel dans l'arrêt de principe R. c. Laprise établit les normes requises :

« Quant au lien de causalité :

1. Le poursuivant doit prouver que l'état d'intoxication de l'accusé a contribué de façon plus que mineure aux lésions corporelles subies par la victime pour établir le lien de causalité.

2. La poursuite n'a pas à établir que l'affaiblissement des facultés de l'accusée est la seule cause de l'accident ayant causé des blessures à la victime mais bien que l'intoxication est l'une des causes de l'accident ».

[184] En somme, « la poursuite doit, dans le cadre d'une accusation de conduite avec les capacités affaiblies par l'effet de l'alcool, établir un lien de causalité entre une intoxication et les lésions corporelles qui va au-delà d'un lien minimum et qui indique que l'intoxication est une des causes qui a contribué à l'accident »

[185] « Le degré d'intoxication a une importance à ce niveau », comme nous l'enseigne la jurisprudence.

[186] C'est en ce sens que la Cour d'appel, dans l'arrêt Laprise, écrit avec justesse ceci :

« Deuxièmement, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'évaluer avec précision le degré d'intoxication d'un accusé lorsqu'on se penche sur l'infraction de conduite avec facultés affaiblies, cette question acquiert une importance primordiale lors de l'étude du lien de causalité, le degré d'intoxication ayant un effet sur les fonctions intellectuelles, sensorielles et motrices. D'ailleurs, la jurisprudence reconnaît qu'à cette étape, c'est l'ensemble des circonstances qui doit être pris en considération. Et parmi ces circonstances, les effets de l'intoxication peuvent jouer un rôle important ».

[187] Dans R. c. Cournoyer, M. le juge Guy Lambert de la Cour du Québec réfère au paragraphe 89 de sa décision à la cause La Reine c. Éric Martin, présidée par le juge Normand Bonin à Amos le 26 novembre 2004 :

[38] "Une jurisprudence constante sur l'accusation de facultés affaiblies causant la mort suggère la nécessité pour la poursuite de prouver un lien de causalité plus que minime entre la capacité de conduire de l'accusé et l'accident qui a causé la mort d'un individu."

"Il est clairement établi, qu'en matière de facultés affaiblies causant la mort, il suffit d'établir que l'état de l'accusé a contribué au moindre degré au décès. Ainsi la Couronne n'a pas à démontrer que la diminution de la capacité de l'accusé est la seule cause de la mort ou des blessures de la victime. »

(…)

"Par conséquent le Ministère public doit prouver par exemple, une conduite inhabituelle de la part de l'accusé ou, par le témoignage d'un expert, que son état d'intoxication a pu contribuer, de façon plus que mineure, à la mort de la victime. L'absence d'explication, de la part de l'accusé, peut également inférer que son état d'ébriété a contribué, hors de tout doute raisonnable, à la mort de la victime."

mercredi 19 octobre 2011

L'extorsion VS rapporter aux médias l’existence d’une poursuite civile

Sigouin c. R., 2007 QCCA 1823 (CanLII)

[1] L’appelante soumet que le fait de menacer de rapporter aux médias l’existence d’une poursuite civile ne constitue pas une infraction au Code criminel, et ce conformément au paragraphe (2) de l’article 346 C.cr.

[2] Bien que certains commentaires de l’appelante puissent être interprétés comme référant à la publicité d’un éventuel procès civil, la vaste majorité de ses propos relatifs aux médias constituaient plutôt des menaces de dévoiler publiquement les événements entourant le présumé «viol» si la victime refusait de régler à l’amiable. C’est d’ailleurs ce que l’appelante a elle-même avoué candidement à l’occasion de son interrogatoire au procès :

Q. Okay. Mais dans ce document-là [la transcription de la conversation téléphonique], là, à plusieurs places vous parlez de journal, télévision.

Vous voulez dire quoi avec ça ?

R. C’était juste des menaces que je faisais. C’était pas sérieux.

[3] L’appelante a sans équivoque tenté de soutirer de l’argent à un homme fortuné en usant de menaces et de fausses accusations. En fait, la menace d’intenter un procès civil n’était qu’un prétexte pour justifier sa demande, puisque l’appelante n’a jamais eu l’intention de donner suite à la mise en demeure; et elle n’a d’ailleurs jamais intenté de recours civil.

Le lien entre la menace et le dessein doit être prouvé pour obtenir condamnation relativement à l'infraction d'intimidation

R. c. Lavoie, 2011 QCCQ 10506 (CanLII)

[47] L'intimidation comporte une exigence de menace, de violence dans le dessein précis d'empêcher quelqu'un d'accomplir une chose qu'elle a légalement le droit de faire ou de le forcer à faire quelque chose qu'il a légalement le droit de ne pas faire. Le lien entre la menace et le dessein doit être prouvé.

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime

R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 RCS 353

[38] Il se peut qu’au cours d’une enquête sur un accident ou un crime, des policiers posent, sans le savoir, des questions à une personne qui est impliquée dans l’incident et qui, par conséquent, risque de s’incriminer. Ils ne sont pas pour autant empêchés de continuer à interroger cette personne dans le cadre de leur enquête. L’article 9 de la Charte n’oblige pas les policiers à s’abstenir d’interagir avec les membres du public tant qu’ils n’ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d’un crime. L’article 10 n’oblige pas non plus les policiers à informer d’emblée toute personne de son droit de garder le silence et d’avoir recours à l’assistance d’un avocat.

lundi 17 octobre 2011

Revue de la jurisprudence sur la garde et contrôle et illustrations jurisprudentielles de ce qui la constitue

Desaulniers c. R., 2011 QCCS 5282 (CanLII)

[40] Tout comme l'infraction de conduite avec les facultés affaiblies, celle de garde et de contrôle nécessite la preuve de l'actus reus et de la mens rea.

[41] Le ministère public doit aussi démontrer que l'accusé assume non seulement la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés sont affaiblies, mais qu'il avait l'intention d'exercer une telle garde ou contrôle.

[42] Ce principe fut clairement établi par la Cour suprême dans l'arrêt Toews :

« […]

La mens rea de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies est l'intention de conduire un véhicule à moteur après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à conduire alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire. De même, la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire.

[…] »

[43] Comme le souligne à juste titre le juge de première instance, la notion de « garde et de contrôle » a fait l'objet de nombreux jugements.

[44] L'analyse de la jurisprudence nous enseigne que cette notion doit être évaluée sous l'angle du risque ou du danger que représente la personne qui exerce la garde ou le contrôle du véhicule automobile alors que ses capacités sont affaiblies. Chaque affaire doit être décidée selon les faits qui lui sont propres.

[45] La jurisprudence applique ainsi les principes énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Toews précité :

« […]

Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.

[…] »

[46] À titre illustratif, la jurisprudence a déjà établi qu'une personne représente un risque ou un danger dans les situations suivantes :

➢ elle dort dans son véhicule et elle possède les moyens et la capacité de le déplacer;

➢ elle manie le volant de son véhicule alors qu'une dépanneuse s’affaire à le tirer hors du fossé;

➢ elle fait venir une dépanneuse pour dégager son véhicule et elle peut reprendre le volant;

➢ elle attend la dépanneuse à l’extérieur du véhicule, avec les clés dans ses poches;

➢ elle se retrouve à côté de son véhicule embourbé et autorise une dépanneuse à l’extirper;

➢ elle incite des tiers à tenter de dégager son véhicule embourbé.

[47] Par ailleurs, le paragraphe 258 (1)a) C.cr établit une présomption à l'effet que la personne qui occupe la position ordinairement occupée par celui qui conduit un véhicule à moteur est réputée en avoir la garde et le contrôle. Cet article se lit ainsi :

(...)

[48] Pour repousser cette présomption, la personne qui occupait le siège du conducteur doit démontrer, au moyen d'une preuve prépondérante, qu'elle n'entendait pas mettre le véhicule en mouvement.

[49] À ce sujet, voici ce que le juge Robertson, de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick écrit dans l'arrêt R. c. Mallery :

« […]

Il va sans dire qu’il s’agit là d’un cadre général. Bien que l’intention de conduire (de mettre le véhicule en mouvement) ne soit pas un élément essentiel de l’infraction, si cette intention est prouvée, elle peut donner lieu à une déclaration de culpabilité. À cet égard, le ministère public a la possibilité d’invoquer la présomption énoncée à l’al. 258(1)a) du Code criminel. S’il est établi que l’accusé occupait la place du conducteur, c’est à l’accusé qu’il incombe d’établir, par prépondérance de la preuve, que ce n’était pas dans le but de mettre le véhicule en mouvement. L’accusé qui ne réussit pas à réfuter cette présomption sera réputé avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule et, sous réserve des autres moyens de défense susceptibles d’être invoqués, une déclaration de culpabilité suivra. De plus, l’omission de réfuter la présomption a pour effet, en droit, de dispenser la Cour de la nécessité de s’interroger sur l’existence d’un danger. Si, toutefois, l’accusé réfute la présomption, le ministère public a néanmoins le droit d’établir qu’il y a « réellement » eu garde ou contrôle en prouvant qu’il existait un risque que le véhicule soit involontairement mis en mouvement ou qu’un danger immédiat pour la sécurité publique soit créé d’une autre façon (voir les affaires Decker et Hannemann). Lorsqu’il applique ce cadre général, le juge du procès doit tenir compte de l’ensemble des circonstances qui ont précédé l’intervention, habituellement celle des policiers. Surtout, il n’est pas permis au juge du procès d’isoler certains faits et d’estimer que ces faits sont suffisants aux fins d’établir l’existence d’un risque pour la sécurité publique. Une dernière chose. En ce qui concerne les instances où l’accusé « cuvait son alcool », les arguments relatifs au « changement d’avis » et à l’existence d’un « plan bien arrêté » sont parfois invoqués et pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer si la présomption législative a été réfutée (par exemple dans l’affaire Hannemann). Dans d’autres instances, le juge du procès peut examiner ces arguments après avoir tout d’abord statué que l’accusé a réfuté la présomption selon laquelle il avait l’intention de conduire. Dans l’un et l’autre cas, le résultat devrait être le même. »

[…] »

lundi 10 octobre 2011

Les exigences de la preuve d'identification en matière sommaire

R. c. Rozon, 2011 QCCQ 3902 (CanLII)

[17] Examinant les exigences de la preuve d'identification en matière sommaire, le juge Desjardins de la Cour supérieure, dans l'affaire R. c. Boivin, résumait ainsi la jurisprudence pertinente:

[6] La preuve de l’identification d’un prévenu n’exige pas nécessairement qu’il soit pointé du doigt à l’audience (R. c. Fortin, 1988, J.Q. no 935). L’article 803(2)a) du Code criminel confirme cet énoncé en permettant à la Cour des poursuites sommaires de procéder ex parte, en l’absence du défendeur, aussi complètement et effectivement que s’il avait comparu.

[7] En droit, l’identification peut être faite en ayant recours aux moyens de preuve ordinaire, dont celui fondé sur les présomptions de fait (Ford c. R. (1982) 1 R.C.S. p. 231 (p. 236).

[8] L’arrêt unanime rendu par la Cour d’Appel du Québec dans l’affaire Benoît Perrin c. Ville de Pincourt, 12 décembre 1994, est à cet effet :

« Bien qu’il appartienne à la poursuite d’établir hors de tout doute raisonnable l’identité de l’accusé, elle n’est pas limitée dans le choix des modes de preuve et rien ne s’oppose à ce qu’elle prouve cet élément constitutif de l’infraction autrement que par l’identification visuelle lors du procès.

[…]

Le rapport d’infraction pouvant tenir lieu du témoignage du policier, si ce dernier atteste sur le rapport d’infraction qu’il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés. Il s’agit d’un mode de preuve additionnelle ; en d’autres mots, le fait que le policier témoigne ne justifie pas le juge des faits d’ignorer la preuve que constitue le rapport d’infraction. » (juge Chamberland)

[9] Le juge Beauregard écrit :

« Je partage l’opinion du juge Chamberland.

Le Code de procédure pénale prévoit qu’un jugement par défaut peut être rendu contre un accusé, donc sans que celui-ci soit présent devant lui.

Pour faire condamner un accusé par défaut, il suffit que la poursuite prouve qu’une personne a commis une infraction, que cette personne s’est identifiée sous un nom, qu’elle a donné une adresse et que la procédure dirigée contre une personne portant ce nom a été signifiée à l’adresse indiquée par la personne qui a commis l’infraction comme étant la sienne. Il y a alors preuve prima facie que l’accusé est la personne qui a commis l’infraction. »

[10] Le juge Fish est du même avis :

« The test for conviction is whether the evidence taken as a whole, including any statements or reports filed persuant to section 62, establishes that the person charged committed the offence allegued. »

[18] Le Tribunal conclut en l'espèce que la preuve d'identification n'exige pas que le témoin identifie avec certitude l'accusé en salle d'audience. Il s'agit d'un élément qui doit être apprécié avec l'ensemble de la preuve.

vendredi 7 octobre 2011

Revue jurisprudentielle exhaustive sur la suffisance des motifs raisonnables de donner l'ordre de fournir un échantillon d'haleine et comment la contester

R. c. Paquette, 2011 QCCQ 11105 (CanLII)

[31] En 2009, la Cour d'appel d'Ontario rend l'arrêt Charrette (2009) ONCA 310. Cet arrêt ne concerne pas directement la question de la suffisance de la preuve de l'ordre. Il répond plutôt à la question à savoir s'il est possible de soulever l'absence de motifs raisonnables de donner l'ordre de fournir un échantillon d'haleine, comme motif de rejet du certificat d'analyse, sans le faire par le biais d'une requête en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ("la Charte").

[32] Exprimée autrement, la question est donc de savoir, lorsque l'accusé a fourni des échantillons d'haleine, comment il peut faire écarter les résultats obtenus et qui figurent au certificat d'analyse. Doit-il invoquer une quelconque violation de ses droits fondamentaux et, de ce fait, suivre le canal bien connu des recours en violation de certains droits prévus par la Charte ou, au contraire, a-t-il droit à une règle d'exclusion automatique de la preuve, pour défaut de respect de certaines exigences du Code criminel?

[33] Encore une fois, il est utile de rappeler que la Cour d'appel d'Ontario traitait dans ce cas de la possibilité d'attaquer la présomption d'exactitude du résultat du test en raison du défaut de l'officier de police d'avoir des motifs raisonnables de donner l'ordre de fournir des échantillons d'haleine. Il est aussi utile de préciser que cette nécessité est l'une des trois conditions nécessaires à soutenir la présomption de l'article 258 (1) c) du Code criminel. Ces trois conditions sont les suivantes:

1. Que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire que la personne arrêtée a commis ou commet une infraction à l'article 253 du Code criminel.

2. Qu'un ordre lui soit donné de faire ce qui est prévu aux sous-alinéas a) i) ou ii) et b) de l'article 254 (3) du Code criminel.

3. Que cet ordre soit donné "dans les meilleurs délais".

[34] Après avoir rappelé que depuis 1975, la Cour Suprême du Canada a déterminé que lorsque l'accusé fournit un échantillon d'haleine, l'absence de motifs de le sommer d'en fournir, ne constitue pas un motif pour écarter la présomption de l'article 258 (1) c) (Rilling 1975, 24 C.c.C. 2d 81), la Cour d'appel réitère que cet arrêt reflète toujours l'état du droit.

[35] Appliquant toutefois ces principes en tenant compte de l'avènement de la Charte, elle établit que la pertinence de l'existence de motifs ne peut être analysée qu'à la lumière d'une requête soulevant la violation d'un ou de certains droits garantis par la Charte, en suivant les principes d'application de celle-ci. Elle exprime aussi qu'il lui semble s'agir une politique judiciaire approprié et saine, cohérente avec l'économie du droit:

[45] I am further satisfied that as a matter of policy and sound criminal procedure, the Rilling principle should apply equally to s. 258(1)(c) as it does to s. 258(1)(g). When one considers the carnage and destruction caused by impaired drivers, I do not think we should be promoting “trial by ambush” in “over 80” trials. In Gundy, this court made it clear that the notice requirements for Charter applications should, as a rule, be adhered to and that non-Charter motions to exclude evidence should be raised before or when the evidence is proffered (see Gundy at paras. 19-24 and 50).

[46] At present, for purposes of s. 258(1)(g), where an accused is charged with driving “over 80”, the Crown need not concern itself with proving the existence of reasonable and probable grounds under s. 254(3) unless the accused brings a Charter application challenging the admissibility of the test results. While that will not change if the decision of the summary conviction appeal court judge stands, as a practical matter, it will be of no benefit to the Crown because in order to take advantage of the presumption of identity in s. 258(1)(c), the Crown will be obliged to establish reasonable and probable grounds in every “over 80” case, or risk having the charge dismissed. And because an attack on the presumption of identity does not technically involve an application to exclude evidence, it is at least arguable that an accused could wait until the end of the trial, after all of the evidence has been heard, before springing the trap and arguing that the presumption should not be available to the Crown because the arresting officer did not have reasonable and probable grounds for making a demand under s. 254(3).

[47] Faced with that prospect, as a precautionary measure, in every case of driving “over 80”, the Crown would feel obliged to call all of the evidence available to it touching on the officer’s grounds for making the breath demand. And in those cases where the Crown could not be certain of obtaining a favourable finding, it would need to have a toxicologist on hand who could relate the readings back to the time of driving. In the Crown’s submission, these consequences would have a negative impact on a justice system that is already over-burdened, especially at the Ontario Court of Justice, where drinking and driving offences consume enormous amounts of time and resources.

[48] Under the regime proposed by the Crown, absent a Charter challenge to exclude the test results or prevent the Crown from relying on the presumption of identity, the Crown would not have to concern itself with the “reasonable and probable grounds” requirement in s. 254(3) to take advantage of the evidentiary shortcuts provided for in ss. 258(1)(c) and (g) of the Code. Once an accused has acceded to a demand, the existence of reasonable and probable grounds under s. 254(3) should be immaterial.

[49] In my view, the Charter/non-Charter dichotomy represents a fair and equitable approach. It achieves a proper balance between the rights of the accused and the interests of society.

[50] Under such a regime, accused persons are better off than they were in the immediate aftermath of Rilling, i.e., before the advent of the Charter. In the period from 1975 to 1982, accused persons who acceded to a demand in circumstances where the arresting officer did not have reasonable and probable grounds were left without a remedy. But that changed with the arrival of the Charter. Now accused persons can challenge the admissibility of the test results under s. 8 and seek to exclude those results under s. 24(2).

[51] As for the interests of society, under the proposed regime, the Crown will be alerted to the s. 8 breach and can prepare for it. With the guesswork removed, the trial can then proceed in a more efficient, orderly and less costly fashion. As well, contrary to the view expressed by the trial judge in Tran, the Charter/non-Charter dichotomy involves more than “huge volumes of Charter materials that really are not necessary” since the finding of a s. 8 breach will not automatically result in the exclusion of evidence under s. 24(2). (See, for example, the comments of Weiler J.A. in R. v. Richfield (2003), 170 C.C.C. (3d) 23 at paras. 14 – 18 (Ont. C.A.) and R. v. Wilding, [2007] ONCA 853.)[1]

[36] En 2009, la Cour d'appel du Manitoba dans R. c. Forsythe (J.R.) 2009 MBCA 123 (CanLII), 2009 MBCA 123 CanLII précise sans aucune ambiguïté que ce raisonnement ne s'applique pas qu'à la condition relative à l'existence de motifs raisonnables d'ordonner de fournir des échantillons, mais aussi aux deux autres conditions sous-tendant les présomptions de l'article 258 (1) c).

21 There is another reason to reject the accused’s position that the evidence in this case should be excluded without a Charter analysis under s. 24(2). If that position is accepted, there would be different procedures and different principles governing the exclusion of breathalyzer evidence obtained under s. 254(3) depending on whether the defence motion to exclude related to a lack of reasonable and probable grounds for the demand or the failure to comply with the other requirements of s. 254(3). This would require the defence to make a motion for exclusion under the Charter in the first case, but not in the second, and would result in an analysis under s. 24(2) of the Charter regarding the admissibility of the evidence in the first case, but not in the second. This would lead to unnecessary confusion and complexity in the law.

22 The question of the effect of differential treatment to determine admissibility for different parts of the breathalyzer scheme was considered and rejected by the Ontario Court of Appeal in Gundy (see para. 29) and Charette. While the court in those cases was dealing with differential treatment between s. 254(3) and the presumptions in ss. 258(1)(c) and (g), the same concerns regarding the avoidance of unnecessary complexity should apply to differential treatment between the various requirements within s. 254(3). As Moldaver J.A. stated in Charette (at para. 45):

I am further satisfied that as a matter of policy and sound criminal procedure, the Rilling principle should apply equally to s. 258(1)(c) as it does to s. 258(1)(g). When one considers the carnage and destruction caused by impaired drivers, I do not think we should be promoting “trial by ambush” in “over 80” trials. ….

(…)

24 General support for the use of the Charter to determine the admissibility of evidence in preference to automatic exclusion is also found in the Supreme Court’s recent decision in R. v. Grant, 2009 SCC 32 (CanLII), 2009 SCC 32 (CanLII), 2009 SCC 32, 245 C.C.C. (3d) 1, albeit in that case, the Court was dealing only with a challenge to the admissibility of evidence under the Charter. In Grant, the court reviewed the interpretation and application of s. 24(2) of the Charter, and McLachlin C.J.C. and Charron J., for the majority, underlined the importance of undertaking a principled review of all of the relevant facts and factors before determining the admissibility or exclusion of evidence rather than having an automatic exclusion for some types of evidence, in particular conscripted evidence – see, for example, paras. 65, 106-07. They also stated that, even if there has been a breach of the Charter in the taking of a breath sample, that may not result in the exclusion of the evidence. This further supports the argument that there should not be an automatic exclusion of that evidence in all cases where the requirements of s. 254(3) have not been met.

25 Finally, the Crown argued, and I agree, that if any of the requirements of s. 254(3) should be a pre-condition to admissibility, one would expect that it would be the requirement that the police have reasonable and probable grounds for making the demand in the first place. That requirement is the basis upon which the police are permitted to detain an accused and to interfere with his right to proceed on his way. The requirement that the police act as soon as practicable arises only after the police have detained an accused. If a groundless demand for a breath sample does not trigger the automatic exclusion of evidence (as found in the cases referred to above), it is difficult to see why the failure to act “as soon as practicable” does.

[37] Cette décision a fait l'objet d'une demande de permission d'appeler en Cour Suprême du Canada, laquelle a été rejetée le 24 juin 2010 (Forsythe c. R. 2010 CanLII 34796 (CSC), 2010 CanLII 34796 (CSC).

[38] En 2010, Monsieur le Juge Guy Cournoyer, maintenant à la Cour d'appel du Québec, confirmait l'application de ces principes au Québec dans R. c. Thelisma 2010 QCCS 3420 (CanLII), 2010 QCCS 3420

[4] L'appelant prétend que la preuve que le policier lui a donné un ordre de fournir un échantillon d'haleine en vertu du par. 254(3) du Code criminel n'a pas été faite. De plus, les délais prévus n'auraient pas été respectés. Pour ces motifs, la poursuite ne pouvait bénéficier de la présomption établie par l'art. 258 du Code criminel.

(…)

[6] La seule question qui doit être résolue est celle de savoir si le dépôt en preuve du certificat du technicien qualifié, sans objection de la part de l'appelant, permettait au juge d'instance de se fonder sur le certificat d'analyse du technicien et de condamner l'appelant.

[17] Toutes ces décisions établissent le même principe. Une objection au dépôt en preuve d'un certificat d'analyse des échantillons d'alcool doit avoir lieu au moment où la preuve est présentée et non lors des plaidoiries à la fin du procès.

[18] L'argumentation présentée par l'appelant lors de ses observations finales était tardive.

[19] Compte tenu du certificat du technicien qualifié déposé en preuve et des faits qui y sont consignés, le juge d'instance n'a commis aucune erreur manifeste et dominante dans l'interprétation de la preuve.

[39] Exprimé autrement, il est trop tard en argument, une fois la preuve close de part et d'autre, pour soulever des défauts affectant un certificat d'analyse qui a été déposé de consentement.

[40] Il ne s'agit pas d'une pure question de forme ou de procédure. Au contraire, une requête alléguant la violation d'un droit garanti par la Charte comporte d'abord la préparation d'une procédure dûment transmise à l'autre partie (article 81 R.C.Q.) lui permettant de se préparer et de faire valoir ses droits.

[41] Ensuite, la requête emporte normalement la tenue d'un voir-dire, au cours duquel le requérant supporte le fardeau de la preuve et offre ensuite l'occasion pour l'autre partie de faire valoir, comme au requérant, l'ensemble de ses moyens.

[42] L'analyse des questions se fait alors à la lumière des principes établis en la matière et comporte notamment, s'il est nécessaire de se rendre à cette extrémité, l'effet possible de la prétendue violation sur la considération dont jouit l'administration de la justice.

Certains principes juridiques relatifs à l'infraction prévue à l'article 446 Ccr

R. c. Mousseau, 2011 QCCQ 11101 (CanLII)

[127] Quant à la preuve de la poursuite, rappelons tout d’abord certains principes juridiques pertinents aux accusations portées auxquels le Tribunal adhère :

La Cour d’appel du Québec dans R. c. Ménard s’exprimait ainsi :

19 Depuis le Code de 1953-54, est réprimée la « douleur, souffrance ou blessure » qui est causée sans que cela soit nécessaire. Bien sûr le législateur n'a pas voulu, tout comme dans les cas d'assaut chez les humains d'ailleurs, réprimer par le droit pénal le fait de causer à un animal la moindre des incommodités physiques et c'est dans cette mesure, mais pas davantage, que l'on peut parler de quantification. Hormis ces cas, cependant, la quantification de la douleur n'est d'aucune importance en soi, dès qu'elle est infligée volontairement, au sens de l'art. 386 (1) du Code criminel, qu'elle était sans nécessité en vertu de l'art. 402 (1) a) et sans justification, excuse légale ou apparence de droit au sens de l'art. 386 (2).

20 Sans importance en soi, la mesure de la souffrance retrouve par contre sa place dans l'appréciation de la « nécessité ». Il est parfois nécessaire de faire souffrir un animal pour son propre bien ou encore pour sauver une vie humaine. Certaines expériences, hélas, inévitablement fort douloureuses pour l'animal s'avèrent nécessaires pour découvrir ou éprouver des remèdes qui sauveront quantité de vies humaines. L'article 402 (1) a) ne réprime pas ces incidents tout en condamnant par contre celui qui laissera, sans eau et sans nourriture pendant quelques jours, à titre d'exemple, un chien ou un cheval, par insouciance ou négligence ou pour des raisons de lucre ou encore pour s'éviter les frais d'un placement temporaire, quand bien même ceux-ci souffriraient de beaucoup moins que certains animaux-cobayes. Tout est donc dans les circonstances, la quantification de la souffrance n'étant qu'un des facteurs d'appréciation de ce qui est, en fin de compte, nécessaire.

25 Considérée en fonction de la fin recherchée, l'expression « sans nécessité » doit s'interpréter en tenant compte de la situation privilégiée qu'occupe l'homme dans la nature.

26 Considérée en fonction des moyens par lesquels on recherche la fin qui se justifie, l'expression « sans nécessité » tiendra compte de toutes les circonstances en l'espèce dont d'abord la fin elle-même, les priorités sociales, les moyens disponibles et leur accessibilité, etc. On ne tue pas un boeuf de la même façon que l'on tue un cochon. On ne peut consacrer à l'euthanasie des animaux des sommes importantes d'argent en ne tenant pas compte des priorités sociales. N'est pas nécessaire la souffrance que l'on peut raisonnablement éviter à l'animal. Mon avis, le législateur nous a défini en 1953-54 « la cruauté » comme étant dorénavant l'acte de causer (en l'espèce) à un animal une blessure, douleur ou souffrance que l'on aurait pu lui éviter compte tenu de la fin recherchée et des moyens employés.

[128] Plus récemment, tout en reprenant l’analyse déjà citée de Ménard, le juge Kenkel de la Cour de justice d’Ontario s’exprimait ainsi :

Wilfully Failing to Provide Food & Care s.446(1)(c)

7. Section 446 imposes upon animal owners various legal duties with respect to care. Wilfully neglecting or failing to comply with those duties is a criminal offence. In assessing whether the provision of food and care was “suitable and adequate” on a criminal standard under s.446, in my view the Crown must prove more than a slight deviation from reasonable care. Evidence of a substantial or marked departure from reasonable care is required to prove the actus reus of the offence in s.446 (1)(c) beyond a reasonable doubt.

8. If the alleged failure to provide adequate care is proved, the court must then assess whether the failure was “wilful”. “Wilfully” is defined in s.429 of the Criminal Code as causing the occurrence of an event by doing or omitting to do an act pursuant to a legal duty, knowing that the act or omission will probably cause the occurrence of the event and being reckless whether the event occurs or not. The requirement that the accuseds’ failure be “wilful” involves a subjective test. See: Kent Roach, Criminal Law 3ed. Irwin (2004) at p.157. The reference to recklessness in s.429 also indicates a subjective standard as recklessness requires subjective advertence to the prohibited risk (as described in that section) and can be distinguished from negligence, which requires only that a reasonable person in the accused’s circumstances would have recognized the risk. Roach, Criminal Law 3ed. at p.162.

9. For a very thorough review of the legislative history of sections 446 and 429, and a detailed analysis of those sections see: R. v. Clarke [2001] N.J. 191 (Nfld. Prov.Ct.)

Wilfully Causing Unnecessary Pain s.446 (1) (a)

10. Section 446(1)(a) prohibits the wilful causing of pain, suffering or injury that is

unnecessary to an animal or bird. What constitutes “unnecessary” pain, suffering or injury is determined by the circumstances of each case including the purpose of the act, the social priorities, and the means available to accomplish the purpose. R. v. Menard (1978), 43 C.C.C. (2d) 458 (Que.C.A.). If the pain or suffering could have reasonably been avoided while effecting the lawful purpose in the circumstances of the case, then that pain or suffering was unnecessary. R. v. D.L. [1999] A.J. No.539 (Alta.Prov.Ct.) at para.30.

11. By virtue of s.429, wilfully under this section involves an act or omission that the accused knows will probably cause pain or injury where the accused either intends that result or is reckless to that result. Section 446(1)(a) does not require proof that the accused intended to act cruelly or that he or she knew that their acts would have this result. R. v. Clarke [2001] N.J. 191 (Nfld. Prov.Ct.) at para.61.

En l’absence du consentement de la poursuite, il est impossible de reporter le prononcé de la peine pour qu’un délinquant puisse suivre une thérapie

R. c. Sidoine Prin, 2011 QCCQ 10955 (CanLII)

[2] Tout comme le veut la tradition de common law, le Code criminel exige aujourd’hui que la peine soit prononcée dans les meilleurs délais possibles après une déclaration de culpabilité. Une telle règle renforce l’intérêt du délinquant et de la société dans la finalité des procédures. De plus, le parlement est intervenu en 2008 pour interdire aux juges, en l’absence du consentement de la poursuite, de reporter le prononcé de la peine pour qu’un délinquant puisse suivre une thérapie. Cette disposition édicte sous forme explicite une règle jurisprudentielle constamment appliquée par les tribunaux au Québec et ailleurs. Le but de cette modification aurait été la correction d’une pratique incompatible avec le principe général qui se trouve au paragraphe 720(2) ou la prévention de la croissance d’une telle pratique. La motivation précise du législateur en adoptant cette modification est sans importance pour les fins de la présente requête. Dans la mesure où la pratique quotidienne aurait pu laisser croire autrement, la modification du Code qui se trouve à l’article 720(2) a éliminé tout doute sur la question.

La conséquence du non-respect de donner l'ordre de fournir un échantillon d'haleine dans les meilleurs délais ou dès que possible

R. c. Dubuc, 2011 QCCQ 4634 (CanLII)

[15] Il s’est donc écoulé 1 heure et 24 minutes entre l’arrestation (6 h) de l’accusée et l’ordre de se soumettre à l’alcootest (7 h 24).

[16] Il est manifeste que l’ordre n’a pas été donné dans les meilleurs délais ou dès que possible au sens de l’expression du texte anglais du Code “as soon as practicable”.

[17] Reste à déterminer la conséquence du non-respect de cette condition prévue par le paragr. 254(3) du Code criminel.

[18] La Cour d’appel du Manitoba s’est prononcée sur cette question. Dans R. c. Forsythe (J.R.), 2009 MBCA 123 (CanLII), 2009 MBCA 123 (CanLII), autorisation d’appel refusée à 2010 CanLII 34796 (CSC), 2010 CanLII 34796 (C.S.C.), le juge Beard, au nom de la Cour, spécifie, au paragr. 12, que le Code criminel est silencieux lorsque les exigences du paragr. 254(3) du Code criminel ne sont pas rencontrées :

12. The Code is silent as to the effect of failing to comply with these requirements.

[19] Se référant aux principes énoncés dans R. c. Rilling, 1975 CanLII 159 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 183, lesquels ont d’ailleurs été réitérés récemment dans les arrêts de la Cour d’appel du Manitoba dans R. c. Bannan, 2008 MBCA 103 (CanLII), 2008 MBCA 103, et de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Charette, 2009 ONCA 310 (CanLII), 2009 ONCA 310, le juge Beard, aux paragr. 26 et 27 de l’arrêt Forsythe, précité, ajoute que la question de l’admissibilité en preuve des échantillons d’haleine obtenus selon le paragr. 254(3) du Code criminel requiert une analyse en vertu de la Charte. Il conclut que l’exigence pour l’agent de la paix d’obtenir d’un accusé, dans les meilleurs délais, les échantillons d’haleine n’est pas une condition requise à l’admissibilité des résultats des tests :

26 There is no reason to have different procedures and principles apply to the determination of the admissibility of breathalyzer evidence taken under s. 254(3) depending on which of the requirements in that section have not been met. The decision in Rilling, and the reasoning in Banman and Charette, for requiring a Charter analysis to determine the admissibility of the breath samples should apply to all of the requirements in that section.

27 For the reasons noted above, I find that, given the decision of the Supreme Court of Canada in Rilling, the appeal judge erred in law by concluding that the requirement of s. 254(3) of the Code, that the police take an accused’s breath samples “as soon as practicable,” is a pre-condition to the admissibility of the test results.

Voir au même effet l’arrêt Charette, précité, où le juge Moldaver, au nom de la Cour, souligne, au paragr. 45, qu’à cause du carnage sur les routes causé par les conducteurs en état d’ébriété, il faut éviter les « procès par embuscade » :

[45] I am further satisfied that as a matter of policy and sound criminal procedure, the Rilling principle should apply equally to s. 258(1)(c) as it does to s. 258(1)(g). When one considers the carnage and destruction caused by impaired drivers, I do not think we should be promoting “trial by ambush” in “over 80” trials.

[20] En conséquence, la poursuite n’a pas perdu le bénéfice de la présomption d’identité édictée par l’alinéa 258(1)c) du Code criminel,

[21] Ce premier moyen ne peut donc être retenu.

mardi 4 octobre 2011

Le tribunal ne peut infliger une amende que s’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le délinquant a la capacité de la payer

R. c. Topp, 2011 CSC 43 (CanLII)

L’objectif du par. 734(2) du Code criminel consiste à empêcher que des amendes soient infligées à des délinquants réellement incapables de les payer, et ainsi diminuer le nombre de délinquants incarcérés pour défaut de paiement. Le tribunal ne peut infliger une amende que s’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le délinquant a la capacité de la payer (ou de s’en acquitter en vertu de l’art. 736, ce qui n’est pas possible en l’espèce). En pratique, le par. 734(2) impose à la partie qui propose l’amende le fardeau de convaincre le tribunal que le délinquant est en mesure de la payer. La partie qui s’oppose à l’amende n’est pas tenue de s’acquitter d’un fardeau de preuve formel, et elle demeure libre d’avancer que la preuve dont dispose le tribunal ne saurait convaincre ce dernier que le délinquant est capable de la payer.

Il arrive souvent qu’en l’absence d’une explication raisonnable contraire le fait que le délinquant a reçu, dans le passé, des fonds obtenus illégalement permette de déduire qu’il a toujours suffisamment de fonds pour payer une amende. Cependant, le juge du procès n’est pas tenu, en droit, de parvenir à cette conclusion. La valeur probante que l’on peut raisonnablement accorder au fait que le délinquant a reçu, dans le passé, des fonds obtenus illégalement variera en fonction d’au moins deux facteurs, à savoir le délai qui s’est écoulé entre le moment où il les a acquis et celui où il se voit imposer une peine, et l’importance de la somme en question. Le texte même du par. 734(2) ainsi que la volonté du législateur d’éviter que ne soient incarcérés des délinquants véritablement incapables de payer leurs amendes appuient la conclusion qu’il ne faut pas toujours déduire d’une preuve établissant que le délinquant a déjà reçu des fonds obtenus illégalement qu’il a toujours la capacité de payer une amende.

Le ministère public n’est pas tenu d’identifier ou de localiser les éléments d’actif précis dont le délinquant peut se servir pour payer l’amende; il peut plutôt se fonder sur une preuve indirecte pour établir la capacité de payer du délinquant. Par contre, le par. 734(2) prévoit expressément que le tribunal doit conclure formellement que le délinquant est capable de payer une amende, au lieu d’imposer à la partie qui s’oppose à l’amende le fardeau de le convaincre que le délinquant incapable de le faire.

En l’espèce, la juge du procès n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en refusant d’infliger une amende à l’accusé. Elle a expressément pris en compte l’omission de ce dernier d’expliquer ce qu’il était advenu des fonds dont il s’était frauduleusement emparé. Elle n’a pas omis de tenir compte d’un quelconque élément pertinent avant de prendre sa décision. Elle n’a pas imposé au ministère public le fardeau de déterminer où se trouvaient les fonds manquants. Elle n’était tout simplement pas convaincue que l’accusé était en mesure de payer l’amende que le ministère public cherchait à lui faire imposer. Elle pouvait, en droit, tirer une telle conclusion sur la base de sa propre appréciation des faits.

lundi 3 octobre 2011

L'expectative de vie privée d'une personne concernant son ordinateur de bureau

R. v. Cole, 2011 ONCA 218 (CanLII)

[44] There is little authority in Canada on the issue of whether an individual has a reasonable expectation of privacy in work computer. In R. v. Little, 2009 CanLII 41212 (ON SC), 2009 CanLII 41212 (ON S.C.), the application judge held that the accused had a reasonable expectation of privacy in the information on his work hard drive, but it was a diminished expectation compared to that in a home computer or a computer owned and used exclusively by an individual running his or her own business. In France (Republic) v. Tfaily (2009), 98 O.R. (3d) 161 (C.A.) [In Chambers], an application for leave to appeal, the question raised on appeal was whether there were sufficient grounds to issue warrants to search for the applicant’s work computers. The applicant was a professor at Carleton University. Simmons J.A. noted that university professors are entitled to use their work computers for personal communications and research and that therefore they have an objectively reasonable expectation of privacy in relation to personal electronic data.

[45] I agree with the trial judge that, based upon the totality of the circumstances in this case, including the factors set out in Edwards, the appellant had a reasonable expectation of privacy in the personal use of his work laptop. Although this was a work computer owned by the school board and issued for employment purposes with access to the school network, the school board gave the teachers possession of the laptops, explicit permission to use the laptops for personal use and permission to take the computers home on evenings, weekends and summer vacation. The teachers used their computers for personal use, they employed passwords to exclude others from their laptops, and they stored personal information on their hard drives. There was no clear and unambiguous policy to monitor, search or police the teachers’ use of their laptops.

[46] Furthermore, applying the factors in Patrick at para. 27, the information in the folder stored on the hard drive was not in public view, was not abandoned and was not in the hands of third parties. While the access by the technician for the purpose of maintaining the integrity of the system was not intrusive or objectively unreasonable, access by a state actor for the purpose of determining the nature of the information stored by the appellant would be intrusive. Access to that information on the hard drive potentially exposed intimate details of the appellant’s personal choices and could have exposed intimate details of a personal nature. The appellant had a reasonable expectation of privacy in both the hard drive of the laptop and the personal information it contained.

[47] On the other hand, the appellant knew that a school technician had a limited right of access to the hard drive as part of his duties to maintain the stability and security of the network system. Business and other institutions commonly engage technicians to service and maintain their networks. Users understand that a technician can access computers connected to the network to ensure the integrity of the system. The appellant’s reasonable expectation of privacy was modified to the extent that the appellant knew that his employer’s technician could and would access the laptop as part of his role in maintaining the technical integrity of the school’s information network. However, this was not sufficient to displace a reasonable expectation that otherwise would exist in the personal electronic information maintained on his hard drive, except to that extent and for that limited purpose.

[48] I conclude, therefore, that the appellant had a reasonable expectation of privacy in the information stored in the hard drive of his laptop, which was subject to the limited right of access by his employer’s technicians performing work-related functions. In other words, the appellant had no expectation of privacy with respect to this limited type of access.