mardi 23 octobre 2012

Quiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés

R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII)

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46 D’un point de vue pratique et afin de tirer des enseignements pour l’avenir, il faut se demander quel genre d’affidavit la police devrait présenter à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique. Quiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés: cf. Dalglish c. Jarvie (1850), 2 Mac. & G. 231, 42 E.R. 89; R. c. Kensington Income Tax Commissioners, [1917] 1 K.B. 486 (C.A.); Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) 1987 CanLII 122 (ON CA), (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.), à la p. 528; United States of America c. Friedland, [1996] O.J. No. 4399 (QL) (Div. gén.), aux par. 26 à 29, le juge Sharpe. Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.

47 En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. Dans le meilleur des cas, le recours à un libellé standard ne fait qu’ajouter au verbiage et se révèle rarement utile. Dans le pire des cas, il peut inciter le lecteur à penser que l’affidavit a un sens qu’il n’a pas. Même si le recours à un libellé standard ne fait pas automatiquement obstacle à l’autorisation (après tout, aucune disposition ne l’interdit formellement), j’invite fortement les juges à le décourager. On ne peut reprocher au déposant — il faudrait plutôt l’en féliciter — d’énoncer les faits de manière sincère, complète et simple. Les avocats et les policiers qui présentent des documents à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments.

48 Enfin, bien qu’il n’existe pas d’obligation juridique en ce sens, il serait bon d’obtenir des affidavits des personnes ayant la connaissance la plus directe des faits en cause, par exemple, les policiers qui mènent l’enquête criminelle ou qui sont responsables des indicateurs. Cela donnerait plus de poids aux documents du fait qu’ils seraient plus fiables. Si tel avait été le cas en l’espèce, on aurait pu éviter que l’affaire ne sombre dans l’impasse actuelle, toujours en appel, après des années de débats sur des questions préliminaires, sans qu’un jugement définitif n’ait été rendu quant à la culpabilité ou à l’innocence des appelants.

49 Cela m’amène à examiner la conclusion défavorable à la crédibilité du déposant en l’espèce. Sur le plan pratique, ces questions et une bonne partie du litige auquel elles ont donné lieu auraient pu être évitées dans une large mesure, si la police avait simplement demandé à chacun des responsables d’indicateurs de signer un affidavit portant sur les éléments dont il avait une connaissance particulière. Il en aurait presque certainement résulté une vérification plus rigoureuse des faits attestés par affidavit, ce qui aurait peut‑être permis d’éviter certaines des erreurs qui se sont retrouvées dans l’affidavit. De plus, la demande d’autorisation aurait été moins liée à la crédibilité de l’agent qui, en fin de compte, s’est porté garant de la véracité de tous les faits allégués.

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