jeudi 3 octobre 2013

On peut imputer la connaissance d'un objet à la personne qui le possède / la possession est une question de fait qui peut se prouver par déduction

Caccamo c. R., 1975 CanLII 11 (CSC), [1976] 1 RCS 786

Lien vers la décision


Naturellement, il incombait au ministère public de prouver que la pièce en question avait été trouvée en possession de l’appelant. Les cours d’instance inférieure ont indubitablement conclu que ce point avait été prouvé parce que tous les juges ont étudié la question de l’admissibilité à la lumière d’une telle possession. En effet, dans ses motifs de dissidence, le juge Arnup écrit que [TRADUCTION] «la simple possession du document» ne relie pas l’accusé à la Mafia. De pareilles conclusions concordantes en cour de première instance et en cour d’appel ne peuvent résulter d’une inadvertance puisque les dispositions du par. (4) de l’art. 3 du Code criminel avaient été longuement plaidées relativement à un autre aspect de la cause.

Dans les circonstances, l’appelant ne peut avoir gain de cause sur ce point. La possession au sens du par. (4) de l’art. 3 du Code criminel est une question de fait que l’on peut prouver par déduction. La conclusion des tribunaux d’instance inférieure ayant été unanime sur cette base, l’affaire doit s’arrêter là car les faits prouvés suffisent à appuyer cette déduction.

Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’invoquer à l’appui de la conclusion que l’appelant était en possession de la pièce n° 5 le principe voulant que [TRADUCTION] «lorsque les conjoints vivent sous le même toit, il existe une présomption légale que l’époux a la possession et le contrôle des lieux de leur résidence». Voir R. v. Lawson(Cour d’appel de la Colombie-Britannique); R. v. Mandzuk, (Cour d’appel de la Colombie-Britannique); R. v. Tokarek (Cour d’appel de la Colombie-Britannique).

La possession de la pièce n° 5 par l’appelant ayant été établie, il reste à voir si, dans les circonstances, la simple possession d’un tel document permettait légalement au magistrat, en l’absence de toute autre preuve reliant l’appelant à une organisation criminelle, de déduire que ce dernier était membre d’une telle organisation et que, par conséquent, il était en possession de l’arme dans un dessein dangereux pour la paix publique. À mon avis, la majorité de la Cour d’appel a donné une réponse complète à cette allégation et je me rallie aux motifs exprimés par le juge en chef Gale à cet égard.

Cependant, l’avocat de l’appelant nous a renvoyé à un certain nombre de précédents qui, selon lui, démontrent l’inadmissibilité de la pièce n° 5 parce que non pertinente. Selon moi, les décisions importantes auxquelles nous avons été renvoyés ne justifient pas cette conclusion.

Dans Thompson v. The Kingoù l’appelant était accusé de grossière indécence, la poursuite avait fait la preuve que l’appelant, lors de son arrestation, était en possession de houppes à poudrer et que des photographies indécentes de garçons avaient été trouvées dans ses chambres. La Chambre des Lords décida qu’en raison des circonstances spéciales de l’affaire, la preuve était admissible sur la question de l’identité. Cependant, les propos des savants lords nous indiquent qu’en réalité, dans d’autres circonstances, les documents trouvés soit sur la personne de l’accusé ou dans la chambre occupée par ce dernier pourraient fort bien être acceptés en preuve pour d’autres fins.

Dans Picken c. Le Roi, une décision de cette Cour, un nouveau procès avait été ordonné parce que l’on avait produit devant le jury, dans cette cause qui traitait d’avortement, divers objets que la police avait trouvés dans la maison de l’accusé grâce à un mandat de perquisition, alors que ces articles n’avaient aucune pertinence réelle au débat. Cependant, le juge en chef Duff, qui s’exprimait au nom de la Cour, a pris soin de souligner qu’il faisait une exception pour [TRADUCTION] «l’aiguille à tricoter et le rayon d’une roue de bicyclette».

L’affaire Emkeit c. La Reine n’ajoute rien à ce qui précède puisqu’il s’agissait d’un litige de nature très différente, à savoir la lecture d’un poème de nature incendiaire par le procureur du ministère public en présence du jury.

Beaucoup plus pertinente, il me semble, est notre décision dans l’affaire Prosko c. Le Roi, où trois juges ont convenu sans hésitation que le ministère public pouvait régulièrement déposer en preuve les objets trouvés dans la chambre de l’appelant qui était accusé de meurtre. Le juge Idington s’est exprimé ainsi, à la p. 235:
[TRADUCTION] La seule autre question sur laquelle l’avocat de l’appelant a fait reposer son pourvoi est la quatrième question de l’exposé de cause, à savoir:
A-t-on commis une erreur en permettant au procureur du ministère public de déposer en preuve et à titre de pièces à conviction, devant le jury, certains objets qui ont été trouvés en la possession de l’un ou l’autre des accusés dans les lieux occupés par l’un ou l’autre de ces derniers?

Avec respect, il m’est difficile de traiter sérieusement une telle question. Certains des articles trouvés ne méritaient pas de retenir l’attention du jury, mais la fausse moustache et la lampe de poche, par exemple, étaient des articles importants, dignes de considération dans une cause comme celle-ci qui repose en grande partie sur une preuve indirecte.

Ce qui ne peut se rattacher aux circonstances invoquées doit être évidemment rejeté par le jury à qui nous devons faire confiance.

Il incombait au fonctionnaire du ministère public de déposer tel que trouvé le contenu de la valise et de laisser au jury le soin de déterminer ce qui était pertinent et ce qui ne l’était pas, afin de ne pas laisser l’impression—qu’à cela, de sorte—que l’accusé était si assoiffé d’argent qu’il ne pensait qu’à cela, de sorte qu’il ne portait sur lui que de fausses moustaches, des lampes de poche et des coupe-verre.

Relativement à ce qui constitue une preuve admissible, l’arrêt R. c. Wray, y répond parfaitement.

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