Daoust c. R., 2014 QCCS 4876 (CanLII)
[21] Les fouilles et perquisitions qui sont effectuées dans un domicile ou près de celui-ci ont généré une jurisprudence abondante, riche et nuancée.
[22] Les auteurs de l'ouvrage Criminal Procedure in Canada en tracent le panorama suivant :
§3.56 Police may also have implicit permission to enter into private buildings when they suspect that a crime has been or is occurring there.144This permission is only effective if they believe that the owner of the property is not the perpetrator.145 Similarly, as discussed below, in limited circumstances police may enter into a home to ensure the safety of its occupants.146 In neither situation, however, may police actively search for evidence against the occupants. They may intrude only to the extent necessary to achieve the purpose of the entry; but in so doing, they may seize any evidence in plain view.147
§3.57 The zone of privacy attaching to the home extends to observations of its exterior and the areas surrounding it,148 at least when police enter onto private property to make close observations of buildings and other structures.149 The Supreme Court ruled in R. v. Patrick,150 however, that police did not invade the accused’s reasonable expectation of privacy by reaching over his property line to obtain garbage left for collection.151
§3.58 Courts have also held that naked-eye observations of private property from conventional vantage points (such as public roads) do not invade a reasonable expectation of privacy.152 It is not as clear, however, whether police may observe private land from unconventional vantage points. A number of courts have considered, for example, whether police need warrants to make observations from overflying aircraft. In R. v. Kelly,153 the Court held that the naked-eye aerial surveillance of a residential garden from any altitude invades a reasonable expectation of privacy.154 But more recently, courts have held that aerial surveillance will only engage section 8 if it enables close-range observations of a kind normally unavailable to the flying public.155
§3.59 Police may also use remote sensors to obtain information about activity occurring inside an enclosed structure. In R. v. Tessling,156 the Supreme Court held that the use of an infrared camera to detect the high intensity lamps used for Hydroponic marijuana cultivation did not invade a reasonable expectation of privacy.157 Because the camera was only able to discern crude patterns of heat distribution, the Court held, it revealed nothing of the occupant’s “biographical core of personal information.”158 Though he could not prevent heat from escaping,159 and though the camera revealed more information than was apparent to the naked eye, it nonetheless “record[ed] only information exposed to the public”.160
§3.60 The key questions left unresolved by Tessling are whether and to what extent police may use tools to: (i) gain a better vantage point (such as cranes, ladders, or aircraft) to make unaided sensual observations; (ii) enhance sensual observations (for example with telescopic lenses); or (iii) accomplish both (i) and (ii). Following Tessling, courts considering these questions are likely to focus on the nature of the information that the investigative technique reveals. In doing so, they should also carefully consider the consequential effects of either applying or not applying section 8 to an investigative technique. The camera used in Tessling was not troubling because it did not reveal information that might cause law abiding people to either avoid beneficial activities or spend wastefully on defensive privacy measures; nor did it seem likely to encourage discriminatory profiling.161
§3.61 However, if an area of private, real property is typically used for intimate, lawful activity, and occupants have taken reasonable measures to shield it from public view, police should not be free to use technological means to defeat those measures. Warrants should accordingly be required for intrusive surveillance of the fenced-in, private land immediately surrounding a residence.162 People do not expect as much privacy in their backyards, pools and gardens as in the interiors of their homes, but they do use these areas for sensitive activities. Police would thus require warrants to observe these areas using either telescopic enhancement or continuous video recording. Warrants would not be required, however, to make naked-eye observations or take non-telescopic still photographs from either high altitudes or conventionally accessible vantage points, such as adjoining buildings.163
[Le soulignement est ajouté]
[23] Ce résumé de la jurisprudence décrit le contexte du débat qui est l'enjeu central de ce pourvoi.
[24] L'appelant reconnaît que, selon l'arrêt R. c. Edwards, l'existence d'une attente raisonnable de vie privée doit être déterminée eu égard à l'ensemble des circonstances.
[25] Le critère de l'ensemble des circonstances formulé dans l'arrêt Edwards a ensuite été appliqué et adapté par le juge Binnie dans l'arrêt R. c. Tessling qui mettait en cause l'utilisation d'un système infrarouge à vision frontale et l'arrêt R. c. Patrick au sujet de la fouille des ordures d'un citoyen.
[26] Les principes énoncés dans ces décisions ont été résumés récemment par le juge Cromwell dans l'arrêt R. c. Spencer.
[27] Dans cette affaire, la Cour suprême examine la question de l’obtention par la police, auprès d'un fournisseur de services Internet, des renseignements sur un abonné à qui appartenait une adresse IP. Le juge Cromwell écrit :
[15] Suivant l’article 8 de la Charte, « [c]hacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ». La Cour insiste depuis longtemps sur la nécessité d’adopter, à l’égard de l’art. 8, une approche téléologique axée principalement sur la protection de la vie privée considérée comme une condition préalable à la sécurité individuelle, à l’épanouissement personnel et à l’autonomie ainsi qu’au maintien d’une société démocratique prospère : Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 145, p. 156 et 157; R. c. Dyment, 1988 CanLII 10 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 417, p. 427 et 428; R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 281, p. 292 et 293; R.c.Tessling, 2004 CSC 67 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 432, par. 12 à 16; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section 401, 2013 CSC 62 (CanLII), [2013] 3 R.C.S. 733, par. 22.
[16] En premier lieu, il s’agit de savoir si cette protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives s’applique en l’espèce. Pour le savoir, il faut déterminer si les mesures prises par la police en vue d’obtenir les renseignements sur l’abonnée à qui appartenait l’adresse IP constituaient une fouille, une perquisition ou une saisie au sens de l’art. 8 de la Charte. Pour répondre à cette question, il faut déterminer si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, M. Spencer s’attendait raisonnablement au respect du caractère privé des renseignements fournis par Shaw à la police. Si tel était le cas, l’obtention de ces renseignements constituait une fouille ou une perquisition.
[17] On détermine s’il existe une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en examinant et en soupesant un grand nombre de facteurs interreliés qui comprennent à la fois des facteurs relatifs à la nature des droits en matière de vie privée visés par l’action de l’État et des facteurs qui ont trait plus directement à l’attente en matière de respect de la vie privée, considérée tant subjectivement qu’objectivement, par rapport à ces droits : voir, par ex., Tessling, par. 38; Ward, par. 65. La nécessité d’examiner ces éléments compte tenu de « l’ensemble des circonstances » fait ressortir le fait qu’ils sont souvent interdépendants, qu’ils doivent être adaptés aux circonstances de chaque cas, et qu’ils doivent être considérés dans leur ensemble.
[18] La grande variété et le nombre important de facteurs pouvant être pris en considération pour évaluer les attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée peuvent être regroupés, par souci de commodité, en quatre grandes catégories : (1) l’objet de la fouille ou de la perquisition contestée; (2) le droit du demandeur à l’égard de l’objet; (3) l’attente subjective du demandeur en matière de respect de sa vie privée relativement à l’objet; et (4) la question de savoir si cette attente subjective en matière de respect de la vie privée était objectivement raisonnable, eu égard à l’ensemble des circonstances : Tessling, par. 32, R. c. Patrick, 2009 CSC 17 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 579, par. 27; R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 40. Il ne s’agit toutefois pas d’un examen purement factuel. L’attente raisonnable en matière de vie privée est de nature normative et non simplement descriptive : Tessling, par. 42. Ainsi, même si l’analyse du droit au respect de la vie privée tient compte du contexte factuel, elle « abonde [inévitablement] en jugements de valeur énoncés du point de vue indépendant de la personne raisonnable et bien informée, qui se soucie des conséquences à long terme des actions gouvernementales sur la protection du droit au respect de la vie privée » :Patrick, par. 14; voir aussi R. c. Gomboc, 2010 CSC 55 (CanLII), [2010] 3 R.C.S. 211, par. 34, et Ward, par. 81 à 85.
[28] Dans la présente affaire, il s'agit de déterminer si les policiers ont violé l'attente raisonnable de vie privée de l'appelant en observant sa conduite à partir du terrain de son voisin et à l'invitation de celui-ci. On se rappelle que le voisin de l'appelant avait communiqué avec la police pour signaler la commission d'une infraction criminelle.
[29] Il est nécessaire de préciser que le juge d'instance conclut que les policiers ont fait leurs observations à partir du terrain du voisin. L'appelant n'a présenté aucun argument convaincant justifiant l'intervention du Tribunal à l'égard de cette conclusion factuelle.
[30] Le cadre d'analyse est ainsi formulé par le juge Binnie dans l'arrêt Patrick :
1. Quel est l’objet ou la nature des éléments de preuve recueillis par la police?
2. L’intimé possédait-il un droit direct à l’égard du contenu?
3. L’intimé avait-il une attente subjective en matière de respect de sa vie privée relativement au contenu informationnel des ordures?
4. Dans l’affirmative, cette attente était-elle objectivement raisonnable? À cet égard, il faut se poser les questions suivantes :
a. De façon plus particulière, en ce qui concerne l’endroit où la « fouille ou perquisition » contestée a eu lieu, la police a-t-elle commis une intrusion sur la propriété de l’appelant et, dans l’affirmative, quelle est l’incidence de cette conclusion sur l’analyse relative au droit au respect de la vie privée?
b. Le contenu informationnel de l’objet était-il à la vue du public?
c. Le contenu informationnel de l’objet avait-il été abandonné?
d. Ces renseignements étaient-ils déjà entre les mains de tiers et, dans l’affirmative, ces renseignements étaient-ils visés par une obligation de confidentialité?
e. La technique policière avait-elle un caractère envahissant par rapport au droit à la vie privée en cause?
f. Le recours à cette technique d’obtention d’éléments de preuve était-il lui-même objectivement déraisonnable?
g. Le contenu informationnel révélait-il des détails intimes sur le mode de vie de l’intimé ou des renseignements d’ordre biographique le concernant?
[31] Ces facteurs ont été appliqués récemment par la Cour d'appel dans R. c. Gignac.
[32] Cette analyse n'est donc pas purement mécanique, car elle a un contenu normatif qui va au-delà du contexte factuel de l'affaire. L'analyse comporte inévitablement un jugement de valeurs à l'égard de la conduite de l'État susceptible de conduire à l'érosion de la protection de la vie privée des citoyens.