dimanche 15 octobre 2017

La théorie de l'accident en matière d'infraction de conduite automobile

R. c. Girard, 2017 QCCQ 1275 (CanLII)

Lien vers la décision


[49]        Dans le présent cas, la défense soumet aussi en quelque sorte une défense d'accident, laquelle soulèverait à tout le moins un doute raisonnable tant en ce qui concerne l'élément matériel des infractions reprochées que l'élément moral de celle-ci.
[50]        Il faut distinguer toutefois entre le caractère volontaire d'un acte et celui de la conséquence ; dans sa plus simple expression, cela peut se traduire par le propos suivant : oui je l'ai frappé, mais je ne voulais pas le tuer ou j'ai tiré un coup de fusil en sa direction, c'était pour faire une blague, mais je n'ai jamais voulu l'atteindre. Dans ces cas, à une accusation d'homicide involontaire ou négligence criminelle, la théorie de l'accident dans le sens de celui reconnu par notre droit quant au caractère volontaire du geste, ne serait très probablement pas applicable.
[51]        L'auteur Hugues Parent définit l'accident comme « un événement soudain et inattendu qui se produit sans participation de la volonté de l'agent ».
[52]        Pour sa part, la Cour d'appel du Québec dans la décision Fils c. La Reine précise que la caractéristique fondamentale de l'accident réside dans l'imprévisibilité d'un événement qui survient inopinément hors du contrôle d'une personne.
[53]        Les propos suivants de l'auteur Parent pour l'appréciation de la défense d'accident nous paraissent pertinents:
Ce n'est donc pas parce que l'accident empêche la constatation de l'intention spécifique de tuer qu'il liquide automatiquement la culpabilité de l'agent. Au contraire, « si cette intention est absente, mais que l'accident cause la mort au moyen d'un acte illégal, le seul verdict possible est alors celui de l'homicide involontaire coupable ». 
[54]        La Cour suprême, par la plume de madame la juge Charron, donne aussi des exemples de ce qui constitue un moyen de défense qui se rapproche de celui de l'accident, mais qui nie l'intention coupable de la conduite dangereuse comme de la négligence criminelle. Ainsi, la maladie ou incapacité physique soudaine d'un conducteur ou encore une conduite dangereuse causée par l'absorption de médicament dont le conducteur n'a pas été averti des effets dangereux et du risque pour la conduite automobile.
[55]        De telles circonstances peuvent constituer un moyen de défense à l'encontre d'une accusation comme celle dont doit répondre l'accusé dans le présent cas. Madame la juge Charron cite le juge McIntyre dans R. v. Tutton :
Si un accusé aux termes de l'art. 202 a une croyance sincère et raisonnablement entretenue en l'existence de certains faits, cela peut être une considération pertinente quant à l'appréciation du caractère raisonnable de sa conduite.  Prenons par exemple un soudeur engagé pour travailler dans un espace restreint, et qui se fit à la parole du propriétaire des lieux qu'aucune matière combustible ou explosive ne se trouve à proximité; lorsque son chalumeau provoque une explosion qui entraîne la mort d'une personne et qu'il est accusé d'homicide involontaire coupable, il devrait pouvoir faire part au jury de sa perception quant à la présence ou l'absence de matières dangereuses là où il travaillait.
[56]        En matière de conduite de véhicule à moteur ou de bateau, cet événement imprévisible, soudain, inattendu et indépendant de toute participation du conducteur peut aussi s'illustrer de façon plus simpliste par un bris mécanique, inattendu, imprévisible, tel le bris de la direction, une crevaison causant une perte de contrôle et un impact fatal ou encore un impact avec un débris dont la présence est totalement imprévisible dans un cours d'eau balisé. Sont aussi des exemples de circonstances niant l'intention coupable, celles d'un malaise soudain du conducteur tel un infarctus ou un décollement de la rétine.
[57]        D'une part, dans la présente affaire se pose la question de savoir s'il est survenu un événement imprévisible, soudain, hors du contrôle et de la participation de l'accusé pour ensuite examiner le cas échéant la question du lien de causalité également soulevé par la défense. En fait, si la preuve soulève un doute raisonnable sur ces questions aussi, l'accusé doit être acquitté. 

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