dimanche 15 octobre 2017

La conduite dangereuse, l'analyse du lien de causalité et la théorie de l'acte intermédiaire

Truchon c. R., 2016 QCCA 1396 (CanLII)

Lien vers la décision

[14]        Il est maintenant acquis que les motifs d'un jugement pour être considérés comme suffisants n'ont qu'à permettre un examen valable en appel de la justesse de la décision. C'est le cas en l'espèce.
[15]        Le juge a pris soin de résumer de façon exhaustive tous les faits pertinents de la cause. Il s'est ensuite inspiré des enseignements pertinents dégagés des arrêts NetteBonin et Quesnel aux fins de trancher la question de la causalité. Finalement, il a conclu qu'il était « évident que la conduite de l'accusé constitu[ait] une cause substantielle de la collision qui nous concerne, et ce, en dépit des éléments contributifs attribuables à Mme Villeneuve [la conductrice du véhicule Honda] ».
[16]        L'appelant plaide la théorie de l'acte intermédiaire (clignotant indiquant que le véhicule Honda allait se ranger à droite pour ensuite effectuer un virage en « U » vers la gauche) pour soutenir qu'il y aurait eu rupture du lien de causalité entre sa conduite dangereuse et les conséquences subies par les victimes.
[17]        Dans l'arrêt Maybin, la Cour suprême mentionne que cette théorie ainsi que celle de la prévisibilité raisonnable de l'acte intermédiaire ne sont que des outils permettant d'analyser la causalité juridique. En définitive, la question pertinente qui se pose en matière de lien de causalité se résume à déterminer si la conduite dangereuse a contribué de façon appréciable à la mort ou aux blessures d’une victime.
[18]        En l'espèce, le juge n'a pas conclu que l'acte intermédiaire invoqué contre la conductrice du véhicule Honda avait supplanté la conduite dangereuse de l'appelant. Après analyse, il a plutôt déterminé que celle-ci avait été une cause appréciable de la collision à la suite de laquelle est survenu le décès de la conductrice du véhicule Honda ainsi que des lésions corporelles à sa passagère.
[19]         L’appelant aurait souhaité que le juge traite précisément de la question du lien de causalité juridique en des termes explicites. Une lecture attentive du jugement fait cependant voir qu’il n’a pas ignoré cette notion alors que le choix des mots pour exprimer son raisonnement sur cette question lui appartenait.
[20]        Par ailleurs, l'hypothèse proposée par l'appelant et admise par l'expert selon laquelle l'accident se serait produit même s’il avait respecté la limite de vitesse est sans pertinence. La Cour dans l'arrêt Bonin a été appelée à traiter du lien de causalité applicable aux paragraphes 249(3) et (4) C.cr. en ces termes :
[31]      Avec égards, à l’instar de la juge de première instance, la Cour est d’avis que la thèse des experts sur des scénarios possibles, si l’appelant avait agi autrement, n’est pas pertinente. Comme le déclare la Cour suprême dans R. c. Nette2001 CSC 78 (CanLII)[2001] 3 R.C.S. 488, par. 49, « [l]e droit criminel ne reconnaît pas la négligence contributive et ne comporte aucun mécanisme de partage de la responsabilité relative au préjudice résultant d'une conduite criminelle, sauf dans le contexte de la détermination de la peine une fois que l'existence d'un lien de causalité suffisant a été établie ».
[32]      Sur le lien requis, la Cour d’appel de l’Ontario énonce dans l’arrêt R. c. Kippax2011 ONCA 766 (CanLII)286 O.A.C. 144, par. 24, que lors d’une accusation sous les par. 249(3) ou 249(4) C.cr., la poursuite se doit de démontrer, hors de tout doute raisonnable, « that an accused’s conduct was a significant contributing cause [cause ayant contribué de façon appréciable] of the death or injuries ».
[33]      En l’espèce, il est indéniable que la conduite de l’appelant a été une cause appréciable des décès de Yann De Courcy et AlexandreDe Courcy-Laplante ainsi que des blessures subies par N… D…, nonobstant la conduite du conducteur de la Hyundai. En effet, l’appelant circulait, en partie, dans la voie inverse au moment de la collision et il n’a effectué aucune manœuvre d’évitement.
[Références omises.]
[21]         L'élément déterminant en cette matière est le risque de dommages ou de préjudices qu'engendre la façon de conduire et non celui auquel aurait pu être exposé le public si l'appelant avait choisi de respecter la loi. Nous reviendrons sur cette question au moment de discuter du moyen d’appel portant sur le verdict déraisonnable.
[22]        En conclusion sur ce premier moyen, le dossier d’appel fait voir que l'enquête a porté sur les bons éléments et que le juge a procédé à un examen sérieux de la façon de conduire de l'appelant, avant de conclure que celle-ci avait contribué de façon appréciable aux conséquences mises en preuve par la poursuite. L’appelant ne démontre pas que le juge s’est mal dirigé en droit sur cette question.

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