lundi 1 juillet 2024

Le droit à l’assistance de l’avocat de son choix : certains principes

R. c. Blackburn-Laroche, 2021 QCCA 59

Lien vers la décision


[45]      L’alinéa 10b) de la Charte garantit expressément à une personne arrêtée ou détenue le droit « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». La personne peut par ailleurs exprimer le choix de communiquer avec un avocat en particulier; c’est en effet un aspect du droit garanti[13].

[46]      Comme les juges McLachlin et Charron le soulignent dans les arrêts McCrimmon et Willier, ce droit vise « à ce que les détenus puissent bénéficier immédiatement de conseils juridiques sur les droits et obligations que leur reconnaît la loi, en particulier le droit de garder le silence »[14]. Elles ajoutent dans l’arrêt McCrimmon :

[17] Comme il a été expliqué dans Willier, le droit à l’assistance de l’avocat de son choix est un aspect de la garantie de l’al. 10b) de la Charte. Lorsque le détenu choisit d’exercer le droit à l’assistance d’un avocat en parlant à un avocat en particulier, l’al. 10b) lui assure une possibilité raisonnable de communiquer avec l’avocat de son choix. Si l’avocat choisi n’est pas immédiatement disponible, le détenu a le droit de refuser de communiquer avec un autre avocat et d’attendre un délai raisonnable pour que l’avocat de son choix soit disponible. […]

[18] […] C’est aussi en raison de ce besoin immédiat de consulter un avocat que les renseignements sur l’existence des régimes d’avocats de garde et d’aide juridique et sur la possibilité d’y recourir doivent faire partie de la mise en garde normalement donnée en application de l’al. 10b) lors de l’arrestation ou de la mise en détention [réf. omises]. [][15] 

                                                                        [Je souligne; mes caractères gras]

[47]      Comme l’a aussi souligné la Cour suprême, cette fois dans l’arrêt Sinclair, 25 années de jurisprudence ont permis d’établir que l’alinéa 10b) de la Charte prévoit essentiellement « le droit de consulter un avocat pour obtenir renseignements et conseils dès le début de la détention »[16].

[48]      Cela dit, les obligations des policiers découlant de l’alinéa 10b) comportent non seulement ce « volet informationnel »[17], mais aussi, si la personne exprime sa volonté de se prévaloir de son droit, le « volet mise en application »[18]. L’inobservation de l’un ou l’autre des volets entraîne une atteinte au droit garanti[19].

[49]      Ce volet « mise en application » oblige les policiers à donner à la personne arrêtée ou détenue la possibilité raisonnable d’exercer son droit, sauf en cas d’urgence ou de danger, et à s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité, encore là sauf en cas d’urgence ou de danger[20].

[50]      L’alinéa 10b) ne reconnaît toutefois pas un droit absolu et illimité à l’assistance d’un avocat, incluant à l’avocat de son choix, d’une part, et la personne arrêtée ou détenue doit elle-même faire preuve de diligence dans l’exercice de son droit, d’autre part[21]. En corollaire, les obligations de la police ne sont pas non plus absolues[22] et le droit garanti doit être exercé d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société[23].

[51]      Appliquant ces principes, la Cour d’appel d’Alberta soulignait ce qui suit dans l’arrêt Keror[24] :

[42] The police do not violate a detainee’s right to counsel of choice when his preferred counsel is unavailable and the detainee voluntarily chooses to call a different lawyer. […], the appellant was “properly presented with another route by which to obtain legal advice,” and he freely chose to speak with a different lawyer […].

[43] Having freely pursued the option of speaking with a different lawyer, “unless a detainee indicates, diligently and reasonably, that the advice he or she received is inadequate, the police may assume that the detainee is satisfied with the exercised right to counsel and are entitled to commence an investigative interview” […].

                                                                        [Je souligne; mes caractères gras]

[52]      Le juge Vauclair et l’auteur Desjardins abondent dans le même sens dans leur ouvrage Traité général de preuve et de procédure pénales :

Par ailleurs, les policiers ne doivent pas faire pression sur la personne détenue pour mettre fin à l’attente et forcer une consultation alternative. Si la personne détenue communique avec un autre avocat, comme l’avocat de gardequi n’est pas l’avocat de son choix, le policier peut présumer que l’assistance a été utile à moins que le détenu indique, avec diligence et raisonnablement, que les conseils reçus sont insuffisants.[25]

 [Je souligne; références omises]

[53]      En somme, comme le soulignait aussi la Cour d’appel d’Alberta dans l’arrêt Keror[26], une affaire présentant certaines similitudes avec la nôtre, faisant écho aux propos au même effet des juges McLachlin et Charron dans McCrimmon[27] et Willier[28] :

[45] […] A police officer’s duties under s 10(b) depend upon what the detainee says and does, and what the officer should reasonably infer from the surrounding circumstances: [réf. omises]. The appellant said and did nothing to suggest he was dissatisfied after speaking with duty counsel. […]

[…]

[47] […] In the absence of any evidence that duty counsel provided inadequate advice, we presume that duty counsel properly advised the appellant about his legal rights and obligations, and in particular, adequately advised him about how he should exercise his right to remain silent. The appellant expressed his satisfaction with that opportunity to speak with counsel. As a result, the police were free to interview the appelant [] without waiting for Mr. Chow to become available to speak with the appellant.

                                                                                                            [Je souligne]


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