lundi 1 juillet 2024

En invoquant une violation de ses droits garantis par la Charte, l’accusé a le fardeau de démontrer, de manière prépondérante, une telle violation

Peters c. R., 2023 QCCS 2577

Lien vers la décision


[59]      Soulignons d’abord, en ce qui concerne cette question, que l’Appelant et l’Intimé divergent fondamentalement d’opinions en ce qui concerne le fardeau de la preuve à ce sujet.

[60]      L’Appelant plaide que ce fardeau de démontrer que le prélèvement des échantillons d’haleine s’est effectué dans les « meilleurs délais » repose sur les épaules du ministère public.

[61]      L’Intimé réplique qu’en raison des modifications apportées par le législateur en 2018 aux anciens articles 254 (3) et 258 (1) c) du Code criminel et la mise en vigueur des nouveaux articles 320.28 et 320.31 (1) C.Cr, l’exigence des « meilleurs délais » fait partie des conditions relatives à la légalité de l’obtention des échantillons. L’Intimé conclut ainsi que cela doit être soulevé dans le cadre d’une requête en exclusion de preuve, de sorte que les règles, quant au fardeau de la preuve lors d’une telle demande, établissent qu’il s’agit du fardeau de celui qui la présente.

[62]      Il ne semble pas, tout au moins aucune des parties n’en a fait la mention au Tribunal, que les tribunaux d’appel se soient penchés spécifiquement sur cette question récemment. La seule autorité citée par l’Intimé consiste dans une décision de la Cour municipale de la ville de Québec qui contient l’analyse suivante :

« [93]        Selon les articles 254(3) et 258(1) c) C.cr., antérieurs aux amendements de 2018 apportés au C.cr., les expressions « dans les meilleurs délais » et « dès que matériellement possible » avaient le même sens et la même portée. D'ailleurs, la version anglaise des dispositions utilisait l'expression « as soon as practicable » pour l'une et l'autre des expressions françaises.

[94]            Depuis les amendements de 2018, l'exigence visant à ce que les échantillons d'haleine soient obtenus « dans les meilleurs délais » ne se retrouve qu'au paragraphe (1) de l'article 320.28 C.cr. On ne retrouve pas cette exigence comme condition d'application de la présomption d'exactitude de l'actuel article 320.31(1). Cette exigence ne faisait pas partie des conditions de la présomption d'exactitude antérieure prévue à l'alinéa 258(1) g), mais plutôt de la présomption d'identité de l'ancien alinéa 258(1) c). Or, la présomption d'identité n'existe plus : elle a été remplacée par une nouvelle infraction qui sanctionne le fait d'avoir une alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg par 100 millilitres de sang dans les deux heures qui suivent le moment où une personne a cessé de conduire.

[95]            Par conséquent, l'exigence des « meilleurs délais » fait maintenant partie des conditions législatives relatives à la légalité de l'obtention des échantillons d'haleine. Elle relève donc aussi du caractère abusif ou non de la fouille que constitue la procédure d'alcootest eu égard à la garantie constitutionnelle de l'article 8 de la Charte qui se lit comme suit :

8.   Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

[96]            Ainsi, le moyen de faire valoir un argument fondé sur le non-respect de cette exigence est la requête en exclusion de preuve. La défenderesse avait donc raison de procéder par le biais de l'article 24(2) de la Charte pour soulever la question relative au délai entourant l'obtention des échantillons d'haleine. Ceci signifie que les enseignements de l'arrêt récent Falcon de la Cour d'appel du Québec ne s'appliquent plus depuis les amendements de 2018. »[5]

[63]      Le Tribunal est d’accord avec cette application du fardeau de la preuve. En invoquant une violation de ses droits garantis par la Charte, l’Appelant a le fardeau de démontrer, de manière prépondérante, une telle violation.

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